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[RP Solo flashback] Voyage aux confins du monde

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Voyage aux confins du monde

   
Chapitre 1: lune 9, an 293

   


   
Hobber Redwyne

   
Un tumulte fait bringuebaler les hommes, aspergés par l'écume d'une vague qui se fend sur la coque du navire, à bâbord. Le regard ne perce rien à travers l'épais brouillard, son voile gris cendreux empêche tout. Tout voir, tout sentir. Rien n'est possible. La peur, de la mort et de l'inconnu, ne peut pas se lire sur le visage de ses hommes. Affairés, qui à la proue, qui à la voilure, au cordage, à la barre, leurs tâches sont connues au fond de leurs tripes. C'est une chanson qu'ils fredonnent depuis qu'ils sont enfants, depuis que le père de chacun lui a dit, encore bambin : « tu seras marin mon fils ». C'est une vie d'absolu bleuté qui les amène à chevaucher sur ces champs d'azur houleux, comme d'autres grimpent sur des chevaux et foulent la plaine moelleuse. Mais lorsqu'on tombe sur un champ de bataille, on commémore ; lorsqu'on tombe en mer, on disparaît à jamais. Et on aime à croire que cette perspective façonne un genre d'hommes à part. De ceux qui affrontent droit dans les yeux un horizon à perte de vue, effrayant par son immensité. Il faut ne pas avoir le vertige pour s'élancer en haute-mer. Les voix ici se perdent. Ici tout ce qui vient de la terre est altéré, rien n'est destiné à y survivre, même les hommes : comme une plante verte qui essaie de pousser au milieu d'un désert sans oasis. Un marin trempé s'écrase par terre, les planches se sont dérobées sous ses pas à cause de l'eau et de son inattention à cause de l'urgence ; son nez saigne mais il se relève. Hobber hurle des ordres que la mer démontée et la tempête chassent dans un vacarme gargantuesque.

L'aventure téméraire en mer Grelotte ne pouvait qu'avoir cette issue. Il était parti avec la mort dans le cœur et celle-ci n'avait donc pas eu à le rattraper, elle était déjà en lui. Ses hommes ne le savent pas, mais il ne les a pas emmené à la rencontre de l'inconnu pour une gloire partagée ; il a juste fui ses certitudes et son avenir tracé, un caprice de noble qui subit une humiliation. Et ses gars l'ont suivi, peut-être pour leurs propres raisons, il est très mal placé pour sonder les cœurs. Tous ont bien dû se douter des risques qu'ils prenaient, faire des veuves et orphelins perdus, et des parents désemparés par l'idée d'enterrer – même symboliquement – leur progéniture. Le vent frappe leur visage, sifflant dans leurs oreilles, claquant leur peau ; comme un long râle aigu venu des tréfonds de l'océan glacial. Hobber tient encore la barre alors que ses hommes tiennent encore des cordes avec l'énergie du désespoir. Dans ces cas là, il s'agit d'une fenêtre chanceuse pour changer la situation du tout au tout, pour dire qui continuera son périple jusque d'autres contrées ; ou au contraire qui ira nourrir le plancton dans un cimetière d'épave. Un long souffle chasse un temps le brouillard trop mystique pour lui sembler naturel, et lui permet de voir un peu plus loin aux alentours. Et soudain son sang se fige, son cœur s'arrête. C'est la fin. Une masse immense d'eau, en un rouleau démentiel s'élève alors que le navire s'engouffre dans un creux de la mer agitée.
Vague scélérate à bâbord ! Hurle-t-il
Scélérate à bâbord ! Reprend son second à la barbe brune hirsute coupée par des cicatrices.
Ses hommes se cramponnent alors qu'il tourne la barre pour changer de cap et la prendre par la proue. Mais c'est trop tard, le navire tourne un peu, mais pas assez. Un fracas terrible de bois déchiqueté se fait entendre. L'abîme complet, le plus terrifiant, les entoure. Il est immense, parfois l'air se fait de nouveau sentir, et aussitôt la tête replonge.

