"This, Madame, is Highgarden" | Loras Tyrell
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An 298 | Lune 10
Loras & Daemon
L'ombre d'un sourire contrit flottait sur ses lèvres à peine révélées par le heaume ouvragé. La visière d'or sombre était rabattue sur son regard, projetant une ombre sur ses paupières. Bien heureux d'être caché par son uniforme de la foule de nobles qui s'était déversée dans le château à l'arrivée du Suzerain de l'Ouest, le Sand profitait d'une tranquilité relative, à l'abris des marques d'attention dans son armure cramoisie. Ses yeux froids pétillaient pourtant d'une impatience puérile tandis que son regard passait presque paresseusement sur la multitude colorée qui l'entourait et qui jactait inlassablement à ses oreilles, lui renvoyant sans cesse l'image d'être de garde au beau milieu d'un poulailler. Un dessin grotesque , et d'autant plus net que le comportement ainsi que cette manie que les filles d'ici avaient d'orner leurs cheveux d'un plumeau lui permettaient de s'en complaire sans effort. Lui qui goutait habituellement peu qu'on l'ignora de la sorte était aise de cette indifférence que projetait l'inconscient de tout un chacun sur l'uniforme qu'il portait. Sa silhouette faisait partie du décors, aussi immobile que les colonnes de marbre et les dorures qui ornaient la pièce.
Il y avait quelque chose de confortable dans la fonction militaire pour un être tel que lui. Les regards, oui, il les aimait. Les applaudissements, bien plus encore. Mais uniquement sur la lice. En dehors de la joute, le Sand, dont l'expression sauvage était souvent confondue comme étant une lubie de sa part -une sorte d'astuce pour se donner un air mystérieux-se renfrognait aussitôt, se refermait comme une huitre et ce, le plus naturellement du monde. On lui en avait souvent fait le reproche car son attitude fermée rebutait autant qu'elle pouvait insulter sans le vouloir, et la mine farouche que dépeignaient spontanément ses traits n'était pas sans rappeler le visage abrupte de son père, Ryon. Les mondanités glissaient sur les silhouettes noires du père et du fils comme du sable fin sur le dos d'une dune. L'hypocrisie était plus loin de leur coeur que ne l'était le soleil. Alors, puisqu'ils ne pouvaient feindre, ils se taisaient souvent.
Sous son casque au mufle de Lion, ses cheveux sombres, ses yeux pâles et surtout la cicatrice si reconnaissable qui creusait sa joue étaient hors de portée de quelque amateur de tournois qui aurait été en mesure de mettre son nom sur ces caractéristiques. Rien ne le distinguait des autres gardes Lannisters. Rien, si ce n'était la silhouette courbe qui ceignait sa taille. Il n'y avait pas de lourde épée dans le fourreau qui pendait à sa ceinture, mais un sabre tranchant comme un rasoir.
Sa main gantée reposait nonchalamment sur la garde de ce dernier. Ne s'attendant guère à voir une émeute détrôner la joyeuse atmosphère, le dornien profitait du cadre dans lequel il jouait son rôle avec rigueur, et légereté. La splendeur du château était trop éclatante pour qu'on ne pensa seulement à la gâcher. Aussi, un air ravi, presque impertinent, éclairait son visage masqué, parvenant même à estomper les cernes grises qui soulignaient ses iris bleutés. Au moins, les lords présents n'étaient pas aussi analphabètes que l'était la grande majorité des soldats du Castral Roc et leurs échanges étaient vifs, plaisants à écouter. Soudain un sursaut crispa ses épaules et referma ses doigts. Ses sourcils se haussèrent. Puis son visage se détourna du mur et du crâne du soldat qu'il observait passivement jusqu'alors, pour se poser quelque part sur sa gauche, au dessus des coiffes et des rubans. Retenant un soupir condescendant, sa bouche se tordit dans une furtive grimace narquoise tandis qu'il fermait un instant ses paupières.
