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Tombent les masques... (feat. Lucas Nerbosc)

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Tombent les masques...

An 299 - Lune 4 - Semaine 4



Feat. Lucas Nerbosc

Je quittais mes appartements d’un pas décidé, enfilant mes gants de cuir noir fourré tout en faisant claquer mes bottes sur les dalles du couloir. Ma cape de velours noir flottait légèrement derrière moi tandis que je descendais les escaliers vers le hall d’entrée. Tout était calme depuis le décès de Lady Loriane Vance, ma mère. Elle était très appréciée ici et même si je n’ai jamais été très proche d’elle et que plus d’une fois, je lui avais tenu tête, je ressentais le poids de sa disparition comme n’importe qui ici… ça en devenait parfois suffocant… Les évènements liés à son enterrement étant maintenant derrière nous et nos invités partis, je m’étais dit qu’il me fallait me changer les idées…et changer d’air, même pour un ou deux jours.

Je finissais de fixer ma coiffe dans mes cheveux quand j’entendis des pas venant sur ma gauche. Je tournais légèrement la tête ; c’était père.

Où vas-tu ainsi apprêter ? Nous portons encore le deuil.

Et c’est pourquoi je me suis vêtue de noir, père. Dois-je pour autant vivre recluse dans ma chambre ? Non, je ne pense pas…

Mhmm…Tu n’as pas répondu à ma question. Où vas-tu ?

Je levais les yeux au ciel, agacée.

A Corneilla père. Je dois avoir le cœur net d’une certaine…chose… Je ne resterais pas longtemps ; un jour, deux tout au plus. Je transmettrais nos amitiés à Lord Tytos et excuserait notre absence.

Karyl Vance hocha la tête.

Ne soit pas trop longue ; Bel Accueil a besoin d’une Dame…

La façon dont il le dit m’attendrit. Je le pris dans mes bras et l’embrassais sur la joue :

Je vous le promets. Dîtes au revoir à grand-père de ma part. Je ne l’ai pas vu de la journée. Je passerais par Atranta ; cousin Hugo et Ellery m’accompagneront à Corneilla.

Père hocha la tête, me serra en retour dans ses bras puis me laissa partir. Dans la cour, le vent s’engouffra dans ma cape, la faisant virevolter derrière moi. J’allais droit vers mon cheval, déjà prêt et sellé dans la cour par l’un de nos garçons d’écurie. Je me mis en selle, tournais bride et passais les portes de Bel Accueil au trot avant de prendre le galop.
***

Après plus d’une semaine de trajet, nous arrivâmes en vue de Corneilla après avoir traversé le Trident au niveau de Vivesaigues. Nous entrâmes dans la cour de Corneilla au pas ; des garçons d’écurie venant déjà à notre rencontre. Nous mîmes pied à terre et j’enlevais mes gants en me tournant vers mes accompagnateurs. J’allais leur parler lorsqu’un garde de la maison Nerbosc vint à moi, me demandant qui il devait annoncer. Je me tournais vers lui, un grand sourire (et faux !) sur le visage :

Lady Liane de la Maison Vance de Bel Accueil ainsi que Ser Hugo et Ellery de la Maison Vance d’Atranta. Nous venons voir Lord Tytos et son fils, Ser Brynden.

Nous informerons Lord Tytos de votre présence. En revanche, Ser Brynden est absent.

Je haussais les sourcils et fis une moue dédaigneuse à cette réponse :

Absent ?! Comment cela, absent ?

Il allait me répondre lorsque son regard fut attiré par un mouvement sur sa droite. Je suivis son regard et mon visage s’éclaira d’un sourire (sincère cette fois !) en voyant mon ami, Ser Lucas Nerbosc, venir à notre rencontre. Je fis de même, tendant mes mains vers lui, toute à la joie de le revoir après mes deux années passées loin du Conflans :

Mon cher Lucas ! Voilà longtemps que nous ne nous sommes vus ! Comment allez-vous ? Nous avons tant de choses à nous dire !

