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(FB) What a way to win a war | Pv-Tavish Cafferen

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WHAT A WAY TO WIN A WAR

An 298 | Lune 12

La Forteresse de Champoquet était si grise. Si grise en ce jour de pluie. De l'averse qui traversait les larges champs et frappait inlassablement le sol, personne ne voyait la fin. L'eau avait engourdi les chemins et fourbu les hommes. Dorne attendrait. Un mince soupir s'échappa d'entre les lèvres de la Lady, las, trop faible, noyé dans le chuchotement de la pluie.

Il régnait dans le salon l'atmoshpère propre aux maisons gardant en leur sein des filles adolescentes. Les servantes du Lord Cossepois n'avaient qu'à peine caché leur joie lorsque les torrents étaient tombés soudain du ciel, lorsque les vents étaient venus fouetter les branches épaisses des arbres au dehors, condamnant le départ de leurs invités et notamment celui du cousin de Whissan, dont le sourire enjoleur et le rire facile enchantait les jeunes femmes.  Leurs échanges donnait à la pièce une enveloppe amoureuse et insouciante.
Seule la fille de Wyl se montrait insensible aux charmes enthousiastes de cette jeunesse. Cela paraissait la géner, voire même la contrarier.
Sa longue silhouette noire se tournait sans le regarder vers le grand vitrail qui ceignait le mur d'une lumière triste et éteinte, où le vert de la cosse découpée dans le verre paraissait presque noir tant le jour s'ettouffait de nuages. Mal à l'aise, elle ne s'était trouvée ni l'autorité de choisir une place parmi les dames et jeunes hommes sur les sofas, ni le courage de se couper totalement de leur présence en allant franchement regarder par cette fenêtre grise qui, à ce moment là, exerçait sur elle une véritable fascination salvatrice.

La mine farouche que dépeignaient spontanément ses traits n'était pas sans rappeler le visage comme taillé à la serpe de feu son père, lui confiant ce même travers de ne jamais exprimer par la neutralité autre chose qu’un dédain naturel et ennuyé. Presentant le flanc à l'assistance batârde, ses grands yeux brillants d'embarras baissés et son profil immobile n'empéchaient pourtant pas son cousin de régulièrement tenter d'harponner son attention. Pourtant, lorsqu'elle ouvrit la bouche, répondant à une énième question qu'il lui posait, son visage opéra une suprenante transformation.

"Je ne saurais dire." S'etonna-t-elle avec une voix calme et grave, encore surprise que l'on s'acharna avec tant de patience et bienveillance à la faire rentrer dans les rangs. Ses joues rosies par une confusion à l'étoffe enfantine avaient eclipsé l'allure sombre et fermée qu'elle offrait sans le savoir. Son cousin s'amusa de cette réaction qu'il attendait d'elle. D'un sourire en coin il parut s'excuser d'avoir déranger l'ostracisme volontaire de la pudique dornienne.

Il y avait quatre ans que Lady de Wyl avait plongé un pied timide dans la politique d'apaisement qui semblait maintenant avoir force de loi entre les régions autrefois ennemies. Sur  les conseils pressants de son oncle sa présence prudente était venue consolider la silencieuse promesse qui entourait les fiançailles de Béric Dondarrion et d'Allyria Dayne. Pour cette occasion, Whissan n'avait pas hésité à sacrifier le confort de ses habitudes à l'intêret de la Principauté. Recommencer, pourtant, lui était chaque fois plus pénible.

Ce fut à ce moment là que des voix bourdonnèrent de l'autre côté de la porte, attrapant dès lors tout son interet à défaut de son regard qui s'obstinait à présent dans la vague observation d'une coupe débordante de fruits arrangés à l'intention des dorniens. Ses épaules se redressèrent. Sa main alla chercher le contact d'une des nombreuses médailles qui ornaient le tissus de sa robe. Elle la fit jouer doucement entre ses longs doigts fins. A la voix lourde et ronflante du Seigneur venait s'accorder une autre. Ses yeux allèrent chercher ceux de son cousin dans un réflexe inquiet- ce dernier la rassurra d'un hochement de tête. On avait en effet pu entendre un peu plus tôt des sabots  frapper les pavés de la cour, le bruissement affairé des servantes et des pages qui s'étaient soudain levés pour se fondre dans les couloirs, la rumeur d'un repas où elle serait enfin déchue de l'attention dont on l'avait accablée jusque là puisqu'elle n'était plus la dernière personnalité à avoir franchi le seuil de la porte du château. A cet autre maintenant l'obligeance et la lumière! se réjouissait-elle en son sein.

Avisant que les portes du salon s'ouvraient soudain, Whissan se raidit, attendant le visiteur avec un sourire doux et nerveux aux lèvres. La brune promenait son regard sur sa droite, passant ses yeux éteints par l'anticipation sur les pierres désormais familières  du mur, patientant quelques instants avant de se permettre de considérer l'intrus. Celui qui entrait avait le pas léger, et elle le devina jeune. Relevant son visage, ses jambes se décidèrent finalement à la porter à sa rencontre. Le tissus noir de sa robe frémis en caressant le parquet, accompagnant sa démarche retenue du doux cliquetis que produisaient ses bijoux au grès de ses mouvements.

"Le voyage a du vous être bien pénible. J'espère pour vous qu'il n'a pas été aussi long que celui auquel ce temps nous a fait renoncé, et qui devait nous reconduire à Wyl." S'avança-t-elle. Un sourire presque tendre relevait alors le coin de ses lèvres qui s'arquaient humblement sous son voile.

Elle n'entendit pas le chuchotement qui glissa dans son dos; elle ne vit pas non plus comme son cousin avait souri, de ce sourire mauvais qui crispait parfois ses beaux traits cuivrés.


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An 298, Lune 12

La pluie battait depuis des heures maintenant. Le jeune homme s’était arrêté dans une auberge dans la matinée, espérant que les flots déversés par le ciel se calmeraient dans l’après-midi mais il ne fallait pas en demander autant des Terres de l’Orage, il le savait bien. Tavish Storm, bâtard et malgré tout émissaire de la maison Cafferen, avait repris la route vers Champoquet, sous une pluie battante. Les pas de sa fidèle monture éclaboussait ses vêtements de boue et la pluie dégoulinait le long de ses cheveux, ruisselant sur son visage, obstruant parfois sa vue. Les orageois avaient l’habitude de la pluie et elle ne leur faisait pas peur. A Bourgfaon, la pluie était cependant rarement si féroce. Le fief, situé tout au nord de la région, était à cheval entre deux climats, celui de l’Orage et celui du Bief. Le jeune homme n’avait pas la pluie en horreur, cela aurait été assez handicapant pour un orageois, mais il était tout de même impatient d’arriver à bon port car monter un cheval sous un tel déluge n’était jamais très agréable.

Finalement arrivé chez les Cossepois trempé de la tête au pied, Tavish laissa sa monture au bon soin d’un serviteur qui l’accueillit. Il entra dans le château en semant de nombreuses gouttes de pluies sur son passage. Il n’avança donc guère très loin et accepta avec plaisir les linges que les serviteurs lui offrirent afin qu’il puisse se sécher. Ils étaient bien nombreux à l'accueillir, comme s'il s'agissait d'un invité de marque. Cela le surprit positivement, mais il n'en tira nulle conclusion.
Son pardessus en cuir sécha rapidement, en revanche, la pluie semblait avoir pénétré par son encolure jusque dans sa chemise. « I’ faudrait pas qu’ vous tombiez malade, ser », lui avait dit l’une des servantes, qui semblait sous son charme au vu des regards qu’elle lui lançait. La servante proposa de lui ramener une autre chemise afin qu’il puisse laisser sécher celle qu’il portait. Le chevalier de l’Orage n’était pas de ceux qui traitaient les roturiers avec peu d’égards, les regardant de haut et avec mépris. Au contraire, il s’adressait aux gens du peuple avec politesse et respect, ce qui avait bien sûr lui attirer la sympathie des gens du commun. Le chevalier rendit son sourire à la servante des Cossepoix et accepta finalement sa proposition. Elle revint rapidement et le conduisit dans une pièce pour qu’il puisse se changer. Tavish se débarrassa de sa chemise pour enfiler celle qu’on lui avait amenée. Il revêtit ensuite son pardessus. Il laissa également son carquois, son arc et ses flèches dans un coin de la pièce, avant que le tout puisse également sécher. Le jeune homme de vingt-et-un an ne se séparait pratiquement jamais de son arc et de ses flèches. Il y était plus attaché qu’à son épée, ce qui était certes étonnant pour un chevalier. Mais, il était ici en visite cordiale et il n’avait guère besoin de son arc pour rencontrer Lord Cossepoix et dîner en sa compagnie.

