[FB] Forging our path [PV Robb]

Les yeux de Kylis parcouraient le parchemin légèrement humide qui se tenait entre ses mains, sentant le regard de Mestre Ludwin se poser sur sa silhouette de temps en temps, c’est-à-dire quand le corbeau fourbu qu’il s’efforçait de nourrir ne tentait pas de picorer ses doigts en plus de sa pitance. La pauvre bête avait dû essuyer le vent et la neige de l’Hiver pour venir, et c’était déjà un miracle qu’elle soit parvenue jusqu’à Winterfell depuis Atres-les-Confins. Même si les oiseaux élevés par les mestres avaient acquis, grâce à une soigneuse sélection, des qualités certaines pour résister aux pires déchaînements des éléments, ils demeuraient de véritables fétus de paille au milieu des tempêtes pouvant balayer le Nord, et il n’était pas rare qu’un de ces braves messagers ne se perde à jamais, transi de froid ou dévoré par un prédateur affamé. Heureusement, celui-ci avait rempli sa mission, même s’il ne dérogeait guère au célèbre proverbe connu dans tout Westeros « Noires ailes, noires nouvelles ». Le mestre devait le deviner à sa mine peu réjouie et au temps qu’elle mettait à déchiffrer les mots jetés à la hâte sur le document, comme si elle s’efforçait de relire plusieurs fois chaque ligne, histoire de bien comprendre ce que son frère avait bien voulu dire. Pourtant, pour avoir eu l’occasion de la fréquenter durant les quelques semaines qu’elle avait passée dans le fief des Stark, l’homme savait qu’il s’agissait d’un comportement pour le moins inhabituel de sa part, vu la rapidité avec laquelle elle dévorait les pages de tomes poussiéreux. Finalement, l’Omble leva vers lui un visage quelque peu contrarié avant de demander poliment :

« Savez-vous où je pourrai trouver Lord Stark, Mestre ? »

L’homme à la chaîne lui indiqua l’étude du jeune homme et après l’avoir remercié, la damoiselle ramassa ses longues jupes et entreprit de descendre aussi rapidement que possible les marches de la haute tour dévouée au vieillard, attentive à ne pas glisser. Puis une fois en bas, elle entreprit de traverser les longues coursives du château. Au moins ne se perdait-elle plus, comme cela avait pu lui arriver une ou deux fois après son arrivée … C’est que la forteresse des Stark, pour qui ne la connaissait pas, était un vrai labyrinthe à son goût, sans parler de sa propension à s’esbaudir devant chaque petite marque du temps, maintenant qu’elle avait le temps de regarder tous les détails. Fondamentalement, les rares fois où elle y avait mis les pieds, il s’agissait de faire honneur à la maison Omble avant tout au cours d’une réception quelconque, d’un banquet, bref, il eut été malavisé d’explorer ainsi les moindres recoins de Winterfell. Mais puisque désormais, elle devait s’habituer à ce que cet endroit soit son foyer pour le restant de son existence, ce genre d’hésitations n’avait plus lieu d’être. Et même avec les préparatifs pour le mariage imminent entre Sansa Stark et Hoster Nerbosc, elle avait eu un temps non négligeable pour elle-même, ce que la jeune femme avait d’ailleurs beaucoup apprécié. Son fiancé ne lui imposait pas sa présence et la laissait libre d’explorer les environs à sa guise, même s’ils se retrouvaient régulièrement pour manger ou simplement discuter. Ce rythme lui convenait parfaitement, et du reste, compte tenu des obligations du Jeune Loup, elle ne désirait pas non plus troubler ses devoirs. Elle appréciait néanmoins leurs quelques moments privilégiés et s’était même prise à remercier le destin de la tournure prise par les événements. En dehors des titres et de la vie de privilèges que ce mariage allait lui offrir, elle admettait volontiers que son futur époux était prévenant et de compagnie agréable, ce qui n’était pas forcément le cas de tous les potentiels prétendants que son père aurait pu considérer. Mieux valait tout de même un jeune homme galant qu’un barbon rustique. Après tout, le Lord Glover n’était toujours pas marié par exemple, et entre son âge avancé et sa manie de fuir toute femelle, il y avait de quoi redouter quelques idées saugrenues d’alliances …

Une fois parvenue dans la grand-salle de Winterfell, Kylis héla un serviteur pour qu’il aille voir si Robb était en mesure de la recevoir, ou s’il était encore en plein préparatifs. La délégation nordienne pour le mariage de sa sœur s’annonçait conséquente, et elle ne doutait pas, pour avoir eu en mains quelques listes grâce à son fiancé, du travail qu’une telle transhumance demandait. Sans compter les détails à régler pour le trousseau de la future mariée, et ce genre de considérations … Même si elle considérait sa requête relativement urgente, elle ne désirait pas non plus déranger le Seigneur de Winterfell dans ses affaires pressantes. Au bout de plusieurs minutes, l’homme revint pour lui annoncer qu’elle pouvait venir, et la jeune femme lui emboîta le pas. Elle toqua discrètement à la porte devant laquelle elle se retrouva, avant d’attendre de pouvoir y pénétrer.

« Lord Stark … »

Kylis fit une légère révèrence, comme il convenait, avant de se redresser rapidement – après tout, ils avaient eu le temps de voir au-delà du protocole, même si elle tenait à la bienséance – et de poser son regard sur son fiancé.

« J’espère que les derniers préparatifs de notre départ ne vous fatiguent point trop. »

Elle se mordilla légèrement la lèvre inférieure, consciente qu’elle n’allait peut-être pas aider à sa tranquillité d’esprit avant d’exposer, consciente qu’il n’était pas question de lui faire perdre son temps, l’objet premier de sa visite.

« A vrai dire, j’ai peur d’alourdir le fardeau sur vos épaules avec mes inquiétudes mais … enfin, vous devez être au courant …

L’un de mes frères m’a écrit, depuis Atres-les-Confins. Ce qu’il me dit est … troublant. »

Une légère hésitation la prit, avant qu’elle n’achève :

« Apparemment, nos terres sont de plus en plus soumises à des incursions de sauvageons … »

Elle lui tendit la lettre de Jonothor, avant de conclure :

« Peut-être que ce n’est rien. Et je suis navrée de vous ennuyer avec cela alors que vous avez déjà tant à faire. Mais je dois avouer que ces nouvelles me perturbent, alors que nous partons pour le sud. »