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Volons au dragon son trésor.

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Volons au dragon son trésor
L'aigle et la dornienne

Les choses avaient quelque peu changés à Salvemer. La flotte était prête à une éventuelle attaque, le seigneur de ces lieux avait bien dans l'idée de faire une démonstration de force aux immondes fer-nés qui avaient osés s'en prendre à Jason Mallister. Il faisait construire de nouveaux bateaux - c'était un certain coût, il était bien vrai - et engageait de nouveaux marins prêt à affronter le kraken. Mais jamais l'aigle ne se montre défait. Il attend le moment propice, il regarde de loin, il observe et rien ne lui est invisible, il voit tout. Et au bon moment il plonge et tue.

Ce n'était pas tant que Patrek était vindicatif, c'était surtout que l'on avait osé toucher à son père : des siècles que Salvemer affrontait les fer-nés, une des rare défaite du côté des Conflanais. Mais ils paieraient, oh, oui, ils paieraient. Tous, sans exception, hommes et femmes.

L'on voyait que sur ces dernières années, Jason avait été las de tenir cette antique forteresse. Patrek avait veillé à restaurer chaque parcelle du Fort. L'argent ne coulait pas à flot mais avec une certaine organisation et de bons conseils - et des augmentations pour les habitants - il parviendrait à refaire de Salvemer la forteresse magnifique qu'elle avait toujours été, cette forteresse qui coupait le souffle de tout ceux y pénétrant, tant par son authenticité que sa grandeur. Patrek marchait dans les couloirs, admirant le travail déjà effectué, les murs refait, les meubles dépoussiérés, le sol refait, tout. Le bleu était apaisant pour le regard, sans nul doute. Reposant. Surtout digne de leur emblème, un aigle sur un fond bleu roi.

C'est alors qu'on osait l'interrompre dans sa contemplation. Quelqu'un arrivait sur un cheval et il fallait, apparemment, absolument que Patrek vienne voir de qui il s'agissait. Il valait mieux que cette personne soit importante pour demander son déplacement. Oui, il valait mieux.

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« Volons au dragon son trésor. »
Rosalya & Patrek




Il avait fallu quelques heures à la brune pour réaliser ce qui lui était arrivé et quelques jours encore  pour constater que la colère et la peine s'étaient profondément ancrées dans son cœur. Elle ne pouvait plus le voir, ni de près, ni de loin et même sentir sa présence par delà le mur les séparant lui était un véritable crève-cœur. Mais la belle ne cherchait plus les excuses ou à défendre cet homme qu'elle avait aimé, celui-là même était mort et avait laissé sa place à un monstre dont elle portait malgré tout l'engeance.

Rosalya devait faire son deuil de cet amour-là et ne vivait désormais plus que pour mettre à l'abri de la folie de leur père ses enfants à naître. Plus tard viendraient les larmes et la détresse. Là, ce qui la raccrochait à la vie était ces deux petites choses fragiles qui tentaient d'imposer la leur. Ils méritaient mieux que d'être les bâtards d'un roi fou, une vie douce et loin de toute politique comme ce qu'elle-même avait connu avant de rencontrer le félon leur conviendrait plus.

Au loin, résonnaient les clameurs du départ. Un soupir échappa à la servante qui tira son maigre paquetage de sous son lit. Peu de choses comptaient réellement pour elle, Rosalya n'était une personne très matérialiste et l'aurait-elle été que cela lui aurait fait plus de mal que de bien. Il n'était pas un seul objet qui meublait cette pièce ne lui rappelant pas son histoire passée avec un tendre dragon. Un dernier nœud scella sa détermination et mis un terme symbolique à cette vie qu'elle laissait derrière elle, comme ces cadeaux qu'il lui avait fait et qu'elle avait laissé en évidence sur le lit. Elle aurait voulu se frapper fort la tête et oublier tout cela, mais la vie n'était pas aussi simple et cette douleur lui rongeant le cœur lui donnait la force de choisir une nouvelle destinée.

Une mante modeste, mais de bonne qualité, sur ses épaules, une robe sobre ne parvenant plus à cacher ce ventre naissant, la métisse se dirigea d'un pas sûr vers les écuries où elle espérait bien trouver un solide compagnon de route. Scare était bien là et il la salua d'un hennissement joyeux. Lui aussi était seul, joliment entreposé et délaissé. L'étalon flaira avec intérêt le paquetage de la brune et celle-ci lui flatta l'encolure.

« On va faire une ballade, mon beau, murmura-t-elle. Ça va te faire du bien.