Tavish Storm l’ignorait encore mais il n’était pas le seul invité en ces lieux. La pluie ne l’avait pas autant retardé qu’elle avait retardé les dorniens qui logeait déjà chez Lord Cossepoix. C’est la servante qui lui apprit la présence d’autres invités. Elle ne précisa cependant rien concernant leur fief d’origine. Tavish, de son côté, ne posa pas la question. Il aurait tôt fait de découvrir l’identité de ces seigneurs du Sud. Il était loin, cependant, très loin d’imaginer qu’il allait bientôt se trouver face à représentante de la famille rivale de la sienne.

Tavish fut conduit dans le salon où il devait patienter en compagnie des autres invités que le Lord des lieux ne daigne se montrer. Lorsqu’il entra dans la pièce, souriante et avenante comme à son habitude, Tavish fut accueilli par une dame vêtue de noir. Accompagnée d’un homme qui devait être son bouclier lige ou un membre de sa famille, elle s’était levée pour s’adresser à lui. Sa tenue était particulière. La dernière dornienne qu’il avait rencontré portait des vêtements bien plus léger et moins sombre. Un doux souvenir que celui de Boadicée Sand… Etait-elle toujours dans le Bief, arriverait-elle bientôt à Hautjardin ?

Wyl.

Le sourire de Tavish se figea à l’énonciation de ce nom. Il remarqua alors qu’un domestique plus âgé chuchotait à l’oreille de la servante qui l’avait amené dans la pièce. Tavish devinait sans peine de quoi ils parlaient. Les domestiques le regardaient maintenant, guettant probablement sa réaction. Il n'était émissaire que depuis quelques lunes et voilà qu'il était confronté aux Wyl. Le regard de Tavish croisa brièvement celui du dornien qui se trouvait derrière la dame alors qu’il reportait justement son attention sur celle-ci. Il eut cependant le temps de remarquer son sourire mauvais. A quoi s’attendre d’autres de la part des Wyl ?

La dame, en revanche, l’avait accueilli avec une bienveillance suspecte étant donné l’histoire de leur maison respective. Elle ne sait pas qui je suis, comprit Tavish. Contrairement à l’homme qui l’accompagnait, la Wyl ne semblait pas avoir remarqué sa broche représentant les deux faons blancs sur son vert.
« Nous autres orageois sommes habitués à la pluie », dit-il simplement. Il avait tâché de ne pas prendre un ton trop froid, la diplomatie l’exigeant, et pourtant une certaine distance était perceptible dans ces quelques mots. Tavish était dans la demeure des Cossepoix et même s’il désapprouvait tout à fait leur idée très maladroite et saugrenue de prévoir de recevoir les Wyl chez eux quelques jours seulement avant l’arrivée de l'émissaire de la maison Cafferen. Cependant, si Tavish se montrait d’ordinaire des plus  sympathiques et avenants avec tous, même les dorniens, les Wyl avaient trop fait souffrir sa maison pour que les préjugés les concernant ne l’atteignent pas. Il ne désirait pas déclencher une guerre entre Wyl et Bourgfaon mais se montrer chaleureux envers eux serait faire affront à sa propre famille. « Ser Tavish », se présenta-t-il. « Emissaire de la maison Cafferen »
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An 298 | Lune 12

Le fleuve morne qui étale et roule sa paresse, l’argile triste et roux de ses falaises, la détresse des villages isolés dans les gorges de pierre... Comme il lui aurait été difficile de se remémorer la forteresse de Wyl dans cette pièce; dominée par le vitrail qui creuvait le mur derrière elle, dans ce salon où rien n'était sauvage, où les murs étaient décorées de nombreuses peintures champêtres dans de riches cadres d'or d'un goût arabesque, où le velours coulait jusque sur le bois des fauteuils. Etranglée par ce cadre accueillant et pourtant imperméable à son tempérament préoccupé, elle avait espérée se trouver seule pour la soirée.
Le charme d'une présence nouvelle. Cela, au moins, savait lui donner une contenance. La Lady de Wyl, qui aimait protéger les jeunes gens, était flattée que les circonstances lui prèsentent cet invité. Elle se sentait bien disposée à l'égard de ce dernier, qui avait su lui plaire par son allure adolescente, par les boucles dans ses cheveux et les fossettes creusant ses joues, et voulait tenir la promesse d'amitié qui avait été entamée entre les murs de ce château.
En l'apercevant à son entrée, son visage mâle lui avait promis la même chose. Maintenant qu'il parlait, elle n'en était plus certaine. Il lui répondit aimablement, mais vaguement, semblant écarter de sa voix plate la main tendue qui avaient accompagné les paroles de la dornienne. Il était  désagréable pour le chevalier de s'être trouvé en facheuse compagnie. Whissan rougit, le comprenant. Cela lui était égal, c'était un étranger, voulut-elle se convaincre. Pourtant elle aperçut en jetant un coup d'oeil vers son cousin que celui-ci semblait lui aussi avoir quelque peu honte de ce qu'il se passait. Ses grands yeux regardaient curieusement tour à tour son interlocuteur et le dornien aux allures félines, qui refusait de quitter le confort du divan ; ce dernier, sentant qu’elle le regardait, évitait de se tourner de son côté. Le jeune homme, peu soucieux de l'agitation qui germait dans l'esprit de la brune, achevait alors de se presenter.

Instantanément, toute son ardeur l'abandonna. « Emissaire de la maison Cafferen ». Voilà les mots redoutés qui venaient d'être prononcés, aussitôt suivis d'un long silence pesant; les lèvres qui les avaient vu naitre ne voulant manifestement pas s'étendre davantage devant des tiers tels que les deux dorniens.

"Cafferen"..., le nom épousait des souvenirs désormais lointains.

Embarrassée et indécise, elle subissait l’influence des yeux de son parent, qu’elle n’avait jamais vus aussi brillants et aussi animés que dans ce moment. Peut-être n'étaient-ils si luisants que par le chagrin idiot qui resserait la poitrine de la jeune femme. Détournant son regard -dont les couleurs troubles menaçaient de trahir son émotion- elle se détourna légèrement de son interlocuteur, lui présentant une épaule aussi farouche qu'elle paraissait dédaigneuse.
D’une taille peu ordinaire, haute comme un soldat, et drapée de lin sombre, la Wyl avait aussi, entre autres désavantages physiques, une voix grave et rauque semblable à celle d'un homme ; Elle ne savait pas entrer dans un salon, encore moins en profiter comme il convient et rien ne l'abritait, semblait-il, du regard des autres, pas même la pudeur dont elle s'enveloppait. La sévérité de ses gestes lui échappait souvent.

"Seriez-vous un parent du Lord de Bourgfaon, Ser Tavish?" dit la Lady plus qu'elle ne l'interrogea réellement en regardant le visage du damoiseau, sans cesser de penser à son chagrin. Cela me soulagerait, songeait-elle, si je pouvais avoir devant moi une âme plus neutre que la mienne, un sang étranger...

Elle songeait à la guerre, comme y songent les femmes : elle craignait pour ses frères, elle déplorait l'entêtement des hommes qui s’égorgeaient les uns les autres, sans accorder toutefois à cette dernière plus d’importance qu’à une simple altercation de ruelle. L'une comme l'autre la blessait sans y faillir d'une manière si vive, si incongrue que, à l'âge de l'enfance, entendre la voix d'un inconnu gronder suffisait à faire naitre un elle le désarroi. Tentant de ravaler la confusion enfantine qui menaçait de se muer en colère irritée, la jeune femme prit finalement le parti de s'éloigner de l'Orageois, trainant dans son dos le désir de mettre de la distance entre elle et le jeune homme, mais aussi entre elle et son embarras.


