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"I dream of gardens in the desert sand" (pv-Loras )

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I dream of gardens in
the desert sand

An 300 Lune 6 Semaine 1



Loras Tyrell & Daemon Sand

La fournaise du désert avait fait naître une pellicule de chaleur sur la surface rugueuse du sol rocheux, et dans la pierre ocre, les ombres se détachaient, rouges comme le sang. Les sabots de la monture en grattaient le sol d'un trot régulier, arrachant au sol des nuages de poussière qui s'éparpillaient et retombaient vite, faute de vent pour les porter. A main droite, un hongre de moindre carrure que l'étalon immaculé sur lequel était juché le cavalier trottait mollement lui aussi, renâclant sous le poids de son chargement. L'animal, qui tirait au renard, fut rappelé à l'ordre par un coup sec du dornien sur la bride. Ce dernier ne lui accorda pas pour autant le moindre regard. Par dessous le carcan de fer, l'aigue marine qui perlait ses yeux était posée sur la silhouette des monts qui formaient la chaîne des montagnes rouges et il en caressait la surface à la recherche d'une forme, d'un indice sur la présence de celui qu'il était venu retrouver ce jour. L'air était sec et il lui laissait dans la gorge une sensation d'irritation familière. Des années entières semblaient le séparer de sa dernière escapade en solitaire dans les terres arides de la belle Dorne. C'était une autre vie, autrefois, lorsqu'il pouvait encore galoper jour et nuit sans s'arreter. Aujoud'hui était bien différent. Il ne doutait pourtant pas que l'étalon blanc l'aurait porté au galop, survolant en quelques heures à peine ce qui lui avait pris plusieurs jours alors que sa santé lui commandait de marquer un arrêt dès lors que la douleur ou la fatigue menaçait de le faire glisser de la selle. Daemon était néanmoins allègre de ses propres progrès, et le simple fait de pouvoir monter lui procurait un sentiment de grande victoire et de liberté.

Enfin, il pénétra dans les dédales des chemins qui creusaient les montagnes comme des ruisseaux de pierre. Se tordant comme des serpents de gravas, se cassant par endroit, ils se faufilaient entre les falaises escarpées, se glissaient dans les moindres recoins dans un véritable labyrinthe de poussière. Daemon n'était pas aussi alerte que son cadet sur la géographie de la région, mais il l'avait si souvent traversée en compagnie du Prince Oberyn lors de son écolage qu'il pouvait se vanter d'avoir une certaine aisance à se diriger entre ces murs qui se ressemblaient tous aux yeux d'un étranger. Lorsque l'on se fiait aux arbres et aux rivières pour trouver son chemin, il n'y avait ici que la perdition pour ceux qui osaient franchir la frontière sans l'autorisation des gardiens des voies. Les dorniens étaient réputés farouches et indomptables, leurs terres, plus encore.
Plongeant sa monture et sa bête de somme dans l'ombre d'un mont imposant, sa silhouette vêtue de noir et enturbannée d'un voile sombre bordé de rouge ralentit la cadence pour amener les animaux au pas. Il regarda autour de lui, moins par curiosité que pour vérifier que les ombres n'abritaient pas de brigands. Sous lui, le cheval blanc broncha. S'il était difficile pour le splendide étalon de la Grâcedieu de passer inaperçu et de ne pas attirer les convoitises, le Sand s'était catégoriquement refusé à apparaître juché sur une vielle carne au devant de son rendez-vous. Il jeta à nouveau un coup d'oeil soucieux derrière lui, puis se tourna à nouveau vers l'avant et pressa sa monture aux crins d'argent. Les sabots claquaient sur la pierre, projetant des petites pierres lorsqu'ils frappaient dedans et les envoyant rouler devant ou derrière eux. Les chevaux étaient toujours nerveux dans cette région. Ils n'aimaient guère les ombres, et goûtaient peu l'étroitesse de certains passages.
Sur le chemin du lieu-dit où il devait se rendre, il se rappela des risques qu'il avait pris dès qu'il avait quitté les écuries de la demeure des Allyrion. En recevant la lettre frappée d'aucun cachet de cire mais à l'écriture reconnaissable entre toutes aux yeux amoureux du bâtard, il n'avait réfléchi qu'une seule journée, avant de partir la nuit même. Devant sa soeur, il avait prétendu vouloir aller à la rencontre du dragon, caché dans les dunes qui dévoraient les terres de la Grâcedieu. Il soupçonnait d'ailleurs le saurien de l'avoir suivi sur plusieurs lieues dans le désert s'il en jugeait par les piques de nervosité de son étalon et par l'ombre qui avait parfois percé d'un point le soleil éclatant. Le dragon avait disparu dès qu'ils eurent passé la source du Fléau. Le brûlé était parti au coeur de la nuit, prétextant la fraicheur. A l'aube, il n'était pas revenu. Presque une semaine s'était écoulée depuis, et si l'impressionnant chargement de vivres dont il avait affublé le mulet pouvait couvrir son long voyage, les trois-quart ne lui étaient pourtant pas destinés. Ses lèvres se pincèrent en devinant qu'après six jours d'absence, les sentinelles de sa soeur devaient déjà fouiller le désert aux alentours du fief à sa recherche. Il ne pourrait guère s'attarder dans la région montagneuse s'il ne voulait pas trahir son ami. Les gardiens des voies avaient des yeux perçants, et ils étaient féroces, mais ils l'étaient moitié moins que sa soeur.

Sous l'arche naturelle de pierre rougie qu'il vit apparaître au détour d'un chemin, ses yeux se posèrent sur un destrier léger. Il était au coeur des montagnes, quelque part entre la Voie du Prince et la route des osseux, dans un recoin perdu où l'on ne se rendait que par des sentiers de chèvres effacés par les éboulements et les efforts des gardiens pour les cacher et les bloquer aux contrebandiers. Aussi, se fut plein de méfiance qu'il stoppa un instant sa monture, jaugeant l'animal. C'était un cheval dornien mais de moindre race que les coursiers de la Grâcedieu. Et à ses côtés, se tenait un jeune homme. Le Sand sentit son coeur se resserrer d'appréhension avant d'être réchauffé par la joie. Son regard, jusque là soupçonneux dessous les arcades de fer ouvragé, se découvrit, soulagé et il mena son étalon gris au pas pour s'approcher du Tyrell. En reprenant le pas, l'animal fouetta l'air de sa queue cendrée et lacha un ronflement à l'adresse du cheval qu'il ne connaissait pas. Arrivé à hauteur du chevalier exilé, le bâtard s'arrêta, ses yeux trahissant le sourire qui fendait son visage dessous son masque de métal. Il y avait bien longtemps qu'il n'avait éprouvé une joie si douce, alors qu'il se rappelait par bribes le temps où lui et Loras s'amusaient à jouer de leur charme auprès des demoiselles, innocents et cruels dans le secret qu'ils partageaient. Ils partageaient tant de souvenirs. Tant de temps était passé depuis leur dernière entrevue, et presque autant de tragédies des deux côtés de la frontière avaient assombri leurs vies de deuils et de blessures.  

"Loras.." Le saluat-il, sincère et sobre. Il n'avait pas besoin de s'éparpiller en mots doux et cris pour lui dire à quel point il était heureux de le trouver là, sauf et en bonne santé. Malgré la pauvreté de sa mise, lui qui était autrefois si coquet, malgré ses cheveux blondis par le soleil et sa peau brunie par la vie en extérieur. Encore quelques semaines à mener il ne savait quel train de vie dans les montagnes et on aurait pu confondre le rutilant chevalier des fleurs avec un nomade dornien. Il descendit de cheval, mis pied à terre et se tourna à nouveau vers le Bieffois. N'osant lui imposer une embrassade - ignorant quel effet son étât pourrait avoir sur son amant- Daemon préféra dévier la discussion vers les misères des Tyrell, histoire de s'épargner pour quelques secondes encore l'avis de Loras qu'il redoutait tant."Ta soeur, comment se porte-t-elle? " S'enquit-il, alors que les lettres de Loras, concises, ne donnaient guère de nouvelles de Maegery, et encore moins de leur nouveau mode de vie. Une pensée lui traversa l'esprit, lui faisant froncer des sourcils intrigués. "Tu l'as laissée seule?" Un des chevaux hennit, et son cri se répercuta en echo contre les parois rocheuses. Autour d'eux il n'y avait que le silence.


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I dream of gardens in the desert sand
Loras & Daemon
Il y avait toujours un moment où, peu importe son déplacement, il arrêtait de compter les jours durant lesquels il se trouvait loin de sa sœur. Il revenait lorsqu'il revenait, c'était ainsi. Chaque fois, il se trouvait agréablement surpris de revoir la ferme en état, tous ses habitants bien présents et en un seul morceau. Loras savait éperdument qu'un jour, ce ne serait peut-être pas le cas. C'étaient d'horribles pensées auxquelles il n'avait malheureusement pas le choix de faire face, ce qu'il avait fini par prendre avec une bonne dose de cynisme. Il avait voyagé à travers l'Orage, à quelques endroits dans Dorne, était retourné quelques fois dans le Bief ( peu profondément, certes ), allant même parfois jusqu'à pratiquement dépasser les frontières biefoises et orageoises ( très rarement, considérant le temps que cela nécessitait ), et, à sa grande stupeur, sa tête tenait toujours sur ses épaules ( et il en riait, voyez-vous ). Il se demanda même  si on les cherchait réellement ou, bien, si madame la Reine – ou monsieur son oncle le Hightower, il ne savait pas, il ne savait plus – avait des hommes de main à l'esprit si peu aiguisé qu'ils ne savaient même pas ce qu'ils devaient chercher et ramener. Le chevalier regarda autour, avec une attention particulière. C'était bien l'endroit qu'il avait décrit dans sa lettre. Semblable à tant d'autres morceaux du désert dornien, mais qui possédait tout de même quelques caractéristiques le sortant du lot. Il aimait le silence qui noyait l'endroit. Le silence l'avait bercé tendrement durant ces neuf derniers mois. La ferme qui tôt le matin, ne grouillait d'aucune vie, les forêts de l'Orage lorsque le temps était doux, les déserts de Dorne lorsqu'ils étaient loin de tout. Il buvait le silence comme d'autres buvaient le vin.

Le Tyrell descendit de son cheval, qu'il retenu fortement par la sangle. Ce n'était plus la jument de sa sœur, il n'avait pas pu la garder. La couleur inhabituelle de sa robe et sa vitesse étonnante n'étaient pas à l'avantage de son nouveau mode de vie. Il se contentait d'un solide cheval un peu têtu, mais qui faisait tout de même l'affaire. Aussi incroyable que cela puisse paraître, cette nouvelle façon de vivre ne lui déplaisait pas tant que ça. À Hautjardin, sa vie avait été douce et sucrée. Il n'avait, honnêtement, jamais rien vécu. Il n'avait même jamais su ce qu'était de manipuler une épée dans une situation imprévue. Maintenant, il savait. Il savait aussi ce qu'était d'être obligé de dormir sur un sol de forêt, avec les étoiles en guise de seule compagnie. Si un jour il retournait à Hautjardin, il aurait des choses à raconter. Il pourrait même se vanter auprès de Willos ( s'il lui reparlait un jour, rien n'était moins sûr ) ; cette seule pensée le fit sourire. Il commençait à sentir ses bras et ses mollets courbaturés, il aurait du s'arrêter plus souvent, mais il n'avait pas pu se le permettre. Il avait réalisé que s'il le faisait, il arriverait probablement en retard. Sa visite aux rives dorniennes lui avait pris plus de temps que prévu et la route jusqu'à la région montagneuse n'était pas courte. Il ne pouvait pas se permettre de faire attendre Daemon, dans un contexte où le temps assurait des choses essentielles, dont la survie.