Ces mots étaient aussi valable pour elle-même... La dornienne harnacha l'animal et casa son paquetage dans les sacoches de selle ainsi que quelques provisions pour le voyage qu'elle s'apprêtait à entreprendre. Elle avisa l'air intrigué de l'étalon et sa relative excitation puis le mena à l'extérieur. Le personnel œuvrant ici avait l'habitude de voir Rosalya sortir la monture du roi aussi son départ n'intrigua personne à cet instant.

Quand ils se rendirent compte de la véritable nature de cette sortie, il faisait déjà nuit et Rosalya était alors bien loin de Port-Réal. Poussant sa monture et elle-même aussi loin qu'elle le pouvait, jour après jour, ignorant sciemment la prudence inhérent à son état ou à la santé du cheval, la cavalière fuyait la peur au ventre de se voir rattrapée par quelques hommes de son ancien amant.

L'aurait-on interrogée sur sa précipitation que c'est ce qu'elle aurait avoué en premier lieu, mais, dans son périple improbable à la sécurité incertaine, une part de la servante espérait voir disparaître ces êtres au sang maudit grandissant dans son ventre. C'était un fait connu que celui des fausses couches causées par quelques courses maladroites... La nature, semblant vouloir donner un semblant de baume au cœur à la jeune femme, l'avait cependant dotée d'un de ces physiques propices à la maternité et rien d'anormal ne vint soulager son subconscient quand elle aperçut les renforts de Salvemer.

L'endroit était aussi beau que ce qu'en avait narré le seigneur des lieux. Lord Mallister, qui n'était alors qu'héritier, était fier de cette forteresse l'ayant vu naître, ça, Rosalya s'en souvenait. Elle avait aimé les quelques échanges qu'ils avaient eu à son passage sur les terres de la couronne. La belle brune contemplant les reflets du soleil sur la pierre lissée par le sel se remémorait aussi la jalousie du dragon face cette promiscuité.

- Qu'importe, s'exclama-t-elle de vive voix en secouant la tête et pressant les flancs de sa monture.

L'aigle d'argent sur fond bleu roi flottait doucement, avec une majesté des plus envoutantes sous ce ciel dégagé et, sous l'étendard, la forteresse s'élevait dignement vers les cieux. Sa droiture, son élégance, les yeux d'un bronze passé se perdaient sur les lignes aussi dangereuses qu'admirables. Salvemer était belle et imposante. Il ne restait plus qu'à espérer que la pénétrer serait aussi agréable que de la contempler.

Cependant, ralentie par le flux de marchands et divers ouvriers passant les portes de la place, Rosalya mit un moment à se frayer un passage. À mesure qu'ils approchaient de son hypothétique protecteur, Scare demeurait calme comme pour rassurer sa cavalière dont le cœur s'accélérait chaque seconde un peu plus. La métisse gardait la tête basse et espérait pouvoir passer sans encombres, mais, comme partout, la cité n'était pas ouverte à n'importe qui et quelques hommes en surveillaient l'entrée. L'un d'eux arrêta son cheval et tint fermement les rênes en demandant à la jeune femme ce qu'elle venait faire ici. Visiblement, les dorniennes n'étaient pas monnaie courante en dehors de leur terre natale. Elle avait beau le savoir et l'avoir réalisé comme elle s'éloignait de Port-Réal, Rosalya avait quand même eu un semblant d'espoir en se souvenant du regard de Patrek sur la question.

- Je désire voir lord Patrek Mallister, expliqua la demoiselle aussi calmement qu'elle en était capable. C'est urgent, précisa-t-elle.

Peut-être le regard appuyé du soldat sur son ventre évoqua à son esprit une autre urgence que celle qu'elle sous-entendait, mais elle ne chercha pas à dissiper le malentendu quand cela lui permit de pénétrer l'enceinte de la forteresse et lui valut qu'on aille prévenir le lord de son arrivée.

La belle, perchée sur son étalon noir, attirait les regards tandis que l'homme la guidait jusqu'aux écuries. Tant de prévenance ne lui était pas habituel et aiguisait sa méfiance. On lui proposa de l'aider à mettre pied à terre, Rosalya refusa fermement. Si elle devait descendre du dos de Scare, elle le ferait seule, comme à chaque arrêt ayant ponctué son voyage. Elle avait sa fierté, quand même ! Orgueil ou pas, elle n'eut cependant pas le loisir d'entreprendre cette périlleuse entreprise, Patrek arrivait.