"Lorsque j'ai entendu dire que nous ne serions pas les seuls invités ce soir, je ne m'imaginais pas cela." dit soudain la Maîtresse de Wyl, presque malgré elle, avec, dans sa voix nerveuse, un étranglement troublé qui ressemblait à des larmes. Son sourire avait fondu sur ses lèvres, et à l'odeur de bois brûlé que crachait la cheminée se mélait un fort gout de cendres, qu'elle pouvait gouter dans sa gorge serrée.
Injustement -elle en avait conscience- elle maudissait cent fois ce cousin nonchalant qui n'avait su la prévenir clairement du noeud dans lequel elle avait plongé sa main naive et précipitée. Whissan lui pardonna vite. Bien plus vite qu'elle ne pouvait se pardonner elle-même de ce besoin de s'expliquer qui lui brûlait la langue, de ce soucis d'être bonne, de cette peur de faillir.

"J'espère que vous me croirez si je vous dis de ne pas voir dans notre présence à la table du Lord Cossepois ce soir une provocation. Ni dans...Non. Oubliez. " Acheva-t-elle brusquement d'une voix faible. Déjà, elle regrettait ce flot de paroles qu'elle ne pouvait plus rappeler derrière ses dents serrées. Dans le coin de son regard qui caressait désormais les braises, elle percevait, scintillante comme un sourire narquois, la silhouette des deux faons blancs brillants sur la poitrine du chevalier.



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An 298, Lune 12

« Son fils », dit Tavish la question de la lady dont il avait déduit l’identité ; Whissan Wyl, seigneure actuelle de Wyl. « Je suis son fils illégitime », compléta-t-il, par soucis d’honnêteté. Le jeune chevalier n’exerçait nulle censure sur ses origines. Cela aurait été faire affront à sa mère et à l’amour sincère que son père et cette dernière avaient vécus. Certes, il avait un jour été assez naif pour nourrir l’espoir que son titre de chevalier change le regard que l’on portait parfois sur lui. Mais depuis, il avait accepté les choses comme elles étaient et il ne perdait presque jamais son sourire, peut importe les affronts. C’était le lot des Storm de récolter jugement et mépris et tant pis. Il était un Storm malgré tout, que cela plaise ou non. A quoi vouloir fuir cette réalité ? Et puis, certains revoyaient parfois leur opinion en le cotoyant. Il pensa à Clarysse, à son sourire malicieux, à son rire harmonieux, à ses longs cheveux blonds qui tombaient en cascade dans son dos captant pleinement, comme la plus pure des gemme, le doux rayonnement du soleil bieffois.

A première vue, derrière ce voile noir qui masquait une partie de ses traits, Whissan lui parut être une femme froide. Avant de l’interroger sur son lien de parenté avec le seigneur de Bourgfaon, la dornienne avait détourné le regard, comme si elle ne souhaitait guère lui prêter d’attention. Du moins, c’était ce que Tavish pensa en premier lieu face aux gestes de la lady qui paraissaient sévères et à la tendance à la provocation que les Cafferen attribuaient aux Wyl depuis des dizaines d’années et dont il avait bien sûr entendu parler depuis son plus jeune âge.
Pourtant, lorsqu’elle exprima son étonnement devant l’identité révélée de cet invité supplémentaire qu’était Tavish, ce dernier perçut une forme de détresse dans sa voix. Le sourire de la dame s’était évanoui. Cela adoucit le chevalier qui avait senti un agacement monter en lui en croisant le sourire mauvais du parent de son interlocutrice. Tavish n’était guère un homme belliciste. Il n’était pas non plus le genre d’homme à juger les gens sur ce qui se disaient d’eux ou sur ce que la société bien-pensante voulait faire croire à leur sujet. Les Wyl représentaient toutefois une exception. Dès qu’il avait entendu ce nom, il avait été aux aguets de la moindre parole provocante, prêt à faire sonner le clairon criant à la provocation. Les histoires qu’il avait entendu au sujet des précédentes rencontres fortuites qui avaient opposés un Cafferen à un Wyl avait dessiné dans son esprit des images de céramiques et de lampes qui se brisent sur le sol dans un éclat de rage.  Cela ne lui ressemblait pas de se méfier autant de son prochain mais cela ressemblait aux Cafferen de se méfier des Wyl et de se remémorer sans cesse leurs exactions. Et qui était-il, sinon le fils de Lord Arstan Cafferen ?

« Je dois dire que c’est une surprise pour moi également », répondit-il. « Lady Whissan Wyl, je présume ? », demanda-t-il malgré l’évidence de la réponse. Son ton était bien plus neutre que précédemment. Se pourrait-il que Whissan Wyl soit aussi désemparée que lui face à cette rencontre imprévue ? Il ne remplissait la charge d’émissaire que depuis quelques mois et pourtant, voilà qu’il se retrouvait confronté à une situation que l’émissaire le plus experimenté et le plus diplomate de l’histoire de sa famille aurait sans doute lui-même redouté. Que convenait-il de faire face aux Wyl ? En théorie, sa charge d’émissaire demandait de lui qu’il se montre diplomate en toutes circonstances. Pour le bien de sa famille, afin de préserver les intérêts de celle-ci, il s’était jusqu’alors montré sympathique et bienveillant, autant avec ceux qui lui rendaient sa gentillesse qu’avec ceux qui laissait transparaître du mépris pour le Storm qu’il était dans leur regard. Cela n’était pas si difficile pour lui. Ses années dans le Bief l’y avaient préparé. Certes, parfois, certaines choses le touchaient mais il savait le garder pour lui.
Cependant, qu’en était-il des Wyl ? Un émissaire de la maison Cafferen devait il se montrer diplomate avec les Wyl ? Leur témoigner de la sympathie ne serait-il pas insulter sa propre famille ?

Whissan Wyl ne correspondait pas à l’image que Tavish se faisait des Wyl, forgée à partir de tout ce qu’on lui avait toujours raconté les concernant. Plutôt que de crier à la provocation devant sa présence, le comportement qu’un Cafferen attribuerait sans nul doute à un Wyl, la dame lui demandait justement de ne pas voir dans leur présence à table une provocation. Elle semblait prête à ajouter quelque chose mais épargna finalement sa salive. Sa voix était plus grave que celle de la majorité des femmes, mais son manque de confiance était perceptible. C’était elle, la lady de Wyl ? Tavish était pour le moins surpris. Cette femme qui se trouvait devant lui ne semblait pas du tout à l’aise avec son rôle…A moins que cela ne soit une ruse ? Les Wyl avaient prouvés dans le passé être prompts à la tromperie. Mais non, Tavish peinait à le croire… Elle semble sincère, pensa-t-il.

« Je ne suis pas le genre d’homme à tirer des conclusions hâtives, Lady Wyl. », finit-il par déclarer. Il oublia un instant les prises d’armes qui avaient opposés leurs familles et, fidèle à lui-même, à l’homme altruiste et empathique qu’il était, il sourit légèrement. Victoire ou erreur diplomatique ? Il ne savait le dire. Il sentait déjà l’amer goût du regret s’emparer de lui en raison de ce sourire emprunt de bienveillance, ayant la désagréable impression que par cette expression naturelle et innocente, il avait trahi les ancêtres de son père. La Wyl et le Storm devaient se préparer à une longue soirée semées d’hésitations et de doutes. Ils se mouvaient avec prudence et appréhension sur le lac gelé des tensions centenaires qui opposaient le faon blanc au redoutable serpent, sans patins pour les aider à tenir l’équilibre.
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An 298 | Lune 12

Le fils du sire Arstan? Son regard glissa doucement jusqu'à trouver ce qu'un élan de complicité lui avait promis: le regard, plus sombre, plus torve, mais tout aussi profond de son cousin. Ce dernier avait porté sa main droite à sa bouche, en mordillant consciencieusement un ongle. Sur ses lèvres charnues pressées contre ses longs doigts bruns se dessinait un rictus amusé, rictus qui faillit se refleter sur le visage de la dornienne ; dessinant un jumeau sur ses lèvres maussades. Ce sourire, elle l'étouffa au berceau. Puisqu'il fallait préserver les apparences, préferer la secheresse du silence à l'incendie d'une émotion dévoilée. Son menton se baissa, prolongeant la lueur des flammes qui aspergeaient de lumière son visage mince penché au dessus de l'âtre.
Illégitime. Comme ce mot portait loin l'ombre de la censure propre à cette partie du monde. Dans les mots secs et clairs du chevalier, nulle emphase, et pourtant: loin du clairon arrogant ou pénitant dont les bâtards usaient pour faire entendre au monde leur naissance, le jeune Tavish n'était pas tout à fait exampt d'un sentiment particulier aux Storm, Waters et autres Rivers. Une sorte d'orgueil du sacrifice embrassait son aura. Une confession aux allures de fausse rétractation. Une critique -qui n'était pas dénuée de fierté ou d'ambition- brossée avec son propre pinceau, peinte, déjà, dans le vert tendre et rebelle de ses yeux. Il ne devait pas en avoir conscience. Aucun bâtard n'en avait conscience.