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Corneilla avait à peu près retrouvé son calme après la visite de la famille royale. Enfin si l’on faisait fit du récent remue-ménage qu’il y avait eu du côté du personnel de la demeure des Nerbosc et des fausses accusations qui avaient touchées l’écuyer de Garlan Tyrell. Mais les invités étaient rentrés chez eux et Brynden était parti avec la princesse argentée et son convoi pour Dorne. Lucas avait peu à peu retrouvé sa routine, celle qu’il aimait tant avoir lorsqu’il restait plus de quelques jours chez lui. L’émissaire du Conflans s’était accordé une petite pause à Corneilla puisqu’il savait que la prochaine fois qu’il reprendrait la route, beaucoup de kilomètres l’attendraient et il ne pouvait dire encore avec précision quand il serait de retour sur ses terres natales. Si quelque chose se présentait après le mariage de la soeur d’Andar, cela pourrait encore changer ses plans, Lucas était habitué depuis le temps à s’adapter aux actualités et au besoin de son père. Tel était son engagement auprès de sa famille et de sa région. Lucas passa une bonne partie de la matinée dans le jardin à s’entraîner avec le maître d’armes. Il ne cherchait pas à égaler son aîné, il savait qu’il en était tout simplement incapable, mais cela ne l’empêchait pas de vouloir se maintenir à un niveau décent, à défaut de progresser nettement. L’exercice lui permettait aussi de moins songer à la jolie brune qui hantait ses pensées depuis qu’elle avait franchit les portes de Corneilla pour retrouver Castel-Bois. Il avait dit ce qu’il avait sur le coeur, il n’avait aucun regret. Pourtant le temps s’était mis en suspension depuis et il avait peur d’avoir dépassé ses limites à elle. Mais il ne pouvait pas y songer chaque instant de sa journée, sinon il ne serait plus bon à rien. La concentration que le combat demandait de lui, l’obligeait à lâcher ses questionnements, sans quoi il prenait deux fois plus de coups de la part du maître d’armes.

Une fois l'entraînement terminé et son nombre de coups encaissé, Lucas remercia l’homme et repris son chemin vers l’enceinte principale de Corneilla pour retrouver ses appartements. Alors qu’il se passait un linge sur le visage pour en nettoyer la sueur de l’effort, une voix familière, bien qu’énervée, le ramena sur terre. Il baissa le tissu pour découvrir Liane Vance, visiblement mécontente de ce qu’un serviteur lui annonçait. Lucas se racla la gorge afin d’attirer l’attention sur lui. Il jetta le bout de tissus sur une épaule avant de marcher en direction de sa vieille amie. S’il avait été impressionné par la Vance lors de leurs premières rencontres, il avait appris à voir au-delà du fort tempérament et ne la craignait plus, il était même content de pouvoir la compter comme une amie. “Liane, quel plaisir de vous voir ! Vous excuserez ma tenue, je viens de finir mon entraînement” dit-il à son adresse avec un grand sourire alors qu’elle se dirigeait également en sa direction. “Je vais très bien, comme vous ne pouvez en douter avec un tel sourire, n’est-ce pas ?” Néanmoins son sourire se fit plus modéré lorsqu’il aborda le sujet suivant. “Oui, un certain temps que nous ne nous somme pas vu. Je n’ai pas encore eu l’occasion de vous faire part de mes condoléances, face à face, alors je saisis l’occasion. Comment vous portez-vous Liane ?” Alors que cette dernière lui répondait, Lucas fit un signe rapide au garçon qui attendait de filer pour retourner vaquer à ses activités. Il prenait le relais avec leurs invités à présent. Même s’ils continuaient de parler, Lucas invita d’un geste du bras la nouvelle arrivante à pénétrer dans la demeure des Nerbosc. “J’ai cru comprendre que vous cherchiez mon frère ? Vous l’avez raté de peu, il est parti la semaine passée pour Lancehélion, avec la Reine Douairière et la princesse Daenerys, afin d’assister au mariage de son frère avec la princesse de Dorne.” Lucas fit une courte pause, repensant aux nerfs à vif de son père cette semaine. Si Liane était aussi enflammée, une rencontre avec son paternel à ce jour n’était peut-être pas la meilleure idée. “Mon père est très occupé aujourd’hui, donc à moins que cela ne soit une urgence, si vous restez quelques jours parmi nous, vous le verrez sans faute au dîner de ce soir. En attendant, je peux peut-être vous accomoder Lady Vance ?” proposa-t-il avec un rire de bon coeur alors qu’ils débouchaient dans la grande salle.
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Tombent les masques...

An 299 - Lune 4 - Semaine 4



Feat. Lucas Nerbosc


Si nous avions été en privé, j’aurais serré Lucas Nerbosc dans mes bras, tant j’étais heureuse de le revoir. A l’inverse, si mon sourire ne quittait pas mon visage, je lui accordais les salutations et la petite révérence de rigueur envers le second fils de notre Seigneur et Suzerain. Il s’excusa en raison de sa tenue, il est vrai, loin d’être la plus appropriée qu’il soit pour me recevoir. Qu’importe, j’avais l’habitude. Je ne comptais plus les fois où, à Atranta, je voyais mes nombreux cousins déambuler dans la cour et dans les couloirs du château dans la même tenue.

