People change {FB / Gormond}
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Gormond & Asha | 291, lune 8
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Tout le corps d’Asha n’était qu’un muscle douloureux. Sa seule respiration lui était pénible. Pourtant, l’adolescente n’aurait échangé cette sensation contre rien au monde. Elle venait de passer les meilleures semaines de sa vie sur le boutre de Harras Harloi. Après plus de deux ans d’entraînements intensifs alternativement aux côtés de son oncle Victarion ou bien de Harras, elle revenait de son premier raid. Il y avait bien entendu eu quelques petites expéditions, par-ci par-là durant la dernière année, mais la Greyjoy savait pertinement que cela ne comptait pas, que son cousin avait intentionnellement choisi des petites cibles, de cibles sans risques. Il n’était pas assez fou pour tuer le dernier enfant du suzerain des Îles. Bien sûr, il y avait toujours Theon… quelque part dans le Nord, dans cette forteresse qu’on appelait Winterfell, mais cela ne comptait pas. Asha avait découvert la Baie des Esclaves pour la première fois, avec sa misère et sa richesse qui cohabitaient. Le raid et les combats avaient duré plusieurs jours. Elle venait de tuer ses premiers esclavagistes et pris ses premières blessures de leur part. Une vilaine entaille sur sa côte lui faisait encore mal, malgré les jours qui s’étaient écoulés depuis et les soins qu’elle y avait apporté. Elle avait un bleu sur le bas du menton qui avait presque disparu. Mais elle avait une trace bien plus fraîche dans le coup. On distinguait parfaitement les doigts qui s’étaient enroulés autour de sa gorge pour chercher à l'étouffer. Du moins c’est ce qu’elle avait cru avant de lui couper la main de sa hache. Mais cette fois-ci, il ne s’agissait pas d’un esclavagiste il y a quelques semaines de cela du côté d’Essos. Le navire de son cousin Harloi s’était fait attaquer par des pirates, quelque part entre Dorne et les Îles d’Été. Mais les fer-nés avaient triomphé.
La fille de Balon Greyjoy était épuisé, son corps ne semblait demander que du repos. Et pourtant, ces derniers événements la remplissait d’une énergie et d’une fougue sans pareil. Cette expérience l’avait changé et comment pouvait-elle ne serait-ce que revenir en arrière à présent ? Elle pouvait tout juste supporter le poid de sa hache devant elle sans grimacer et pourtant, elle voulait déjà repartir. Harras lui avait promis qu’ils s’arrêteraient à La Treille et qu’il lui ferait découvrir les plaisirs de la ville. Elle n’était pas bien sûre de savoir à quels plaisirs précisément il faisait référence mais Asha n’avait pas posé de questions, elle faisait confiance à son cousin. Malheureusement, l’attaque des pirates avaient fait changer le Chevalier d’avis, il n’avait pas voulu prendre le risque de s’éterniser dans la Mer d’Été avec son bateau rempli de trésors. Alors l’équipage avait vogué tout droit vers les Îles de Fer sans s’arrêter. Asha avait accompagné son cousin jusque devant le bureau de Balon pour assister au rapport et entendre les commentaires d’Harras sur son comportement durant le raid. Elle s’était tenue droite, la tête haute, fière de ce que le Harloi avait à dire à son père. Elle avait bien compris maintenant qu’elle était devenue son dernier fils, son héritier. Il n’était plus question à présent de jouer avec ses poupées de chiffons. Elle allait rentrer dans les chaussures que le Kraken avait façonné pour elle. De toute façon, que pouvait-elle bien faire d’autre ? L’appel de la mer et du sang étaient avec elle à présent, elle serait une bonne fer-née. Elle avait hâte d’être son propre capitaine. Du haut de ses quinze ans, elle savait qu’elle avait du retard à rattraper. A cet âge là, son père était déjà un navigateur hors-pair et avait déjà deux femmes sels. Mais c’était pour sa dix-septième année qu’il était devenu son propre capitaine et elle ne voulait pas faire moins bien, à défaut d’avoir ses propres hommes-sels d’ici là.
Une fois la petite réunion informelle terminée, Asha avait sauté sur son destrier et galopé jusqu’à Lordsport, non sans douleurs. Mais elle avait apprit à vivre avec, à les accepter et à les ressentir avec fierté. Asha avait entendu les hommes d’Harras parler d’une célébration dans une des tavernes du coin. L’équipage s’était trouvé tout aussi déçu qu’elle de ne pouvoir savourer les douceurs du Bief à La Treille. Probablement plus déçu qu’elle d’ailleurs, puisque eux savaient ce qu’ils manquaient et ce qu’ils ne pourraient pas retrouver à Lordsport. Sauf pour ceux qui avaient eu la chance de se capturer des femmes-sels. Après avoir arnaché son cheval à l’entrée de la taverne, Asha avait foncé tout droit sur la table où les hommes d’Harras buvaient bruyamment. Un sourire radieux fendait son visage alors qu’elle trinquait avec eux. S’ils l’avaient regardé avec un oeil méfiant les premières fois où elle avait mis les pieds sur le bateau du Harloi, ils avaient appris à la connaître et à l’apprécier lunes après lunes. Et après son comportement exemplaire lors du raid puis de l’attaque de pirates, ils ne pouvaient plus rien lui reprocher, elle était un homme d’équipage parmi d’autres. Asha ne s’était pas ocupée des autres clients de la taverne jusqu’à ce qu’elle sente un regard peser sur elle. Après un moment, elle finit par tourner la tête et voir une tête blonde qui la dévisageait. Avec l’alcool et la fatigue qui brouillaient sa vision, il lui fallut quelques instants pour reconnaître un Bonfrère, et un nouveau sourire étira ses lèvres. Elle s’extirpa du banc ou elle avait pris place, s’excusant auprès de ses camarades de navigation puis se dirigea droit vers l’un des trois fils Bonfrère. Elle n’était pas sûre de savoir auquel elle avait à faire ce soir, mais elle ne tarderait guère à le savoir. “Eh ben l’Bonfrère ? Qu’est-ce qu’t’as à m’regarder comme ça ?” Sa chope à la main, Asha avait soulevé une jambe pour enfourcher le banc sur lequel le beau blond était installé, non sans grimacer de douleur. Mais une fois assise, elle but une gorgée de la mauvaise bière qui était servie là et retrouva son sourire. “D'jà, t’es l’quel toi ?” dit-elle avec un éclat de rire. Elle ne s’entendait pas de la même façon avec tous les frères, mais elle les connaissait tous les trois et tous les trois la connaissaient. Ils faisaient partis de ce passé qu’elle associait à Rodrik et Maron et qui subsistait tous les jours à travers des gars comme eux ou bien Harras.
