[FB] Naissance d’une nouvelle amitié (feat. Daemon Sand)

Toute de noir vêtue, la silhouette du dornien s'avançait parmi les décombres qu'on lui avait indiqué comme étant "la cours d'entrée" de la forteresse. Raide du long périple qui l'avait mené jusqu'ici, il tenait son dos droit et cette sévérité militaire était amplifié par les pas lents et précautionneux qu'il effectuait. S'il ne faisait que visiter, son attitude exprimait clairement le mépris détaché que lui inspirait le décorum lugubre dans lequel il se verrait forcé de passer les prochaines heures, voire les prochains jours. Sa démarche, féline malgré les courbatures du voyage, n'était en réalité que le fruit d'une certaine réticence à poser le pied sur l'amas de boue et de gravas humide qui constituait le sol en dessous de lui. Le sable doux et propre lui manquait déjà, et le soleil de Dorne plus cruellement encore alors qu'ici, il devait se contenter d'un astre pâle et mort à la place.
Un col de fourrure sombre protégeait son cou de ce froid mordant qui l'entourait. Daemon détestait la sensation des poils fins chatouillant sa peau nue et gelée, mais la fourrure était nécessaire pour qu'il ne gela pas sur place. Seulement, sa tenue paraissait dérisoire et il se surprit plusieurs fois à accrocher un regard envieux sur quelques peaux de bêtes du Nord qui passaient à son côté. En comparaison, sa fourrure lui semblait bien mince. Le manteau qu'il portait était pourtant de facture noble,  et, bien que le tissu rustique -plus épais que les soies dorniennes  - lui avait paru rude lorsqu'on lui avait présenté cette parure inhabituelle, il n'égalait en rien l'abris que pouvaient offrir les tissages de la région. Aussi, ce dernier était resserré à la taille par une ceinture d'argent sombre à la manufacture si austère qu'elle paraissait faite du même fer qui ornait la pointe des lances. Enfin, le turban qu'il avait enroulé autour de la tête était l’apanage des hommes du désert et s'il attrapait ici ou là des regards dubitatifs, le Sand comptait férocement le conserver. Il seyait fort bien au climat froid et saisissant d'Harrenhal. Hélas, malgré toutes ces couches de vêtements, la main glacée de l'Hiver parvenait encore à glisser sur ses bras, à frapper ses jambes et à toucher ses yeux.
Quelques minutes de cet enfer grisâtre lui avait suffit pour comprendre que tous les ornements qui avaient été étendus pour l'occasion ne parviendraient pas à réchauffer pour un sou l'âme funèbre qui vibrait entre ces murs. Et les sourires accrochés sur les visages qui croisaient sa route lui paraissaient presque obscènes, alors qu'au dessus d'eux se penchaient les imposantes tours décapitées. Le feu des dragons. Un frémissement indicible agita les cils cendrés du Sand, tandis que sur son visage se peignait une expression plus grave. Les flammes noires des bêtes d'Aegon et de ses soeurs lui avaient longtemps parues comme un conte presque légendaire, où le mythe aurait amplifié la réalité et dont une infime partie seulement serait véridique. Devant la triste scène, Daemon se sentit blêmir légèrement. Le feu des dragons. Feu-Ardent se rappela-t-il, plein de morgue. Quelle calamité le destin lui avait-il mis sur les bras... Ses poumons se glacèrent pendant qu'il réalisait enfin pleinement quel fléau il avait laissé libre dans le désert. S’arrêtant presque pour observer les hautes fortifications de pierre fondue, il serra les poings, tentant de se rassurer et ignorant les épaules qui venaient régulièrement doucement le frôler ou le pousser. Mais il n'était pas dans la nature du Sand de mentir à haute voix, et encore moins à lui-même. Il aurait beau se répéter que les créatures qui avaient commis ces atrocités étaient des géants, il ne pouvait que se désoler en constatant qu'il n'était pas parvenu à maîtriser le dragon rouge qui n'était pourtant pas plus grand qu'un aigle la dernière fois qu'il s'était offert à sa vue. Peu importait le temps que cela prendrait, il devait trouver un moyen d'y parvenir. C'était sa responsabilité. Sa seule responsabilité. Celle-là, ainsi que celle de ne pas faire trop de vagues durant leur séjour dans le Conflans. Mais, plus forte que la peur, il n'arrivait que difficilement à ignorer la boule de colère qui logeait au creux de son estomac.