Ne vous excusez pas voyons ! J’ai l’habitude de voir la gente masculine ainsi vêtue. dis-je avec un air espiègle dans le regard. Je suis d’ailleurs venue avec mes cousins Ser Hugo et Ser Ellery…que j’ai bien peur d’avoir perdu, depuis que je vous ai vu. Ils ne manqueront pas de venir vous saluer.

Il se fit ensuite flatteur à mon égard. Je me mis à rire, lui donnant une légère tape près de son épaule droite :

Oh quel flatteur vous faîtes, Ser Lucas ! Surtout ne cessez jamais de le faire ; vous savez à quel point j’aime être flattée.

J’avais prononcé ces mots sur le ton de la plaisanterie mais toute personne me connaissant bien - ce qui est son cas - savait qu’en l’occurrence, j’étais on ne peut plus sérieuse. Je repris en revanche contenance à la mention de l’encore récent et funeste événement qui frappa notre famille. Mon rire s’évanouit aussitôt et mon visage perdit momentanément de sa joie à l’idée de revoir l’un de mes meilleurs amis. Je lui répondais donc, tout en le suivant vers l’intérieur du château sur son invitation :

Merci Lucas…J’ai toujours été plus proche de mon père que de ma mère mais nous l’aimions tous énormément…moi y compris même si je pouvais parfois être infecte avec elle, j’en conviens… De vous à moi, j’avoue être rongée par le remords mais il est trop tard à présent pour demander pardon… J’ai repris les charges qui incombe à la première dame de Bel Accueil, épaule mon père et mon grand-père et tente de consoler mes sœurs. Emphyria est la plus jeune et la plus touchée de nous trois par cette tragédie. J’envisage de l’emmener avec moi lorsque je me rendrais de nouveau à Salvemer, dans la famille de notre mère. Peut-être cela lui fera-t-il du bien... Je m’en remets aux Dieux quoi qu’il en soit…Peut-être les vôtres seraient-ils plus cléments à mon égard… ?

A l’intérieur, je donnais mes gants, chapeau et cape à une domestique et suivais Lucas qui m’informait sur la présence…ou plutôt l’absence de son frère aîné. A sa mention et au nom de sa fiancée, j’eus soudain un choc qui, j’ose espérer, ne s’est pas vu sur mon visage. Je préférais tout de même détourner la tête le temps de me ressaisir. Ainsi, les rumeurs disaient vrai… Cette gamine est fiancée à Brynden finalement… Mon plan a échoué… Après avoir rencontré Brynden lors de ma première venue à Corneilla à la fin de la guerre, je m’étais arrangée pour être souvent sur son chemin ou pour passer du temps en sa compagnie. Car si j’étais amenée à hériter du domaine de Bel Accueil un jour, je n’aurais pas hésité à laisser tout ceci à Rhialta si je m’étais vue mariée à un futur suzerain. Au fil des années, j’avais joué de mes charmes sur Brynden sans jamais pourtant lui laisser avoir ne serait-ce qu’un baiser. Je voyais bien que je lui plaisais mais, si je ne ressentais aucun sentiment profond pour lui, le temps m’amena à la même conclusion de son côté, autrement il aurait déjà fait des pieds et des mains pour m’avoir…Du moins c’est ce que je pensais. Il me faudrait avoir une conversation avec lui à son retour, sans que l’enfant qui lui servira de femme ne soit dans les parages… Je m’empressais cependant de répondre à Lucas, car mon silence commençait à se faire beaucoup trop long:

Bien sûr mon cher, cela va de soi. Après tout, je n’ai pas prévenu le Seigneur votre père de ma venue. Je le saluerai avec grand plaisir au dîner ce soir, et lui apporterai de vive voix les excuses de Lord Karl mon grand-père, au sujet de notre absence lors de la venue de la Princesse Daenerys et de sa mère… Je tâcherais de me contenter de votre compagnie pendant ce temps-là…

Je le regardais du coin de l’œil et me mis à rire, ce qui résonna dans la grande salle où nous venions de pénétrer. Je m’arrêtais soudain et, n’y tenant plus, alla droit au sujet qui m’agaçait tant intérieurement. Mon caractère étant ce qu’il est, ce même agacement fut notable dans ma voix, que je tâchais encore de garder calme et de nuancer par la présence d’un sourire, masque pour camoufler ce qui se tramait en moi :