Au détour d'une conversation d'où avait jailli une voix forte et pleine d'allégresse, accrochant dès lors l'attention du bâtard, était soudain apparu Mace, aussi rond et gras qu'une citrouille. Une lueur moqueuse tapie dans les iris du dornien avait brièvement couvert la silhouette vêtue d'un immonde brocard vert pistache avant de s'en détourner, à l’affût d'un spectacle autrement plus interesssant. Bien que Daemon ne tarda pas à repérer sa présence, le contraire, en revanche, n'arriva pas. Entouré d'une mélopée de jeunes filles en fleur, le-dit spectacle s'éloigna. A nouveau. Et de trois, compta-t-il joyeusement dans sa tête. La tentation de laisser un des ses rares éclats de rires couler de sa gorge était forte, mais la vision d'un garde Lannister riant ostensiblement sur le passage de Loras Tyrell l'en dissuadait aisément. Il se contenta donc de laisser le Chevalier poursuivre sa route, la gorge serrée par l'impatience, le coeur chaud de l'avantage de pouvoir savourer des retrouvailles que son amant attendait encore.
Lorsqu'enfin on vint prendre sa relève, il s'éclipsa sans un mot, laissant sa place au soldat portant lui aussi l'amarante synonyme du nom qu'ils servaient. La nuance paraissait presque trop écarlate ainsi plongée dans une myriade d'étoffes aux douces teintes pastels. Souveraine. Agressive. Quelle autre couleur pour exprimer avec une telle justesse l'aura de Lord Tywin?
Ses pas le menèrent bientôt loin du bourdonnement de la foule, ses bottes claquant sur le marbre à un rythme régulier qui n'était troublé que par le cliquetis fébrile des sangles que sa main se dépéchait de défaire. Du marbre qu'ils foulaient, ses pieds retrouvèrent le contact d'une pierre plus rude. Les murs étaient plus austères, plus froids. Les quartiers de la forteresse destinée aux soldats avaient des allures d'écuries disaient les nobles d'ici. Ils ne différaient pourtant guère des halls de la Grâcedieu remarqua le bâtard, sans pour autant en prendre ombrage. Quelque page de l'Ouest se précipita vers lui pour l'aider à se débarrasser de son armure. Ce faisant, le jeune garçon balbutia des paroles inaudibles de timidité comme pour s'excuser de chaque coups ou inconfort qu'il pouvait causer au chevalier qui n'eurent pas plus d'effet sur le regard absent du Sand que si ses mots avaient été chuchoté par un courant d'air. Le dornien semblait davantage préoccupé par la faim qui lui tenaillait le ventre. Disposés à la manière de natures mortes élaborées, d'innombrables fruits trônaient dans de vastes coupes de fer ouvragé. Sa main leste se saisit d'une carré de concombre qu'il croqua, goutant la saveur raffraichissante de l'aliment et boudant les desserts cacaotés et autres mets exotiques offerts par la générosité légendaire de Mace. Le père de Loras était sans aucun doute un idiot finit, mais sa bonté était trop touchante pour être ignorée. Lorsqu'il fut libéré de la dernière pièce de métal à l'éclat de manganèse, sa silhouette élancée revint aussitôt sur ses pas, avec une hâte sobre et contrôlée.
Malmené par la chaleur qu'il devait supporter sous le métal de l'armure, le cuir de sa tunique couleur de sang s'était marqué de divers plis à la manière d'un origami fatigué par le temps. Sa mise, d'une élégance plus rude que celle déployée par les quelques lords et ladies qui venaient à croiser son chemin, attrapa ici et là quelques regards désapprobateurs toutefois dépourvus de méchanceté. Le port altier du bâtard leur répondait à peine, bien qu'il dut serrer les dents lorsqu'une jeune femme l'observa de haut en bas avec un froncement de nez qui eut vite donné l'impression qu'elle venait de renifler du purin. D'ailleurs, c'était sans doute le cas. Le Sand, après tout, n'avait pas pris la peine de retirer ses bottes de monte pour en chausser de plus raffinées.
Il retrouva finalement les chuchotements curieux qui animaient les corridors. La cour des Tyrell était en effervescence et, depuis l'arrivée de la bannière au Lion tôt ce matin là, chaque éventail agité cachait un noble se questionnant sur les intentions du Lion et soufflant quelque rumeur impatiente. Jusque là, Lord Tywin avait imposé un secret absolu sur le but de cette visite. Loin de se douter de la finalité qui serait bientôt prononcée, le Batard se fendit d'un sourire fin en apercevant la nuque qu'il cherchait. Plutôt que d'obéir aux impulsions qui rongeaient sa poitrine et qui le poussaient à dévorer la distance qui les séparait encore, Daemon se plut à regarder le bellâtre évoluer parmi les petits groupes qui s'étaient formés. Les bras croisés sur la poitrine, il se rappela l'enfant à la tignasse bouclée, immobile.