Son air sombre tendit la jeune femme et surprit l'étalon qui piaffa intempestivement. Rosalya reprit contenance, mais ne put cacher le soulagement que lui procurait la vue de cet homme. Lors de leur dernière entrevue, en l'an 295, le Mallister lui avait laissé un souvenir sympathique et c'était son nom qui s'était imposé à son esprit lorsque Viserys avait planifié son attaque sur Goëville. Jamais le dragon n'irait la chercher là où il portait son armée et Patrek était le seul homme qu'elle connaissait susceptible de l'aider en cette situation.

- Mon Seigneur, il y avait longtemps que nous ne nous étions pas vu, entama la belle en laissant son visage s'illuminer d'un de ses sourires les plus sincères. Je ne sais si vous me reconnaissez ; j'étais servante au Donjon-Rouge la dernière fois que nous avons eu l'occasion d'échanger, vous et moi.

En même temps...en ce temps, Rosalya était plus petite, plus fine, plus élancée, plus juvénile...moins femme en somme, contrairement à ce qui se dressait maintenant devant lui, fatiguée et nerveuse, prête à partir à bride abattue s'il lui donnait quelque sorte de congé.

- J'arrive à l'instant de Port-Réal et j'ai besoin de votre aide, Lord Mallister. »

Rosalya ne savait pas habilement manier les mots et Patrek ne lui revenait pas comme un homme aimant s'étendre en palabre. Sa franchise était sans doute ce qui lui attirerait sa faveur, elle y croyait naïvement, oubliant le plus simplement du monde les regards coulant sur son physique des plus charmants.


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Volons au dragon son trésor
L'aigle et la dornienne

Lorsque l'on revenait après des années de débauche, il ne fallait pas s'attendre à ce qu'on vous tende une main bienveillante en vous souhaitant bon retour. Patrek ne s'était pas fait d'illusions : seules les servantes qui l'avaient élevé étaient heureuses de revoir Patrek. La politique qu'il avait instauré au sein de Salvemer ne plaisait pas aux hommes, les femmes, elles, étaient néanmoins heureuses de voir les mains de leur bourreaux se faire couper. A vrai dire, il avait fallu montrer l'exemple. Une femme était venue se plaindre à lui, le visage couvert d'ecchymoses, qu'elle n'en pouvait plus de se faire rouer de coups par son mari alcoolique. Patrek avait donc fait attraper cet homme et pour montrer l'exemple à tous, lui avait fait couper la main devant les autres pour couper l'envie à la fois de plaisanter avec lui, et à la fois d'essayer de transgresser les règles qu'il avait imposé. Quiconque vivants à Salvemer se devait de respecter ses habitants. Frapper était donc bien évidemment proscrits. Ainsi comme on aurait puni un voleur, Patrek avait puni ceux voulant se moquer de ses règles. Il leur avait bien fais comprendre : feu Jason Mallister était implacable, attendez vous à pire sous ma seigneurie.

Impitoyable, implacable, il ne laissait que peu de marge face à l'erreur. Il connaissait les hommes, il se connaissait, les hommes pouvaient obéir, s'ils ne le faisaient pas ce n'étaient pas parce qu'ils ne pouvaient pas mais ne voulaient pas. S'ils n'y parvenaient pas c'est simplement qu'ils ne souhaitaient pas obéir au seigneur et ils devaient en répondre. Faites les malins et nous verrons qui gagnera cette guerre d'égo. Voilà ce qu'il pensait tout haut. Il serait un seigneur bon avec qui le mérite, impitoyable avec qui le mérite. Il pardonnerait ceux qui le méritent et ceux qui se repentissent vraiment, après tout, on ne ment pas à un menteur, il saurait voir en ces ennemis qui ment de qui est sincère, il en était persuadé.

Mais ce jour là, alors qu'il aurait aimé partir avec une partie de sa flotte en reconnaissance sur la Baie, on venait l'interrompre. Une jeune femme venue de nul part disait-on, mais on l'avait surtout décrite comme ... une indigène. "Elle a la peau si sombre que la nuit mon seigneur !" il fallait dire qu'à Salvemer, les gens étaient tous pareil, physiquement. Blancs, les cheveux châtains. Le reste était différent, remarquable, parfois peu apprécié. On le menait jusqu'à cette femme et si son visage était dur, intérieurement, il riait. Elle avait la peau colorée oui, mais sombre comme la nuit... Sa première réflexion : mais qu'est-ce qu'une dornienne peut bien faire ici ? Viendrait-elle me donner un bâtard que l'on aurait conçu des années auparavant ? Il avait rencontré tant de femmes, partagés tant de couches qu'il était presque incapable de se rappeler tous leur visages.