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Asha & Gormond
And you'd see if you dared, that our moments were never owned, only ever were they shared. For you there must be me, and for me there must be you!
Le Fer-Né se tient, tout naturellement, à la proue de son navire. Encore baisé par les regards ardents d’un astre exotique et austral, marquant de son fer chatoyant les membres qui lui sont offerts, Gormond inspire le sel en quelques gorgées goulues. Ses narines frémissent au contact du vent sauvage et taquin, simulacre d’accueil ; une brise de bienvenue, pour lui, garçon des flots tumultueux et volages. Il appartient à l’onde mortuaire, où le bois se mêle à l’acier ; là où reposent solitaires les morgensterns de fer, étoiles déchues rongées par la rouille et par la flore marine. La Méduse pourpre fend vélocement la surface miroitante de la mer, en ce jour propice et téméraire aux voyageurs ; une plaine d’émeraude que percutent les dards timides du soleil. Sans se presser, l’étoile safran parvient à son zénith ; un trône d’éphémère qui attire l’œil céruléen du capitaine. Il lorgne souvent sa trajectoire, tantôt ascendante, toujours déclinante. Le Bonfrère se fie aux astéries tavelant le ciel, l’inondant de ses lueurs dispersées et luisantes. Outre la contemplation produite par un tel spectacle, beauté éternelle de la nature qui laisse, somme toute, le navigateur indifférent, c’est surtout l’aspect utilitaire et informatif qui l’intéresse. Car, pour prendre mer, il faut savoir se fier aux étoiles et connaître leurs secrets. Et si elles ne se montrent pas cruelles et mesquines, les éclats de nacre conduisent le marin dans sa quête. Parfois, les cartes et les compas ne suffisent pas ; en terre inconnue, face à des promontoires massifs et étrangers, un coup d’œil vers la voute céleste permet de retrouver son chemin. Peut-être que, avec l’éclat enivrant de l’or, des pierres précieuses et du fer ciselé dans l’argent, les couleurs du ciel sont celles qui se réfléchissent le plus dans les pupilles sibyllines du Fer-Né. À cet instant, le bleu de ses yeux ressort avec intensité ; sa peau tannée, souvenir corporel de son passage à Essos, contraste avec l’azur et l’or qui lui sont caractéristiques. Coupés courts, ses cheveux flottent au passage d’une brise salvatrice ; le Bonfrère ferme brièvement les yeux, savourant les sensations provoquées. Le cri rauque des oiseaux, points d’infini onyx ; le sel, encore le sel contre ses lèvres entrouvertes ; le grincement de la Méduse, dont les yeux écarquillés surplombent de peu l’eau traversée. Parfois même, au beau milieu d’une tempête, la créature tutélaire inonde de ses sanglots l’ébène du bateau… Mais l’accalmie trouvée, elle retrouve de sa superbe, figeant de ses perles perses les hommes assez fous pour s’égarer en mer. Jamais, au grand jamais, Gormond se lassera-t-il de retrouver les paysages de fer. Rouvrant ses propres yeux, éblouis par la clarté diurne, le jeune homme admire les premiers contours discernables de Lordsport. Son torse se gonfle de larges bouffées d’air frais et il laisse échapper un soupire de contentement ; partir pour mieux rentrer. Gormond est un esprit libre et vagabond, mais profondément attaché à ses racines ; il est fier de ses origines et de son statut. Un insulaire, un marin avant tout. Avant d’être un tueur aguerri. Avant que les affres de la guerre, pourtant si désirée et rêvée, ne souillent son esprit de songes obscurs : les cadavres en déliquescence de ses frères, jeunes et crevés, emportés avec leurs idéaux et la rondeur juvénile persistante à leurs traits éternellement crispés ; morts sur une terre étrangère ou encore oubliés dans les tréfonds d’une mer carmin. Sépulture préférable pour un Fer-Né, tout de même ; l’onde reste un espace psychopompe, prompt à les recueillir et les ensevelir sous une vague noire, linceul en mouvement.
Le Bonfrère revient satisfait de son voyage ; la Méduse emplie à se déchirer la panse de trésors divers, acquis en respect des lois marchandes ou octroyés de force par abordage. Sans juge parcimonieux, non, seules les abysses pour témoin. Dans la nuit, Gormond a contemplé d’un œil fier et cupide son butin, passant ses doigts dans les pièces étincelantes. Voilà qu’il suffit à égayer son cœur, souvent soumis à des élans étroits et puérils ; tout se résume à la vanité d’une possession. Le tout jeune capitaine se révèle alors bien sombre ; la mâchoire serrée, le front plissé, il est inquiet. Esclave d’une paranoïa, il suspecte ses compagnons de vouloir lui dérober ses biens ; son œil froid et calculateur les jauge et son esprit médisant délivre un poison persifleur. Mais il se garde de laisser transparaître ses soupçons, majoritairement infondés. Gormond est le créateur de ses propres démons : lui, qui se considère comme une pale copie informe de ses frères de sang, il tire sa superbe de ses exploits propres. Par les actes, il se définit et acquiert une gloire ; une reconnaissance dans la distinction et dans l’action, dont il faut chérir les fruits. Les trésors. Les preuves de son habilité. Très tôt, il a compris que pour se différencier des siens et briller au plus fort, il devait se montrer versatile ; à la fois navigateur, guerrier, marchand, diplomate… Le Bonfrère n’excelle pas dans toutes ses catégories, bien qu’il se considère comme un homme de mer « par nature ». Un talent inné, courtoisie clémente du Dieu Noyé. Les subtilités martiales ne l’ont guère tenté mais il a pris goût au chaos infernal des armes et du sang ; il n’est pas « fin » dans son maniement du fer et de l’acier, préférant mettre à profit sa force brute, véhiculée par un marteau de guerre ou une étoile du matin. N’est-il pas alors enivré, à sentir les giclements pourpres sur son visage ? Un masque de sang, un millier de gouttes d’une humanité meurtrie… baignant sa bouche déformée en un rictus cruel. Mais l’euphorie peut se transformer en néant, un sentiment tiraillant son estomac ; car, jonchant sur le sol, des amis. Des frères. Le sublime et les abîmes. Tout simulacre d’« innocence », si un tel état existe pour un Fer-Né, se rompit alors ; le jeune homme, lors de la révolte, fut confronté aux réalités du conflit. Pas seulement le plaisir d’ôter la vie, en spectre mortuaire ; le plaisir de semer la tempête sur les terres haves, un déferlement de cris et de membres putrides, défaits, enlisés dans les vagues auburn. Mais l’expérience du deuil marqua considérablement le Bonfrère ; il se targue pourtant d’être imperturbable et insensible. Mais les liens de l’enfance et de la camaraderie franche furent difficiles à ignorer, même pour lui. Une part de sa jeunesse se morcela en douloureux lambeaux.