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An 298 | Lune 10
Loras & Daemon
Hautjardin brillait. Hautjardin ne connaissait pas les angoisses ni les ennuis. Il était calme et paisible, caressé par le soleil biefois jamais trop violent. Par les fenêtres du château, les doigts d’or du soleil entraient et embrassaient le sol et les murs. De son toucher doux et calme, l’astre lumineux titilla les chaussures des dames et les prunelles ambre du garçon au visage doux dont le sourire anxieux souleva les minces pommettes. De temps à autres, ses dents croquèrent lestement sa lèvre inférieure, pétale de rose, et une main subtile replaça quelques mèches de ses cheveux bouclés. Ces petites habitudes presque inconscientes faisaient glousser les demoiselles qui se tenaient près de lui, attiraient leur regard lorsqu’elles étaient un peu loin et qu’une de leurs compagnes leur montrait le jeune Chevalier aux fleurs. S’enthousiasmant, elles firent naître au creux de la gorge du garçon une boule de fierté, bien qu’il s’en irrita rapidement. Elles semblaient ne pas comprendre lorsqu’il avait besoin d’un peu d’espace, d’air, qu’il n’avait pas envie de les entendre piailler. Loras était sociable, ce n’était pas à négliger, mais il nécessitait à peu près autant de moments seul que de moments accompagné. La plupart d’entre elles n’avaient rien à lui dire si ce n’étaient que des mots futiles pour occuper le temps et espérer vainement qu’il leur ferait un compliment sincère ou qu’elles marqueraient son esprit au point où il ne cesserait de penser à elles. Ces jeunes filles ne voulaient que des histoires d’amour calquées sur celle que racontaient les contes, sans nécessairement ressentir de véritables émotions. Avoir la gloire de prétendre être passée dans le lit de ce jeune homme qu’on qualifiait de plus beau garçon de Westeros. Il ne pourrait leur donner rien de ça. Sans vouloir leur mal, il souhaitait qu’elles décrochent et qu’elles voguent vers des horizons meilleurs pour elles. Qu’elles trouvent des garçons qui les aimeront. Loras ne détestait pas la compagnie des filles lorsqu’elles ne bavaient pas sur ses chaussures, par exemple. Margaery, Ellyn, ses cousines, Desmera, Leonette l’épouse de son frère Garlan … Tout ça pour dire qu’il avait été particulièrement heureux lorsque son père l’arracha vivement, sans lui demander son avis, de la conversation riante qu’il entretenait avec quelques petites fleurs joyeuses.
L’esprit ailleurs, Loras laissa Mace l’inclure dans quelques conversations décousues. Si quelques minutes avant il s’était retrouvé à entendre quelques nobles parler du bon temps, présentement il devait écouter son oncle Redwyne comparer son vin à celui d’Essos sous les regards et les oreilles obnubilés de son auditoire. À une réplique qui se voulait drôle et bien pensée, la Rose Dorée laissa couler un rire forcé pour accompagner le rire gras de son père. Habituellement, il profitait de ces petits évènements qui animaient Hautjardin une fois chaque l'une ou deux, les appréciait et s’amusait plus souvent qu’il ne le pensait. Or, malgré son sourire omniprésent, il n’arriva pas à se défaire de son malaise. Rapidement, il salua le petit groupe et suivit son père qui voulut le présenter à une connaissance venue d’ailleurs. Lorsque ses yeux d’or avaient observé, tremblants, l’escorte de Tywin Lannister descendre l’allée menant au château, son cœur s’était excité et sa gorge serrée. Il ne savait pas la raison de la venue, ni pourquoi ce dernier devait discuter avec mamie. Personne ne le savait réellement sauf peut-être son père. Mais les rumeurs circulaient déjà depuis quelques temps à Hautjardin. On disait qu’on allait marier Loras. Que beaucoup de filles auraient le cœur brisé et qu’une autre vivrait un mariage très peu coloré. Depuis l’arrivée de Tywin Lannister et de sa fille, on disait que Loras serait marié à Cersei Lannister. Que de cette façon, une alliance entre le Bief et l’Ouest serait conclue. On se demandait comment on pouvait donner à un si beau jeune homme une femme ayant le double de son âge, même si elle était toujours très belle. On ne sentait pas très bien la vulnérabilité au creux de la gorge du garçon, cette même vulnérabilité qui rendait aujourd’hui ses jambes maladroites et ses mouvements un peu trop secs. Il tentait de la camoufler. De faire croire qu’il gérerait la situation. Pourtant, il voulait fuir plus que jamais. Partir et ne pas avoir à subir cette possible union forcée avant même de savoir si elle existerait vraiment On tendait à dire que seules les femmes subissaient les mariages forcés et que les hommes les acceptaient mieux. Ce n’était pas tout à fait vrai. Loras redoutait le mariage, cette atteinte à sa liberté. Alors que son père sembla totalement fasciné par sa discussion, Loras balaya la salle du regard dans l’espoir d’y trouver une présence rassurante. Fixées dans l’idée de retrouver sa sœur, il chercha une chevelure semblable à la sienne.
