[FB] Blinded by bitterness - FT. Liliyana Ryger
Membre
Il ne restait plus grande trace de la mystérieuse tragédie de Lestival, à présent. Les ruines calcinées avaient été remplacés par des hautes murailles au marbre éclatant, les cendres recouvertes de jardins verdoyants. Les flammes dévorant le ciel s’étaient métamorphosées en banderoles multicolores flottant au vent, les cris de panique recouverts par le brouhaha d’acclamations et de rires. Et si des effluves de fumées parvenaient parfois à leurs nez, elles étaient toujours accompagnées par la senteur alléchante de gibier grillé. Quoique Rhoane se demanda si la chair humaine incendiée portait une odeur si fondamentalement différente.
La première bouffée d’air avalée par leur Roi avait dû avoir un parfum bien charbonneux. Est-ce que cela faisait de lui un dragon ; du haut de ses presque quatorze années, la jeune fille en doutait fortement. Depuis, bien des choses en ce monde avaient été chamboulées. Les dragons avaient refait leur apparition, aux mains d’hommes et femmes dont le sang semblait ne contenir une seule goutte valyrienne. Le grand mensonge de la divinité targaryenne avait brusquement éclaté au grand jour, bien que personne ici-bas ne semblait être prêt à la contester. Pas alors que la mémoire de Robert Baratheon était encore si profondément ancrée dans les esprits, au contraire de la tragédie de Lestival qui n’était à présent qu’un vague souvenir. Il semblait, effectivement, qu’au-delà de la supériorité de leur lignée, une chose demeurait en leur possession : la puissance.
Un soupir las s’échappa des lèvres de la Tarly, un regard ennuyé coulant le long du bras fermement crocheté au sien. Sa sœur Talla avait la fâcheuse tendance à vouloir l’enchaîner à elle à chaque événement publique, de peur probablement de se retrouver à consoler une pauvre lady en larmes parce que sa robe était recouverte de bouse de cheval. Mais Rhoane n’avait plus huit ans, et si elle aspirait toujours à obtenir l’attention de leur père, ce n’étaient plus ses foudres qu’elle cherchait à attirer, au plus grand bonheur – ou malheur - de Talla. Mais peu importaient les sentiments de celle-ci, être volée de son héritage était certainement la meilleure chose qui pouvait arriver à sa trop douce sœur.
Laissant ses prunelles sombres voguer sur les visages connus et inconnus, un chien-ours au pelage blanc comme neige piqua cependant sa curiosité. Qu’est-ce qu’une pareille bête pouvait bien faire au beau milieu de cette foule ? Y avait-il peut-être un combat de chiens non loin de là ? Peut-être aurait-elle dû emmener son fidèle Randy avec elle…Cependant, Rhoane remarqua bien vite la main frêle accompagnant le géant au poil soyeux, et bien que tout d’abord déçue, ce fut finalement sur le visage de la jeune dame que se cloua le regard de la fille de Randyll. Plus particulièrement sur ses yeux bleus qui regardaient constamment dans le vide.
- « Oh, ce doit être Lady Liliyana (@Liliyana Ryger ). La nièce du seigneur Ryger. L’on m’a dit qu’elle est aveugle. La pauvre. », remarqua Talla, suivant le regard de sa sœur.
Un instant plus tard, Rhoane s’était déjà faufilée hors de portée de l’emprise de sa sœur, filant entre la foule drapée de tissus multicolores, tandis que derrière elle, Talla poussait un petit cri surpris.
- « Oh, s’il te plaît Rhoane…elle n’a pas mérité tes manigances… », l’entendit-elle encore avant que ses réclamations ne s’estompent sous le bruit des luths.
- « Oh par les Septs ! Pardonnez-moi, milady, je ne m’attendais pas à tomber sur une si belle bête au milieu de tous ces gens », s’exclama-t-elle, d’une voix regorgeant de toute l’innocence d’une jeune fille de treize ans à peine.