En revanche, cela n'échappait jamais aux dorniens. Elle n'avait aucun moyen, croyait-elle, de forcer son cousin à taire cet éclat d'ironie qu'ils avaient échangé. Son insolence était comme un attelage fougueux tirant une charette sans patin, imprévisible et, le cas échéant, incontrolable. Il lui aurait sis de le partager, peut-être même avec cet interlocuteur au faon à qui il tournait le dos. Aymar n'en fit rien. D'un sourcil à peine relevé, d'une inclination subtile du menton, il promit à sa manière de ne pas faire de vagues. Whissan sentit son coeur se gonfler de gratitude. Secretement ravie de cette trace d'intimité, de ce plaisir malicieux, infime, dans le cadre si pesant du château de Champoquet, il lui apparut pourtant qu'elle ne parvenait pas à délester son âme ombrageuse de ce qui la contrariait.
Dans le silence léger qui flottait, un bref cliquetis aux accents métalliques caverneux tinta lorsqu'elle relacha enfin la pièce d'argent qui dansait jusque là entre ses doigts.

"Oui. " sussurra-t-elle d'une voix plate, aquiesçant à la supposition formulée par l'Orageois. Lisse, froide, elle se sentait alors aussi friable que si sa peau était coulée dans une céramique ordinaire.
Figée de stupeur autant que de contrariété, ses machoires se resserrèrent sous son voile. Maintenant un regard fixe sur la lumineuse cheminée, elle tentait de prendre pleinement conscience du chemin parcouru jusqu'à cette désespérante rencontre, espérant y trouver un souffle nouveau pour l'affronter. Elle aurait voulu se revoir sur une route pavée d'or et à la logique enchanteresse, mais des tréfonds de sa mémoire ne lui revenaient que des années interminables d'un voyage où elle demeurait statique, spectatrice, qui n'avait de guide que le vent et non une quelconque main du destin qui l'aurait poussée jusque devant cet homme. Isolée, sinon seule. Sous l'obscurité de ses paupières qu'elle ne ferma que le temps d'une respiration, une silhouette  entachait l'ombre, tenace. C'était la sienne.



Elle s'assit en soupirant. Affligée du désarroi qu'elle n'avait su dissimuler, elle parvint pourtant à feindre une certaine lassitude lorsqu'elle prit place, ramenant d'un geste naturel et ample les larges pans de sa robe contre ses jambes.
Le silence n'était que le contraire du langage; et il disait tant de choses contraires à cette fille inquiète qu'elle n'avait jamais vraiment cessé d'être. Le chevalier n'imaginait sans doute pas l'influence violente que sa seule présence exerçait sur elle, l'ombrageuse. Dans l'arc tendre de son sourire, porté par des lèvres incertaines et complaisantes, quelque chose parut déplaire à la Wyl qui afficha une moue contrite, sinon ténébreuse. Il a pitié de moi, comprit-elle; elle se trouva agacée de la douceur qu'elle devinait soudain dans la posture immobile et tranquille, dans la voix bienveillante et dans le regard apaisé du jeune blond. Tromperie que tout cela!

Le venin qu'elle contractait dans sa gorge déborda, brulante salive sur ses lèvres:

"Et quel genre êtes-vous donc? "  cracha-t-elle brusquement, avec aigreur. De son regard reptile jaillit une irritation folle et soudaine, de celle qu'ont les bêtes acculées dans les yeux. "De ceux qui demeurent debout à l'entrée peut-être ...? "se sentit-elle obligée de déclarer. Avec un art inconscient qui n'appartenait qu'à sa nature conciliante, la pique, sur sa langue, engagea une mue nouvelle, paraissant une sollicitation soucieuse- presque maternelle- qui l'invitait à rejoindre les confortables fauteuils disposés auprès de la chaleur bienvenue du feu dans un cercle préparé à leur intention. Si elle s'en rendit compte par la suite, elle ne réussit pas à savoir si elle pensait vraiment ces mots qu'elle avait dit. Au fond de son âme, elle s'était retournée pour ne pas voir l'évidence: sa timidité avait écrasé l'orgueil.

Malgré la proximité des flammes depuis sa place, les doigts de la jeune femme étaient gourds. Et dire que le feu, chez elle, ne servait qu'à cuire et que la hauteur des flammes dans les salons ne se concentraient jamais qu'en l'éclat d'une lampe à huile posée à même le sol, pour écrire, ou pour lire... Quel mauvais pays que celui de l'orage, du vent et des tempêtes.

Ne supportant pas le mutisme, même le plus bref, elle prit à nouveau la parole après avoir regardé plus longuement les gemmes qui luisaient comme de l'eau au soleil sur la poitrine du jeune homme.
"Ma mère me chantait autrefois une chanson: elle contait l'histoire d'une jeune fille que la nuit transformait en biche blanche; une biche chassée par les chiens de son propre frère... Je l'aimais. " Avoua-t-elle, pensive. Elle était sincèrement persuadée d'avoir trouvé là un sujet apte à noyer enfin ce silence qui la désespérait.
La voix maternelle arrachée par les ombres rappelait à son oreille le souvenir de la fascination étrange qu'elle éprouvait pour ce chant lancinant, doux et terrible. Jusque dans les comptines enseignées à leur engence, Wyl offrait un monde cru et redoutable. Un monde réel. Whissan n'avait jamais pleuré en imaginant la gentille bête tomber sous les crocs de la meute, et le festin que sa famille inconsciente se faisait de sa chair et de ses os ne lui inspirait alors qu'un amusement sinistre et fataliste. Droite, elle n'appuyait qu'à peine son dos contre le voluptueux dossier de satin brodé aux armes de la Maison Cossepois." Je m'étais persuadée, enfant, qu'elle parlait de votre famille. Avais-je tord? " souffla-t-elle d'une voix candide.Comme elle l'aimait, cette chanson.
Toutes les nuits dans sa chambre d'enfant, elle s'était endormie en se promettant de ne jamais être la biche blanche. Et tous les matins depuis, elle se réveillait, plus antilope que serpent.


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An 298, Lune 12

Sans qu’il ne puisse l’empêcher, les sourcils de Tavish s’étaient froncés. L’apprêté avec laquelle la dornienne lui avait parlé contrastait violemment avec cette forme de douceur qu’il avait cru décelé chez elle quelques secondes avant. Une Wyl. C’était une Wyl. Et les Wyl sont imprévisibles c’est pourquoi il faut toujours s’en méfier. Il connaissait la chanson. La seconde d’après, pourtant, elle l’invitait à s’asseoir avec une certaine bienveillance.

Sans un mot, Tavish s’éloigna de l’entrebâillure de la porte et approcha des Wyl. Par réflexe, il passa sa main dans l’oblique qui partait de son épaule à sa hanche, cherchant au toucher la bandoulière de son carquois afin de le retirer et de pouvoir s’asseoir confortablement, son dos appuyé contre les coussins moelleux. Il se rappela alors qu’il l’avait laissé dans la pièce où il s’était changé et cessa de chercher, remettant en place au passage, la broche des armoiries de sa maison qu’il avait effleurée.

Deux faons blancs se faisaient face sur un fond d’un vert aussi étincelant que celui des prairies bieffoises. La broche brillait comme une gemme au soleil. C’est qu’il l’astiquait souvent, fier de ce qu’elle représentait. Car il ne s’agissait pas de ses armoiries à lui ; un bâtard n’avait pas le droit de porter les armoiries de sa famille sans y ajouter une brisure, soit une distinction notable. Devenu chevalier, Tavish avait donc opté pour l’ajout d’un damier blanc sur le fond vert sur lesquels se trouvaient les deux faons. Beaucoup de bâtards se contentaient d’inverser les couleurs, mais deux faons verts sur fond blanc ; cela n’aurait eu aucun sens. S’il portait les armoiries de sa famille, c’était qu’il était présent en sa qualité d’émissaire de la maison et non en sa qualité de chevalier. Ainsi, cette broche représentait la charge qui lui avait été confiée et par extension, la confiance d’un père qui, de toute évidence, aurait préféré voir son fils porter sans cesse les couleurs de la maison plutôt que son propre blason de Storm.