Son cheval resta calme, ce qui le rassura. L'animal dont il avait fait l'acquisition était plutôt anxieux et lorsque quelque chose secouait son calme, il réagissait un peu trop vivement à son goût. Chose qu'il considéra autant comme un bien qu'un mal. En même temps, leur caractère à chacun était clairement compatible avec celui de l'autre. À maître impulsif, cheval impulsif. Le garçon caressa délicatement la crinière de la bête, jetant quelques regards autour. Une silhouette qu'il connaissait bien s'ancra dans ses pupilles vives, se fondant dans l'ombre des montagnes. Une vague de nostalgie légère le secoua alors que son sourire s'élargit, que quelques papillons chatouillaient son estomac. Loras vibrait d'une joie qu'il n'avait pas éprouvée depuis longtemps, trop longtemps. Sans dire un mot, il le suivit du regard jusqu'à ce qu'il soit à sa hauteur. Il ne porta pas attention au masque qui couvrait son visage, fixant plutôt les yeux qui souriaient. Tyrell était heureux de ne pas y lire du jugement, du dégoût. Malgré tout, il haïssait la teinte qu'avait prit sa peau, l'impact du soleil qu'avaient subi ses cheveux bouclés, les vêtements qu'il portait, ses bras et ses jambes qui, à force de marcher, de chevaucher, de s'entraîner au combat à intensité double, avaient perdus de leur finesse. Il n'aimait rien de tout ça. On se retournait encore sur son passage, puisqu'il n'avait malgré tout pas perdu son charme, bien qu'il soit désormais différent,  ni ses jolis traits, malgré la fatigue, mais il n'arrivait pas à voir ce que les autres voyaient. Sa peau pâle lui manquait, sa finesse qui faisait qu'on doutait de son statut de chevalier, encore plus. Encore heureux, il ne croisait pas autant de miroirs ici qu'à Hautjardin. « Daemon. » Murmura-t-il d'une voix presque inaudible en réponse à la secousse causée par la prononciation de son nom. Ça faisait un moment qu'il ne l'avait pas entendu. Évidemment, on ne l'appelait pas Loras à la ferme. C'aurait été stupide. Il n'avait rencontré personne qui savait, ou qui méritait de savoir, son prénom. Qu'on le nomme par son nom réel lui permettait de récupérer un pied dans la réalité. Non seulement il aimait l'entendre prononcé par le Sand, mais si en plus ça pouvait lui servir de fil le liant à la réalité, tout était parfait.

Il regarda à nouveau son cheval qui ne semblait pas trop troublé par la présence de l'autre étalon. Tant mieux qu'il pensa avant de retourner son attention sur l'autre et la question concernant Margaery. « Elle se porte aussi bien qu'une noble convertie en paysanne ne le peut. La dernière fois que je l'ai vue, elle était en bonne santé. J'espère que c'est toujours le cas... » Ses yeux fixèrent le sol rocheux sous ses pieds. Le sujet de sa sœur, même lorsqu'il n'était apporté qu'entre lui et lui-même, avait le don de le rendre terriblement inquiet. Lorsqu'il partait, c'était rarement pour moins que trois jours. Un tas de choses avaient le temps de se produire. Un tas de choses qu'il ne pourrait empêcher d'arriver. Il avait toute la confiance du monde en Elijah, sinon quoi il ne la laisserait pas avec lui, mais lui-non plus n'était pas un surhomme ( bon, hormis sa capacité à endurer la chaleur et la fatigue incroyable que, même après avoir croisé Mélissandre, Loras n'arrivait pas à comprendre ). « Elle n'est pas toute seule, si cela peut te rassurer. Elle est avec des gens en qui j'ai une énorme confiance, assez forte pour leur confier la prunelle de mes yeux. Un petit couple qu'on aide à travailler ; la femme lui tient compagnie. » Son regard s'était reposé sur l'autre homme qu'il ne lâcha à nouveau pas du regard. Loras parlait bas. Il n'y avait personne autour, un silence de mort régnait si on ignorait la respiration des chevaux, mais il avait appris à prendre le plus de précautions possibles. Même au milieu de nulle part, nous n'étions jamais à l'abris d'une oreille trop curieuse.

Le chevalier aux fleurs tourna la tête, s'assurant que son cheval était tranquille. Il ne semblait pas agité, alors il lâcha la courroie comme il ne craignait pas du tout que l'animal de s'en aille. Il avait passé assez de temps avec lui pour connaître son attitude et jamais, jamais, il n'avait tenté de partir. Même son propre étalon, – qu'il avait laissé à Margaery il y avait neuf mois de cela et qu'il ne remonterait pas en public, puisque c'était cet animal qu'il avait chevauché à tant de tournois et, s'il prenait la peine de ne plus utiliser son prénom, il ne se montrerait pas inconscient en donnant un indice quelconque sur son identité – n'était pas aussi docile. Loras s'approcha de Daemon. Il voulu poser ses mains sur les siennes, mais il n'en fit rien, se contentant de le regarder. « Tu peux retirer ton masque si tu le veux bien. » Le jeune homme avait un sourire doux collé au visage. Peu importait, il ne le jugerait pas. Fut un temps où il aurait pu, mais après neuf mois à vivre dans une pauvreté drastique, en fuite, avec le minimum nécessaire pour survivre, n'importe quel individu n'aurait pas d'autres choix que de mettre sa superficialité de côté. Enfin, il lui en restait un peu, mais elle ne le concernait que lui, que sa propre image. « Je veux te voir. » Dit-il, le ton plein de sincérité. Loras avait besoin de voir ce sourire qu'il aimait tant – enfin, il n'avait aucune idée de s'il souriait ou pas, mais un homme pouvait espérer. C'était probablement une des choses qu'il préférait chez Daemon. Peu importe son état sous le masque de fer, Loras s'en fichait éperdument. Tout ce qu'il voulait, c'était prendre le risque de croiser un sourire.

electric bird.

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I dream of gardens in
the desert sand

An 300 Lune 6 Semaine 1



Loras Tyrell & Daemon Sand

Un vent chaud soufflait entre les gorges de pierre, balayant le sol poussiéreux et charriant les odeurs âcres du désert. Les senteurs de poussière, de terre et de pierre chaudes, de sable et de soleil prenaient à la gorge mais elles avaient, dans la bouche du Sand, un délicieux goût de liberté. Ainsi perdu au coeur des paysages rocheux, les jours qu'il avait passé, si nombreux, si longs, dans sa chambre coincé entre quatre murs n'étaient plus qu'un lointain souvenir.  Des journées entières à être seul, à travailler dans son esprit à tel voyage ou à une simple balade pour echapper, ne fut-ce que pour un instant, à son amère prison de marbre. Alors que ses yeux se posaient sur le chevalier, un éclat turquoise vint illuminer son regard, chassant l'ombre du soucis. Tout cela ne lui semblait plus n'être désormais qu'un nuage sombre que les vents écartaient  enfin. La voix douce de son amant aurait pu lui paraître bien incongrue dans un tel cadre, mais il n'en avait cure. Il était là, devant lui et sa seule présence lui apportait un réconfort qui, bien qu'il ne l'attendait pas en venant à sa rencontre, se révélait bienvenu.

Tandis que le Bieffois répondait à ses questions, Daemon ne put s'empécher de le regarder de pied en cap, comme s'il le découvrait pour la toute première fois. Il croisa ses bras drapés de noir sur son torse, après avoir passé à son épaule les rennes de sa monture. Un sourire fin se dessinait sur ses lèvres bien que le masque le cacha à son interlocuteur -heureusement, car cette simple moue aurait sans doute heurté la susceptibilité de son ami si précieux- pendant qu'il poursuivait son inspection amusée et discrète.  A ses côtés, l'étalon avait baissé la tête à la recherche d'herbes éparses et desséchées à ses pieds, appuyant son chanfrein contre sa jambe.
Voir Loras Tyrell sans un de ses pourpoints vert à crevées d'or, ou ses chemises en voile de coton vert-d'eau au col et aux manches brodées de soie, ou encore ses broches de précieuseries qu'il affectionnait tant, c'était découvrir un autre homme. Ou peut s'en faut. Le bâtard de la Grâcedieu avait pris l'habitude de paraître plus austère que le jeune homme qui, lorsqu'il était apprêté, semblait être un prince surgit d'une enluminure qui marchait à ses côtés, à lui qui ne portait que les sobres tuniques des hommes du désert et qui ne goûtait guère aux fioritures sur sa personne à l'image de feu son père. Dans l'ombre de l'arcade de métal pourtant, l'appréciation qui luisait dans son regard avait du mal à se terrer félicitant de manière audacieuse cette mise qui ne comblait pas les désirs de l'exilé. Cet air sauvage lui seyait bien, et il plaisait à Daemon, bien qu'il comprit en regardant la mine triste du chevalier qu'il ne partageait guère cet avis.