Elle se décrivait comme une servante du Donjon Rouge... Il en avait connu bon nombre de servantes pendant ces années de cavales. Il réfléchissait quelque instants mais cela ne lui revenait pas.

" Vous m'excuserez belle dame, j'ai conversé avec tant de femmes ces dernières années, mon esprit est tourmenté ces derniers temps mais cela me reviendra, n'en doutez pas. Soyez la bienvenue à Salvemer. "

Elle venait de l'antre de Viserys Targaryen, il avait de quoi être sceptique mais il n'en montrait rien. Il se questionnait alors sur sa venue. Etait-ce une technique de ce faux roi pour obtenir les faveurs d'un seigneur du Conflans, à rejoindre les Bracken ? Il se questionnait sincèrement. Quoi de mieux qu'une femme pour attiser l'intérêt du Mallister, après tout, ça n'était un secret pour personne. Il regardait le ventre de la jeune femme et haussait un sourcil. Cela faisait longtemps qu'il n'avait pas été à Port-Réal, il ne pouvait pas être la cause de cette grosseur, alors pourquoi venait-elle, autre mystère. Tout comme : mais qu'est-ce que cette femme faisait là ?

" De mon aide ? Comment un Seigneur du Conflans pourrait aider une servante du Donjon-Rouge ? "

Voilà qui le laissait sceptique. Comment pourrait-il aider la jeune femme puisqu'elle avait de toutes évidences un roi à disposition pour l'aider ?

" Suivez-moi donc, nous n'allons pas rester dehors toute la journée. Les servantes vous serviront de quoi vous réchauffer. "

Boissons, nourritures, vêtements plus chauds, il ne doutait pas de la différence de température entre Port-Réal et l'humide Salvemer. Salvemer n'était pas sous son meilleur jour avec le temps qu'ils avaient mais Patrek trouvait sa forteresse cent fois plus belles que Port-Réal, sans doute était-ce la fierté d'y vivre et d'y avoir grandi, l'orgueil aussi, mais il adorait son lieu de vie.

" En quoi puis-je vous être utile, jeune dame ? "

Il avait entamé sa marche vers l'intérieur de Salvemer, bien moins humide. Les lieux étaient en pleine rénovation, si l'on pouvait appeler ça ainsi. L'Aigle trônait fièrement contre les murs, les décorations changeaient pour un bleu intense et de l'argent. Ainsi était le sol et les murs, profitant de ses nouvelles alliances pour embellir et renforcer Salvemer plus qu'elle ne l'avait jamais été. La dote qu'il aurait avec son mariage futur aiderait aussi à renforcer sa flotte et ses murs.

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« Volons au dragon son trésor. »
Rosalya & Patrek




Après avoir remercié le seigneur des lieux, Rosalya entama son retour à terre et laissa les hommes d'écurie éloigner Scare de sa personne. Elle, elle se dirigea vers Patrek.

« Un seigneur du Conflans peut aider une servante ayant fui le Donjon-Rouge, du moins je le pense, argua la belle en se portant à hauteur du Mallister.

Il intima, elle suivit. L'air des mers et sa folle chevauchée avaient fatigué la jeune femme dont les nerfs peinaient à percevoir la faim ou le froid. Pourtant, lorsqu'elle arpenta les couloirs de la forteresse en compagnie du lord, l'absence d'air coulis se remarqua. Bientôt, ses extrémités la brûlèrent et elle souffla discrètement sur ses doigts pour apaiser cette désagréable sensation.

Tout n'était cependant pas aussi désagréable, et de loin aurait-elle ajouté. Ses yeux dégoûtés du rouge sanglant des Targaryen se ravissaient du bleu roi ornant les murs et les hommes qu'ils croisaient. Il fallait se l'avouer, l'aigle n'était pas aussi oppressant que le dragon et l'argent illuminait les pierres soutenant l'imprenable cité. Tout ceci offrait à son regard lassé un clarté qui l'apaisait et l'agitation moindre, comparé à la capitale, soulageait ses sens.