- « Je m’appelle Lady Rhoane Tarly, fille de Randyll Tarly, de Corcolline. »
Invité
Polar marchait sagement devant moi alors que je tenais sa laisse d’une main légère. J’avais, comme d’habitude, un chaperon qui me suivait lorsque je n’étais avec mon frère ou Grand-Mère. Et Grand-mère avait insisté pour que je sois, comme d’habitude, escortée par deux gardes supplémentaires pour s’assurer qu’il ne m’arrive rien. L’avantage c’était que Polar avait aussi un effet dissuasif avec sa carrure qui nous ouvrait tranquillement la voie. Alors que même si Polar était une véritable peluche avec moi, il avait également été dressé pour que je puisse le lâcher au besoin sur quelqu’un. Fort heureusement, je n’avais jamais eu à le faire puisque mon frère et/ou grand-mère était présent avec moi.
J’avançais tranquillement dans la foule sans peur aucune, être aveugle dans une foule me demandait bien de la concentration, mais c’était aussi très agréable. J’aimais l’ambiance, pouvoir m’émerveiller sur le son d’un luth, le parfum de quelques épices ou la douceur de tissu que je touchais du bout des doigts. Je n’avais aucune intention d’acheter, mais j’aimais bien. Du haut de mes dix-sept ans, je savais qu’aucun noble si ce n’est mon frère, ne me demanderait mes couleurs. Issu d’une petite famille et aveugle, je n’intéresserais absolument personne. Mais c’était autre chose.
Je sentis qu’on me percutait et aussitôt Polar gronda, ce qui n’était pas du tout dans ses habitudes. Je fis un pas en arrière, confuse. Normalement, cela n’arrivait jamais. Que c’était-il passé ? Polar vient aussitôt contre moi en protection. Je sentis qu’on me fixait alors que j’essayais de savoir qui j’avais en face de moi. La voix était très douce… jeune. Une enfant ? Rhoane Tarly de Corcolline. Polar grogna un peu plus alors qu’elle tenait ma main. Et son regard était planté sur moi, j’essayais d’orienter mon visage vers elle.
« Je suis Liliyana Ryger. Et ce gros chien à mes pieds est Polar. »
Je fis une petite référence polie devant elle, comme il se devait quand on était bien élevé. Elle devrait reculer, parce que Polar n’était pas du tout content qu’elle soit aussi proche et qu’elle m’ait bousculé ainsi.
« Il est mon chien guide. »
Que puis-je dire d’autre ?
« Vous avez une voix jeune, dame Rhoane. »
Je ne connaissais pas tous les âges de chaque personne de cette terre. Encore heureux.
« Souhaiteriez-vous faire quelques pas avec moi ? »
J’étais plus sociale qu’on aurait pu penser avec mon handicap. Polar s’ébroua mais restait entre moi et la jeune femme. Je plissais légèrement le nez.
« Polar, ta place. »
il se déplaça aussitôt pour se mettre à ma droite sagement.
Membre
Un sourire accroché au coin des lèvres, Rhoane dévisagea la bête blanche, une lueur narquoise dans l’œil. Polar avait beau être né pour protéger sa maîtresse, ce gros tas de muscles ne pouvait que grogner devant elle, et s’asseoir gentiment à sa place. Tandis qu’elle, elle passait son bras sous celui de la dame, ne laissant donc bientôt plus aucune place pour le pauvre clébard.
Rhoane poussa un éclat de rire jovial, enrobant sa voix de doux aigus fluets, tandis qu’au fond de sa gorge, elle imagina des serres acérées remplacer ses cordes vocales, lacérant le flux d’air à son passage. Une voix jeune…Une voix innocente. Une voix si niaise, dépourvue de caractère. Oh, dans ses rêves, la jeune Tarly grondait aussi fort que le tonnerre, un son rauque semblable au roulement du ventre d’un volcan, tel qu’il aurait fait pâlir les beuglements de son père. Peut-être qu’un jour son vœu s’exaucerait, mais pour l’instant, les Dieux l’avaient bénie d’une voix aussi pure que l’eau de source. Autant en tirer profit.
« Quelle chance d’avoir Polar à vos côtés. Un protecteur, un ami honnête et fidèle jusqu’à la mort. C’est quelque chose qu’on ne trouve pas chez les humains, je pense. Oh, j’ai ma bête à moi également, que j’ai nommée Randy en honneur à mon père. Mais il n’aurait pas sa place au milieu de ces festivités…voyez-vous, c’est un chien de chasse, féroce et déterminé, qui vit pour courir et traquer. »
Non loin, entre les vagues de la marée humaine, Rhoane aperçut la silhouette sombre de Gulian, comme une ombre discrète emboîtant le pas à sa maîtresse. Il était là, alerte, prêt à la défendre, et finalement, peu le différenciait de Polar, si ce n’était qu’il était bien plus complexe d’apprivoiser l’esprit d’un humain. Mais les relations entre humains n’étaient-elles pas bien plus exaltantes ? N’était-ce pas bien plus palpitant de dompter la conscience d’un homme ?