Tavish s’était assis près de l’âtre profitant de la chaleur des flammes après avoir affronté la froideur de la pluie battante. L’été enlaçait avec douceur les habitants de Westeros près de dix ans déjà mais le temps était capricieux dans l’Orage. De ses prunelles émeraude, le jeune homme fixa les flammes qui s’entrelaçaient et se repoussaient ensuite dans une interminable valse passionnée. Lord Cossepoix avait-il fait allumer un feu pour lui permettre de se réchauffer ou était-ce pour les Wyl qui, habitués à une chaleur étouffante ? Plutôt que de laisser son poids reposer sur les coussins qui se trouvaient derrière, le chevalier s’était finalement légèrement penché vers l’avant, sses mains l’une contre l’autre, pour les réchauffer. Le feu faisait presque apparaître des reflets blonds dans ses cheveux bruns mi-longs. Il finit par détourner la tête des flammes et observa Lady Wyl, toute de noire vêtue, à l’exception de ses nombreuses pièces d’or.

Il était justement en train de se dire qu’il convenait sans doute de rompre ce silence quand la dame prit la parole évoquant une chanson qu’elle aimait enfant. La chanson parlait d’une jeune fille qui prenait l’apparence d’une biche blanche et qui se retrouvait traquée par les chiens de son frère,  condamnée à un triste sort. La dornienne lui demanda si cette chanson traitait, comme elle l’avait toujours pensé, de sa propre famille.

« Je crains que oui. », répondit-il. Tavish n’avait jamais entendu cette chanson. « Et si cette chanson parlait de ma famille, la biche blanche s’en serait sortie. », expliqua-t-il; C'est alors qu’il croisa à nouveau le regard peu aimable de l’homme qui accompagnait la dame de Wyl. Il faisait évidemment allusion au mots de la maison Cafferen ; nous ne sommes pas capturés. Whissan Wyl connaissait sans doute sa devise, comme il connaissait la sienne. « Crains chaque pas».  La devise des Cafferen avait pourtant été contredite par le passé. Et par qui ? Et surtout, par quel moyen ? Il n'y avait vraiment pas de quoi être fier...

Se pouvait-il que la mère de Whissan Wyl ait inventé cette chanson de toute pièce pour briser une fois de plus la légende des inexpugnables Cafferen ? Il ignorait. De toute façon,  son attention était déjà retenue ailleurs...

Le ton de Tavish Storm ne s’était pas voulu hostile lorsqu’il avait répondu à la question de la descendante de ses ennemis. Mais, il en faudrait peu pour qu’éclate la rancœur entre Wyl et Cafferen. En effet, le bâtard de la maison aux deux faons blancs sentit sur lui le regard du Wyl qui ne s’était pas encore présenté, aussi peu poli que cela puisse être. Oserait-il ? Oserait-il rappeler que les Cafferen avaient déjà été capturés par le passé ? L'épouse de Jon Cafferen, avait bel et bien été capturée et, après avoir été violée le jour de ses noces, jetée dans un bateau en direction d'Essos en partance pour une vie d'esclave. Les iris vertes du Storm le fixait, n’appréciant guère son sourire qui en soit, constituait déjà une provocation. Tavish savait très bien ce à quoi le Wyl était en train de penser, mais oserait-il le formuler ? Oserait-il ?

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An 298 | Lune 12


Ses yeux à la couleur indéfénissable avaient trouvé leur rôle dans l'observation du jeune orageois. Une observation plutôt légère, frôlant une indifférence appliquée, et qui se drapait d'un voile d'assurance plus fin que de la soie. Si elle s'attribua quelque maigre victoire à savoir maintenir son regard lorsqu'elle croisa les yeux verts-tendre, ce succès ne tarda pas à lui échapper.
Se diffusant en plaques rouges sur ses joues lorsque la contradiction tomba, le pourpre fleurit sur sa peau, sceau de son orgueil fébrile. Elle avait tout à coup des envies venimeuses. Vives et tranchantes. Victime de la moindre faiblesse dont elle se pensait coupable, rien ne la contrariait mieux que lorsque l'on se permettait de lui montrer son tort. Ses yeux brillaient d'un éclat soudain et mauvais. Mais de cette férocité subite, Whissan en perdit subitement la substance en sentant se poser sur elle les iris intrigués d'Aymar. Elle ne pouvait se formaliser pour si peu devant lui. Toute son amertume fondit dans ses veines.

"Vraiment? " souffla-t-elle d'une voix plate, douce et pourtant affreusement sonore. Profonde. Et dans le court silence suave qui s'ensuivit, le sentiment âcre du jugement s'insinua soudain. L'innocence drapant les lèvres de la jeune femme camouflait souvent les pensées déplacées, perdues ou violentes qui troublaient son esprit; intranquille, elle l'était presque continuellement. La pudeur compensait ce que son coeur lui refusait en assurance. Mais l'ironie franchissait toutes les barrières, et ne se préoccupait guère d'être comptée ou non dans les intentions de celle qui l'avait libérée. Sauve, la biche blanche? Et pourquoi donc?
Par l'assomption qu'il faisait, Whissan le découvrait bridé d'un orgueil nouveau et qui écrasait de son poids l'amour-propre bâtard dont elle l'avait gentiment accusé dans le secret de ses réflexions. Quelle drôle de manière que de parler juste, mais de penser de travers ainsi qu'il le faisait, ne répondant jamais qu'aux interrogations -ou accusations- fleurrissant dans sa jeune cervelle de faon.



Sa main souleva la lourde manche comme une respiration. Ses doigts pâles, tatonnant dans l'opulente corbeille, hésitèrent, frôlant une grappe de raisins luisants puis une grenade au coeur incarnat- qui avait été ouverte à leur intention-  avant de s'emparer délicatement d'une pèche. La brune dornienne ramena son bras contre sa poitrine. D'un geste mesuré et spontané, elle avait appuyé le fruit contre le creux de sa gorge et elle en caressait maintenant pensivement le velours en l'effleurant de son menton. Une manie et une moue enfantine, presque étrange sur son corps sévère, depuis longtemps trop grand pour la mignardise. Enrobée de silence, cette gestuelle plutôt déconcertante était un moyen inconscient qu'elle avait trouvé pour se rassurer. Pour ne pas laisser ses longues mains blanches désoeuvrées sur ses genoux couverts de jais.

A nouveau le silence étouffa la pièce. Chaque craquement des bûches dans l'âtre résonnait comme à l'intérieur d'un temple.  Quelle redondance, quelle pesanteur... Mais pourquoi est-il si lent et taiseux, lui qui a pénétré la pièce d'un pas si léger, si vif? La dornienne se sentait accablée d'une impatience nouvelle. Rares étaient les situations où son dégout de la société mondaine -qui l'enfermait systématiquement dans un silence prude et confortable- se voyait détrôné par une irritation qu'elle se pensait souvent seule à pouvoir causer chez les autres. La ressentir était inédit. Car elle n'avait en vérité qu'à peine écouté la réponse du fils bâtard, et n'avait entendu que le regard qu'il avait adressé à son silencieux parent. Elle en était certaine: le garçonnet avait écouté sa question, mais c'était à son cousin qu'il avait répondu.
D'où pouvait bien lui venir cette aggressivité, cette défiance? songeait-elle. N'avaient-ils pas, lui et ses pairs, un climat brumeux, morose et gris? Piêtre terreau pour qui veut grandir en témérité pure. Il était bien plus facile de relever le menton avec morgue dans l'air chaud et solaire plutot que sous l'épaisse pluie. Sans avoir besoin de le regarder, Whissan pouvait lire sur les lèvres du garçon à la peau brune l'arc insolent qui en animait souvent la pulpe. Si elle se réjouissait -sans se l'avouer- d'avoir à ses côtés un peu de cette fierté audacieuse et sauvage qu'elle ne parvenait pas à exprimer, sinon à travers la contrariété, Whissan n'ignorait pas non plus quel pouvoir ce rictus cavalier exerçait sur les âmes. Au nom de l'Histoire, le chevalier Storm semblait attendre l'insulte que promettaient les dents à peine dévoilées par les lèvres cuivrées.