"Je suis heureux de l'apprendre" répondit-il sincèrement, alors que loras le rassurait sur sa soeur que le bâtard ne connaissait pourtant que de vue. Il se souvenait de ses boucles brunes qu'il avait entraperçut, un matin de printemps dans les tribunes, alors qu'il lançait son cheval sur la lice." Je plains ta soeur. Il n'est guère aisé de s'habituer à une vie si différente de la sienne, mais je ne doute pas que vous saurez vous en accoutumer, par défaut tout du moins. Vous les Tyrell êtes difficiles à abattre, à défaut d'être attrapés..." Il laissa sa phrase en suspens, esquissant un froncement de sourcil à la place. "Non."Répondit-il sechement alors que le Tyrell lui avouait la confiance en ces fameux protecteurs."Ne crois personne en ces montagnes. La prudence vous sauvegardera des regards pendant quelques temps mais un ordre du Prince, un seul, et tout le désert de Dorne ne saurait plus vous cacher." Un léger soupir inquiet lui échappa. Pendant un instant, à la vue des prunelles bleutées de Loras, il avait oublié tous ces soucis, toute cette angoisse inquiète qu'il avait porté sur son dos en venant ici. Pour un instant seulement. Il lui semblait désormais sentir dans son dos un regard vert et accusateur, et un autre, noir comme la nuit, furieux. Daemon parlait bas, et son ton était soucieux. Ces confidences avaient un gout bien different de celles qu'ils partageaient autrefois, un gout de peine et de survie."Je ne veux pas insulter tes amis, qui que soient ces paysans. Les nomades qui parcourent la frontière sont des gens vrais, et généreux, mais fermiers autant que contrebandiers connaissent les lois qui régissent ces montagnes."Comme un réflexe le prit alors le besoin de relever son regard et de regarder autour d'eux. Pour vérifier, simplement. " Que vos protecteurs soient dignes de confiance, je n'en douterais pas. Et je pense que c'est avec sincérité qu'ils vous ont acceuillis. Mais ce sont des gens simples, qui ignorent certainement le malheur que pourrait leur attirer le simple fait d'avoir été vos hôtes. Ici, les lois sont les mêmes pour tous. Dorne est un cadeau empoisonné pour ceux cherchant  l'exil, les cachettes y sont faciles mais elle n'a jamais aimé les intrus, et depuis l'indépendance, elle les rejette lorsqu'elle ne les ecrase pas." Le souvenir du Procès de Rhaegar revint à son esprit. Cela avait été un simulacre que seule la parenté de Nymeria avec la famille princière avait sur leur offrir. Mais rien ne semblait pouvoir protéger les Tyrell dans cette région où ils avaient si peu d'amis."Ceux qui habitent cette région ne peuvent vivre longtemps en échappant au regard des gardiens des voies et, tôt ou tard, votre manège ne les trompera plus. Ta soeur est belle et douce, elle est trop eclatante pour être une paysanne. Et toi, mon pauvre ami, aussi malheureux sois-tu, tu portes encore les stigmates de ta vie de chevalier."

A nouveau, son regard se posa, léger, sur le jeune homme. Son inquiétude avait resurgit dès lors qu'il avait compris que la sécurité qu'il avait imaginé en parcourant les mots de Loras n'avait été qu'un mirage. Une inquiétude que ne parvint pas à éteindre l'angoisse soudaine qui pesa sur son coeur au souhait que formulait le brun. La proximité qu'il rechercha en s'approchant de lui l'appelait, mais il restait coi, incertain. Pourtant il ne recula pas. Cette simple demande avait arraché les mots de sa bouche et il ne se sentait plus capable de prononcer le moindre mot. La peur d'être raillé toujours au coeur le serrait, par la faute de ce visage dont il ne connaissait plus les traits. Seuls les reflets qu'il avaient lus dans les yeux de sa soeur et du mestre lui avaient fait craindre d'en rencontrer l'apparence nouvelle; aucun miroir n'avait croisé son regard depuis.
Evidemment, Daemon craignait le jugement de Loras, puisqu'il partageait son goût des apparences et s'il n'avait pas la coqueterie du Tyrell, il n'en portait pas moins un jugement esthétique dur et intransigeant sur tout ce qui l'entourait, et en particulier les personnes. Orgueilleux, ils l'étaient tous deux. Fiers, aussi, et cela n'était qu'un euphémisme.   Les deux n'avaient pas leur pareil dans les tournoi dans ce qui était de l'art de se pavaner sur la lice comme si elle eut été  la trame d'un conte dont ils étaient à chaque fois les beaux et preux chevaliers. Il se rappelait aussi comme ils s'étaient moqué souvent de ceux qui brillaient moins qu'eux. Comme ils avaient rit alors. Depuis ces jours baignés du soleil de l'innocence orgueilleuse de la jeunesse, le destin avait jeté à bas leur vanité.

Loras avait pris tant de risques en l'invitant à le rencontrer, et c'était là une preuve de confiance, un cadeau, auquel il ne pouvait répondre par son seul orgueil. Bien qu'il ne sut guère cacher son amertume ainsi que le faisait Loras de sa propre apparence, le bâtard s'exécuta, à contre coeur. Dévoiler ses faiblesses n'était pas dans la nature du Sand, lui qui avait été si fort autrefois. C'était pourquoi il portait depuis près d'une année ce carcan de métal dont l'ouvrage, aussi fin était-il, n'exposait qu'un visage mort qui dissimulait tout et ne dévoilait rien. C'était mieux que d’apparaître malade, fatigué, misérable. Par ce visage de métal, n'inspirer que la méfiance et la peur, peut-être, mais être entier, paraître lisse et solide comme une statue et non défait par les blessures. Tout cela valait mieux que  ce qu'il s'apprétait à faire et qu'il avait refusé à tous jusque là.
Sans un mot il porta ses mains derrière sa tête pour délier le noeud de cuir qui retenait le masque. Ses doigts le retirèrent doucement, dévoilant enfin son visage, ou du moins, ce que les bandages et les pansements en laissait deviner. Les bandes de lin recouvraient son front, ses pommettes et seul le bas de son visage et sa machoire gauche avait été épargné. Il n'était pas tant affreux à regarder que lorsqu'on s'appesantissait on devinait au bord des yeux les déchirures qui crevaient sa peau, les rougeurs qui cernaient encore les bandages débordant comme des taches de vin par endroit et courant jusque sur ses lèvres et son menton baissé. Daemon n'avait pas fui le regard de Loras et il fixait sur lui des yeux défiants, et sombres.




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I dream of gardens in the desert sand
Loras & Daemon
Loras laissa le vent chaud de Dorne faire flotter tranquillement ses cheveux. Il ne détestait pas, mais le vent du Bief lui manquait terriblement ; l'odeur fleurie et fruitée qu'il apportait avec lui, la fraîcheur de la rosée qui réveillait le matin. Ici, l'air était sec et insupportable, il y avait des moments où il pensait réellement mourir étouffé simplement en respirant. Il ne détestait pas Dorne, bien au contraire, il affectionnait même ses couleurs, ses odeurs, mais il voyait chaque passage subtil et rapide dans le Bief, voire dans l'Orage, comme une forme de repos . Il se souvenait de leur arrivée à Dorne. C'était terrible. Il avait mis un temps de fou à s'habituer au temps si lourd et aux paysages si durs. Enfin, accepter d'être à Dorne lui avait demandé de ravaler son orgueil. Il avait râlé, en chemin, que ce n'était pas une bonne idée d'aller là-bas, qu'on ne les aimait pas assez pour que leur survie soit assurée, mais s'ils avaient survécus autant de lunes ici, il fallait admettre qu'Irri savait ce qu'elle faisait.  Le regard qu'avait porté Daemon sur lui, qui semblait l'observer détail par détail et que Loras n'avait pu ignorer, se sentant étrangement apprécié, resta sur sa peau même lorsque le dornien commença à afficher une quelconque inquiétude. Le Tyrell attrapait les mots qui coulaient comme il le pouvait,  au visage l'air compréhensif de celui qui avait conscience de tous ces dangers, qui savait que trop bien que Dorne n'était pas la meilleure des terres d'accueil. Si on lui avait dit tout cela avant, alors que sa sœur était encore enfermée, il aurait paniqué, son attitude d'enfant-roi aurait pris le dessus en assumant qu'il était celui qui savait le mieux. Mais en vivant tout ce qu'il avait vécu, il avait appris. Il avait compris que le monde n'avait rien de beau et que les plus faibles se faisaient manger sans pitié. « Je sais bien tout cela, ne t'inquiète pas. Malheureusement, je suis convaincu qu'ils nous trahiront un jour ou l'autre, mais ils sont les seuls gens qui peuvent nous héberger présentement.  Je sais que nous ne pourrons rester ici très longtemps, le fait même que nous soyons ici depuis autant de lunes me surprend. Depuis le début je travaille comme je peux à trouver un nouvel endroit où aller, si cela fini par devenir nécessaire. J'ai pu, par-ci et par-là, trouver des alliés, mais c'est une autre paire de manches en ce qui concerne le fait de garder ma sœur sous leur toit. Sincèrement, ma personne m'importe peu en ce moment, tant que Margaery soit en sécurité. Même que c'est mieux que je ne sois pas toujours trop près d'elle. Les Tyrell ont beau être aussi tenaces que la pire des mauvaises herbes, à deux ils ne passent pas inaperçus.» Il secoua subtilement la tête. Il avait la voix dubitative. Le temps qui avait passé depuis son arrivée à Dorne avait quelque chose d'énorme, il venait d'y penser. S'ils avaient été dans une des cités libres, voire même complètement au nord, il ne se serait jamais soucié d'un simple chiffre. Mais ils étaient à Dorne, si près du Bief. Ce n'était pas normal. Le chevalier commençait peut-être à se montrer paranoïaque, mais il était persuadé que quelqu'un savait peut-être - sans que ce soit nécessairement positif – qu'ils étaient là. Malgré tout, Loras avait l'oeil déterminé. C'était une détermination qui avait dû se faire sentir quand il avait demandé à Daemon ( bien que ce n'eut pas été formulé comme tel ) d'enlever le masque en métal qui recouvrait son visage.

Lorsqu'il s'était approché de Daemon, Loras ressentit l'incertitude de ce dernier. Il n'était pas stupide et même s'il avait voulu mettre cette quelconque lourdeur sur le dos de la chaleur du sud, il n'était pas aveugle non plus. Il était conscient que si l'autre était accoutré de cette façon, c'était qu'il y avait une raison et qu'il serait tout à fait légitime s'il ne voulait pas répondre à sa demande. Malgré tout, il avait encore au visage cette douceur que même l'inquiétude d'il y avait quelques instants n'avait pu estomper totalement. Le Tyrell avait passé de longues lunes à ne ressentir essentiellement que de l'amertume, de la colère et de l'inquiétude, s'il pouvait enfin avoir un sentiment doux au fond du cœur, il le conserverait du mieux qu'il le pouvait. Ainsi, il n'arrêta pas, dans la limite où il le pouvait, de soutenir le regard de son ami.  Mais il avait peur, Loras. Peur de sa propre réaction. Il se savait honnête en pensant qu'il ne jugerait pas ; ses perceptions des choses avaient mutées plus ou moins et il avait appris à le juger par ce qu'elles apportaient plutôt que par ce qu'elles représentaient. Il craignait tout de même que son impulsivité, que son mépris d'avant envers ce qui ne rentrait pas dans ses idéaux, ne prenne le dessus. Il ne voulait pas rejeter cet homme qu'il adorait tant. Il eut l'impression de se faire avaler par les montagnes qui les entouraient, comme si elles représentaient pour lui toute son inquiétude et toute sa peur, peu importe la cause. Son cœur se mit à battre si fort lorsque le Sand se détacha de son masque qu'il espérait en silence s'enfoncer dans le sol dur et sec. Le visage se découvrit et Loras se calma. Il ne sentit pas monter en lui un quelconque dégoût, ni même une envie de lui faire signe de le remettre. Ses prunelles se baladèrent sur ce visage abîmé et couvert de bandages. Le jeune homme remarqua le regard que Daemon posait sur lui. Il se montra défiant alors que ses iris à lui étaient calmes, ne brillant que d'une certaine tristesse et d'une légère tendresse. Il n'était pas dégoûté, ni même déçu. Que la vie était injuste, il pensa,  Daemon ne méritait fort probablement pas ce qu'il lui était arrivé. Délicatement, il tendit le bras et posa le bout de ses doigts sur la peau qui n'était pas couverte. Hésitant, il caressa ce morceau de visage tellement doucement qu'il donna plutôt l'impression de l'effleurer.  