« Mais je parle trop ! Pourquoi n’irions-nous pas danser ? », s’exclama-t-elle, avant d’entraîner la dame vers le son d’une musique rythmée.
Invité
Je ne savais pas pourquoi… je sentais quelque chose d’étrange dans sa voix. Comme un faux sourire… Je me demandais à quoi elle ressemblait et si elle m’offrait un grand sourire mauvais ou non. Je sentais Polar très peu à l’aise à mes côtés et qu’il semblait un peu… tendu. J’enroulai légèrement la laisse autour de ma main pour qu’il reste bien contre moi. Quelle chance… N’est-ce pas ? Que ferais-je sans mon Polar ? Je serais perdue après tout ! Randy. Je ne savais pas pourquoi, mais je sentais que son père, si elle… Non, elle le détestait. Je le sentais. Un chien de chasse…
« Oui Polar est un cadeau de ma Grand-mère. Il est particulièrement intelligent. Polar adore courir également, lorsqu’il vient avec nous pour une chevauchée, mon frère aîné m’assure qu’il suit toujours sans mal. Mais il a l’habitude des festivités et d’avoir des gens autour de lui. »
Elle m’entraînait vivement et je suivis le mouvement en essayant de ne pas lui marcher sur les pieds ou la bousculer. Polar marchait en avant, ouvrant la voie en s’arrêtant parfois, aboyant pour ouvrir le passage.De la musique… c’était agréable. Danser ?
« Danser ? Vous ne parlez pas trop, mais je ne suis certainement pas la meilleure danseuse du monde. Je pense surtout avec mon frère Damon. Si je connais les pas, je ne puis exactement danser comme vous. Mais si vous souhaitez danser… Allez-y, mais j’ai pur de vous écraser les pieds. Quand bien même la musique est fort agréable. »
Et puis… Je n’étais pas sûre que de laisser Polar seul serait une très bonne idée alors qu’il était visiblement très nerveux et peu à l’aise à l’idée de me laisser puisqu’il était plus que collé à moi et me marchait presque dessus pour que je ne m’éloigne pas.
« Malgré son intelligence, Polar ne sait pas encore très bien danser. »
J’eus un rire amusé en frottant sa tête avec douceur. Il posa sa truffe sur ma main. Est-ce qu’il agitait la queue ? Je ne savais pas.
« Êtes-vous seule dame Rhoane ? »
Elle semblait bien jeune… n’avait-elle pas son père à quelques distances ? Ou s’était-elle échappé de sa surveillance ? Possible. Est-ce je la jugerais ? Peut-être pas, avec Grand-mère, parfois j’aurais aimé filer. Mais avec mes deux gardes derrière nous, je n’étais pas sûre qu’on risque quoi que ce soit.
Membre
Quelque peu arrêtée dans son élan, Rhoane sentit les muscles de son front se contracter dans un spasme irrépressible, tandis qu’une pointe d’agacement venait pincer son visage. Quelle rabat-joie. Elle qui lui faisait pourtant une faveur en la poussant à s’aventurer au-delà de sa misérable existence. Elle ne voulait pas danser ? Eh bien, la jeune fillette n’en avait que faire. Et ce chien qui commençait également véritablement à lui taper sur les nerfs… Pourtant, la Tarly réprima un soupir, après tout, malgré la réticence de la Conflanaise, elle continuait encore à la suivre.
« Oh non, ne vous inquiétez pas pour moi, s’exclama-t-elle encore une fois, d’une voix chantant les petits oiseaux du printemps – eurk. Les gardes de mon père nous suivent à quelques pas de cela. Ils sauront me ramener à lui sans soucis. Il est vrai, cependant, que sans eux je me sentirais un peu perdue au milieu de ce gigantesque festival. »
Mensonge. S’il y avait bien un endroit où elle s’était toujours sentie en sécurité, c’était loin de son père. D’un rapide coup d’œil quelque peu nerveux au-dessus de l’épaule de sa camarade, Rhoane avisa deux ombres arborant le rouge et le vert de Corcolline se frayer un chemin dans sa direction. Tsk…Ils ne tarderaient pas à la rattraper, et si elle ne restait pas en mouvement, ce serait sous les yeux froids de Randyll qu’elle devrait bientôt danser.