Après l’accostage au port et les échanges commerciaux, Gormond décide qu’il mérite un petit breuvage. Accompagne de son second, le Fer-Né déambule au travers des rues. L’éclat radieux de ses cheveux détonne dans le paysage morne et pourtant vivant ; des ombres qui s’affairent, entre le commerce des poissons et celui du fer. Le jeune homme se meut avec aisance et avec assurance, sans pour autant afficher une vanité trop exacerbée ; les hommes de son peuple sont prompts à prendre courroux de la moindre attitude jugée excessivement ostentatoire. Il faut alors se préparer à se battre pour maintenir un port de tête altier et arrogant, pour s’en montrer légitime. Le Bonfrère, lui, s’enlisant dans la ruse et la facilité, préfère adopter un comportement mesuré, entre deux. Sa tête est droite, ses larges épaules relevées. La main posée sur le pommeau d’une dague, nichée dans le creux de sa ceinture ; son index tapote distraitement les ornements argentés. Il pénètre dans une taverne, l’ombre d’un sourire sur les lèvres ; vifs, ses yeux découvrent l’assemblée, passant aisément d’un individu à l’autre. En reconnaissance. Enfin, il se saisit d’un godet rougeoyant qu’il vient porter à une table isolée. Il converse quelques minutes avec son compagnon, avant que celui-ci l’abandonne pour retrouver un « ami de longue date ». Le Bonfrère ne bronche pas, habitué aux instants solitaires ; des moments de paix rares et pourtant bienvenus. Ses doigts enserrent le gobelet de vin, qu’il porte à ses lèvres avides ; sa gorge ondule légèrement, blafarde contre le noir de sa tunique. Tranquille, il laisse à nouveau son regard errer ; vers son second, engagé dans une conversation enthousiaste ; vers le tavernier, affublé ; enfin, l’azur abscons de ses yeux demeure rivé sur une figure, indéniablement féminine. Il incline légèrement la tête sur le côté, alors qu’un sentiment de déjà-vu le submerge. L’ébène obscur de ses cheveux, l’intensité de ses iris… Absorbé par sa contemplation, Gormond ne songe pas à détourner son attention ; il semble comme retenu par la vision offerte. Ainsi, par son manque de subtilité, provoque-t-il l’approche d’Asha Greyjoy. Car c’est bien elle ; plus fine, plus belle. Toujours aussi redoutable, dans la manière de se mouvoir et d’appréhender son espace. Prête à lui bondir à la gorge, sans un battement de cil. De si jolis cils. Un lent sourire désinvolte pare les traits du capitaine, alors qu’il observe, attentif, son arrivée près de lui. « C’est peut-être parce qu’il y a quelque chose que j’aime à regarder, Greyjoy ». Le ton est badin, charmant. La voix rauque ; toujours ce ton bas, qui coule, ondule vers l’interlocuteur. « Mais je suis bien sûr le plus beau et le plus accompli des trois ! ». Posant une main contre son torse, faisant mine d’être offensé et blessé, il ajoute : « Enfin comment ne parviens-tu pas à me reconnaître ? Je me suis entraîné avec toi, alors que tu étais plus garçon que femme ». Son œil brille, empli de malice et d’un semblant d’appréciation envers l’apparence de son interlocutrice. « Les choses changent, paraît-il. Te voilà femme, et moi éternel garçon. Je ne parviens même pas à me pousser une barbe ! Et tu verrais Greydon, une vrai broussaille sur son menton. Tant mieux, ça empiète sur son immonde visage. En tout cas, quel plaisir que de te croiser en ce bas lieu, ma très chère Lady. Oh oui, je n’ai pas oublié nos promesses et nos mots tendres ! », ajoute-t-il d’une voix rieuse. Plus jeune, il aimait à taquiner la fille Greyjoy ; elle qui voulait se battre en compagnie de ses frères, elle qui détestait entendre les mots « ma Lady » sortant de sa bouche acérée. Asha avait toujours un verbe caustique pour lui. Et Gormond, charmé par son esprit rebelle, riait et l’embêtait de plus belle. Mais en admirant les traits anguleux de son visage, béni d’un éclat hiémal, le Bonfrère ne peut s’empêcher de voir ses grands frères, remarquables par leur absence. Une certaine tristesse étreint son cœur, alors qu’il s’enquiert d’une voix posée : « Asha, comment vas-tu ? As-tu voyagé vers le Soleil couchant, par delà nos îlots ? ».
Le Bonfrère revient satisfait de son voyage ; la Méduse emplie à se déchirer la panse de trésors divers, acquis en respect des lois marchandes ou octroyés de force par abordage. Sans juge parcimonieux, non, seules les abysses pour témoin. Dans la nuit, Gormond a contemplé d’un œil fier et cupide son butin, passant ses doigts dans les pièces étincelantes. Voilà qu’il suffit à égayer son cœur, souvent soumis à des élans étroits et puérils ; tout se résume à la vanité d’une possession. Le tout jeune capitaine se révèle alors bien sombre ; la mâchoire serrée, le front plissé, il est inquiet. Esclave d’une paranoïa, il suspecte ses compagnons de vouloir lui dérober ses biens ; son œil froid et calculateur les jauge et son esprit médisant délivre un poison persifleur. Mais il se garde de laisser transparaître ses soupçons, majoritairement infondés. Gormond est le créateur de ses propres démons : lui, qui se considère comme une pale copie informe de ses frères de sang, il tire sa superbe de ses exploits propres. Par les actes, il se définit et acquiert une gloire ; une reconnaissance dans la distinction et dans l’action, dont il faut chérir les fruits. Les trésors. Les preuves de son habilité. Très tôt, il a compris que pour se différencier des siens et briller au plus fort, il devait se montrer versatile ; à la fois navigateur, guerrier, marchand, diplomate… Le Bonfrère n’excelle pas dans toutes ses catégories, bien qu’il se considère comme un homme de mer « par nature ». Un talent inné, courtoisie clémente du Dieu Noyé. Les subtilités martiales ne l’ont guère tenté mais il a pris goût au chaos infernal des armes et du sang ; il n’est pas « fin » dans son maniement du fer et de l’acier, préférant mettre à profit sa force brute, véhiculée par un marteau de guerre ou une étoile du matin. N’est-il pas alors enivré, à sentir les giclements pourpres sur son visage ? Un masque de sang, un millier de gouttes d’une humanité meurtrie… baignant sa bouche déformée en un rictus cruel. Mais l’euphorie peut se transformer en néant, un sentiment tiraillant son estomac ; car, jonchant sur le sol, des amis. Des frères. Le sublime et les abîmes. Tout simulacre d’« innocence », si un tel état existe pour un Fer-Né, se rompit alors ; le jeune homme, lors de la révolte, fut confronté aux réalités du conflit. Pas seulement le plaisir d’ôter la vie, en spectre mortuaire ; le plaisir de semer la tempête sur les terres haves, un déferlement de cris et de membres putrides, défaits, enlisés dans les vagues auburn. Mais l’expérience du deuil marqua considérablement le Bonfrère ; il se targue pourtant d’être imperturbable et insensible. Mais les liens de l’enfance et de la camaraderie franche furent difficiles à ignorer, même pour lui. Une part de sa jeunesse se morcela en douloureux lambeaux.