« Tu me plais toujours autant, tu sais ? Tu as toujours les mêmes yeux et j'aime la façon dont ils me regardent. Même lorsque tu me regardais, il y a un moment, j'avais l'impression de me sentir joli à nouveau. J'aime comment je me suis toujours senti en ta présence. Cela ne changera pas. Pas pour une raison comme celle-là, du moins.» Il dégagea lentement sa main du visage de son amant. Un sourire tendre décorait son visage alors qu'il se trouva tout fier d'avoir pu dire ça. Son attachement envers le dornien dépassait le physique. Il aimait la personne qu'il était et il jugea que de le condamner uniquement pour ce visage meurtrit sous ses bandages  était stupide. Et ses yeux. Ses yeux qu'il aimait autant que son sourire. Ils existaient toujours. « Si les gens osent te juger pour cela, c'est qu'ils n'ont pas compris ce que tu vaux vraiment. » Ça, c'était un truc qu'il avait appris avec le temps. Loras qui n'était pas d'un physique particulièrement viril avait dû affronter énormément de propos désagréables durant son parcours. Il se souvenait même du maître d'armes des Tyrell qui se demandait si tout le temps que Mace Tyrell exigeait qu'il accorde à Loras quand il était encore tout jeune était une blague, qu'il ne réussirait jamais à tenir une épée à prise simple et qu'il subirait probablement la même chose que Willos lors de son premier tournois ( il avait dû se mordre les doigts, le monsieur, quand on déclara Loras comme un prodige à l'âge de douze-treize ans ). Il en convenait tout de même que ce n'était pas pareil, mais bon. Loras glissa sa main sur la nuque de son amant et, le coeur secoué par la nostalgie de ce geste qui lui avait si manqué, l'embrassa tout doucement. Dans le Bief, on l'aurait sûrement forcé à se confesser si on l'avait vu, mais tant pis ils n'étaient pas dans le Bief. Le jeune homme se détacha de l'autre et recula de quelques pas, jeta un oeil aux chevaux. Ils avaient de la route à faire. Pas trop, mais de la route tout de même.
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I dream of gardens in
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An 300 Lune 6 Semaine 1



Loras Tyrell & Daemon Sand

 Le baiser qu'il déposa sur ses lèvres avait le goût de leurs premières étreintes. Subtil, presque timide, mais délicat.  Il y avait pourtant une liberté tranquille et nouvelle dans cette embrassade qui ne dura qu'un instant- loin des baisers volés qu'ils s'échangeaient à l'ombre des tribunes- ici, sous le soleil brûlant du sud. Un demi sourire discret souleva le coin droit de la bouche du bâtard qui se délectait encore du contact de Loras et de ses mots. La douce chaleur qui naissait dans sa poitrine à chaque fois qu'il était en présence du chevalier s'était de nouveau installée, rassurée par ce poids que le Bieffois venait de retirer. Les appréhensions de sa réaction quant à ses blessures s'étaient évanouies, mais pas celles qui concernaient la situation de son amant qui demeuraient comme une chape sombre sur ce tableau qui, en d'autres circonstances, aurait pu être idyllique. Mais il ne s'agissait pas seulement d'eux. Plus maintenant. Ils avaient tous deux des personnes à protéger, d'une manière ou d'une autre, et des regards à fuir.  Il y avait la menace qui pesait sur le nom des Tyrell en fuite, il y avait le risque que Valena vint à apprendre pour cette entrevue malvenue, et il y avait les gardiens des voies... Daemon n'osa pas retenir la pression de la main du brun sur sa nuque bien que la sensation de ses doigts sur son cou lui manquèrent aussitôt qu'il les retira pour reculer. Il aurait voulu s'avancer vers lui pour le prendre dans ses bras et le serrer contre lui, mais son instinct le poussait à la méfiance et refroidissait ses ardeurs alors que la sensation d'être épié lui collait toujours à la peau. Il fit tourner entre ses mains gantées le masque de fer pour en regarder un instant les traits sculptés puis il releva les yeux vers le brun. Le Sand remarqua le regard que le jeune homme jeta à leurs montures et il comprit que le temps de partir était venu.
Il déglutit, n'arrivant guère à retenir l'inquiétude qu'il éprouvait à l'idée de cette rencontre qui, s'il pensait avoir tout mis en oeuvre pour éviter l'incident diplomatique, n'en marquerait pas moins le début de son implication dans la fuite des Tyrell. Evidemment, un esprit plus sage l'aurait certainement sermonné pour lui asséner que, s'il avait réellement voulu se montrer prudent et abriter les siens des conséquences que pourrait avoir cette réunion, il n'aurait pas quitté l'enceinte de la Grâcedieu six jours auparavant. Hélàs pour lui, la nature l'avait fait naître bien trop ardent pour qu'il renonça à tendre une main secourable à l'homme qu'il aimait. Encore une fois, les élans de son cœur le plongeaient dans l'erreur, à ceci près qu'il en avait maintenant pleinement conscience et qu'il sentait une amertume cynique envahir sa gorge à chaque fois qu'il repensait à cette promesse qu'il s'était faite de ne plus mettre de bâtons dans les roues de sa sœur, et qu'il ne semblait jamais pouvoir tenir, peut importait à quel point il s'y efforcerait.

Une brise nouvelle fit claquer les pans de leurs vêtements, s'engouffrant dans les gorges de pierre en remuant  le sable en volutes sèches qui vinrent saupoudrer par endroit l'habit noir du dornien de poussière rouge. Il aurait voulu trouver lui aussi les mots doux pour remercier celui qui lui faisait face mais il n'avait jamais été doué dans cet art là, trop austère et ombrageux pour ce genre d'exercice. Il garda ainsi le silence avant de passer un coup d'oeil circulaire sur le paysage qui les entourait, répondant à la préoccupation de son aimé.
"L'après midi ne va plus tarder à toucher à sa fin. Les Ferboys ont déjà du envoyer leurs sentinelles parcourir les sentiers et si ce que Cletus dit à leurs propos est véridique, alors je préférerais ne pas avoir à les croiser. " Il était rare que ce qui se passait dans les montagnes échappa à la vigilance de la maison gardienne, et l'exception dont le cas des Tyrells faisait figure était aussi inquiétante qu'étrange. Mieux valait ne pas tenter le sort en les attendant dans cette clairière de pierre trop longtemps.
Alors qu'il se dirigeait d'un pas calme vers son cheval d'argent, Daemon se rendit compte à quel point le simple fait d'avoir retrouvé l'accoutumance qu'il avait de l'a présence de Loras l'avait rassuré, l'encourageant à aller de l'avant dans cette entrevue à hauts risques. Même s'il n'était pas assez stupide pour s'en réjouir, le fils de Ryon était mu d'une assurance nouvelle, bien que sombre. Il y a quelques années, ils avaient goûté le frisson de cette aventure interdite en se jetant dans cette amourette, sans se douter qu'elle perdurerait jusqu'à ce jour. Ils avaient ri et s'étaient joué de ce statut de parias que leur attribuerait leur relation si jamais elle venait à être révélée au grand jour.  Le monde n'était pas aussi tolérant que Dorne, après tout, mais le jeu était là. Mais aujourd'hui, il n'était pas certain qu'ils sortent indemnes d'une arrestation, qu'elle fut menée par les soldats du Bief ou par les gardiens de la Principauté. Tout était différent, et le danger, lui, venait de tous côtés.

Alors qu'il se remettait en selle sans que l'étalon ne broncha et que, une fois installé dans l'assise de cuir, il nouait à nouveau les liens de cuir pour replacer le masque sur son visage, ses lèvres s'étaient étirées en un sourire franc et mutin. Leurs situations n'avaient peut etre rien d'enviable ou d'amusant, les changements qu'il percevait chez le chevalier aux fleurs lui faisaient de l'effet. Loras avait toujours été revêche, mais la maturité qui commençait à pointer dans son comportement ne passait pas inaperçue aux yeux du Sand, qui étaient plus qu'exercés à l'observer. D'un coup de talon, il engagea sa monture à se rapprocher de celle du Tyrell, tirant sur la bride de la bête de somme qu'il avait amené avec lui. Le bai ébroua son encolure en agitant ses crins noirs et consenti à avancer lui aussi, collant son flanc chargé de paquetages contre celui de l'étalon du bâtard. Il désigna ceux-ci au Bieffois d'un mouvement de menton.
"J'ai pensé que tu en aurais besoin. Ce sont des vivres, quelques vêtements, des médecines, des cartes au cas où vous devriez..."Partir? pensa-t-il après avoir laissé sa phrase en suspens. Mais où? Dans la sacoche de cuir rouge qui pendait près de l'épaule de l'animal se trouvaient les cartes que tous les envahisseurs rêvaient de posséder pour enfin se saisir de l'indomptable Dorne, et qui seraient essentielles si jamais Loras se trouvait forcé de reculer encore dans les terres arides du Principat. Celles qui n'indiquaient ni les mines d'or, ni l'emplacement des armées, mais le bien le plus précieux et que chaque dornien protégeait farouchement: la localisation des puits.  Même les plus secrets y étaient indiqués en lettres manuscrites par feu le Lord Allyrion en personne. Assurément, si Valena apprenait leur disparition, elle le brûlerait une seconde fois.
Le temps jouait contre lui, contre eux. Il rassembla ses rênes dans sa main et baissa un instant le regard sur l'encolure grise de son destrier avant de le relever vers le Tyrell qu'il attendait de suivre. Lorsqu'il parla à nouveau sa voix était douce et basse, mais sombre et fataliste, aussi."Je ne pourrais pas rester longtemps. Demain matin, je partirais."



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Loras & Daemon
Loras s'avoua tout de même heureux de ne pas avoir eu réellement affaire à ces hommes qui gardaient les routes, arpentaient les montagnes. Il avait vu de ces gens à distance ( il ne fallait pas pousser sa chance, il était tout de même ici depuis à peu près plu de dix lunes), mais il avait cet avantage d'être vif, subtile et d'être capable du mieux possible d'éviter les confrontations inutiles. Il n'en dit rien, se contentant d'hocher la tête aux propos de son amant. Si c'aurait été une catastrophe pour lui de croiser de trop près un gardien, il n'imaginait pas ce que ce serait pour Daemon, dornien, qui même s'il était un bâtard, appartenait à une grande famille. Il ne s'inquiétait pas réellement pour lui, à vrai dire. Son inquiétude se posait plutôt sur le Sand qui avait pris tous ces risques pour venir le voir. Il se senti aimé ; ça fit du bien à son coeur. Le vent chaud de Dorne balaya une traînée de fin sable rocheux sur ses jambes dénudées jusqu'aux genoux, une sensation qu'il trouva drôlement agréable. Le Tyrell n'attendit pas avant de tourner les talons vers son cheval à la robe brune claire.  Le jeune homme caressa délicatement la massive crinière pâle de l'animal ; sa vie reposait sur ce dernier, sur sa vitesse, sur sa robe qui le faisait passer pratiquement inaperçu dans les sables et, parfois, les roches de Dorne. Ce n'était pas le genre d'étalon que l'on donnait à un chevalier, sa vigueur ne vaudrait probablement rien en tournois, mais c'était l'individu parfait pour quelqu'un qui cherchait plus souvent qu'autrement à s'effacer du regard d'autrui. L'air un peu ailleurs, il ajusta la sangle et les étriers, avant de monter en selle. Son cheval sembla sursauter, sur le coup, mais Loras tira sèchement sur les rênes pour le calmer. Malgré ses lunes de fuite, le chevalier aux fleurs n'avait rien perdu de ses qualités de cavalier émérite. Il montait toujours son cheval avec cette étonnante grâce.