« Si vous pensez que la danse se résume aux pas que l’on apprend, Lady Liliyana, je crois qu’on vous a mal enseignée. Pas besoin d’yeux pour danser, il suffit d’avoir deux oreilles qui fonctionnent et deux jambes qui tiennent debout ! Après ça, vous n’aurez qu’à écouter la mélodie des luths et sentir le rythme des tambours vibrer jusqu'au coeur. Et puis, d’après mes sœurs, je suis une excellente professeure, vous pourrez suivre mes mouvements tout le long. Quelle parfaite occasion ce serait, pour apprendre à Polar les joies de la musique ! »
Un grand sourire vint aussitôt éclaircir ses paroles, contrastant avec ses iris aussi froides que du quartz fumé qui se penchèrent ensuite sur l’animal. C’était étrange comme les bêtes au cœur tendre et choyé semblaient parfois la fuir comme la peste. Souvent, cette méfiance avait servi à nourrir son orgueil, seulement, aujourd’hui elle ne s’en trouvait que plus irritée.
« Ne me faites-vous pas confiance, milady ? Oh, mais je comprendrais tout à fait. Du haut de mes treize années, je dois vous paraître quelque peu…incompétente. », lâcha-t-elle finalement, saupoudrant ses paroles d’une pointe de déception et d’un zeste de gêne.
Si avec ça elle ne se précipitait pas pour lui remonter le moral…
Invité
La jouvencelle avait une voix fluette d’enfant. J’avais sans doute que dix-sept ans, mais je me sentais malgré tout plus adulte qu’elle. Sans doute était-ce normal. Mais elle me semblait bien jeune pour être seule sans chaperon à quelques distances d’elle. J’avais pour ma part toujours des gardes proches de moi pour me surveiller et s’assurer que je n’étais pas en danger. Et rapporter tous mes faits et gestes à Grand-mère. Mais c’était autre chose, bien sûr, elle n’avait pas besoin de le savoir après tout. Les gardes de son père nous suivaient donc également. Bien. J’inclinai légèrement la tête à sa remarque. Je n’aimais pas… il y avait quelque chose que je n’aimais pas chez cette jeune femme. Je ne savais pas ce qu’il y avait…
« Je comprends ce que vous voulez dire dame Rhoane. »
Mais danser ? Ainsi et maintenant ? Sur un sol que je ne connaissais pas, avec une partenaire que je ne connaissais pas, au milieu d’une foule… Et ce n’était pas qu’une question de musique, de rythme ou tout ce genre de chose. On me l’avait mal enseigné ? On m’avait enseigné bien des choses d’une autre manière, car je ne pouvais pas les apprendre d’une manière classique. Excellente professeure… La musique était bonne en tout cas. Polar lui… n’aimait pas danser.
« Polar déteste la danse, il préfère rester assis dans son coin. Mais il aime la musique. Quant à moi, j’aime danser, j’entends et je sens très bien la musique, vous savez. Je suis aveugle, pas sourde. Et pour vous il est facile de vous laisser aller, mais vous voyez l’environnement autour de vous. Les gens, les pierres, le sol… »
Les couleurs. Je frottais tout doucement la tête de Polar. Est-ce que je lui faisais confiance… Non pas vraiment, mais nous n’allions pas nous fâcher avec les Tarly, n’est-ce pas ? Incompétente ?
« Incompétente ? Nullement dame Rhoane. Je ne me permettrais pas. »
J’étais vraiment trop gentille…
« Je veux bien essayer de danser avec vous, mais j’ignore si cela vous plaira. Polar, ne bouge pas. »
Je sentis un garde s’approcher de moi et me proposer de garder Polar pour moi. Je le remerciais avant de lui donner la laisse. Polar gronda un peu et attrapa ma jupe entre ses dents en tirant légèrement. Je m’approchai de lui pour lui frotter les oreilles avec douceur.
« Lâche Polar. Sage, je reviens. »
Il obéit, mais couina alors que je pris le bras de dame Rhoane. Je pouvais bien lui faire ce petit plaisir, non ?