Après l’accostage au port et les échanges commerciaux, Gormond décide qu’il mérite un petit breuvage. Accompagne de son second, le Fer-Né déambule au travers des rues. L’éclat radieux de ses cheveux détonne dans le paysage morne et pourtant vivant ; des ombres qui s’affairent, entre le commerce des poissons et celui du fer. Le jeune homme se meut avec aisance et avec assurance, sans pour autant afficher une vanité trop exacerbée ; les hommes de son peuple sont prompts à prendre courroux de la moindre attitude jugée excessivement ostentatoire. Il faut alors se préparer à se battre pour maintenir un port de tête altier et arrogant, pour s’en montrer légitime. Le Bonfrère, lui, s’enlisant dans la ruse et la facilité, préfère adopter un comportement mesuré, entre deux. Sa tête est droite, ses larges épaules relevées. La main posée sur le pommeau d’une dague, nichée dans le creux de sa ceinture ; son index tapote distraitement les ornements argentés. Il pénètre dans une taverne, l’ombre d’un sourire sur les lèvres ; vifs, ses yeux découvrent l’assemblée, passant aisément d’un individu à l’autre. En reconnaissance. Enfin, il se saisit d’un godet rougeoyant qu’il vient porter à une table isolée. Il converse quelques minutes avec son compagnon, avant que celui-ci l’abandonne pour retrouver un « ami de longue date ». Le Bonfrère ne bronche pas, habitué aux instants solitaires ; des moments de paix rares et pourtant bienvenus. Ses doigts enserrent le gobelet de vin, qu’il porte à ses lèvres avides ; sa gorge ondule légèrement, blafarde contre le noir de sa tunique. Tranquille, il laisse à nouveau son regard errer ; vers son second, engagé dans une conversation enthousiaste ; vers le tavernier, affublé ; enfin, l’azur abscons de ses yeux demeure rivé sur une figure, indéniablement féminine. Il incline légèrement la tête sur le côté, alors qu’un sentiment de déjà-vu le submerge. L’ébène obscur de ses cheveux, l’intensité de ses iris… Absorbé par sa contemplation, Gormond ne songe pas à détourner son attention ; il semble comme retenu par la vision offerte. Ainsi, par son manque de subtilité, provoque-t-il l’approche d’Asha Greyjoy. Car c’est bien elle ; plus fine, plus belle. Toujours aussi redoutable, dans la manière de se mouvoir et d’appréhender son espace. Prête à lui bondir à la gorge, sans un battement de cil. De si jolis cils. Un lent sourire désinvolte pare les traits du capitaine, alors qu’il observe, attentif, son arrivée près de lui. « C’est peut-être parce qu’il y a quelque chose que j’aime à regarder, Greyjoy ». Le ton est badin, charmant. La voix rauque ; toujours ce ton bas, qui coule, ondule vers l’interlocuteur. « Mais je suis bien sûr le plus beau et le plus accompli des trois ! ». Posant une main contre son torse, faisant mine d’être offensé et blessé, il ajoute : « Enfin comment ne parviens-tu pas à me reconnaître ? Je me suis entraîné avec toi, alors que tu étais plus garçon que femme ». Son œil brille, empli de malice et d’un semblant d’appréciation envers l’apparence de son interlocutrice. « Les choses changent, paraît-il. Te voilà femme, et moi éternel garçon. Je ne parviens même pas à me pousser une barbe ! Et tu verrais Greydon, une vrai broussaille sur son menton. Tant mieux, ça empiète sur son immonde visage. En tout cas, quel plaisir que de te croiser en ce bas lieu, ma très chère Lady. Oh oui, je n’ai pas oublié nos promesses et nos mots tendres ! », ajoute-t-il d’une voix rieuse. Plus jeune, il aimait à taquiner la fille Greyjoy ; elle qui voulait se battre en compagnie de ses frères, elle qui détestait entendre les mots « ma Lady » sortant de sa bouche acérée. Asha avait toujours un verbe caustique pour lui. Et Gormond, charmé par son esprit rebelle, riait et l’embêtait de plus belle. Mais en admirant les traits anguleux de son visage, béni d’un éclat hiémal, le Bonfrère ne peut s’empêcher de voir ses grands frères, remarquables par leur absence. Une certaine tristesse étreint son cœur, alors qu’il s’enquiert d’une voix posée : « Asha, comment vas-tu ? As-tu voyagé vers le Soleil couchant, par delà nos îlots ? ».