L'attention du Tyrell ne resta pas bien longtemps sur son cheval. Rapidement, ses prunelles se posèrent sur son amant. Il se rappela à quel point il aimait sa démarche naturelle, ses mains, son dos, l'homme qu'il était, en bref. Cette façon dont ses mains l'avaient autrefois touché, dont ses lèvres l'avaient embrassé, lui manquait terriblement. Furtivement, ses yeux attrapèrent ce sourire que lui avait lancé Daemon avant de remettre son masque. Il répondit à son sourire, mais bien vite il sentit son cœur se serrer. S'il n'avait été qu'impulsions comme il l'avait été autrefois, il serait descendu de son cheval et il aurait exigé du dornien qu'ils fuient ensemble vers Essos. Comme deux enfants. Qu'ils puissent n'être rien que tous les deux. Qu'ils, de toute façon, n'étaient que fugitif et bâtard,  qu'après quelques lunes leur cas passerait sous silence. Il constata à quel point il aimait l'homme qui se tenait non loin de lui, comme il le portait dans son cœur depuis qu'il était si jeune. Mais Loras n'était plus qu'impulsions. Il avait des gens qu'il aimait et qu'il devait protéger, maintenant ; une soeur, un neveu, un ami. Il ne pouvait plus agir stupidement. Il n'en fit rien, se contentant désormais de poser son regard sur l'autre bête qui suivait Daemon. Son visage s'éclaira d'une légère stupeur heureuse. « Tu t'es donné toute cette peine pour moi ? » Il laissa son interrogation en suspend. Ses yeux criaient à quel point il l'adorait. Peu de gens se seraient donné ce mal. « Tu es mon ange, Daemon. » Lança-t-il doucement, la voix pleine de reconnaissance. Loras avait cette habitude avec les gens qu'il aimait trop, de les qualifier comme étant siens. Il était comme ça, possessif. Le Sand était son ange au même titre que Margaery était sa princesse, tout simplement.

Ils n'avaient plus une seconde à perdre. Loras donna un léger coup de rêne, suffisant pour que son cheval comprenne qu'il était temps de commencer à trotter. « Ce n'est pas bien loin, pour dire vrai. Nous devrions arriver bientôt, largement avant que le soleil ne se couche. » Affirma-t-il, pratiquement songeur. Il se dit qu'il avait bien fait de donner comme lieu de rendez-vous un endroit pas trop loin de la ferme. Il pourrait passer un peu plus de temps avec le Sand, qui sitôt arrivé, après de longues lunes si loin des yeux Loras, lui glisserait déjà entre les doigts demain matin. Il voulait retourner à l'époque où, même si cela l'embêtait de ne pouvoir voir plus souvent son amant, ils s'écrivaient à rythme constant ; au moins il avait des lettres. Il avait de quoi s'accrocher. « Je ne sais même pas moi-même si je resterai sur la ferme demain. Cela dépendra de l'état de Margaery. Mais je dois voir mon oncle, et il n'y a pas de bateau qui quitte les rives de Dorne pour se rendre où je dois aller d'ici les deux prochaines semaines. »Qu'il soupira d'un quelconque ennui. Il tentait tant bien que mal d'éviter de passer par le Bief continental pour aller voir Paxter, mais s'il n'avait pas le choix... Il considèrerait la chose plus tard et il attendrait probablement la prochaine lune. Ça lui laisserait le temps de bosser sur ses papiers de stratégies qu'il souhaitait présenter et qui, de toute façon, avaient plus de risques d'être refusés qu'autre chose à l'heure qu'il était. Enfin, il voulait surtout demander des informations sur comment se passait leur protection à distance et il pensait plus sécuritaire d'y aller en vrai que d'envoyer une lettre mentionnant Margaery et qui, de par sa provenance, risquait d'être interceptée que ce soit au Bief ou à l'entrée de Dorne ( en chaire et en os, si on l'attrapait, il n'aurait pas à dire où se trouvait Margaery puisque de toute façon, on lui couperait la tête ). D'un coup d'œil, Loras s'assura que le bâtard le suive bien. C'avait beau être une route peu difficile puisqu'ils n'étaient pas complètement enfoncés dans l'ombre des montagnes, mais en ce moment Loras manquait tellement d'attention qu'il n'aurait littéralement pas remarqué si, par exemple, le cheval de l'autre s'était blessé ou quoi que ce soit. Il espérait sincèrement que l'état du dornien ne rendait pas la chevauché difficile. Le regard qu'il posait sur lui abritait un peu d'inquiétude  ; si Daemon s'inquiétait pour Loras, Loras s'inquiétait autant pour Daemon. « Rendus là-bas, sur la ferme, je ne m'appelle plus Loras. J'ai pris le nom de mon ancien écuyer, Lyonell – et nous surnommons ma sœur Elinor. Il n'y a plus beaucoup de gens qui m'appellent Loras, présentement. Toi. Ma sœur et Elijah lorsqu'il n'y a personne d'autre autour, donc rarement. C'était bizarre lorsque tu as dis mon nom tout à l'heure. Comme si cela me … Dépaysait ? Je ne saurais dire. Mais l'important c'est que je porte toujours «Tyrell» dans mes tripes et dans mon coeur. » Loras mit plus d'emphase sur la courroie gauche pour que son cheval prenne cette direction. C'était par-là que la route était moins brute, moins incertaine. Il avait fait le chemin assez souvent pour s'en souvenir. Il aimait ce chemin également puisqu'on ne s'enfonçaient pas trop dans les montagnes, qu'il pouvait encore avoir une vue sur là où se fondait le sable et les montagnes naissantes ; il trouvait ça magnifique.  
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An 300 Lune 6 Semaine 1



Loras Tyrell & Daemon Sand

Leurs existences dorées avaient pris fin. Ils ne jouaient plus. Il n'était plus question de courir une lice avec un cimier piqué de  crins ni de parader en armure brillante. Cette joute là ne se terminerait pas lorsque la nuit tomberait. La réalité l'avait frappé de plein fouet alors que son étalon s'engageait docilement à la suite de la monture de Loras. L'humilité nouvelle dont il devait faire preuve lui était tout à fait étrangère, mais il s'y habituait, tant bien que mal, malgré son coeur ardent. Son regard bleu fixé sur le dos du fugitif, Daemon était pensif, et, surtout, inquiet. Dix lunes. Le miracle n'était pas tant énorme qu'incompréhensible, et il ne présageait rien d'autre qu'un violent retournement de situation. Il n'y avait que deux possibilités: soit les Bieffois étaient bel et bien surveillés, soit le talent des gardiens s'était effrité à l'image de la pierre qui couvrait les montagnes. Le Sand ignorait laquelle de ses deux options l'inquiétait le plus.
Lorsque son amant l'avait remercié avec dans le regard une tendresse que lui seul était capable de lui offrir, un sourire triste s'était dessiné sous le masque de métal. Il aurait tant aimé faire plus, les abriter tous entre des murs solides avec des gardiens non pas pour les surveiller mais pour les protéger, et vivre aux côtés de Loras sans se demander si chaque recoin de chemin cachait un ennemi. Oui, il aurait aimé être roi pour pouvoir les aider comme ils le méritaient et non en leur apportant des bricoles qu'il avait dû chaparder et qui ne leur apporterait subsistance que d'une manière éphémère. Mais voilà des lunes que Daemon vivait entouré de l'absence des bannis. Leurs ombres le suivaient partout où il allait alors qu'il traînait derrière lui cet inextinguible culpabilité qui l'accusait d'avoir encore un foyer là où ses amis avaient dû tout quitter. Vivre dans la pauvreté pour le Tyrell, caché dans les reliefs, ou dans un palais de l'autre côté de la mer pour Nyméria...Tout cela revenait au même pour le Sand, car il n'y avait pas de plus grande misère que celle d'être arraché de ses racines, éloigné de sa famille, des siens. Et lui qui devait les regarder s'éloigner. Impuissant. Comme tu as été brave ma soeur, pensa-t-il, comprenant enfin la force d'abnégation qui avait été nécessaire à Valena pour se plier à son devoir plutôt qu'à son coeur. Une résignation dont le Sand, ainsi qu'il le prouvait en se tenant auprès de la rose, était incapable.