"Je vous ennuie." souffla-t-elle sombrement en souriant faiblement d'un sourire qui ne devait pas trouver d'écho dans ses prunelles.

Quel spectacle navrant, pensa-t-elle en baissant son regard avec dignité, que cette fierté mâle qui s'offusquait d'un sourire rival; qui l'oubliait  ainsi qu'elle s'oubliait lorsque ni son frère, ni sa chère cousine n'était là pour lui rappeler son titre. Elle ne pouvait en attendre autant du jeune dornien qui paressait à sa droite.
Aymar était calme. Ses longues jambes ramenées sous lui, il se présentait à demi allongé à travers le large canapé, ses cheveux noirs coulants contre le satin vert sur lequel reposait sa nonchalante tête. Doux sous la caresse des flammes qui se refletait dans ses yeux brillants à demi-clos, silencieux, immobile et passif comme le serpent qu'il était.

Ses grands yeux se relevèrent pour accrocher ceux de son interlocuteur  à la réserve malvenue."Vous vous souciez de mon cousin, il me semble." poursuivit-elle d'un ton rogue qui lui était familier. Laissant retomber la pêche dans son giron, elle porta sa main par dessus son accoudoir jusqu'à toucher la chevelure du dornien. Lorsqu'elle posa son poignet sur le dossier du sofa, les bracelets à ses poignets tintèrent comme des lames. Ils étaient froids contre sa peau. Glissant à peine ses doigts légers dans la soie noire, elle entreprit de jouer tendrement avec une fine mèche noire. "Il est né Forrest, mais Aymar tient de mon sang plus qu'il ne tient de celui de la Tombe-du-Roy. " Il est plus Wyl que je ne le suis. Un orgueil presque maternel animait sa langue. Le regard appuyé et défiant du bâtard sur son jeune cousin lui était désagréable, il piquait sa patience, griffait sa pudeur.

"Enchanté" lacha le jeune dornien d'un ton doucereux.

"Ser Tavish, je ne peux changer ce que vous voyez lorsque vous nous regardez." enchaina  la brune, qui, le choc de la rencontre et sa timidité s'estompant doucement, prenait progressivement conscience de la fragilité de la situation.

Malgré une éducation qui le gardait de leur dévoiler, à son cousin et à elle, ses sentiments profonds, la terreur et la haine semées par ses ancêtres nourissait une détestation vivace, évidente dans le coeur du jeune homme. Elle était presque palpable au creux de son regard attentif et profond. Ce dernier était trop déterminé pour n'être qu'une réponse instinctive à la provocation continuelle d'Aymar. C'était la première fois que Whissan était témoin d'un tel résidu de l'histoire dans le regard de quelqu'un. Elle était impressionnée par sa puissance. Elle était indisposée de cette exclusivité de la colère, la souffrance, et la detresse dont les Cafferen se sentaient visiblement détenteurs. Elle était fatiguée de prétendre.

"...Mais si vous ne souhaitez d'autre discussion que celle de notre passé commun, alors je crains de ne pouvoir vous donner satisfaction." assenna-t-elle d'une voix à l'apparente quiétude.
Elle ne tolèrerait pas plus longtemps que le jeune bâtard s'acharna à soutenir l'insolence de son cousin, à attendre patiemment la faute qu'il espérait. Le serpent n'était pas plus coupable que celui qui, tout en se sachant à portée de la morsure, faisait trainer trop près et trop longtemps sa main.




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An 298, Lune 12

Tavish peinait à cerner la seigneure de Wyl. Tantôt distante et s’exprimant avec une pointe d’agressivité, tantôt timide et presque douce, son attitude semblait régie par de nombreuses contradictions internes. Les contradictions, Tavish les ressentait également. Lui qui d’ordinaire savait se montrer aimable avec la personne la plus méprisante à son égard qui soit, qui ne s’offensait de rien, témoignait de sa tolérance sur tout, et qui pour un orageois, ne nourrissait pourtant nul préjugés à l’égard des dorniens, estimant qu’il convenait de juger une personne sur ce qu’elle était et non sur les rancoeurs passées de guerres lointaines menées par des ancêtres qu’ils n’avaient pas côtoyés.

Et pourtant, le simple nom de Wyl lui inspirait méfiance. Les Wyl faisaient exception à la règle puisque sans jamais les avoir rencontrés auparavant, Tavish se montrait sous un autre visage face à eux. Un visage qui ne lui ressemblait pourtant nullement. Ce n’était pas pour rien si, malgré son statut de bâtard, il savait se faire bien des amis ; le jeune Storm dégageait en effet presque en permanence une aura d’amabilité et de bienveillance. Il était difficile de le haïr, à moins d’avoir tout simplement en horreur l’ensemble des enfants illégitimes des Sept couronnes sans distinction.

Alors, était-il tombé dans le piège du jugement hâtif ? Force était de croire que les récits des multiples méfaits et provocations de la famille originaire du nord de Dorne à l’égard des membres de sa maison avait formaté chez lui une image peu flatteuse qui l’obligeait à se montrer aussi méfiant qu’il était d’ordinaire avenant. C’était pourtant contraire à sa manière de penser. Tavish avait pour credo de ne point s’abandonner aux jugements de son prochain sur les dires qui pouvaient circuler.

« Je vous ennuie », avait soufflé Whissan d’un air presque désolé. Lorsque la lady de Wyl s’adressait à lui avec cette douceur, malgré son timbre de voix particulier pour une jeune femme, il se sentait ridicule de se montrer plus froid, moins avenant qu’à son habitude. Pourtant, ce sentiment subsistait, quelque part dans son fort intérieur, que se montrer trop aimable à l’égard des Wyl n’était point autorisé à un Cafferen, que cela serait offenser sa propre maison. Un Cafferen, il n’en était pas un, certes. Whissan Wyl était noble et il ne l’était pas, en cela, il connaissait sa place. Mais, c’était les Cafferen qu’il représentait aujourd’hui, comme l’indiquait sa broche si propre qu’elle scintillait à la lumière des flammes. La situation était décidément bien compliquée pour un émissaire qui n’en était qu’à ses débuts.

« Pas du tout. Je dois dire que je suis moins bavard qu’à mon habitude, aujourd’hui », répondit-il poliment sans animosité. Il n’était pas le genre d’homme qui pouvait se mettre à témoigner de la haine avec tant d’aisance. Il n’était pas lui-même dans toute cette connivence de méfiance et de froideur. Et si cela était peut-être ce que l’on attendait d’un membre de la maison Cafferen, il ne parvenait pas, au fond, à détester Whissan Wyl au premier regard…

« De même », répondit Tavish lorsque l’homme qui accompagnait la lady, un cousin du nom d’Aymar Forrest, fut présenté à lui. Celui là, en revanche, l’exaspérait déjà beaucoup. Il décernait dans les iris de cet homme la facheuse tendance à la provocation et à la moquerie qu’on lui avait souvent décrite à propos des Wyl. Il tient plus de mon sang que de celui des Forrest, avait expliqué Whissan. Cela ne l’étonnait guère. En seulement quelques minutes, le dénommé Aymar Forrest lui avait donné l’impression de correspondre bien davantage à l’image qu’il se faisait des Wyl que Whissan elle-même.

"Ser Tavish, je ne peux changer ce que vous voyez lorsque vous nous regardez...Mais si vous ne souhaitez d'autre discussion que celle de notre passé commun, alors je crains de ne pouvoir vous donner satisfaction.", lui dit la dornienne, d’une voix calme. Whissan Wyl avait ainsi devancé Tavish dans son rôle de diplomate. Une impression désagréable d’échec le traversa alors que la dame mettait en évidence la transparence de préjugés qu’il ne lui ressemblait pas d’entretenir. Pourtant, les propos de Whissan Wyl n’était pas tout à fait exacts ;  il n’avait pas fait mention de ce passé commun, de ces blessures encore ouvertes à Bourgfaon, son fief d’origine. Et à vrai dire, il n’avait pas eu l’intention qu’elle lui prêtait de désirer le faire. Il s’était au contraire préparé mentalement à ce que ses interlocuteurs en fassent mention. La méfiance l’avait animé, mais est-ce vraiment les Wyl qui pouvaient le lui reprocher ? Crains chaque pas était leur devise. La méfiance, ils devaient bien connaître.