Pardonnez-moi ma franchise mon ami, mais…j’ai passé deux ans dans le Bief, ai entendu maintes rumeurs d’abord sur les fiançailles de la Princesse Daenerys avec Lord Willos Tyrell puis, en partant précipitamment de Villevieille en raison de la santé de ma mère, voilà que j’apprenais que celles-ci n’étaient plus d’actualité et que la jeune sœur du Roi était à présent promise à votre frère aîné. La venue récente de cette délégation royale était-elle pour confirmer ces fiançailles ?

Une très faible lueur d’espoir brillait dans mon regard mais ma conscience me susurrait déjà : Prépares-toi à être grandement désappointée…

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Si Lucas avait été surpris de trouver Liane Vance dans sa cour, il n’en était pas moins heureux de retrouver une amie qu’il n’avait pas vu depuis trop longtemps. S’il avait su qu’ils attendaient de la compagnie, Lucas se serait changé et habillé de manière présentable, mais la Vance l’avait pris de court. Comme il s’en excusait, Liane se montrait compréhensive, habituée à voir ses cousins d’Atranta dans le même genre de tenue. Il lui offrit alors un sourire gracieux en remerciement, alors qu’il faisait les derniers pas qui les séparaient encore. Et comme le Nerbosc affichait ouvertement la joie qu’il avait à revoir son ami de Bel-Accueil, cette dernière plaisanta sur sa capacité à la flatter. Le chevalier s’arrêta alors nettement et pris un air outré. “De la flatterie Lady Vance ? Et moi qui pensais simplement être quelqu’un d’extrêmement agréable et sympathique… Vous doutez de ma sincérité à ce point ?!” Il savait que ça n’était pas le cas, comme elle savait qu’il n’était pas réellement outré. A une autre époque, il ne se serait pas permis une telle familiarité avec l’héritière, impressionné par son caractère, mais les temps avaient changé et leur relation aussi. C’est pourquoi il se montrait particulièrement flatteur et taquin avec Liane, il savait que c’était le ton qui fonctionnait le mieux pour tous les deux.

Néanmoins, Lucas partagea ses condoléances dans le plus grand des sérieux l’instant d’après. Le visage de Liane perdit instantanément son rayonnement solaire et le chevalier s’en voulu d’avoir abordé le sujet aussi sec, pourtant il lui avait semblé que c’était la moindre des politesses vis à vis de son amie. Il écouta alors sa réponse avec un air compatissant, un triste sourire au coin des lèvres, tandis qu’ils progressaient dans les couloirs de Corneilla. “Il n’est jamais facile de perdre un parent Lady Vance, c’est une perte à laquelle on ne s’habitue pas et qui surprend chaque fois. Votre mère était un repère à Bel-Accueil, bien sûr que son absence doit se faire sentir, mais je ne doute pas non plus que vous faites de votre mieux pour palier à cela, vous êtes forte Liane, vos soeurs ont de la chance, tout comme votre père et votre grand-père. Salvemer est une bonne idée néanmoins, je suis sûre que cela fera le plus grand bien à votre soeur. Quant à mes Dieux Lady Vance, je les préfère évidement aux Sept, mais ils ne m’ont pas empêché de pleurer ma propre mère pour autant, alors je ne sais que vous dire à ce sujet… Je ne peux guère vous proposer d’aller à notre barral compte tenu de ce que les Bracken en ont fait dans le temps...”