Une voix grave la tira de ses songes et Rosalya fixa à nouveau son interlocuteur. Il était semblable à ses souvenirs même si les siens s'avéraient défaillant à son encontre. En même temps, combien d'hommes de son rang se souvenaient des prénoms des petits gens comme elle ? Petite déjà, on lui avait appris combien son existence serait insignifiante pour ceux qu'elle servirait. Ce sursaut de savoir être l'inquiéta quelques secondes et la fit douter de la légitimité de sa requête, mais un autre fait la rassura. Entre ce temps lointain et aujourd'hui, elle avait servi et aimé un roi, vécu dans son ombre et bénéficié d'un statut particulier malgré sa naissance. Forte de ces expériences, les frontières la séparant du beau seigneur lui accordant son temps lui paraissaient bien fragiles.

- Appelez-moi Rosalya, mon seigneur, je n'ai rien d'une dame après tout. J'espère cependant que vous accepterez de m'aider, commença-t-elle. Je suis servante, c'est ce que j'ai toujours été, et au Donjon-Rouge, je n'ai jamais servi que Viserys Targaryen. Je n'avais pas à m'en plaindre jusque tantôt...mais je suppose que l'on vous a déjà rapporté ses revirements de comportements et sa décadence. Je vous prie de me croire lorsque j'affirme que ce qu'il se raconte n'égale pas le quart de la réalité des choses.

Inconsciemment, en parlant de Viserys, sa voix s'était faite moins assurée, brisée par ses sentiments, et une main s'était posée de manière protectrice sur son ventre naissant. C'était un réflexe étrange apparu en même temps que cette rondeur, mais la demoiselle ne parvenait pas à luter contre.

- Le roi fou a tenté de s'en prendre à moi et je l'ai blessé en me défendant, je crois, ensuite j'ai fui Port-Réal à la première occasion. Je ne pouvais pas aller à Dorne alors, je ne sais pas pourquoi, votre souvenir m'est revenu en mémoire et j'ai pensé que vous pourriez me venir en aide.

Son débit s'étant quelque peu affolé et la tension de ces derniers jours se résumant en ces paroles, Rosalya avait baissé la tête pour cacher les perles humides lui montant aux yeux. Par son sang dornien, elle était trop fière pour qu'on la voit pleurer. Qui plus est, elle était une future mère, ça ne chutait pas une mère, ça faisait bonne figure.

- Je ne demande pas la charité, lord Mallister, juste le droit de demeurer entre ces murs, affirma la brune en reprenant contenance un peu. Je sais mettre du cœur à l'ouvrage et je ne suis pas paresseuse, ni difficile, je me satisferai d'exécuter les tâches pour lesquelles vous voudrez bien me prendre.

Alors plus sûre, bien qu'encore émotive, Rosalya guettait dans l’œil d'azur la jaugeant un quelconque signe de chaleur qui lui assurerait enfin un soulagement à ses peines. En attendant, son cœur s'emballait d'angoisse à l'idée de reprendre la route sur le champ, errante faute d'idées de lieu vers lequel se diriger.


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Volons au dragon son trésor
L'aigle et la dornienne

Comme de nombreux hommes, Patrek n'était pas aux faits de ce qu'il se passait à la Couronne. De temps à autres, il arrivait qu'une femme lui envoie des lettres pour lui parler de la pluie et du beau temps, qu'une autre réclame son retour mais il ne voulait savoir ce que faisait le roi quand il le faisait et pourquoi. Il connaissait assez les faits et gestes de Viserys et ce n'était pas un homme des plus intéressants, son manque de goût pour la vie n'était que trop peu plaisant pour le seigneur de Salvemer. Cela n'aurait jamais pu être un ami, de près comme de loin, ils ne partageaient pas les même goûts pour les femmes, pour la boisson, pas plus que pour les complots. Viserys n'était pas assez fin, pas aussi fin politique qu'il ne le pensait en tout cas. Il n'était donc pas assez intéressant, hormis son titre de roi, titre volé, pour que le seigneur aigle y jette toute son intention : à partir du moment où ce lézard restait à la Couronne, peu lui importait.

Les regards étaient lourds de sens à mesure qu'ils traversaient les couloirs et il savait déjà les rumeurs que cela attiserait : la demoiselle allait-elle lui ramener un bâtard ? Les servantes de Patrek avait tant espéré qu'il soit un homme honnête et qu'il ait plein de fils qu'elles en viendraient à espérer que même un bâtard conviendrait, puisque le seigneur semblait si dur à vouloir prendre une épouse. Il n'était pas l'homme le plus chaleureux qui soit en sa qualité de seigneur, il ne pouvait se le permettre. Mais il marchait tout de même assez près de la jeune femme, si cela pouvait la rassurer. Le roi fou. Encore un, décidément, ils se suivaient à la trace ces Targaryen. La folie de leur inceste ne pouvait que jouer en cette faveur, il en était persuadé. Ca ou les boissons de la Couronne étaient rudement fortes. Ou leur mères les faisaient tomber du berceau sans crier gare ou peut-être était-ce un rythme de passage pour juger si leur enfant était un véritable dragon... Il manquait de rire en imaginant comme baptême la mère jetant son enfant par la fenêtre voir s'il volait. Nul doute que si les mères faisaient cela il y avait bien longtemps que Westeros serait en paix sans ces Targaryen. A vrai dire à cet instant il riait en imaginant cela.