La mélodie de voix qui se jouait sans se soucier de lui parut soudainement bien loin. Lorsque son regard saisit ce qui n’était pas Margaery, mais tout aussi bien, le temps sembla s’arrêter. Il le voyait, si loin de lui, le fixant, les bras reposant sur son torse. Ses yeux grands ouverts pétillèrent d’une joie qui les avait quittés ce matin et ses lèvres presque closes se redressèrent à nouveau. L’image de la sœur qu’il cherchait s’effaça et il n’y avait plus dans sa tête qu’une espèce de vide heureux qui remplaçait l’angoisse des rumeurs moqueuses. Loras Tyrell ne pouvait mettre de mots sur la surprise qui le secouait. Pourquoi ne lui avait-il rien envoyé pour le mettre au courant de sa venue ? Lorsque Loras s’excusa à la petite assemblée, cette dernière sursauta vaguement, comme si elle avait oublié la présence silencieuse du Tyrell. Ce dernier haussa les sourcils avant de tourner les talons et partit sans que personne ne tourne le moindre regard vers lui. Rapidement, il se creusa un chemin parmi les quelques gens, les prunelles toujours rivées sur son amant. Désormais si près de lui, il sembla si loin de toutes ces angoisses qui l’irritaient depuis ce matin. « Que fais-tu ici ? » Sa voix curieuse n’avait rien d’un reproche. Le sourire qui ne l’avait pas quitté depuis et ses yeux parlaient pour lui : la présence de son tendre ami était comme un baume sur son cœur. La distance entre lui et Daemon était satisfaisante pour plaire à la société, mais trop grande pour le satisfaire lui, mais il n’avait pas le choix de l’assumer présentement. Pourtant, il leva le bras et toucha distraitement le tissu qui couvrait l’avant-bras de son amant. On était habitués aux manières tactiles de Loras, ça ne sortait donc pas de la norme. Ses fins doigts triturèrent délicatement le tissu rouge. Il observa le dornien de haut en bas et son sourire s’étala un peu plus. Son allure ne trompait pas ; Loras aimait l’air d’un homme au sortir d’une armure, surtout si cet homme était le sien. Relevant le regard vers le visage de Daemon, il saisit son regard. « Tu travailles pour Tywin Lannister ? » Loras n’en donnait pas l’air, mais il lui arrivait parfois d’être perspicace. Il avait vu, il n’y avait pas très longtemps, cette même tunique sur d’autres soldats Lannister sans leur armure. Sa voix était illuminée de fierté. S’il avait raison, il était heureux pour son amant. Il ne connaissait pas le Lannister, mais il en savait suffisamment pour savoir que son homme n’était pas mal tombé.
L’atmosphère, soudain, fût chamboulée par l’éclatante et grave voix de son père qui s’était mis, pour impressionner quelques bonshommes et bonnes femmes, à chanter une mélodie biefoise aux paroles douteuses. Le fils ne l’homme soupira, comme habitué par cette manie parfois embêtante. Il constata cependant que tous les regards se tournèrent vers son paternel et que plus personne, que ce soit par désespoir ou par fascination pour l’imbécilité de cet homme, ne portait attention à ce qu’il se passait au-delà. Le sourire de Loras parut drôlement plus moqueur lorsqu’il fit à Daemon un signe de tête pointant vers la porte qui menait non seulement à l’extérieur de la salle, mais à un couloir un peu moins emprunté. « Sais-tu ce qui amène Tywin Lannister ici ? » Lança-t-il sans réel espoir d’obtenir une réponse. Personne ne le savait mis à part sa grand-mère, son père et le lion concerné. De toute façon, il était bien plus intéressé par ce que son amant pourrait avoir à dire sur lui-même que sur Tywin Lannister. Le jeune homme accéléra légèrement le pas, s’enfonçant de plus en plus dans le couloir vide d’où le bruit de la salle semblait désormais n’être qu’un petit murmure presque muet.