Ce fut le cœur lourd mais volontaire qu'il reprit sa route, non sans adresser un dernier regard a la silhouette du château qui le surplombait. Ses yeux d'aigue-marine passant sur les blasons comme sur les passants de noble lignée, il essayait de noyer ses pensées dans une observation poussée de l'univers qui l'entourait et qui faisait poindre la nostalgie dans sa poitrine. Que ne pouvait-il être encore l'écuyer du Prince Oberyn, comme autrefois! Un choc plus violent que ceux qu'il avait du essuyer jusqu'à présent lui fit pousser un grognement exaspéré. Fermant un instant ses paupières, il serra ses machoires et siffla un juron entre ses dents avant de prendre une grande inspiration pour pouvoir mieux soupirer ostensiblement à la face de celui qui l'avait bousculé. Daemon dardait sur lui un regard hargneux quand l'inconnu décida finalement de s'excuser après une courte hésitation. Le bâtard releva le menton pour écouter les excuses de ce dernier avec tout le dédain qui s'y prêtait. Il le jaugea sans gène, observant sa mise et reconnaissant les armoiries qu'il y affichait, bien que seule l'odeur de sel marin qu'il traînait et qui, si elle devait être sommes toutes légère, ne pouvait que sauter au nez du Sand qui était si peu habitué à la humer, aurait suffit pour reconnaître en lui un fer-né. Le nez du Sand se fronça imperceptiblement à ce parfum, mais son attention fut ramenée au regard de glace de l'insulaire lorsque ce dernier évoqua un nom qui lui évoquait quelque chose, mais qui sonnait faux et juste à la fois. Jon Stark? Le connaissait-il? Sans doute. Peu lui importait. Il avait hâte d'être débarrassé de l'intrus, maintenant qu'il avait eu ses excuses. Cependant, cela ne semblait pas être l'ambition de son interlocuteur qui ne lui laissa pas même le temps de se tourner. Le Greyjoy -donc- enchaîna sur une présentation pompeuse de sa personne. Un sourire fin s'étira doucement sur les lèvres du brun pour accueillir cette guirlande de titres honorifiques ampoulés. Rien ne pouvait tant titiller l'orgueil du Sand que lorsqu'on faisait ainsi étalage devant lui de tous ces mots auxquels il ne pouvait que répondre d'un prénom et d'un nom qui n'était pas vraiment  le sien. Et le petit air satisfait, volontaire ou non, que communiquait la fierté qui faisait vibrer sa voix horripilait Daemon dont l'immobilité statuesque camouflait mal l'amertume.
"Vous n'en trouverez pas. Mon nom est Daemon Sand, de la Grâcedieu." répondit-il d'un ton abrupt, haussant un sourcil dédaigneux à la fin de sa phrase alors qu'il imaginait sans peine que ce sauvage de fer-né ne saurait rien du fief dornien. Quant à savoir s'il avait un jour eut vent des exploits chevaleresques de l'écuyer d'Oberyn Martell... Cela lui paraissait improbable. Le Dornien devait avoir une aussi mauvaise connaissance des îles de Fer que le fer-né de Dorne et de ses subtilités. Il ne l'avait pas abordé depuis une minute que, déjà, le caractère ardent du bâtard s'était fait une très basse opinion du pompeux ambassadeur. Nonchalamment, sa main droite alla trouver la garde de sa dague, se posant sur sa hanche plus par négligence que par menace. Ses sourcils se froncèrent sans qu'il ne se départit du sourire froid et du regard glacial dont il baptisait le jeune homme depuis le début.
"Mais, dites moi,Theon, frère de la reine Asha Greyjoy des Iles de Fer..."Articula-t-il lentement, le regard brillant malgré le calme froid de sa voix.L'insulte était facile, mais le Sand était connu pour tout sauf pour sa subtilité."Il n'y a pas de Jon Stark." acheva-t-il après avoir laissé sa phrase en suspens. Sa voix était pleine de certitude et ses intonations avaient un accent sentencieux.