" Quel cruel seigneur ferais-je si je disais non à un si joli visage. Vous venez de loin, reposez-vous et nous verrons ensuite ce que nous pouvons vous donner à faire. Les servantes s'occuperont de vous. "

Elle venait de loin, avait fait un grand déplacement juste pour se rendre à Salvemer. Il ne doutait pas que la chaleur différait grandement entre Port-Réal et Salvemer, que les lieux n'étaient pas si riches, pas si luxueux, pas si grands ni peuplés. Que les gens en eux-même n'étaient pas les plus chaleureux et pouvait-on leur en vouloir lorsque l'on vivait dans un lieu perpétuellement humide où le ciel était gris et le vent soufflait parfois si furieusement qu'on l'entendait dans la forteresse ?

Là résidait la faiblesse du seigneur, sans doute une de seule qu'il reconnaissait volontiers : les femmes. Il ne savait pas leur dire non ou alors difficilement, c'était toujours un crève coeur de voir leur visage fermé, triste. D'autant plus qu'il ne se voyait pas refuser le gîte et le couvert à une femme, une femme enceinte qui venait réclamer son aide. Il avait du lui falloir beaucoup de courage pour quitter le Donjon Rouge et se rendre en ces lieux mornes et tristes à quiconque ne savait voir la beauté des choses, ou à quiconque ayant passé sa vie entière dans des lieux riches comme Port-Réal.

" Vous ? Blesser Viserys ? Comment ? "

Comme une histoire qui s'annonçait. Il n'utilisait par ailleurs aucun titre pour nommer ce roi qui n'était pas le sien. Mais c'était fort intriguant qu'une petite femme puisse blesser ce lézard. Mais après tout elle semblait dornienne et les dorniennes qu'il connaissait ... Savaient fort bien manier les lames. Il avait à présent hâte de savoir comment la demoiselle avait pu s'y prendre et à quel point elle avait pu le blesser. Il fallait aussi voir si personne ne l'avait suivie et c'est ainsi qu'il donnait quelque ordres discrets à un homme qui passait à côté de lui, il lui intimait de faire vérifier les lieux par quelque uns de leur soldats, on n'était jamais trop prudent. Il ne voulait pas risquer de se faire assiéger ou se laisser emmerder par un homme qui n'était pas le bienvenue en ces lieux.

" Vous suivrez les servantes, elles vous indiqueront votre chambre et dans quelque jours vous donnerons les tâches à effectuer. Si vous restez ici, vous vous doutez bien que vous devrez apporter votre contribution. Si vous ne causez aucun problème, vous pourrez rester et ce qui pousse dans votre ventre aussi. Si je ne refuse jamais de l'aide à une jolie femme, sachez néanmoins que je n'ai que peu de patience et ne saurez tolérer que des histoires me remontent. Voici Gylla, elle vous guidera. "

Une vieille femme, une bonne cinquantaine, bien tassée, les cheveux gris mais coiffés serrés, les cernes tombantes, le dos voûté, elle paraissait bien plus que ses cinquante six ans. Elle avait eu 6 enfants, qui eux aussi servaient Patrek à présent, sur la mer pour les hommes, aux tâches ménagères et culinaires pour les femmes. C'était une petite femme qui paraissait assez rugueuse mais qui était fort sympathique et prenait vite les gens en main, elle connaissait son métier par coeur et savait ce qu'il fallait faire, quand et comment. C'était à elle que se confiaient les autres servantes et c'était elle qui donnait les tâches à faire. Contrairement à Patrek, elle était fort patiente bien que très franche. Elle faisait partie de ces femmes qui avaient connu Patrek bébé puis enfant mais qui désormais le servaient.