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An 298 | Lune 10
Loras & Daemon
Fixe et serein, le regard bleu seulement couvert de l'ombre d'une mèche de cheveux bruns se satisfaisait de la vision qui évoluait sans le savoir sous ses yeux. La quiétude fébrile de l'après-midi adoucissait le sentiment de fatigue qui pesait sur ses épaules vêtues de carmin et rien ne venait perturber son calme, pas même les quelques épaules qui vinrent à le frôler tandis qu'on passait à ses côtés. Appliqué à son observation, le dornien paraissait aveugle et sourd aux silhouettes qui l'entouraient. Ces dernières n'étaient guère en mesure d'en prendre ombrage puisque soucieuses de le baptiser de l'exacte même indifférence qu'il leur portait à cet instant, et leurs silhouettes colorées se contentaient très bien de son silence sans paraître percevoir l’intérêt appuyé du bâtard pour une personne singulière. Le péril d'un simple regard qui, à Dorne, n'aurait pas soulevé la moindre attention mais qui entre ces murs devenait déplacé puis inapproprié à mesure que les secondes s'écoulaient. L'ombre pesante du scandale obscurcissait déplaisamment le bonheur du Sand qui ne boudait pourtant pas son plaisir.
Il y avait quelque chose de proprement fascinant chez le Tyrell que Daemon n'avait jamais pu voir ailleurs. Le brun ne pouvait jeter la pierre à ces filles qui rougissaient au plus petit mouvement épié du chevalier des Fleurs, bien qu'il trouva quelque chose de presque effrayant à cet ascendant involontaire que Loras pouvait avoir sur son entourage. Lui qui avait encore tendance à voir le jeune blond comme un enfant insouciant se demandait si son amant avait réellement conscience du charme qu'il projetait où si ce dernier était parfaitement irréfléchi. L'une comme l'autre de ces deux réponses subjuguaient le Sand au moins autant qu'elles le tourmentaient. Ses yeux pâles le couvaient comme ils couvraient autrefois la silhouette fluette de l'enfant prodige qu'il avait connu, et continuaient de lui prêter malgré les années la même vulnérabilité. Si l'attitude de son amant persistait à le séduire presque malgré elle, son comportement, plus terne qu'à l'accoutumée, finit par se révéler au Sand, qui esquissa un froncement de sourcils soucieux.
Pendant qu'il demeurait immobile, ses bras croisés sur sa poitrine se crispèrent soudain un bref instant avant de se détendre à nouveau. Instinctivement son menton s'était baissé en apercevant quelques manteaux d'amarante qu'il surveilla du coin de l’œil par dessous une frange de cils cendrés prudemment abaissée. Lorsque ceux-ci, les bras chargés de quelques coffres destinés aux appartements du Lord et de sa suite, disparurent enfin, Daemon releva lentement son visage, non sans lancer un dernier regard hostile aux dos des gardes. Une pointe de méfiance mais aussi de peur avait surpris son cœur dont il sentit le rythme s’apaiser progressivement; rythme qui ne tarda pas à vibrer de nouveau quand il croisa le regard du jeune homme qu'il épiait jusque là presque impunément.
Soulagé de cette attention partagée, l'angoisse d'être surpris ne le quitta pas totalement pour autant et il redouta le temps d'un battement de cils que l'enthousiasme qu'il lut sur le visage de Loras ne vint à les trahir. Mais à voir son amant se précipiter à sa rencontre, un sourire fin éclaira finalement la mine maussade du bâtard cependant qu'il devait lui-même résister à l'envie de dévorer la distance qui les séparait. S'épargnant la peine de répondre à la première question du jeune homme, il attendit patiemment qu'il déduisit seul la réponse qu'il attendait, profitant de leur proximité nouvelle pour mieux apprécier la manière dont la joie dorait ses prunelles. Le seul contact de la main pâle sur son bras apaisa la tension qui raidissait sa nuque. A la sensation de la chaleur du corps du Tyrell près du sien, Daemon sentit son coeur se gorger du sentiment d'être exactement là où il devait être.