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La taquinerie de la jeune femme n’était pas récente. En grandissant avec deux frères aînés comme les siens, il fallait cultiver une certaine répartie, sans quoi l’on ne se faisait jamais sa place et on risquait simplement de leur donner un prétexte de plus pour recevoir une correction de leur part. Alors Asha avait foncé dans le tas, elle avait demandé directement au Bonfrère pourquoi il l’avait fixé de la sorte. Mais elle ne s’était pas attendue à sa réponse. Elle resta bête un instant, figée. Lui ? Aimer à la voir elle ? Quelque chose déraillé très clairement dans son esprit ! Ou alors, quelqu’un s’en était pris à ses yeux lors de sa dernière expédition. Le seul garçon assez idiot pour trouver quelque chose d’agréable à regarder chez la fille du Kraken, c’était Tristifer Botley. Puis Asha compris que le Bonfrère se moquait d’elle. Cela ne pouvait être qu’ironique. Elle l’avait assez entendu dans la bouche de ses frères puis dans la bouche de son oncle alors qu’il l’entrainait. Elle n’était qu’une fillette maigrichonne qui ressemblait plus à un garçon qu’à une fille, avec une peau endommagé par le passage de l’enfance à l’âge adulte. “Pffff ! N’importe quoi !” répondit-elle avec la bouche pincée, non sans asséner l’épaule de son ami d’un coup assez fort pour prouver de quoi elle était capable, mais sans chercher à lui faire mal. “T’es trop con !” Le sujet de son physique était peut-être le thème où la future capitaine avait le moins de répartie. Mais que pouvait-on dire quand on ne pouvait rien changer et que l’on subissait ce que la nature nous avait donné ? A part attaquer sur le physique de l’autre personne en retour ? Le Bonfrère marcha d’ailleurs sur ce terrain là, tendant une perche à la jeune femme qui lui avait demandé auquel des triplés elle avait à faire. Dans certaines conditions elle pouvait les reconnaître. Quand ils étaient les trois en rangs d’oignon, elle pouvait peut-être les différencier. Mais après plusieurs semaines en mer, plusieurs autres semaines sans avoir revu aucune des trois têtes blondes, sans compter sa fatigue et l’alcool que son corps frêle adolescente de quatorze ans cherchait à digérer, la tâche s’avérait bien plus ardue.
Asha éclata de rire lorsque le triplé se présenta comme étant le plus beau et le plus accompli des trois. Si elle avait d’office qui se tenait en face d’elle, elle se serait fait une grande joie de se tromper volontairement de prénoms, pour associer ces adjectifs là à un autre frère. Mais en nageant de la sorte dans le doute, elle avait une chance sur trois de lui servir un compliment et ça n’était pas ce qu’elle voulait, pas comme ça, pas sans ironie. Tant pis. “Vraiment ?” se contenta-t-elle alors de lui répondre une fois qu’elle eu terminé de rire, hochant doucement la tête de haut en bas, écoutant les autres bêtises que le Bonfrère avait à dire. La jeune fille pencha la tête lorsqu’elle entendit le beau blond lui dire qu’il était celui avec qui elle avait partagé des entraînements. “J’suis toujours un garçon !” pensa-t-elle, mais elle ne dit rien. Ses fins sourcils se froncèrent au dessus de ses yeux sombres alors qu’elle scrutait les traits du capitaine de la Méduse. Elle décrocha un instant, se remémorant Rodrik qui aurait eu à peu près le même âge que Gormond s’il avait été encore en vie, si Jason ne s’était pas moqué de leur religion comme il l’avait fait. Il aurait été souriant, charmant, il aurait eu ce sourire assuré, un qu’elle avait déjà vu maintes fois sur ses lèvres, mais plus grand encore puisqu’il aurait multiplié les conquêtes aussi bien maritimes que féminines. Il aurait eu quelques cicatrices en plus sur le visage, dans le cou, il aurait les mêmes cals sur les mains, à cause de l'entraînement et des cordages. Il aurait été en vie si son père avait pris d’autres décisions. Mais ce qui était fait était fait. Le Dieu Noyé en avait décidé ainsi, alors il ne servait à rien de s'apitoyer sur leurs sorts, Alannys le faisait déjà assez pour le restant de la famille, même Balon à sa façon, Asha le savait. Elle voulait simplement garder de joyeux souvenirs d’eux. Garder leurs amis comme ses amis.
Gormond reprit la parole et Asha revint à elle, remontant son regard qui s’était perdu sur ses mains, droit dans ses yeux bleus. Ses sourcils restèrent froncés lorsqu’il évoqua qu’elle était devenue une femme à présent. Décidément, le Bonfrère avait décidé de continuer à se moquer d’elle ce soir ! Elle n’avait rien d’une femme. Le dos de sa main vint trouver la joue du capitaine, frôlant doucement cette joue qui demeurait imberbe à son plus grand déplaisir il semblerait. “C’est vrai que pour l’coup, tu fais pas bien mieux que moi Gormond…” Sa main glissa lentement jusqu’à son menton, procurant un douce caresse au fer-né par la même occasion. Puis soudainement elle saisit l’extrémité de son visage et le serra, l’obligeant à la regarder droit dans les yeux, bien que les siens n’avaient rien de bien spectaculaires en comparaison de son bleu. “T’arrêtes de t’fiche un peu de moi oui ? J’suis pas une lady, merde à la fin ! J’suis toujours le même garçon ! J’reviens de ma première vraie expédition avec Harras et si tu crois que j’peux pas te botter les fesses maintenant, bah tu te trompes !” Elle savait que Gormond l’avait taquiné. Elle savait tout autant qu’il ne prendrait pas mal ses paroles puisqu’il n’y avait là aucune véritable menace, aucun mot qui se voulait réellement agressif. Mais Asha n’aimait pas qu’on se moque d’elle et elle avait l’impression que c’était ce que Gormond faisait à parler d’elle en tant que femme ou lady. Elle ne serait jamais comme sa mère ou sa tante Harloi. Elle ne porterait pas de robes, Balon l’avait débarrassé de ce fardeau. Elle serait un garçon, éternellement. Elle en était persuadée.
Lorsque l’adolescente eu l’impression que son message était passé avec clarté, elle lâcha le visage de Gormond et porta sa pinte à ses lèvres. Elle avait le temps d’apprendre ses limites avec la boisson et ce soir lui servirait de leçon, mais elle ne le savait pas encore. D’un geste sans délicatesse, elle essuya une goutte qui venait de couler aux coins de ses lèvres. Le simple fait que son ami évoque le voyage qu’elle venait de parcourir suffit à lui rendre un sourire éclatant. Ses yeux se remirent à briller en repensant aux richesses et aux aventures qu’elle venait de vivre grâce à son cousin. Elle ne pourrait plus s’en passer, elle le savait. Elle venait de mettre son doigt dans un engrenage et ne pourrait plus jamais en sortir. Elle regrettait simplement de ne pas avoir pu goûter à cette expérience plus tôt. Et à présent, elle avait simplement hâte que Harras ou Victarion ne lui indique sa prochaine date de départ. Elle était devenue dépendante à l’adrénaline qu’elle avait alors ressenti. “On est allé jusqu’à la baie des Serfs et on a même croisé des pirates au retour ! On leur a mis une de ses raclées ! Et plutôt que d’nous voler, ils se sont retrouvés dépouiller de leurs dernières prises les salauds !” Asha se fit un peu plus pensive, un peu plus rêveuse. “T’en as d’la chance d’être ton propre capitaine et de pouvoir partir quand tu l’veux. Où tu veux ! Si tu r’pars bientôt tu pourras m’prendre sur la Méduse ? J’sais pas encore quand Harras ou Victarion vont reprendre la mer…” Son corps avait encore besoin de repos, mais son esprit se trouvait à l’état opposé.