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Rosalya & Patrek




Un sourire soulagé détendit le visage de la brune lorsque le conflanais lui accorda de rester. Cela était déjà une victoire en soi pour la domestique qui n'avait plus à craindre de devoir reprendre la route aussi sec. Elle gratifia Patrek d'un regard reconnaissant et poursuivit son chemin à ses côtés. C'était comme si son esprit s'apaisait à chaque pas la séparant de Viserys, oubliant même la possibilité qu'il la fasse chercher lorsque sa disparition lui sauterait aux yeux...si jamais il se rendait compte qu'elle était partie. Avec les derniers événements et la peine qui lui sciait encore le cœur, elle venait même à douter de cette relation qui avait été la leur. Il n'y aurait eu ces êtres poussant dans son ventre, elle aurait même pu croire à un cauchemar. Rosalya était alors plongée dans ses pensées, concentrée entre deux phases de son récit, et la question du lord la fit presque sursauter. Il était vrai que blesser un roi était plus passible d'exécution que de copulation, mais peut-être qu'un vague reste d'affection l'avait sauvée du pire ce soir-là.

« Lorsque Lady Arryn et Lady Hightower ont fuit le Donjon-Rouge, son seigneur Viserys est entré dans une colère monstrueuse, avoua la dornienne en s'assombrissant légèrement. J'ai simplement été au mauvaise endroit au mauvais moment et il m'a frappée ; je me suis défendue. Je crois que c'est la vue de son propre sang qui l'a assez sonné pour que je trouve à me cacher, sans quoi je ne serais pas devant vous aujourd'hui. Mais peut-être aurais-je dû achever la bête, je crains de n'avoir fait que l'égratigner...Je vous avoue que j'ai peu de souvenirs de cette scène... Pardonnez-moi.

Mais Lord Mallister lui parut bien indéchiffrable. De ses souvenirs, ses émotions s'affichaient plus volontiers sur son visage, mais peut-être que le temps et les responsabilités endurcissaient le cœur des hommes ? Voilà une situation qu'elle n'avait que trop bien vécu et la belle s'interrogea mentalement sur le bien fondé de son idée. Elle n'eut cependant guère de temps pour y penser, Patrek explicita les conditions qui seraient les siennes et Rosalya sentit alors une violente émotion lui chavirer les sens. C'était plus que ce qu'elle n'espérait et, peut-être à cause de son état, l'émotion fit déborder ses larmes alors qu'il lui présentait Gylla.

- Vous n'imaginez pas à quel point vos mots me touchent, mon seigneur, articula Rosalya la gorge nouée par l'émotion. Je saurais me plier à vos exigences, être fidèle et dure à la tâche et je...je... »

Sa phrase resta en suspens, l'émotion parla pour elle. Son cœur battait à lui en faire mal et le souffle lui manquait. La peur de ces derniers jours s'estompait, avec elle toutes les angoisses qui avaient poussées la jeune femme en avant ; une nouvelle vie lui était offerte au-delà de tous ses espoirs et elle en pleurait tout ce qu'elle pouvait.

Mais pendant qu'elle tentait de reprendre le contrôle d'elle-même, une main rassurante se posa dans son dos et Rosalya se jeta au cou de l'initiateur d'une telle entreprise. Elle avait toujours connu une paire de bras solide à laquelle se raccrocher quand elle ne se sentait plus de taille et ses émotions trop longtemps bridées lui faisaient retrouver ses vieux réflexes malgré l'inconvenance de la situation, mais cela avait au moins le mérite de l'apaiser et de tarir ses larmes.


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Volons au dragon son trésor
L'aigle et la dornienne

Pauvre petite créature. Allez dont savoir ce que le dragon pouvait lui faire, à elle comme aux autres servantes. Cela ne tiendrait qu'à lui, il y aurait déjà mis feu, il ne resterait plus rien de ce que l'on appelait Port-Réal. Mais cela ne lui appartenait pas d'en décider, hélas. Et il avait bien mieux à faire que partir en conflit contre un Targaryen ; idiots qu'ils étaient, ils mettaient fins à leur existence d'eux-même en s'auto-détruisant. Ils étaient déjà si peu contrairement à ce qu'ils étaient avant, qu'au lieu de réunir leur forces, ils se détruisaient entre eux. Alors pourquoi partir en guerre pour l'un ou pour l'autre ? Plutôt festoyer pendant qu'ils se détruisent les uns les autres, c'est ce qu'ils auraient déjà du faire lors de la Danse des Dragons plutôt que s'en mêler. Les Targaryen avait certes "offert" ou "rendu" le Conflans aux conflanais, dégageant la vermine ferné, ils n'étaient plus que l'ombre d'eux-même. Les puissants Targaryen n'existaient plus, la preuve en était quand une servante venait jusqu'à Salvemer pour l'implorer. Il y avait tout de même une sacré distance entre les lieues. Il fallait avoir la mort aux trousses pour choisir Salvemer à quelconque régions. Elle aurait pu, même du, retourner à Dorne. Mais non, Salvemer. Allez savoir ce qui avait pu faire penser à la servante que Salvemer était le lieu de repos idéal pour son état. Il ne put s'empêcher, par ailleurs, de le lui demander.