"Oui, depuis peu." Répondit-il sobrement à la fierté qu'il perçut dans les intonations de Loras à l'évocation de son lien avec le Lord de Castral Roc. La simplicité de sa phrase, qui souhaitait donnait une allure naturelle à ces quelques mots susurrés comme une évidence, et renforcée par son rictus ingénu camouflait mal la satisfaction qu'il avait à les dire.
L'écho soudain de la voix de Mace résonnant à travers le hall ne parvint pas à distraire le dornien qui continua d'observer son jeune ami avec, tapie au fond de son regard, une inquiétude discrète. Il tentait encore de retrouver les signes de nervosités qu'il avait perçu au loin mais que le bieffois semblait avoir décidé d'enterrer à sa vue lorsque ce dernier lui fit signe de le suivre. S'exécutant sans rechigner, il emboîta le pas au fils chéri du Seigneur de Hautjardin. Le soleil du Bief dispensait sa lumière en de fins rayons qui venaient mourir sur le riche parquet qui accueillait leurs bottes, projetant des éclats pâles contre les miroirs de la grande salle. Leur escapade passa inaperçue tandis qu'ils s'avançaient dans un couloir aux murs vêtus de riches colonnes de marbres et chaussés de moulures d'or. A l'allure scintillante de la salle d'apparat succéda le silence feutré d'un passage déserté par la foule de nobles qui semblait accaparée par l'échange auquel ils ne pouvaient prétendre assister. La confrontation entre Tywin Lannister et la célèbre Olenna Tyrell était autrement plus fascinante que l'échange, presque ridicule, de Loras et d'un de ses amis. Le dos droit, raidi autant par la stupeur d'avoir tant de mal à comprendre le comportement de son amant que par la fourbure, le Sand suivait docilement le pas rapide de son aimé. L'empressement du chevalier le désarçonnait. Lorsqu'il lui répondit, l'impression qu'il ne l'écoutait qu'à moitié, que son esprit était ailleurs, fit apparaître des plis irrités au coin de son regard malgré le sourire qu'il arborait encore, bien qu'il fut plus pâle qu'auparavant.
"Si je le savais il ne m'aurait pas permis de quitter mon uniforme, et encore moins de te parler." Ces derniers mots assombrirent quelque peu son regard alors que le doute lui revenait. Il détestait l'idée qu'ils furent surpris ensemble, et il haissait plus encore l'allure butée qu'il devinait dans le regard décidé de Loras. Ses pensées étaient de nouveau envahies de cette attitude fuyante qu'il lui avait vue un peu plus tôt et qu'il voyait se dessiner à nouveau dans sa démarche féline et nerveuse. Daemon le laissa néanmoins accélérer sans chercher à l'entraver, imaginant un bref instant que cela l'aiderait à s’apaiser. Mais plus il lui parlait, plus il avait la sensation de tenter de passer le licol à un jeune cheval effarouché, en vain. "J'ai entendu les rumeurs. Tout le monde tremble à l'idée que ta grand-mère et Lord Tywin accordent leurs instruments ensemble...De peur ou d'impatience, je ne saurais le dire. Sans doute les deux à la fois." Des "rumeurs". Sa gorge se serra. Le bâtard de la Grâcedieu regretta immédiatement ses mots, lui qui détestait jouer d'hypocrisie et de faux semblants. Comme si toute la forteresse ne frémissait pas déjà des fiançailles que tous attendaient, extatiques. Jetant un bref regard en biais à son interlocuteur, il tourna ensuite la tête pour s'assurer que le couloir était bel bien désert avant de s'approcher brusquement de Loras.
Cédant finalement à la préoccupation qui lui tenaillait l'estomac, il agrippa sèchement l'épaule de Loras pour le faire stopper son pas de grenadier. Son geste fut plus brusque qu'il ne l'aurait souhaité, mais son caractère rude reprenait trop facilement le dessus lorsque quelqu'un lui tenait à coeur pour qu'il en éprouva seulement du regret. Plantant son regard dans celui du Tyrell, il l'interpella d'une voix abrupte et douce:
"Eh...Ce n'est qu'un mariage." tenta-t-il, trop frustre pour se sentir à l'aise dans l'art délicat du réconfort. La mine froissée par le soucis, il ne relacha pas sa prise sur l'épaule du garçon, la resserrant même davantage dans l'espoir de le retenir de fuir comme il semblait vouloir le faire.