Une pierre roula le long d'un flanc de colline, emportant dans sa chute un léger nuage de poussière rougie. Son étalon broncha et poussa un doux hennissement plaintif, fouiallant l'air sec des crins argentés de sa queue. Le bâtard releva son regard vers les hauteurs craignant d'apercevoir une silhouette sombre qui les observerait. Mais il ne vit rien, n'arrivant pas même à déceler d'où la pierre avait pu démarrer sa chute. La voix du Tyrell rappela son regard devant lui. Il encouragea sa monture à rattraper son retard sur le cheval de Loras. Ce dernier le surprit par son aisance et par son assiette. Galoper sur un destrier était bien différent du fait de guider un animal parmi les sentiers escarpés des montagnes qui courraient le long de la frontière; bien que la noblesse du premier exercice n'enlevait rien à la subtilité et à la maitrise qu'exigeait le second. Ce n'était pas là un art dans lequel tous les bieffois pouvaient vanter leur dextérité, eux dont le pays était parcouru de routes plus brillantes encore que celles de Lancehélion.
"Ton oncle?"fit-il, étonné."J'ignorais qu'il vous était encore loyal." avoua-t-il légèrement dubitatif."Les on-dit vous dépeignent un tel mal d'alliés, je ne pensais pas qu'il subsistait des hommes de votre famille pour vous soutenir." Sa voix portait un zeste de reproche adressé à ces clans du Bief qui avaient si facilement abandonné le fils et la fille de Mace. Les Redwyne, si Loras disait vrai, étaient une aide de premier choix. Mais encore fallait-il pouvoir rejoindre la Treille sans être arrêté.
Le Sand écouta attentivement l'avertissement dont Loras lui fit part quant à leur arrivée prochaine à leur refuge tout en rassemblant ses rênes dans une main pour écarter la bride de l'animal de somme sur sa droite, enjoignant le bai à se placer à nouveau à son côté plutôt qu'à l'arrière, ainsi qu'il avait été obligé de faire sur la route étroite qu'ils quittaient enfin. L'étalon du dornien lui décocha un coup de sabot auquel l'autre ne répondit pas. "Va pour ce nom-ci alors. Lyonell."sourit-il en se moquant doucement. S'il pensait être capable de se rappeler du pseudo choisi par Loras par pure malice, il était en revanche moins sûr de se souvenir d'appeler la soeur de ce dernier par son nom d'emprunt. Comprenant qu'il risquait de croiser le chemin des fermiers qui s'occupaient d'eux, une question naquit soudain dans l'esprit du Sand. Les Daemon ne courraient pas le désert à Dorne, et si le masque protégeait son visage de toute reconnaissance, son nom en revanche était enchainé à la célébrité qu'il avait acquise dans la Principauté. "Et moi, devrais-je en choisir un aussi?" demanda-t-il, mi-amusé mi-serieux. Sous l'arcade de fer, ses sourcils se froncèrent légerement, tandis qu'il se plaçait à hauteur de son amant, profitant de la vue qui s'épanouissait sur le désert, environnement bien plus familier au Sand que les montagnes rouges. Il aurait pu -si santé le lui permettait- survivre dans le désert ainsi que son père et les nomades le lui avait enseigné. Les montagnes en revanche, c'était une toute autre affaire. Et puis la beauté de l'infinité aride le touchait bien plus que les reliefs escarpés et déchirés de la frontière. Néanmoins la fierté qu'il ressentait en contemplant le paysage désertique n'était pas moins causé par son patriotisme que par l'orgueil farouche qu'il avait senti dans la voix de son amant alors qu'il affirmait son identité avec une superbe à peine dissimulée. Ainsi donc, Tyrell n'avait pas renoncé à son héritage. Les prétentions du jeune homme, dans un contexte aussi houleux et dangereux, aurait sans doute fait rire n'importe qui l'entendant s’enorgueillir de la sorte à ce sujet.  Ce ne fut pas le cas de Daemon, qui sentit que cela consolidait encore l'estime qu'il avait pour son amant. "Je comprends et cela ne m'etonne pas de toi. Je me serais inquiété si tu m'avais dit détester les roses!" lui assura-t-il, ses yeux bleus rieurs sous le métal qui refletait le soleil. Puis, il repartit d'une voix plus grave:"Qui est cet Elijah qui vous accompagne? Je ne me souviens pas t'en avoir jamais entendu parlé..."Curieux, le bâtard avait tourné son visage de fer vers le chevalier aux fleurs, attendant impatiemment de plus amples explications. En effet, il avait beau creuser dans sa mémoire, ses souvenirs ne répondirent rien à ses interrogations, pas même en se rappelant les noms de ceux qui avaient eu le coeur de Loras avant lui.

Lancer de dés (fait sur: flhindustries.free):


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Loras & Daemon
Loras sentit son cheval se crisper lorsque celui de Daemon se stressa. Son cheval se calma et le Tyrell, qui n'avait pas porté plus d'attention qu'il le fallait à la pierre tombée, jugea cela ni grave ni important. L'étonnement de son amant au sujet de son oncle le fit rire. Lui-même avait été surpris de savoir que les Redwyne n'avaient pas choisi comme tous la voie de la facilité. Il devait forcément y avoir plus de familles qui prendraient leur parti si Loras venait à leur demander et à leur promettre monts et merveilles, mais les gens avaient toujours préféré se plier sous ce qui était plus facile et plus sécuritaire. « Les Hightower sont particulièrement doués pour faire taire ceux qui ne pensent pas comme eux. Mon oncle ne les porte pas dans son cœur. Que sa famille ne soit pas notre alliée aurait été stupide : ma grand-mère a beau porter Tyrell en patronyme, elle est une des plus stratégiquement puissantes femmes du Bief, et une Redwyne également.» Le jeune homme marqua un moment de silence, le temps de trouver ses mots. Son attention s'était, lorsqu'il parlait, perdue dans les paysages qui défilaient devant ses yeux. À ses yeux, rien n'était plus beau que le Bief qu'il s'était promis de récupérer un jour, que Hautjardin, mais Dorne avait son charme à travers ces montagnes qu'il voyait devant lui, qu'il voyait au loin lorsqu'il se réveillait à la ferme. Il y avait quelque chose de brut dans ces paysages arides qui le charmaient. « Mon oncle est la première personne que je suis allé voir après que Margaery se soit enfuie de Grand-Tour. Il a accepté de couvrir notre fuite et de s'assurer de notre survie comme il le pouvait. J'ai pu le voir deux fois depuis. À La Treille la première fois, peu profondément dans le Bief pour la seconde. Nous avons une entente : je lui propose un plan d'attaque de qualité et il met sa flotte à ma disposition. S'il avait voulu nous rapporter, moi et ma sœur, il l'aurait fait il y a dix lunes. » Loras n'avait pas besoin de le préciser, mais ce que son oncle lui avait promis était passable de trahison puisque la flotte était au service des Hightower, mais s'il réussissait ceci ne valait plus rien. Il savait que si Paxter le trahissait, il avait entre ses mains le contrat qu'ils avaient conclu et qu'il pourrait rendre la pareille vicieusement. Il savait que l'homme faisait ça pour la mémoire de feu son père, essentiellement, mais il ne cracherait pas sur l'offre ni les intentions. Rien n'empêcha un air un peu triste de s'installer dans les prunelles du biefois lorsqu'il pensa à son père. Ça faisait un long moment, mais sa mort lui semblait si irréaliste.

La moquerie dont faisait preuve l'autre homme vis-à-vis de son nouveau surnom suffit à poser un petit baume sur son cœur un peu triste. « Par sécurité, il faudrait, oui. » Loras posa un instant son regard sur le dornien qui était désormais tout juste à côté de lui. Il l'observa un moment,  se mordilla légèrement la lèvre inférieure avant de détourner ses pupilles pour jeter un œil de l'autre côté. Il aurait souhaité demander à son cheval d'accélérer le trot, mais avec les chemins à la largeur incertaine et la chute qui l'attendait si son cheval faisait un faux mouvement l'en empêchaient. Il attendrait qu'ils soient totalement en bas de la colline sur laquelle ils se trouvaient. Le chevalier aux fleurs releva la tête, il ne pouvait perdre son temps et sa concentration en fixant des choses aussi futiles  que la poussière déplacée par les sabots de son cheval ou les craquelures dans les roches de la montagne qui étaient si constantes qu'on aurait pu croire qu'un être humain les avait creusées. C'était beau tout ça, mais il devait rester alerte. Au moindre mouvement, au moindre bruit. En tant de lunes, c'était devenu un automatisme qui lui avait permis de garder sa vie sauve plus d'une fois. Mais l'écho bernait : le vent se calant contre les montagnes sèches, se faufilant dans les petits espaces, sonnait comme des voix,  le hennissement des chevaux rendait comme un cri strident.  Rien n'était entièrement en sa faveur.

Un air moqueur s'installa sur son visage lorsque Daemon plaisanta sur l'amour de Loras envers les Roses ; non il ne détestait pas les Roses, mais peut-être Daemon serait-il surpris de savoir l'amère rancune qu'éprouvait Loras envers le lord des Tyrell ? Si Willos ne l'avait pas dénoncé, oui on aurait pu soupçonner Loras d'avoir libéré Margaery, mais on n'aurait pu l'accuser sans passer pour des suzerains injustes et, au lieu de faciliter la tâche en cherchant deux Tyrell, ils n'en auraient cherché qu'une, car sa fuite à lui aurait pu passer comme celle d'un adolescent désillusionné. Il soupira, fermant un instant ses paupières, laissant reposer ses longs cils sur le bord de ses yeux, histoire de laisser passer sa colère soudaine envers son frère aîné. Il n'y traîna pas longtemps, se concentrant plutôt sur le troisième individu mentionné un peu après. « Ce que je vais te dire peut te sembler étrange, mais... C'est-ce que c'est. » Il posa un instant son regard dans les prunelles bleues de son amant avant de reposer son regard sur la route. Il tira sur les rênes, demandant une nouvelle fois à son cheval de tourner. Plus ils avançaient, moins la colline se faisait haute. « J'ai rencontré ce type étrange dans le Bief. Nous avons parlé un peu, il m'a raconté un rêve concernant ma sœur. Le soir même, nous étions à Villevieille et Margaery fut libérée. Il paraît qu'il serait le défunt mari de ma sœur... Bref. Il y avait avec lui cette étrange dame. Elle se nommait Irri et elle nous fit passer la frontière, en plus de nous trouver un endroit où rester. » Il marqua une pause incertaine. Malgré sa rencontre avec Melisandre et ces quelques jours passés avec la prêtresse de R'hllor, ainsi que l'affirmation qu'il avait faite en disant croire qu'Elijah était l'ancien roi, il restait tout de même assez dubitatif. La magie et ces sornettes de sang et de feu en lesquelles croyait désormais sa sœur, et même ce Viserion qui semblait lié d'une certaine façon au fils de sa soeur, le dépassaient. «Quand je le regarde, si ce n'est que dans son visage et dans ses yeux, je ne vois pas Viserys. Il n'a rien de cet homme que je n'appréciais guère. Il semble aimer ma soeur d'un amour sincère et il travaille dur sur la ferme. Il n'a jamais essayé de nous blesser ; ni lui, ni le  dragon qui l'a suivit. Cela me dépasse beaucoup trop. » Il y avait sur son visage une incertitude bien ancrée, qui nécessiterait plus qu'une torture nécessaire par une prêtresse de feu pour être effacée. « Il y a trop de choses, que ce soit ce type, cette femme ou, encore, ces lunes trop longues passées dans une ferme sur les terres de vos gens, que je n'arrive pas à placer dans le schéma. C'est ironique, pour quelqu'un qui n'a jamais été friand d'intrigues. » Il rit, pratiquement malaisément.
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An 300 Lune 6 Semaine 1