La douceur apparente de la seigneure de Wyl appelait chez Tavish à un apaisement. Là où d’autres Cafferen avant lui auraient peut-être répondu par un ; « Et pourquoi ? », obligeant les Wyl à assumer ce passé peu honorable qui étaient le leurs, Tavish pencha vers la diplomatie plutôt que vers la flamme de la provocation entretenues depuis des dizaines d’années entre les Wyl et les Cafferen. Sa naissance illégitime y était peut-être pour quelque chose ; Tavish avait appris à s’effacer depuis son plus jeune âge, et surtout durant son adolescence dans le Bief. Et puis, il y avait cette Whissan Wyl et son caractère si difficilement cernable, qui lui donnait pourtant l’impression d’être une femme peu encline à la violence. Devait-il se méfier de ce calme apparent ? De ce prétendu désir de quiétude et de mise de côté de la hache de guerre ? Il l’ignorait. Dans le doute, il continuerait à craindre chaque pas et ne se laisserait pas capturer par les douces paroles de la Wyl, mais il le ferait de manière plus discrète.

« Ce n’était pas mon intention, Lady Whissan. Je ne suis point venu armes au poing, comme vous le voyez. », répondit-il, osant un léger sourire ; et pour preuve, après le torrent de pluie qu’il avait dû affronter, il s’était changé, laissant son arc dans la chambre que la servante de Lord Cossepoix lui avait indiquée. Il regrettait actuellement cette décision. Sans son arc, il se  sentait parfois nu. Et que dire, alors que c’était l’ennemi de toujours de la maison de son père qui se trouvait personnifié devant lui ? Un chevalier sans armes devant un ennemi familial viscéral. Quel piètre tableau...

Cependant, s’ils censuraient ce passé douloureux, de quoi pouvaient bien parler les Cafferen et les Wyl ? Leur seul moyen de communication, depuis des décennies, ne s’était-il pas articulé autour de cette haine presque intemporelle ? A nouveau, être un membre de la maison Cafferen et discuter  avec une Wyl de choses et d’autres, n’était ce pas déjà faire affront à l’insigne des deux faons blancs sur fond vert et aux souffrances passées endurées d’abord par Jon Cafferen, et puis par d’autres après lui ?  Tavish ne pouvait cependant répondre à son interlocutrice autrement. Ce rôle qu’il endossait actuellement était un rôle de diplomatie, on le lui avait bien fait comprendre, même si à cet instant, le doute était semé en son esprit. Qu’aurait fait son père à sa place ? La diplomatie, face au Wyl, se devait elle d’être remplacée par des attaques ? Tavish soupira légèrement. Il n’était pas venu armes au poing, mais il n’était pas non plus venu rencontrer les Wyl. Incapable pourtant, de pouvoir converser avec eux sans avoir l’impression de trahir l’honneur familial, il n’ajouta rien d’autres, malgré son caractère tout à fait pacifique, esquissant simplement un léger sourire poli.

[3.1]
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An 298 | Lune 12


Il pleuvait une eau de lames limpide. Une grâce métallique qui s'écrasait dans l'après midi nocturne de Champocquet, dans la nature baignée par la lumière tarie du ciel. Le crépuscule avait passé. La lumière de l'âtre était seule à régner dans le salon, aspergeant les visages mornes et patients de ceux qui l'occupaient, lorsque leur relative solitude avait été rompue. Aussi discrets que remarquables, des adolescents vêtus de livrées de pages avaient traversé la pièce, discrets et élégants, pour poser une flamme sur chacune des bougies dressées, les préservant ainsi de l'obscurité. Whissan devinait autour d'elle leur danse à la méchanique rodée. Le froissement du velours de leurs chausses. Le sifflement de la mèche de la lampe qui s'offre au feu. Le chuchotement silencieux des regards et des sourires dissimulés qu'ils échangeaient entre eux, sans un bruit mais avec mille paroles dans le fond de leurs pensées qui, elles, étaient libres de la censure qui dictait leurs gestes. Sans les regarder, la dornienne pouvait déceler leurs mains graciles de jeunes hommes s'affairer, encore douces de l'enfance mais déjà infusées de la vigueur masculine; mais un doute -toujours le même- la retenait de goûter ce spectacle ordinaire.  

Elle était là, comme pâmée. Ignorant le désordre froissé de son vêtement qui accueillait sur ses cuisses le fruit dont elle s'était saisie un peu plus tôt, ses muscles s'étaient tendus sous le tissus comme un serpent qui se prépare à se recroqueviller avant de fuir, ou de frapper. Ses épaules crispées la faisaient maintenant souffrir. Combien lui était cher celui qui se tenait, allongé, à ses côtés frémissants comme ceux d'une proie! Car au jugement du bâtard s'ajoutait désormais celui de ces grands enfants aux cils blonds -des domestiques, certes, mais qui n'étaient pas moins des hommes à ses yeux, à sa fierté qui s'affolait si aisément sous le poids de trop de regards. Leurs ombres s'étiraient, dormantes. Elles s'appuyaient sur le sol jusqu'aux murs crevés de vitraux par lesquels il était désormais impossible de deviner le paysage au dehors. Elle assise, eux debout. Peu importait alors le rang, puisqu'elle ne ressentait que le seul désir de partir.

"Moins bavard" avait-il dit. Cette formule de politesse affable, presque contrainte, avait l'allure d'une gemme coincée dans le cadre d'un bijou trop petit, sertie de force. Une tromperie que tous deux se devaient de tenir. Tenir. Tenir ce morceau d'histoire, tenir cet échange sordide qui les unissait malgré toute sa fausseté, toute son étrangeté. Tenir bon, ne pas passer à l'acte. Sans erreur et sans vérité. Une discussion anodine qui n'avait pourtant rien de naturel. Avancer avec des patins sur un parquet consumé. Tenir alors que rien ne tenait... Etait-ce vraiment si loin du courage familial, de cette juste cruauté héréditaire qu'elle pensait avoir égaré sottement quelque part entre sa naissance et son premier souvenir?

La voix du jeune chevalier l'extirpa de ses propres tourments. Ainsi qu'elle le regardait de face, l'écoutait de côté, elle s'entendit lui répondre un accorte: "...Je sais."

Comme toujours sa voix trahissait une douceur pareil au ventre d'un cobra. Et dans la caresse maternelle de cette brève parole, quelque chose de corrosif semblait empoisonner sa salive. C'était improbable -même pour elle- de se voir réjouie de cet indicible avantage dont elle seule se savait détentrice. Sans armes, se disait-elle une nouvelle fois, dans le secret de ses pensées. Sous son visage morne et soucieux il lui paraissait désormais que ces poignards abrités par les plis brodés de jais de son vêtement avaient des allures de véritables glaives. Un instant éphémère et parfait elle se sentit ce rare sentiment prédateur en se rappelant ce geste inconscient de la main masculine cherchant la bride du carquois qu'il devait avoir l'habitude de sentir reposer sur son épaule.

Puis, à nouveau, le silence s'installait avec brutalité. L'ombre lourde tombait sur ses grands voiles bercés mollement par les rebonds de ses épaules, de ses seins, de ses jambes. Sous ses doigts, la nuque nue de son cousin était brûlante. Il dormait presque maintenant, la main sur sa poitrine, tranquille. Rien ne bruissait donc lorsque, baissant la tête, la Lady détacha enfin son regard de celui qui siégeait en face. Seulement à cet instant s'aperçut-elle finallement que les servants s'étaient volatilisés comme une nuée d'oiseaux insaisissables.
Que ce diner arrive et se termine; que cette nuit passe, que l'aube nous rende l'horizon de nos Montagnes, songeait-elle, entendant dans le chuchotement des braises le clairon de son foyer qui, tel un mirage, portait à ses oreilles le bruissement du sable, le craquement des pierres sous ses pas. Mais ses pieds étaient enfoncés dans un épais tapis. Et dans la solitude relative elle sentait son âme se dénuder. Dans ce silence impotant l'humiliation se couplait au soulagement, à la satisfaction de ne devoir plus rien dire, à la providence douteuse. A l'irritation aussi. Si le dîner n'est pas annoncé bientôt, je rejoindrai ma chambre; je prétexterais la fatigue, oui, ça je sais le faire... déclara-t-elle en son âme et conscience. En attendant, elle endiguait son désoeuvrement dans l'observation maussade d'un service en céramique posé sur la table basse.
Du temps où elle était enfant, sans doute se serait-elle permise de s'absenter pour aller se perdre sous le ciel noir et l'édifice admirable des étoiles. Ici, dans la pluie, dans le froid, l'envie ne venait pas; et si elle s'imposait brièvement à ses pensées, c'était en écho de son désir de se soustraire à l'épreuve de la rencontre, pointe du râle de sa lâcheté.