Le ton se fit plus léger mais pas bien moins sérieux l’instant d’après lorsque Lucas se mit à parler diplomatie. Visiblement Liane cherchait à rencontrer Brynden ou Tytos, mais aucun des deux n’étaient vraiment disponible pour diverses raisons. Il tenta de les expliquer et exprima son souhait de représenter suffisamment pour satisfaire leur invité d’honneur. Le silence de la jeune femme à ses explications le surpris quelque peu, mais comme elle se détournait un instant, le Nerbosc ne chercha pas plus loin et en profita pour faire un signe à un domestique de leur amener à boire et de quoi grignoter. Lucas s’approcha d’une chaise qu’il tira afin que Liane puisse s’asseoir. Il vit enfin son visage et elle lui sembla déçue, embarrassée et il ne comprenait pas bien quelle pouvait en être la raison. Ses sourcils se froncèrent. “Tout va bien Liane ?” Et comme si de rien était, la brunette retrouva son sourire habituel et lui répondit avec l’aplomb qui lui était habituel. Lucas retrouva également le sourire à la petite pique qu’elle avait lâché à son encontre. Il se laissa tombé dans la chaise opposée. “Vous exigez de moi une flatterie que vous êtes nullement en mesure de répliquer… je me sens extrêmement blessé Liane, j’espère que vous le regretterez…” dit-il avec un air faussement abattu. Comme la domestique revenait avec du vin et un plateau de fruits, Lucas la remercia et la congédia, il s’occuperait du service. “Je pense que je peux parler au nom de tous les Nerbosc et même des dragons pour le coup et dire que les raisons de votre absence à ce repas étaient parfaitement légitimes. On aurait tous préféré je pense qu’il n’y ait pas cette triste disparition et que la fête se passe en votre compagnie, malheureusement, les Dieux en avaient décidé autrement…” dit-il en remplissant deux coupes de vin. Lucas lui tendit la coupe et pris la sienne, alors qu’il s’appuyait confortablement comme le dossier du fauteuil, observant Liane avec attention comme elle semblait si sujette à des changements d’humeur en ce jour.

Les récentes fiançailles de Brynden semblait être un sujet qui rendait l’héritière de Bel-Accueil particulièrement curieuse. Peut-être même était-ce là la raison pour laquelle elle avait demandé à voir Brynden. Lucas les avait vu assez proches par le passé, mais rien de suffisamment notable à son esprit pour saisir pleinement le fond du propos. Il ne put retenir un petit rire amusé à la question de Liane tellement elle lui avait semblé naïve. Il était persuadé qu’elle avait ça volontairement, loin de se douter de la réalité de sa question. “Il s’agissait un peu plus que de confirmation Liane ! Les fiançailles étaient déjà confirmées lorsque la princesse et sa mère ont pris la route pour Corneilla, il s’agissait de leur rencontre officielle.” Il fit une brève pause pour boire une gorgée de vin. Il était assez doux, avec la pointe sucrée propre aux cuvées de La Miélaie. “Il est vrai que beaucoup de choses ont changé brusquement concernant les fiançailles, mais Olenna Tyrell en était la grande orchestratrice, sûrement que tes deux années dans le Bief t’avaient habituées aux manigances de la Reine des Épines ?” Si quelqu’un dans cette pièce était familier aux manières du Bief et à la politique de la douairière Tyrell, c’était certainement plus Liane que Lucas. “Pourquoi, vous aviez des raisons de penser que ce mariage ne se ferait pas ? Vous avez entendu quelque chose durant votre voyage sur des prétendants pour la princesse ?” reprit Lucas un peu naïvement, mais inquiet néanmoins. Il s’était décollé du dossier, penché vers Liane. Les Nerbosc n’apprécieraient pas de voir les dragons revenir sur une telle alliance sans une bonne raison et un bon dédommagement. Sans compter que les deux fiancés s’étaient bien entendus et que Lucas appréciait de savoir que Daenerys serait la prochaine dame de Corneilla.
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An 299 - Lune 4 - Semaine 4



Feat. Lucas Nerbosc


J’avais presque oublié à quel point l’on pouvait passer par tous les aspects émotionnels possibles et imaginables lorsqu’on était en présence de Lucas Nerbosc. Ce qui était bien sûr loin de me déplaire ! Ainsi, j’étais passée du rire, lorsqu’il plaisanta sur son côté flatteur, agréable et sympathique, à la tristesse, en repensant au décès encore récent de ma mère, tandis qu’il me réconfortait en me parlant du décès de Dame sa mère et de ses Dieux. Il m’offrit même la possibilité de me recueillir auprès de leur barral, étant donné que les Nerbosc vénèrent, à l’instar des Nordiens, les Anciens Dieux. Je ne sais si j’aurais accepté ; ces arbres blancs au feuillage d’un rouge ardent et gravé d’un visage m’ont toujours impressionné, même si je n’en ai vu que de simples représentations dans les livres. Quoi qu’il en soit, les ravages du passé ont malheureusement privé la Maison Nerbosc de leur lieu de prière. Les Bracken sont passés par là… Si nous étions aussi cordiaux envers les Bracken que les Nerbosc, il est une chose que mon grand-père a autant répété à moi comme à mon père : « Dans cette histoire, mieux vaut rester en-dehors… ». Ces querelles sont si vieilles que plus personne, aujourd’hui, ne croit à une meilleure entente entre ces deux maisons. Aussi avions-nous choisi la neutralité et ne répondions ni aux provocations et excès de colère à l’encontre des Nerbosc de la part de Lord Jonos, ni à ceux, pouvant être tout autant véhéments, de Lord Tytos. Je me contentais donc de hocher la tête en signe de compréhension à la mention de la maison au cheval cabré et le sujet fut clos.