Le jeune Redwyne n'a plus conscience de son état, ni de son appartenance au monde. Tout est noir. Une vaste étendue noire au milieu de laquelle il flotte. Ses bras font des brasses mécaniquement, pourtant il semble ne nager dans rien. Il est au centre du néant le plus complet. Son nez ne sent rien, ses oreilles semblent remplies par du coton, sa peau ne ressent rien et il n'arrive pas à savoir, dans ce noir, si ses yeux son ouverts ou fermés. Et puis l'environnement passe peu à peu du noir total au bleu obscur ; comme s'il était au milieu d'un royaume sous-marin. Et puis le sol finit par s'éclairer à perte de vue, comme si une lanterne d'un blanc pâle animait le sable. Des épaves jonchent le sol, des navires éventrés, des snekkars brisés, des bateaux ibbéniens plantés dans la croûte terrestre.  Il longe le sol granuleux. Il rêve, c'est impossible autrement. Un tel royaume ne peut être fait que pour être vu en songe et rien d'autre. L'instinct agit comme une boussole encastrée dans le cœur dans ces cas là. Ses battements de jambes lui indiquent naturellement une direction. Et il respire comme si ses poumons avaient à faire à de l'air pur. Hobber pose ses mains sur  une coque en bois trouée et s'engouffre dans l'ouverture. Contre toute attente, l'intérieur est aussi éclairé de cette même lumière pâle. Le bieffois est dans une cabine ; le bois est moisi, tout tombe en lambeaux, pourtant elle lui est familière. Il reconnaît ce bureau. Et il aperçoit sur la chaise du bureau, une silhouette décharnée. Il ne la voit que de derrière, pourtant il voit déjà ses bras verdâtres rongés, laisser dépasser des morceaux d'os. Cette fois les pieds à même le sol, Hobber contourne le meuble, pour voir la silhouette de face.

La stupeur le frappe : c'est son père. Son visage est décharné, pourtant il est sûr d'en reconnaître les traits. La peau de ses joues est trouée, et la chair de son nez a disparu. Ses yeux quant à eux sont totalement blancs. Un poignard est planté dans son cœur et seul dépasse le pommeau en forme de pieuvre. Hobber s'en saisit, comme si il y était forcé. Le couteau résiste mais il finit par le retirer. Aussitôt les yeux de son père cadavérique laissent place à deux orbites sombres, et c'est au tour des yeux de la pieuvre sur le pommeau, de s'agiter en devenant rougeoyants avant de se calmer et de revenir au pourpre. Le cadavre lui, s'affaisse, se courbe et s'étend sur le sol. Le chevalier sort du bâtiment et continue sa progression hasardeuse dans les fonds marins. Le sable sous lui s'enfonce, mais Hob' commence à sentir, au-delà du moelleux, qu'une surface dure repose sous ce fin manteau. Le sable commence même à disparaître au fur et et mesure de sa progression, pour laisser place à une vaste surface ronde en pierre. Elle est craquelée, fissurée, mais elle conserve un pouvoir d'attraction étrange. Un petit autel est au milieu, Hobber s'approche. Le socle est grossier, des traits qui ressemblent à des tentacules s'entremêlent ; voilà toute la décoration qu'on y trouve. Une petite cavité est visible au milieu du sommet plane de l'autel. Un peu par hasard et par déduction, le marin enfonce lentement le poignard dedans, la forme coïncide. Un petit bruit se fait entendre, les yeux sur le pommeau semblent s'enflammer à nouveau ; par réflexe le guerrier recule. Une forme humanoïde vaporeuse sort de l'autel, elle le toise de plusieurs pieds. Ses traits sont grimés, très flous, pourtant ses yeux rouges et sévères transparaissent et lui font penser à un homme. Un dieu.  