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An 298, Lune 12

Que le temps paraissait long... Un silence s’était installé, enveloppant la salle de banquet de la demeure des Cossepoix d’une atmosphère aussi étrange qu’incommodante. Voilà une situation à laquelle Tavish Storm n’avait point été préparé. Lui qui d’ordinaire trouvait toujours les mots à énoncer pour détendre l’atmosphère et se rendre sympathique. Lui qui, aussi, avait appris à reconnaître les moments où il convenait de se taire en bon enfant illégitime et très peu le bienvenu dans bien des demeures. Mais que convenait-il de faire en ce moment ? Il l’ignorait. Autant il lui semblait peu souhaitable de parler, autant ce silence semblait pesant et tout aussi inapproprié. Convenait-il à Lady Whissan Wyl ? Etait-elle de ceux qui jamais, en l’absence de paroles, ne se sentait mal à l’aise ?

La seigneurie de Wyl caressait la nuque de son cousin d’un geste régulier, alors que celui-ci somnolait contre son épaule. Le jeune Storm détourna les yeux de ce spectacle pour fixer la lumière d’une lampe, tâchant à ce qu’il convenait de faire dans de telles situations. Les dorniens avaient de biens étranges manières. Dans l’Orage, il n’était guère bien vu de se laisser aller à de tels gestes d’affection entre cousins en public. Tavish n’avait guère pour habitude de s’offusquer du manque de pudeur des dorniens. Il avait d’ailleurs passé l’une des plus charmantes nuits de son existence lorsque sa route avait croisé celle d’une dornienne aux cheveux roux. Cependant, s’il avait connaissance de la différence de mœurs entre la principauté du Sud et le reste du royaume, il n’était pas pour autant à l’aise à l’idée d’observer les élans de tendresse de Lady Whissan envers son cousin. De toute évidence, il se sentait de trop. Or, il était dans sa région, l’Orage, une région contre lesquels les Wyl avaient pris les armes et usé de toutes les tromperies, se montrant aussi sournois que le meurtrier serpent qui venait s’enrouler autour d’une jambe innocente, telles les entrelacs qu’il était à la mode de graver sur dans le bois et dans la céramique. Par son silence, par ses changements d’humeurs aussi rapides qu’incompréhensible, par ce comportement qui ne semblait guère prendre en compte sa présence et par l’affront que pouvait déjà constituer le simple fait que Lady Whissan laissait son désagréable cousin Aymar Forrest rejoindre les bras de Morphée sans le rappeler à l’ordre, là, devant le représentant officiel de cette famille que la sienne avait offensée…Lady Whissan lui paraissait manquer de respect aux armoiries scintillantes comme des gemmes qu’il portait à son vêtement. Mais pour l’heure, il épargnait sa salive, toujours indécis concernant l’attitude à adopter. Son regard toujours fixé sur la timide danse de cette flammèche où se cotoyaient les tons blonds, roux et rubicond dans une bagarre sans fin,  il pensait. C’était la famille de Whissan qui avait perpétré d’horribles actions à l’égard de cette région dans laquelle elle mettait les pieds et plus particulièrement à l’égard de la sienne. C’était plutôt elle qui devrait se sentir mal à l’aise et tenter de se montrer sympathique et agréable, n’est ce pas ? Il lui avait semblé, un instant, que c’était ce qu’elle était désireuse de faire, mais il y avait quelque chose d’hostile en cette censure pour laquelle elle avait opté, délaissant la voie diplomatique et chaleureuse.

Préserver les apparences ne paraissaient plus être dans les priorités de Whissan Wyl qui derrière son voile, semblait s'ennuyer terriblement. Son regard balayait le service en céramique qui se trouvait devant elle sans qu'elle ne se décide à déclarer quoi que ce soit. Ou peut-être ne se rendait-elle pas compte de la perceptibilité de sa lassitude ? En tout cas, cette situation devenait pesante. Ser Tavish jeta un vague coup d'oeil à ce cousin Forrest endormi. Plus, il y réfléchissait, plus il percevait ce comportement paresseux comme un affront commis à l'égard de sa maison. N'était ce pas traiter les Cafferen comme des roturiers de la plus basse importance que de s'endormir ainsi devant le représentant de leur nom ? Aymar Forrest n'était cependant pas un seigneur. C'était à Whissan Wyl de dire quelque chose, de relever le comportement de son cousin et de secouer celui-ci. Mais la seigneure dornienne brillait par son inaction. Tout comme Tavish, finalement, qui se trouvait là dans une situation tout à fait exceptionnelle. Ce silence s'expliquait par l'incapacité notable et intemporelle de ces deux maisons à communiquer ensemble autrement qu'en sonnant le clairon des hostilités. L'émissaire des faons connaissait sa place ; il n'était qu'un Storm et la dame qui se trouvait face à lui était seigneure. Cependant, il était de son devoir de défendre l’honneur de sa famille. Et plus les secondes passaient, ne voyant guère Lord Cossepoix franchir les portes de sa salle de banquet, plus l’atmosphère devenait lourde et menaçait de prendre une tournure conflictuelle.

« Et bien…», commença Tavish. Son regard quitta la vaisselle posée sur la table pour aller se reporter sur la seigneure dornienne. « Est-ce là tout ce que l’Orage inspire à votre cousin ? », demanda-t-il. Son ton était calme et posé, tel le ton qu'il convenait à un émissaire d'employer mais ce silence ne pouvait plus s’éterniser. Contrairement au Wyl, les Cafferen n’avaient point de honte à avoir. Après tout, ce n’était pas eux qui étaient regardés de travers dans l’Orage, qui n'étaient guère les bienvenus dans bien des cités orageoises et qui voyaient leur nom lié aux pires crimes de guerres. S’il continuait à se taire devant l’attitude des Wyl, le Storm passerait sans doute pour un dégonflé. Et s’il ne souhaitait pas déterrer la hache de guerre, son dessein n’était pas non plus de salir sa propre réputation. Alors, était-ce le peu d’attention qu’Aymar Forrest se permettait de réserver aux orageois ou était-ce un traitement tout personnel à l’égard du faon qui se trouvait devant lui ? Tavish peinait tout de même à imaginer Lady Wyl permettre à son cousin de poursuivre sa sieste en présence du Lord qui les accueillait. Il se doutait que c’était là une action que le Forrest se permettait en présence du faon et ne se permettrait sans doute pas en présence d’autres. Alors oui, Tavish était un bâtard. Mais il était aussi le représentant d’une noble maison dont il portait l’insigne. Lady Wyl devait bien le comprendre. Pourtant, en ne relevant pas le comportement de son cousin, en n'utilisant pas son autorité pour le rappeler à l'ordre, elle commettait une erreur diplomatique, témoignant à son tour d’un manque de respect et d’intérêt pour cette maison humiliée par ses ancêtres...

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HRP : Je suis désolée du temps de réponse, j'ai beaucoup cogité sur la réaction de Tavish à cette situation et au début, je ne parvenais pas à écrire suffisamment car je ne me décidais pas x) Puis, j'ai un peu oublié de revenir dessus (FB) What a way to win a war | Pv-Tavish Cafferen 3663664295  Et...Voilà enfin ma réponse ! Je dois dire que j'ai tranché sur un coup de tête, en relisant ton rp attentivement et en spottant des éléments qui tout de même, peuvent être assez mal pris x) Je me suis permise de dire que les serviteurs les observaient derrière la porte dans le dos de Whissan, de sorte à rajouter une pression extérieure. Je crois que c'est assez probable vu la basse opinion que le peuple orageois a parfois de Dorne. ^^ J'espère que ça te conviendra et encore désolée pour l'attente ! ^^"

Edit : @Whissan Wyl : Voilà, j'ai modifié le rp ! J'espère que ça ira cette fois Smile

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