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Asha & Gormond
And you'd see if you dared, that our moments were never owned, only ever were they shared. For you there must be me, and for me there must be you!
Une étrange langueur, teintée par les remous gris de l’amertume, emplit le cœur du Bonfrère. Il se tient en ce jour, jeune et pourtant tourmenté, enivré par des songes passés qui coulent en son esprit, au doux son de la mélancolie. Il aspire à revenir aux temps heureux d’une insouciance encore toute proche ; à rire aux dépends – malgré lui, malgré elle – de la jeune Greyjoy, à se brûler les muscles en compagnie de ses aînés ; tout en bruit tonitruant, apostrophes véhémentes et grognements bourrus, joviaux. Tout semble si loin désarmais, et pourtant les spectres des défunts, des disparus, des oubliés errent sur l’île et en son cœur. Et l’organe confus, encore vêtu d’un linceul funèbre, gbalance d’un bout à l’autre ; balloté de tristesse. Mais surtout, ah terrible coup d’un Destin empli de malice, il a été ravi. Gormond, encore ébranlé et abasourdi par ce rapt, où ses désirs les plus obscurs émergent, captifs et couards, ne sait que croire ou que penser. « Nostalgique », que son second le dit. L’est-il, vraiment ? Un homme du nostos ? Car le retour est accompli. Dans la brume opaline, enveloppé d’un silence sépulcral, quand seul le frémissement des vagues s’élève en droit. Et les rouleaux d’écume, délivrant leurs nappes nacrées, toujours et à jamais, se font l’écho des hommes, dont le cœur voudrait rugir. Ainsi le Fer-Né fut-il balayé par la dure réalité ; il s’était pourtant préparé à grincer à dents, à serrer la mâchoire. Il avait déjà connu la Mort : par éclabousses sanguinolentes, mais la marée pourpre le surprit. À son insu, il s’est érigé en figure psychopompe, naviguant entre les corps dodelinant de ses frères. Tous, déchus… Il fut surtout frappé par la simplicité. Un instant, vociférant et belliqueux ; et après, la gorge nouée, noyée par un flot de sang. Tous, inertes. Comme endormis, après une longue nuit d’ardeur ; peu exigeants quant à leur couche éternelle. Enchevêtrés ici et là, démembrés ou non, bientôt recouverts du masque rigide et pâle de la fatalité. Et son Dieu ? N’a-t-il pas offert ses complaintes, à l’aube carmin ? Pourquoi, pourquoi ? Eux et non pas les autres ? Ces infidèles. Devait-il, vraiment, rappeler à lui des âmes dévotes et ferventes, dont les mains sanglantes et hargneuses s’animaient en son nom, dictées par sa Voix hiératique… Dans sa grande confusion, le jeune Bonfrère s’abandonna quelque temps à la colère, révolté par tant d’injustice. Encore en ce jour il se questionne, mais son cœur tumultueux s’apaise ; même malgré lui, voilà les effets du temps qui aliènent.
« Con ? », répète le Fer-Né en s’esclaffant, le ton rieur. « Mais, Asha. Est-il vraiment sage de s’adresser en ces termes à son futur mari et admirateur de première heure ? N’oublie pas que Maron m’a offert ta main et que je compte honorer cet engagement. Je peux me montrer très… attentionné, tu sais », conclut-il avec un clin d’œil. Le Bonfrère fait référence à une plaisanterie échangée avec les Greyjoy, quelque temps de cela ; son ami et frère Greyjoy l'avait provoqué en duel amical et comme « gage », il lui avait donné la main de sa jeune sœur. Gormond avait accepté, perdu, et reconnu sa « peine » d’un bon cœur ; le tout était un jeu, certes peu… respectueux des sentiments d’Asha, mais en son for intérieur, le Fer-Né s’était dit qu’il y avait pire comme « gage ». Il avait toujours ressenti cet élan d’affection pour la fille de Balon ; il appréciait son esprit et ses manières, en particulier la hargne manifeste coulant en ses veines, alors qu’elle s’élançait contre lui, armes dressées et menaçantes. Au départ, à l’instar de ses frères, le jeune homme l’avait considéré à la légère, parant ses coups d’un bras nonchanat, un sourire indulgent aux lèvres. Et puis, très vite, il avait vu le feu en elle : ce fer incandescent, redoutable. Et ses passes d’arme avec elle, danses d’esprit et de corps, prirent un enjeu tout autre. Le nom du Greyjoy disparu a passé ses lèvres, protégé par une couche de légèreté taquine. En douceur. Il n’en demeure que les vocables prononcés rouvrent la plaie béante ; ses amis lui manquent si intensément. Soudain, d’un jour à l’autre, le Bonfrère s’est senti seul. Délaissé. Dépourvu sans les rires et les conseils, sans les confidences et l’évocation de leurs rêves communs. Gormond considère le visage de son interlocutrice, transformé en une image spéculaire de ses propres traits. Il reconnaît le voile du passé ornant ses beaux onyx. Il se fustige d’être la cause de ce trouble, de remuer ainsi les fantômes chéris et noyés. Il aurait pu faire preuve de tact, ou calmer un peu sa langue trop avide de discours salés, teintés d’une séduction illusoire. Et le garçon aux yeux d’azur frémit imperceptiblement au passage de sa main, que son esprit traître traduit derechef en « caresse ». Lui-même est étonné par la douceur du geste inattendu, mais bienvenu. Il sourit faiblement, une jolie courbe sincère des lèvres ; légèrement relevée sur le coin droit. Il ne quitte pas Asha des yeux, expectatif ; avide de ses mots et de sa présence. Il n’est pas tout seul, non. Une amie demeure à ses côtés, partageant peut-être les mêmes troubles qui l’assaillent. Un rire tranquille fait onduler sa gorge. « Ah, mais je n’en doute pas ! Je peux sentir à ta poigne toute la force qui coule en toi. Tu es bien une Greyjoy ! », rétorque-t-il. Il tait le « ma Lady » qui vient naturellement à sa langue ; ses moqueries ne dépassent jamais le respect éprouvé. « Et je suis fier de toi, Asha », dit-il d’un ton bas. Son regard clair brille d’intensité et du sentiment déclaré. Comme le seraient tes frères, n’en doute pas. Mais Asha n’a pas besoin de paroles réconfortantes ; elle est un roc. Inébranlable, encore jeune, mais le fer polissant son esprit et sa volonté se dévoile de jour en jour. « Ah, malheureux pirates… J’aurais aimé voir ça de mes propres yeux ! Je ne peux qu’imaginer leur déconvenue, ah ah ! ». Une pause. « Oui, chaque jour je me réjouis d’être au commandement de la Méduse. Je dois t’avouer qu’au début… J’étais un peu penaud, la queue entre les jambes même, capitaine ! T’imagines ! Sacré responsabilité… Je me suis préparé, j’en ai rêvé, mais à y être… Je pensais tout foutre en l’air… que la Méduse allait couler en deux deux par ma faute ! Mais on s’y fait, avec un bon second, de bonnes cartes aussi, ah ah. Vraiment ? Tu voudrais venir ? Je… bien sûr. Tu sais que je ne te refuse rien », ajoute-t-il avec un sourire. Puis, plus sobre : « Tu crois que tu pourrais ? ».