" Dites moi, pourquoi Salvemer ? "

Il était bien beau de se battre contre un dragon, mais que pouvait un aigle face à ça ? Qui plus est, les dragons avaient bien plus à offrir que les aigles. Hm. Il regardait longuement la jeune femme. Son récit était bien beau, à la fois surprenant et à la fois pas tant que cela.

" Vous aviez Dorne à côté. Vous aviez Essos, pour fuir. Un bateau vous y aurez conduit. Mais vous venez à Salvemer, au Conflans, là où le danger est constant. Les fernés, le mauvais temps, les eaux qui s'approchent bien souvent trop près de notre forteresse. "

Salvemer était l'un des plus beau fort du Conflans il fallait en convenir. Mais après avoir accepté que la jeune femme reste en ces lieux, il lui fallait des réponses sur les raisons de choisir celui-ci à un autre. Il avait aussi mieux à faire, mais peut-être que cette histoire pouvait lui apporter quelque chose d'autres, des nouvelles, des informations, qu'en savait-il. Qu'une femme si lointaine vienne ici, il devait bien y avoir des raisons, elle devait bien savoir des choses que tous ici ignoraient. Qu'en allait-il de l'avenir de Westeros, qu'en allait-il des décisions de ce roitelet...

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« Volons au dragon son trésor. »
Rosalya & Patrek




La question la perturba et le regard clair de la dornienne se perdit sur un point invisible. Cette question, elle se l'était posée elle-même tandis qu'elle avalait les kilomètres sur le dos de Scare. Rosalya avait choisi cette destination à cause d'un empressement vital pour elle, pour ses bébés. Son esprit avait réfléchit vite, intensément, et la solution était restée la même depuis l'instant où son roi avait levé la main sur elle.

« Dorne a fermé ses frontières, cela fait des mois que je n'ai plus de nouvelles de là-bas, entama la servante d'une voix monocorde propre à ceux ayant souffert de trop d'émotions. Ce royaume ne fait plus partie des Sept Couronnes désormais et ils n'ont même pas envoyé de leurs hommes pour libérer la princesse Rhaenys. On ne peut plus y aller, ils ne veulent plus entendre parler de ceux au-delà de la frontière, et les chemins détournés m'étaient inaccessibles dans mon état... Je ne parle pas la langue d'Essos non plus, quel destin autre que celui d'esclave aurais-je pu trouver dans ces conditions ? Je n'y aurais que troqué un maître pour un autre, argua la roturière. Quant au reste de ma famille, ils servent des maisons comptant parmi les alliés du roi, des maisons trop proches de Port-Réal. Si je peux compter sur mes proches, je ne peux en dire autant de ceux avec qui ils travaillent : ce n'est un secret pour personne qu'une bourse bien remplie en pousserait plus d'un à me ramener au Donjon-Rouge et on ne peut pas dire que je sois de celles se fondant dans la masse.

Elle en voulait pour preuve les regards appuyés des conflanais s'étant arrêtés sur sa peau dorée et ses cheveux brûlés. Les dorniens ne passaient que rarement inaperçus, mais ils étaient pour la plupart des plus flashy une fois passée les terres de l'orage.

- Et, lorsque je me suis aperçue que Viserys comptait mener sa prochaine attaque sur Goëville, j'ai pensé qu'il n'aurait jamais l'idée de venir me chercher au Conflans... C'est là que j'ai pensé à vous et à Salvemer, lord Mallister. »

Elle s'était montrée honnête, comme depuis son arrivée, mais une sincère tristesse se lisait dans son regard en songeant à ces Conflanais que le lord ne pouvait sauver de cette attaque. La dornienne devait être arrivée à Salvemer à l'instant où Viserys frappait Goëville, ou avec une avance à peine utile, et cette information ne permettrait pas à Patrek d'arrive à temps auprès de ses frères.

Rosalya finit par baisser les yeux, luttant contre une colère qu'elle redoutait, trop habitué à un certain dragon, autant que contre sa propre fatigue, la belle dornienne ne savait que faire aussi attendit-elle jusqu'à ce que la vieille Gylla l'entraîne calmement jusqu'à sa chambre.


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