Le Sand avait beau chercher les mots, l'appaisement qu'il souhaitait offrir au jeune garçon lui semblait aussi faux qu'insignifiant. Il en souriait. Et il avait la sensation glacée de se mentir à lui même sans pouvoir pour autant s'expliquer l'origine de ce sentiment; désavouant avant de seulement considérer ce que les Dieux esquissaient devant lui. Son entêtement contraignant son pragmatisme, le dornien s'était délibérement voilé les yeux, confiant malgré tout. L'ombre du Lion était entré dans leurs vies. L'insolence seule ne pourrait pas couvrir longtemps l'angoisse qui se lovait doucement au creux de sa poitrine
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An 298 | Lune 10
Loras & Daemon
Un petit rire, semblant absent, fit vibrer la gorge du jeune homme. Sa question était un peu stupide et la réponse qu’on lui donna était très logique. Tywin Lannister n’était pas, il pensait, ce genre d’homme insouciant qui faisait les choses à moitié. Le regard drôlement fixé au sol, Loras ne se rendait pas compte de la vitesse exagérée de son pas. Propulsé par ses chamboulements émotifs, il n’y avait autour de lui plus rien si bien que même la présence de Daemon lui semblait ne pas être tout à fait là. S’il était tout particulièrement heureux de le revoir, ça ne l’empêcha pas d’être en ce moment dans une bulle d’angoisse trop grande pour quelqu’un qui avait toujours eu de la difficulté à gérer ses émotions. À la mention des rumeurs, la gorge du Tyrell se serra et il toussota en espérant que ce geste anodin fasse disparaître cette sensation. Instinctivement, il fit comme s’il était seul au monde.
L’apparition de Daemon dans son champ de vision et la main qu’il posa sur son épaule, la sécheresse du geste, le surprit et le força, alors qu’il s’arrêta brusquement, à sortir de sa bulle. Les cils battant, il cherchait à comprendre, mais ça ne l’empêcha pas de rester immobile et de ne plus chercher à reprendre le pas. Il comprenait l’intention. Un soupire sourd soufflé d’entre ses lèvres, Loras soutenu le regard de son amant, le questionnant du regard. Enfin, le beau bleu dans lequel ses yeux se noyaient l’hypnotisait doucement, calmant d’une certaine manière l’agitation qui animait la rose adolescente, tout comme les rayons tendres du soleil qui caressaient sa joue. Les mots de Daemon brisèrent l’air et ne laissèrent pas Loras indifférent. Son visage d’ange se déforma sous un petit air boudeur qui rappelait qu’il n’était pas encore tout à fait mature ; il gardait, malgré lui, les mêmes mimiques – bien qu’atténuées – qu’il avait à l’époque où il avait rencontré le dornien. Le garçon détourna son regard d’or des prunelles bleutées offrant sa joue à ces dernières, les coins de ses lèvres pincées tombant vers le bas et ses joues vaguement gonflées. Il n’avait pas aimé la remarque sur le supposé mariage qu’il jugeait bien trop insouciante, comme si l’homme qu’il aimait ne constatait pas l’ampleur du problème. Il était persuadé que l’autre ne dirait pas ça si c’était lui qu’on mariait de force. Il ne savait pas du tout s’il allait être fiancé à l’issue de la discussion mythique qui se produisait – ou qui se produirait, on ne savait pas trop – quelque part dans le château, mais il savait que ça arriverait un jour ou l’autre. Ce jour maudit, il n’aurait pas son mot à dire. « Ce n’est pas la question… » Marmonna-t-il. Il n’aurait pas son mot à dire, car il ne l’avait jamais eu. De toute sa courte vie, il avait été soumis à ce que sa famille voulait bien qu’il soit soumis. Accalmie, la gloire qui avait fini par lui infliger une sorte angoisse quant à la performance qui se camouflait trop bien dans son trop-plein s’assurance… On aimait Loras, certes, mais on ne l’écoutait pas. Loras resta silencieux un instant. Il savait que le stress que lui imposait la mention d’un tel mot porteur d’une telle fatalité pourrait le faire réagir inadéquatement et il n’avait pas envie de se disputer avec l’aimé pour le moment. De plus, même s’il sentait quelque chose de bizarre dans l’attitude du Sand, il savait que son intention n'était pas mauvaise et il appréciait qu’il cherche à le rassurer; s’il avait pu aller se blottir dans les bras du dornien à ce moment-même, il l’aurait fait sans attendre une seconde de plus.