Hobber se sent ridiculement insignifiant face à cette apparition mystique dont les yeux flambants le regardent sous toutes les coutures et, silencieusement, percent son âme et son cœur à jour. Le rouquin, d'une humilité honteuse, reste totalement silencieux. Il attend son jugement, il n'est rien lui pour prendre la parole devant ce qui semble en tout point être une créature divine. Celle-ci après un long moment passé immobile et muette, s'avance. Elle ne marche pas, elle ne nage pas, elle vole, lentement, comme si se mouvoir après une éternité d'immobilisme la faisait souffrir. Son visage s'approche, il est translucide. Et, hormis ses yeux qui restent les mêmes, le reste de ses traits semblent en perpétuel changement, toutefois il restent ceux d'un homme. Sa gueule s'ouvre et elle laisse sortir des râles rugueux et rauques, mais qui gardent une certaine mélodie. L'humain ne sait pas si cela veut dire quelque chose, s'il s'agit d'une plainte ou d'une langue ancienne et perdue. Pourtant chaque son le fait vibrer de l'intérieur. Son esprit ne saisit pas les paroles, son âme si. La main de ce Dieu dont il ne connaît pas le nom, affectueuse, se pose sur sa tête, dans ses cheveux, donnant une image paternelle. Il caresse ses cheveux à l'instar d'un père fier de son fils. Son autre main tient un objet que Hobber ne voit pas. Leurs regards se croisent, quelques sons sortent à nouveau, et soudain une douleur aiguë se fait se ressentir dans sa chair. La forme mystique plante le poignard de l'autel en plein dans son cœur. Et alors que Hobber crie de douleur, l'apparition s'évapore en rentrant dans le poignard. Soudain tout est de nouveau noir, mais il ne flotte plus au milieu du néant. Il est le néant, et tout son être baigne dans la nuit. Les râles incompréhensibles continuent de bourdonnaient à ses oreilles, mais ils commencent à prendre une consistance humaine. Une voix caverneuse pure le parcourt, parle à l'intérieur de son corps :

« Ne crains plus la mort, ce qui est mort ne saurait mourir. »

Hob' se réveille en criant. Il est étendu sur un manteau de neige fin, mais le froid mordant du sol et de l'air ne le frappe pas encore. Depuis combien de temps est-il étendu ici ? Totalement inerte. Des heures ? Des jours ? Ce qu'il a vu ne pouvait être que les hallucinations d'un esprit conscient dans un corps tout à fait mort, et qui attend qu'on vienne le libérer de ses entraves. Hobber se reste plaqué au sol, tout ankylosé, les articulations dures dans les mouvements et la peau écorchée à maints endroits. Ses yeux cherchent des naufragés comme lui mais rien à l'horizon, hormis quelques débris de navires qui gisent refoulés par la mer. Il ouvre sa bouche pour appeler à l'aide mais aucun son ne sort. Peut-être que ses gars l'ont laissé pour mort. La situation lui paraît beaucoup plus étrange que tragique. Comment a-t-il pu survivre dans cet environnement inconscient ? C'est tout à fait illogique. C'est à la fois impossible de vivre ce qu'il a cru vivre, mais ça l'est tout autant de survivre en le rêvant. Mais la douleur qui le frappe le plus durement se situe sur son thorax ; redevenant lentement – enfin – maître de son corps, il porte sa main gauche sur sa chemise, l'entrouvre, penche sa tête vers le bas : une cicatrice parfaite sur son cœur. Bien entendu elle n'était pas là avant. Qu'est-ce que ça pouvait être comme bordel ça encore ? D'une main il referme sa chemise, l'autre est encore paralysée. Hobber tourne la tête pour la regarder, elle est ouverte, la paume vers le ciel. Un poignard, au pommeau en forme de pieuvre avec des rouges pourpres et ternes y trône. Ses doigts se referme dessus et le bieffois reprend lentement sa respiration, pour calmer l'angoisse qui l'habite. Ce qu'il a vécu reste impossible à ses yeux, tout ceci ne peut-être que hasard ou hallucination. Le poignard peut être celui d'un de ses marins qu'il aurait récupéré pendant le naufrage, quand à la cicatrice, depuis le temps qu'il a ni bu, ni mangé, ses yeux sont capables de lui faire miroiter des choses invraisemblables. Pourtant résonne encore en lui :

« Ne crains plus la mort, ce qui est mort ne saurait mourir. »

   
© DRACARYS