Loras Tyrell & Daemon Sand


Le Sand avait un souvenir de sentiments mitigés quant à sa rencontre avec la doyenne des Tyrell. Une femme d'un grand charisme, il s'en souvenait maintenant. Et qu'il avait trouvé fort divertissante, du moins jusqu'à ce qu'il ne surprenne une pique qu'elle lança depuis les tribunes  dans  cet alignement insolent de mots aussi tranchants qu'un sabre, qui lui étaient adressés, et dont elle avait le secret. Cela avait assombri son humeur pour le reste du tournoi dont il avait ensuite été éliminé. Plonger ainsi dans sa mémoire lui fit serrer les machoires. "La Reine des épines" l'appelait-on. Celles dont elle avait enserré l'orgueil de Daemon semblaient n'être jamais parties alors qu'il se rappelait le moindre des mots qu'elle avait dit, sa voix vibrante malgré l'âge et même la robe de brocard qu'elle portait alors. " Qu'est ce qui est passé par la tête des dorniens lorsqu'ils décidèrent d'appeler leurs bâtards "Sand"?" s'était-elle interrogée d'une voix qui portait tant qu'elle avait attiré l'oeil du chevalier alors qu'il saluait sur la lice. "Du sable, encore du sable! N'en n'ont-ils donc pas assez dans leurs fichus déserts qu'il leur a fallu un peu plus de poussière sous leurs yeux?" Quatre ans étaient passés et pourtant il entendait encore les gloussements de ses jeunes dames de compagnie. Un instant qui lui semblait appartenir à une autre vie désormais.
"Avec ta Grand-mère ainsi qu'avec le soutient de la flotte de ton oncle, les Tyrell pourraient être invincibles. Si seulement vous n'aviez pas un royaume pour vous séparer..."En cela, l'éclatement des Tyrell était sans doute leur plus grande faiblesse sur ce terrain où ils étaient pris en étau entre les Hightower d'un côté, et la Reine du Sud de l'autre. Sous son masque, son nez se fronça de mépris et son regard s'assombrit à cette simple pensée qu'il accordait à la Targaryen. Elle ne lui avait pas tant enlevé son père, qu'elle avait aussi privé son amant de tous ses biens et l'avaient condamné à l'errance. Que ne donnerait-il pas pour lui faire payer tout ce mal qu'elle lui avait fait. Son attention se rapporta au Tyrell lorsque celui-ci lui révéla l'arrangement qu'il avait mis en place avec son oncle. "Tu comptes donc bien reprendre Hautjardin..." souffla-t-il, partagé entre la fierté et le soucis, tout en posant sur le jeune brun un regard doux mais sévère. Pour peu que Loras réussit sa manoeuvre et enjoignit à sa cause suffisament de maisons cela paraîtrait envisageable, voire même faisable. Mais après? " Reprendre Hautjardin, cela signifie prendre le Bief, et entrer presque aussitôt en guerre ouverte avec le royaume du sud qui vous encercle de toutes part. " Lannister, Barathéon, Stark et Nerbosc -pour peu que le roi du Nord ne vint soutenir le Sud- mais aussi Greyjoy, depuis que la reine avait conclu la paix avec les îles de Fer. Des ennemis dont le seul nom dissuadait le plus brave d'envisager la bataille. Daemon était inquiet. L'entreprise de son amant était audacieuse autant qu'elle était dangereuse, folle. Mais il ne pouvait que partager sa motivation puisqu'il la comprenait, malgré la raison qui lui hurlait de calmer les velléités de loras qui, semblait-il, courrait vers sa mort."La dernière fois qu'une maison s'est rebellé contre les Targaryen, c'était pour le trône de Fer. Les Cerfs auraient pu disparaitre s'il n'y avait eu la clémence du Prince Rhaegar." Son ton était presque pensif. Qu'adviendra-t-il de vous, si jamais vous perdiez ce jeu dangereux?paraissait demander l'aigue marine de ses pupilles. Malgré cette angoisse, il sentait que l'ambition de son aimé avait marqué son coeur et, sans doute, ne tarderait-elle pas à s'y enraciner. Son cheval ralentit, frappant le sol de ses sabots soudain hésitants alors qu'il agitait ses oreilles dans toutes les directions et qu'il roulait ses grands yeux noirs dans leurs orbites. Impatient, le Sand le gratifia d'un coup de talon pour récupérer la concentration de l'animal dont les états d'âme ne le souciait guère à cet instant. S'il avait vu un serpent, qu'il marcha dessus! Bien qu'il fut désormais au niveau de l'arrière main de la monture de Loras, il poursuivit d'une voix plus grave:"Robert Baratheon avait déclaré la guerre pour une femme, mais pour cela il avait du réclamer le Trône de Fer. Une maison qui ébranle l'ordre établi n'a pas le droit de s'arreter à une basse ambition qui ne contente qu'elle. Ceux qui vous suivrons demanderons plus." Une vie de guerre, voilà ce qui attendait la maison à la Rose si jamais les dieux donnaient les pions nécessaires à Loras et à son oncle pour réaliser leur dessein. Dès lors qu'ils feraient le premier pas, ils ne pourraient plus retourner en arrière. Pas plus qu'ils n'auraient jamais le droit de s'arréter. La rébellion était un cheval furieux qui n'allait que dans une seule et unique direction: droit devant lui.

Ce fut la réponse du Bieffois à sa question qui empécha le Sand de s'enflammer à son tour à l'idée de cette guerre qu'il désirait. Son menton se baissa tristement alors qu'il comprenait qu'il ne serait pas aussi facile pour lui de rejoindre son amant sur le champs de bataille. Son corps était brisé, les promesses l’enchaînaient au destin de la Grâcedieu, et s'il voulait reconquérir la confiance de sa sœur il était évident qu'il ne pouvait commencer par lui présenter cette guerre qui allait à l'encontre des relations diplomatiques qu'elle s'efforçait de maintenir dans l’intérêt de Dorne, dans l’intérêt de leur famille, là où lui se serait jeté dans le combat pour laver l'affront qu'il ne parvenait pas à oublier. Non. Il ne pouvait pas. Attendre, voilà tout ce qu'il pouvait faire. Attendre  et, si les dieux le lui permettaient, accompagner Loras du mieux qu'il le pourrait et le plus discrètement possible.
"Arthur." Déclara-t-il d'un ton un peu lus joyeux, bien que terne après ses mornes pensées. Il se redressa sur sa selle."Présente moi sous ce nom auprès de tes fermiers." Arthur Dayne était sans doute l'un des hommes qu'il avait le plus admiré dans son enfance.
Lorsqu'il vit le visage de son ami s'assombrir, les sourcils de Daemon se froncèrent, tentant de deviner les pensées qui le faisaient soupirer ainsi. Il ne put le questionner puisqu'il se mit à répondre à son interrogation quant à l'identité du mystérieux inconnu qui vivait avec eux. Le bâtard tenta de le rassurer, bien qu'il parla si bas qu'il lui sembla plus dire ces mots pour lui même que pour son ami."Il est des choses que personne ne s'explique et pourtant..." Elles existent. Pensa-t-il après avoir laissé sa phrase en suspens, rieur et cynique. Si son amant savait pour Feu Ardent, il trouverait le monde bien plus étrange que ce qu'il s'apprétait à lui dire pensait le Sand, persuadé que jamais ce que Loras souhaitait lui révéler ne ferait le poids contre la réalité qu'était le dragon rouge. A nouveau, il engagea sa monture à la suite de celle de la rose, la faisant tourner dans la même direction que cette dernière. Le paysage qui les entourait se teintait d'un orange sanguin alors que les rayons du soleil se faisaient rasants. Le crépuscule donnerait bientôt aux flancs de collines la teinte écarlate qui avait donné son nom à la frontière montagneuse.
Tout d'un coup, il stoppa net son étalon qui mâchonna son mors avec bruit. Le dornien n'en croyait pas ses oreilles. Il resta immobile quelques instant, figé et raide sur son destrier, un regard noir perçant dessous l'arcade de fer qui luisait au soleil. Sa voix était aussi sombre que les voiles de lin qu'il portait."Je t'aime Loras. Et j'ose espérer que j'aimerais ta soeur comme si elle était la mienne." Commença-t-il, sincère mais dur, alors que des accents vibrants lui serraient la gorge."Je sais que tu n'as jamais eu le moindre mensonge au bord des lèvres à mon adresse et que tu ne penses pas me faire de mal en me disant cela. Mais, je t'en prie, dis moi que c'est un sorcier si tu le souhaites, dis moi qu'il a mille ans, dis moi qu'il a un dragon, je te croirais." C'était une promesse pleine de franchise puisque lui-même possédait un dragon et que les dires de Loras, s'ils s'avéraient vrais, ne feraient qu'étayer l'hypothèse de Cletus, son cadet. Feu Ardent n'était pas le seul dragon à obscurcir le ciel de Westeros, ainsi qu'il l'avait prédit. Son étalon recula d'un pas et rejeta son élégante tête en arrière, déjà impatient de repartir. Les yeux bleus du bâtard de la Grâcedieu étaient toujours aussi sombres, mais sa voix se fit plus douce prenant les intonations de la supplications, si rare chez lui."Seulement, je ne veux pas entendre ces sottises sur ce nom que tu viens de dire. Je t'en prie, aujourd'hui, dis-moi que tu mens."
Il voyait le désarroi de Loras, son rire ne le trompait pas. Il voulait bien le comprendre, et aurait pardonné son attitude nonchalante face à ce maelstrom d'invraisemblable, si seulement il n'avait pas entendu ce nom tant hai s'échapper de ses lèvres. Pire même, voir ses lèvres qu'il aimait tant, qu'il avait embrassé si souvent, articuler des semi-éloges en l'honneur de ce monstre. Mort. Ce salaud est mort. Priait-il en son âme. Si ses mains n'étaient pas accrochées aux rênes du destrier d'argent pour l'une, et à la bride de la bête de somme de l'autre, il aurait déjà porté la main jusqu'au pommeau de son sabre. A volantis, il avait vu opérer des merveilles. Des mains des hommes qui défiaient les dieux, alors que le leur, disaient-ils, les y aidait pour guérir les mourants, vaincre la mort. Mais de là ressusciter un homme qui s'était immolé? Une telle prouesse dépassait l'imagination, mais elle dépassait aussi l'esprit du Sand qui sentait une ire profondément enfouie resurgir contre cet être abominable. S'il était bel et bien en vie, il se ferait un plaisir de le tuer une deuxième fois.

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Loras & Daemon
Le jeune chevalier écoutait les mots de Daemon , et plus ils passèrent, plus son visage prit un air un peu gris.  Il avait conscience de tout ça, c'était justement pour cette raison que son oncle ne l'appuierait pas tant qu'il ne savait pas que Loras était, premièrement, assez mature pour prendre la situation en main et, deuxièmement, capable d'une réflexion assez solide et efficace. Si Loras reprenait le Bief, il n'aurait pratiquement pas le choix de se lever contre le sud, en même temps. Il y aurait derrière lui des gens, des gens avec des besoins politiques, qu'il ne pourrait pas laisser tomber. Il y aurait aussi des gens contre lui et il ne pourrait négliger leur force. Il avait toujours été égoïste, mais  s'il entreprenait quoi que ce soit, autant égocentrique pouvait être ce but, il n'aurait pas le choix d'être altruiste. Il regarda défiler devant lui le rouge des montagnes dorniennes qui brûlaient sous le soleil de l'après-midi. Ça lui rappela qu'il y avait de fortes chances qu'Hautjardin ( le Bief en général,  mais il s'inquiétait surtout pour Hautjardin) ne s'en sorte pas intact ; ça fit naître au fond de sa gorge une boule un peu triste. Il avait sentt sur lui le léger regard doux, la petite fierté dans la voix de son amant ; tout ça avait suffit pour le motiver un peu plus, à rendre son regard brillant d'une plus grande motivation. Il fit au dornien un sourire reconnaissant ; il était heureux, que pour une fois, on ne saccage pas de façon totalement subjective ses moindres ambitions.  Loras ne dit rien, mais il écoutait et ça paraissait. Son silence n'était pas celui du type qui s'ennuyait, mais celui du type qui pensait Il ne savait simplement pas quoi ajouter, puisque Daemon avait dit exactement ce qui trottait dans son propre cerveau. Si avant son départ Loras aurait été complètement utopique par rapport à ses possibles entreprises, aujourd'hui il n'avait pas le choix d'être réaliste. Le jeune homme remarqua que son cheval se montrait réticent à tenir une vitesse constante de trot. Il semblait vouloir aller plus vite, mais Loras tira sur les rênes pour ralentir sa vitesse. Il jeta un œil suspicieux autour, mais comme il ne  vit rien de particulier, il tenta de ne pas y porter trop d'attention. C'était inhabituel, cependant, et ça l'inquiétait tout de même un peu. Il fit un trait malgré lui sur tout ça, ravivé par le ton joyeux de l'autre lorsqu'il mentionna le nom d'emprunt qu'il avait choisi. « Arthur ? C'est noté. » Loras zyeuta son amant, un l'air amusé. Il trouvait qu'il portait mieux Daemon qu'Arthur, mais il ferait avec ( après tout, lui-même devait mieux porter Loras que Lyonell ).