« Con ? », répète le Fer-Né en s’esclaffant, le ton rieur. « Mais, Asha. Est-il vraiment sage de s’adresser en ces termes à son futur mari et admirateur de première heure ? N’oublie pas que Maron m’a offert ta main et que je compte honorer cet engagement. Je peux me montrer très… attentionné, tu sais », conclut-il avec un clin d’œil. Le Bonfrère fait référence à une plaisanterie échangée avec les Greyjoy, quelque temps de cela ; son ami et frère Greyjoy l'avait provoqué en duel amical et comme « gage », il lui avait donné la main de sa jeune sœur. Gormond avait accepté, perdu, et reconnu sa « peine » d’un bon cœur ; le tout était un jeu, certes peu… respectueux des sentiments d’Asha, mais en son for intérieur, le Fer-Né s’était dit qu’il y avait pire comme « gage ». Il avait toujours ressenti cet élan d’affection pour la fille de Balon ; il appréciait son esprit et ses manières, en particulier la hargne manifeste coulant en ses veines, alors qu’elle s’élançait contre lui, armes dressées et menaçantes. Au départ, à l’instar de ses frères, le jeune homme l’avait considéré à la légère, parant ses coups d’un bras nonchanat, un sourire indulgent aux lèvres. Et puis, très vite, il avait vu le feu en elle : ce fer incandescent, redoutable. Et ses passes d’arme avec elle, danses d’esprit et de corps, prirent un enjeu tout autre. Le nom du Greyjoy disparu a passé ses lèvres, protégé par une couche de légèreté taquine. En douceur. Il n’en demeure que les vocables prononcés rouvrent la plaie béante ; ses amis lui manquent si intensément. Soudain, d’un jour à l’autre, le Bonfrère s’est senti seul. Délaissé. Dépourvu sans les rires et les conseils, sans les confidences et l’évocation de leurs rêves communs. Gormond considère le visage de son interlocutrice, transformé en une image spéculaire de ses propres traits. Il reconnaît le voile du passé ornant ses beaux onyx. Il se fustige d’être la cause de ce trouble, de remuer ainsi les fantômes chéris et noyés. Il aurait pu faire preuve de tact, ou calmer un peu sa langue trop avide de discours salés, teintés d’une séduction illusoire. Et le garçon aux yeux d’azur frémit imperceptiblement au passage de sa main, que son esprit traître traduit derechef en « caresse ». Lui-même est étonné par la douceur du geste inattendu, mais bienvenu. Il sourit faiblement, une jolie courbe sincère des lèvres ; légèrement relevée sur le coin droit. Il ne quitte pas Asha des yeux, expectatif ; avide de ses mots et de sa présence. Il n’est pas tout seul, non. Une amie demeure à ses côtés, partageant peut-être les mêmes troubles qui l’assaillent. Un rire tranquille fait onduler sa gorge. « Ah, mais je n’en doute pas ! Je peux sentir à ta poigne toute la force qui coule en toi. Tu es bien une Greyjoy ! », rétorque-t-il. Il tait le « ma Lady » qui vient naturellement à sa langue ; ses moqueries ne dépassent jamais le respect éprouvé. « Et je suis fier de toi, Asha », dit-il d’un ton bas. Son regard clair brille d’intensité et du sentiment déclaré. Comme le seraient tes frères, n’en doute pas. Mais Asha n’a pas besoin de paroles réconfortantes ; elle est un roc. Inébranlable, encore jeune, mais le fer polissant son esprit et sa volonté se dévoile de jour en jour. « Ah, malheureux pirates… J’aurais aimé voir ça de mes propres yeux ! Je ne peux qu’imaginer leur déconvenue, ah ah ! ». Une pause. « Oui, chaque jour je me réjouis d’être au commandement de la Méduse. Je dois t’avouer qu’au début… J’étais un peu penaud, la queue entre les jambes même, capitaine ! T’imagines ! Sacré responsabilité… Je me suis préparé, j’en ai rêvé, mais à y être… Je pensais tout foutre en l’air… que la Méduse allait couler en deux deux par ma faute ! Mais on s’y fait, avec un bon second, de bonnes cartes aussi, ah ah. Vraiment ? Tu voudrais venir ? Je… bien sûr. Tu sais que je ne te refuse rien », ajoute-t-il avec un sourire. Puis, plus sobre : « Tu crois que tu pourrais ? ».