Il soupira une nouvelle fois, la résignation au fond du souffle et son regard brillant retourna se lover dans celui de son amant. « Peu importe le mariage qu’on m’imposera, ce ne sera jamais celui que je souhaite. » Laissa-t-il glisser doucement d’entre ses lèvres toujours boudeuses malgré son ton qui semblait animé d’un brin d’espièglerie. Alors que son regard alterna quelques fois entre les prunelles de Daemon et le fond du couloir, sa main se posa sur celle qui serrait son épaule. Ses longs doigts fins la caressèrent distraitement et il la pressa un court instant contre sa paume. Il l’abandonna, à contrecœur, au moment même où il entendit des pas légers et rapides dans le couloir perpendiculaire. Rapidement, le bieffois se décala pour se retrouver à nouveau côte à côte avec le bâtard. Il jeta un œil distrait à la servante qui passa dans l’autre corridor sans même leur porter attention. Lorsqu’elle fut disparue de vue et d’ouïe, Loras reprit la marche qui avait été interrompue. Il connaissait bien les couloirs de Hautjardin – le contraire aurait été un peu triste – et il savait qu’ici, dans ce couloir où l’intérêt principal était les escaliers qui menaient aux appartements de Margaery, les gens qui n’étaient pas la concernée, leur mère, ses dames de compagnie ou les servantes ne s’y aventuraient pas trop. « Aurais-tu un moment pour moi ? » L’espoir au creux de la voix, le Tyrell n’avait pas l’habitude de le demander à son homme, prenant ce qu’il voulait au moment où il le souhaitait, mais maintenant que l’homme était un chevalier au service de Tywin Lannister, son temps n’était probablement plus aussi libre. Loras n’était pas réputé pour son non-égoïsme, mais son tempérament s’adoucissait vaguement quand les papillons qu’il avait encore, malgré le temps qui passait, au fond du ventre se réinstallaient.
« Je sais que tu dois peut-être retourner à tes obligations bientôt, mais j'ai besoin de toi, d’écouter ta voix. Tu dois avoir des choses à me raconter, n’est-ce pas ? Peu importe, je veux simplement être avec toi. » Loras assumait très bien le fait d’être aussi amoureusement mou qu’un gâteau, mais son ton ne respirait pas la niaiserie, mais une certaine détresse qui ne lui était pas habituelle. Toutes ces histoires de mariage n’étaient que des rumeurs, mais il n’irait probablement pas mieux avant de connaître les raisons de la discussion entre les deux vieux. Sa voix douce et murmurante ne craignait pas tant d’être surprise par des gens de Hautjardin (qui savaient rester motus et bouche cousue) que par ceux qui venaient de l’Ouest ou d’ailleurs dans le Bief. Normalement, ils n’avaient pas à s’aventurer tout partout dans le château si personne ne les avait autorisés à le faire ; c’était irrespectueux. « Allons dans ma chambre ? » S’il s’agissait d’une question, ça ne voulait pas pour autant dire qu’ils avaient le choix. Le Bief n’était pas Dorne et il n’avait pas envie de soulever un scandale. S’ils voulaient être l’un avec l’autre, ils n’avaient pas le choix de s’isoler. Si son ancienne relation avec Renly Baratheon avait été sujette à bien des rumeurs, des bruits voyageant de bouches à oreilles, il ne pouvait se permettre que ça se reproduise avec Daemon. Dans le cas de l’orageois, les gens se moquaient, d’autres étaient choqués et dégoûtés, mais la poussière retombait bien vite et tout le monde finissait par retourner aux discussions sur le beau temps. Avec un bâtard qui en plus se trouvait être un dornien, les choses ne se passeraient pas aussi calmement. Mais Loras l’aimait et il n’était pas du genre à renoncer à quelque chose pour se plier aux convenances. Au moment où ses dents coincèrent sa mince lèvre, son sourire se redressa doucement.
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