Daemon arrêta son cheval  sec et net, Loras savait alors qu'il avait dit quelque chose qu'il ne fallait pas ; il aurait dû prévoir le coup, considérant qu'une bonne partie de Westeros ne portait pas Viserys dans son cœur. Ça ne l'aurait pas tué de dire qu'Elijah n'était qu'Elijah, mais il ne savait pas comment sa soeur aurait agi, à la ferme. Margaery était aussi imprévisible que lui. Le jeune homme arrêta son cheval un peu plus loin – l'animal aussi docile soit-il n'avait pas obéit quand Loras avait exigé qu'il arrête –  et descendit pour mieux aller vers le Sand, traînant son cheval par la courroie. Il écoutait les mots de Daemon et la dureté dont il faisait preuve en les balançant suffisait à serrer le cœur de la Rose dorée. Il déglutit. Son ange se tut alors que Loras resta silencieux un moment. Il le fixait un air passablement confus au visage. Le « je t'aime » qu'avait dit le Sand au début ne l'avait pas moindrement rassuré. Le jeune homme inspira. « Tu sais ce que je crois ? Je crois que cet homme n'est pas celui qu'il prétend être. C'est probablement mieux ainsi. Si j'avais une seule et unique preuve tangible qu'il s'agissait de lui, tu peux être convaincu que moi et Margeary ne serions pas ici, qu'elle l'aille voulu ou non. Il n'y a pas le moindre espoir que je laisse ma sœur entre les mains d'un individu que je sais totalement être ce feu roi dérangé. Surtout que je n'ai aucune idée de la relation véritable qu'il avait avec l'autre salope de Reine du Sud.  Tu sais à quel point j'ai pu le mépriser à l'époque où tout allait bien. Je n'ai jamais eu la moindre confiance envers-lui, mais je n'avais rien à dire dans les décisions de ma soeur et de mon père. Les Dieux savent que j'ai eu raison de m'en méfier  lorsqu'il a fait pendre la mère de Rowen Hightower. » Ses propos étaient coupés carrés, il savait ce qu'il disait et il devait mettre les points sur les i. Loras passa sa main libre sur son visage rougit par le soleil violent de Dorne, ramenant vers l'arrière les bouclettes tombant dans ses yeux. Il posa son regard dans celui de Daemon. Le Tyrell avait l'air si sérieux, les sourcils légèrement froncés et le regard trop fixe. « D'après moi, il s'agit d'un simple homme avec la capacité de voir dans le futur et qui a cru bon de venir aider ma sœur, se faisant passer pour son défunt mari. J'ai du mal à croire qu'un homme si vulnérable et qui, en plus, a peur du noir, puisse être l'homme dangereux qu'il prétend être. » Loras secoua la tête. Il sentait  l'air se resserrer dans le creux de ses poumons. Il parlait vite, il n'avait pas réellement pris le temps de respirer et ça paraissait dans sa façon dont il était essoufflé à force de parler, l'air lourd des montagnes n'aidait en rien.  Ses prunelles vibraient de quelque chose qui criait « ne me déteste pas, s'il te plaît ». Loras se savait hypocrite. Non pas envers Daemon, mais envers sa sœur et Elijah. Il avait confirmé, en revenant de son escapade dans l'Orage, croire en l'identité d'Elijah, mais il y avait dans cette affirmation une part de nécessité d'éviter les confrontations et une part de besoin d'appliquer une raison d'être à l'existence d'Elijah. Son scepticisme partait et revenait de manière instable. Ce n'était pas quelque chose d'assez tangible pour qu'il puisse se l'assurer.   « Laisse-moi te dire ce que je veux entendre autant que toi : il n'est pas cet homme et il ne le sera jamais , quoi qu'ils affirment. » Il y avait là-dedans,  une part de vérité qui subsistait peu importe la situation. S'il n'avait jamais été Viserys, bien il ne le serait jamais et s'il l'avait été, il était évident qu'il était un homme différent maintenant. Si Loras détestait Viserys, il accordait sa confiance à Elijah et il l'appréciait sincèrement Loras entortilla-désentortilla presque instinctivement la courroie autour de ses doigts, ça le calmait.  Après un instant, le chevalier aux fleurs cru bon de remonter sur son cheval. Il tourna la tête pour jeter un œil à son amant. «Je t'aime aussi, d'accord ? » Dit-il doucement. C'était sa façon à lui de s'assurer qu'ils repartiraient au moins en bons termes.
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An 300 Lune 6 Semaine 1



Loras Tyrell & Daemon Sand


Raide sur son cheval, le Sand jaugeait la rose qui venait à lui à pied, tirant la bride de sa monture. Ses mains étaient resserrées sur le cuir des rênes, à tel point qu'il sentait la matière grincer entre ses doigts gantés. Daemon avait réagit avec violence, il en avait pleinement conscience. A l'image du mythe que l'on chantait des hommes du désert, son attitude avait été portée par l'élan de son caractère farouche, comme il le faisait toujours et le ferait sans doute pour de longues années encore. Lorsque l'ennemi approchait, il se braquait, lorsque le danger menaçait il attaquait plutôt que de défendre. Réagir contre plutôt qu'autrement. En écoutant Loras, il n'avait entendu qu'un nom: celui de Viserys. Il n'avait pas écouté ce que cet homme avait pu faire pour eux, ni ce qu'il faisait encore, ni même les mérites que lui attribuait son amant. Il les avait oublié. Viserys. La simple pensée de ce nom lui donnait le goût d'une vieille maladie que l'on croyait avoir éradiqué et qui revenait, sans qu'on y prit garde.
Pourtant ce fut avec une attention renouvelée qu'il écouta le bieffois lui expliquer son point de vue. Ainsi donc lui était en réalité persuadé qu'il ne s'agissait pas du Targaryen fou? Daemon avait une confiance aveugle en Loras, aussi, il s'accrocha immédiatement à ce doute qu'avait émis le jeune homme. Un imposteur, ce n'était certes pas très rassurant pour Maergery, mais c'était largement préférable au timbré qui avait un jour posé son derrière sur le trône de Fer, surtout au vu du traitement peu enviable qu'il avait réservé à ses "épouses". Oui, lui aussi avait une soeur. Il savait ce que cela signifiait que de vouloir la protéger, et quel instinct portait les frères à voir le mal dans les hommes qui tournaient autour de leurs cadettes. De tout son coeur, il espérait que le Tyrell disait juste et vrai. Il déglutit sous les bandages qui recouvraient sa gorge. Comme il avait du mal à soutenir ces yeux qui le suppliaient de le croire et -était-ce bien cela?- de lui pardonner. Le dornien connaissait trop son amant pour ne pas voir qu'il ne croyait pas totalement en ce qu'il lui affirmait d'une voix si vibrante. Mais il savait aussi que Loras n'agissait qu'en pensant faire le bien, c'est pourquoi il choisit de ne plus remuer le couteau dans la plaie du cas "Elijah" jusqu'à leur arrivée chez les paysans. Il espérait, se répétait qu'au pire il rencontrerait peut-être un être étrange qui avait des visions, quitte à être confronté à un prophète halluciné ou à un sorcier des grands chemins. Malgré tout il demeurait dans son esprit une once de préoccupation, froide comme la glace, teintée de méfiance et de scepticisme et qui pesait jusque sur sa poitrine. Il décida qu'il jugerait de toute cette histoire par lui-même.

Il demeura immobile quelques instants avant de répondre par un acquiescement discret aux paroles du brun. Il avait vu le trouble de Loras et ne voulait pas le malmener davantage. Son sérieux aurait du le rassurer tant il était inhabituel de le voir inscrit sur les traits doux et joyeux du chevalier, pourtant Daemon ne pouvait retenir l'amère doute qui serrait son estomac. Il aurait voulu croire son ami sur parole, et c'était ce qu'il faisait à cet instant, mais il ignorait quelle serait sa réaction si jamais il reconnaissait le frère de Rhaegar. De vieux souvenirs revenaient, d'une époque où le monstre n'était qu'un Prince et où il courrait lui aussi les tournois. Si ces traits pouvaient avoir changé, modelés par le temps ou par tout autre force, il aurait toujours ses yeux. Ces yeux au parme indescriptible, d'un mauve qui transformait l'aigue-marine-pourtant  valyrienne- du regard de Daemon en le bleu le plus commun et le plus froid. Il se souvenait l'avoir trouvé beau lorsqu'il l'avait aperçu la première fois. Il se souvenait à quel point il l'avait trouvé laid ensuite, lorsque la folie était apparue, nichée au fond des améthystes qui crevaient son visage.
 Le bâtard ne priait que rarement, par fierté plutôt que par agnosticisme, mais alors que son amant remontait en selle ses yeux se refermèrent brièvement en une prière silencieuse qui n'eut d'écho que dans son esprit. Lorsqu'il les rouvrit pour rencontrer à nouveau le regard de Loras, il espérait que les dieux ne lui exposeraient pas la face de Viserys Targaryen une fois qu'ils auraient rejoint la ferme.

A nouveau l'étalon gris s'engagea à la suite de son congénère et de son cavalier, portant sur son dos un Sand qui avait presque oublié la joie de ses retrouvailles avec l'homme qu'il aimait, remplacée par une tristesse affligée. Tout aurait été plus simple si cette Reine n'avait pas privé son amant de son héritage...Pour la première fois de sa vie, Daemon regretta que Rhaegar n'ait jamais trouvé la force de retenir le trône qui lui avait glissé des mains. L'homme n'était sans doute pas fait pour être roi, mais cela ne le rendait pas mauvais comme son frère avait pu se montrer -si tant est que l'inaction puisse paraître excusable aux côtés de la cruauté. Le bâtard baissa son menton pour fixer, buté, l'encolure cendrée de sa monture, évitant le regard de Loras lorsqu'il relevait le sien pour observer le chemin qu'ils empruntaient. Le temps que dura encore leur chevauchée, il n'y eut que la poussière, et le silence du désert pour accompagner les deux cavaliers.


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