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Encore une fois, il n’avait fallut que quelques mots à Gormond pour couper le sifflet à la jeune Greyjoy. Son regard s’était noirci en une fraction de seconde, ses sourcils s’étaient durement froncés et sa bouche s’était entrouverte à cause de l’indignation qu’elle ressentait. La seiche reste quelques secondes dans cet état avant de réussir à reprendre ses esprits et dompter la rage enfantine qui l’avait saisit. Elle était plus grande à présent, elle ne pouvait plus répondre comme une gamine colérique, piquer une crise parce que le propos qu’elle avait entendu n’était pas ce qu’elle attendait. Si elle réagissait de la sorte, le Bonfrère aurait exactement ce qu’il souhaitait. Il touchait les cordes sensibles de la susceptibilité d’Asha, il voulait la faire sortir de ses gonds et elle faisait de son mieux pour ne pas lui donner ce plaisir. Doucement, l’adolescente referma sa bouche puis dérida progressivement son front. Ses lèvres se pincèrent une nouvelle fois, c’était plus fort qu’elle. Ses yeux se perdirent un instant sur son poing, au niveau du banc. Il était serré et ses jointures avaient légèrement viré au blanc. Elle était tenté de lui asséner un nouveau coup. Mais il fallait qu’elle continue d’exercer sa répartie, même si cela demandait quelques instants de réflexion. “Décidément l’Bonfrère, tu dis vraiment n’importe quoi ce soir… On t’aurait pas tapé sur la tête pendant ton dernier voyage ? Fais-toi ausculter par un mestre à la fin… Mon frère m’aurait jamais fiancé à un menteur comme toi et tu le sais très bien !” Non, elle n’en savait rien. Ça n’était pas un sujet auquel elle pensait souvent. A son âge, si Rodrik et Maron avaient vécu, la réalité en serait probablement différente, mais ça n’était pas dans celle-là qu’ils vivaient, c’était dans un monde où ils étaient morts que ses poumons à elle inspirer et expirer leur nécessaire vital. Alors non, il n’avait jamais été question de mariage et il ne lui semblait pas que c’était un thème que ses aînés avaient eu à l’esprit, si ce n’est pour se moquer d’elle, après tout, c’était Balon qui décidait de tout. “T’façon, t’as rien à faire avec un poux comme moi… Ouais ! Ça aussi j’le tiens de Maron ! Garde-donc tes attentions pour la rouquine là-bas qui te mange du regard depuis tout à l’heure.” dit-elle en pointant du doigt une des serveuses qui se trouvait derrière Gormond. “Et t’avises pas d’approcher tes sales pattes de moi ! Beurk alors !” Asha n’était pas vraiment intéressée par les choses de la chair. Sa position vis à vis de ce sujet ne lui semblait pas vraiment clair encore, mais cela lui semblait être tout sauf une priorité. Tristifer se montrait un peu plus tactile depuis quelques temps, mais elle l’avait toujours repoussé. Il n’y avait aucune raison pour qu’il n’en aille pas de même avec Gormond ! Et puis de toute manière, le sujet n’était même pas un sujet puisqu’il ne faisait que se moquer d’elle, elle savait qu’elle n’était pas attirante et qu’il ne faisait qu’en plaisanter.
Mais finalement, malgré ses bonnes résolutions, Asha ne put s’empêcher de vouloir faire une démonstration de force au beau blond pour qu’il arrête de parler d’elle comme de n'importe quelle fille des Îles. Elle avait attrapé son menton avec une certaine poigne et s’était appliquée à mettre les points sur les i. Le Bonfrère ne sembla pas s’en offusquer, mais ne se moqua pas d’elle pour autant. Au contraire. Alors que ses lèvres s’agitaient pour énoncer le fond de sa pensée, Asha sentit quelque chose peser plus lourd dans sa poitrine. Quelque chose se serrait. Son coeur peut-être, elle n’en était pas sûre. A moins qu’il ne s’agisse de ses poumons cherchant plus d’air. Mais ça n’était pas désagréable, au contraire. Elle sentit ses épaules s’affaisser doucement et sa prise sur le menton imberbe de Gormond se desserrer. Ses yeux se mirent à briller d’une fierté éclatante. Il la reconnaissait comme une Greyjoy, comme une digne sœur de ses frères. Asha ne vivait pas pour ces mots, elle ne les avait pas attendus et pourtant, alors que leur son résonnait dans ses oreilles, elle ne appréciait la tonalité et l’importance. Si la Greyjoy avait été éduquée différemment, s’ils avaient été des hommes des contrées-vertes, elle l’aurait probablement serré dans ses bras dans une étreinte amical. Mais ça n’était pas le cas. Asha se contenta de lâcher le menton de son ami et de hocher doucement la tête, un sourire ému aux lèvres, pour signifier à Gormond qu’elle l’avait entendu. Merci, disait-elle silencieusement.
Le sujet suivant se fit moins sentimental mais pas moins riche en émotions pour autant puisque Asha se mit à raconter les péripéties de sa première expédition. De poser à nouveau des mots sur ce qu’elle avait vécu la renvoyait instantanément sur le pont du boutre de son cousin avec la même impatience et énergie trépignante qui l’avaient habitée alors. Elle ne pouvait guère cacher son enthousiasme alors elle avait demandé à Gormond s’il était envisageable qu’elle fasse partie de son équipage pour sa prochaine virée en mer. Elle craignait que celle de Harras ou de Victarion ne soient bien trop éloignées dans le temps. Et cela lui manquait déjà. Elle voulait y retourner, se confronter à de nouveaux ennemis, progresser, apprendre, mériter son statut de Capitaine comme son père autrefois. Elle était impatiente de vivre. Peut-être était-ce l’âge, peut-être était-ce le fait d’être fer-né, peut-être était-ce tout simplement qui elle était, ou bien même un mélange de toutes ces choses là. Ses yeux se remirent à briller lorsqu’elle entendit Gormond compter ses premiers temps en tant que Capitaine, le poids des responsabilités et des engagements. Mais cela ne l’effrayait pas, elle était avide de tout découvrir le plus vite possible. Elle en rêvait, même avec les yeux ouverts. Même si alors que Gormond parlait, elle visualisait le pont de son futur navire et elle dans les bottes de celles du Bonfrère, elle n’en était pas moins attentive et garda dans un coin de son esprit l’importance qu’il accordait au choix d’un bon second. Le sourire d’Asha finit par dévoiler ses dents lorsque Gormond se montra plutôt réceptif à l’idée de prendre Asha avec lui le temps d’une expédition. Trépignant littéralement sur place, Asha dû poser sa pinte sur la table pour ne pas la renverser sur eux. Rien n’était programmé, rien n’était joué et pourtant, c’était comme si le beau blond venait de lui dire qu’ils allaient prendre la mer à l’instant. La Greyjoy n’entendait plus la plainte silencieuse de ses muscles. Elle s’était rapprochée de manière quasi imperceptible de Gormond, emportée par son enthousiasme débordant. “Si Harras ou Victarion disent à mon père que t’es un gars de confiance, j’suis sûre qu’il n’y aura aucun problème ! Après tout, tous les prétextes sont bons pour que je m’entraîne !” Asha fit une légère pause, triant rapidement toutes les questions qui envahissaient son esprit. “T’as d’jà un lieu en tête pour ta prochaine quête ?” Asha ne pensait plus à ce qu’ils avaient évoqué avant, elle ne prenait plus garde aux gens qui l’entouraient, il n’y avait plus qu’une chose qui avait de l’importance à présent à ses yeux.
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