A l’intérieur, je pris place sur la chaise que Lucas avança vers moi et piochais dans le plateau de fruit qu’avait rapporté le domestique, tout en lui assurant que j’allais bien, comme il s’inquiétait de mon soudain silence. De ma main libre, je me saisis de la coupe que me tendait Lucas avec un petit signe de tête accompagné d’un sourire en guise de remerciement alors qu’il m’expliquait que lui, comme le reste de sa famille, comprenait pourquoi nous les Vance n’avions pas participé à l’accueil de la délégation royale. Je bus une gorgée de vin, en appréciais le goût sur mon palais et répondis :

C’est fort aimable à vous, mon ami. Je transmettrai cela à Lord Karl ainsi qu’à mon père.

Je fus cependant interloquée par son rire soudain à ma question au sujet des probables fiançailles de Brynden. Je le regardais de façon on ne peut plus sérieuse tandis qu’il me répondait ce que je craignais d’entendre. Durant mon séjour dans le Bief, et plus précisément à Hautjardin, je n’ai malheureusement pu que très peu échangé avec celle dont on disait la personnalité et le caractère si…piquant. Quelques mots de politesse échangées avec Lady Olenna, des banalités mondaines et les amitiés des Vance du Conflans, dont elle avait semblé n’en avoir que très peu entendu, ce qui me vexa suffisamment pour lui présenter mes respects et tourner les talons… Voilà tout ce que j’avais retenu d’elle. En tout cas ne s’est-elle pas vantée d’être celle sur qui je devrais en premier lieu déverser toute ma colère !! Que connaissait-elle du Conflans ? De quel droit s’immisçait-elle dans les alliances de nos Suzerains ?! Peut-être parce qu’elle désirait « s’excuser » que l’alliance entre Ser - ou plutôt Lord Willos - ne se faisait pas avec la Princesse Daenerys et c’est pourquoi elle offrit cette prestigieuse alliance à la famille royale ?! Oui…peut-être…mais au fond ses raisons étaient bien le cadet de mes soucis et de mon courroux. L’important était le résultat…Et ce résultat n’était pas celui que j’attendais, ni celui qu’espérait mon père, lui qui avait imaginé que les nombreuses occasions passées avec Brynden Nerbosc joueraient un jour en ma faveur et en celle de notre famille. Voilà en effet une alliance bien plus prestigieuse que celle initialement prévu avec un vulgaire Frey. Oui j’aurais gardé mon héritage, mais je l’aurais volontiers cédé à Rhialta si cela m’avait rendu Dame de Corneilla, épouse du futur Suzerain du Conflans…

Lucas s’était entretemps penché vers moi, alors que j’étais en proie au refoulement de ma colère. Ma question l’avait à son tour inquiété car il me demandait si peut-être j’avais entendu des rumeurs qui laisseraient entendre un possible revirement des Targaryen envers les Nerbosc…Ooooh que j’aurais aimé lui répondre par l’affirmative. Mais en cet instant, je me trouvais devant mon ami, l’un des seuls sinon le meilleur ami que je puisse avoir en ce monde. Celui qui malgré mon difficile caractère, a su voir qu’au fond, ce n’était qu’une façade que je me donnais. L’air dur et autoritaire d’une femme élevée pour prendre la suite d’une longue lignée d’hommes, Seigneurs d’une importante maison conflanaise. De plus, la colère bouillonnait tellement en moi que Lucas aurait tout de suite vu que je lui cachais la vérité.

Je me levais de ma chaise, mes doigts pianotant sur ma coupe de vin. Je fis quelques pas énervés, rapides, non loin de ma place et de Lucas, le visage et le regard braqués vers le sol, fermés. Dans la salle, nous étions presque seuls, mis à part quelques domestiques qui s’afféraient par endroit, certains nettoyant, d’autres s’occupant des feux ou des torches murales. N’y tenant plus, je revins vers Lucas et lui dit d’un air abrupt entre mes lèvres et mes dents serrées :

Faîtes-les sortir…tous.

Puis, me rendant compte que je m’adressais au second fils de notre Suzerain - certes mon ami - et en sa demeure, je me repris et rajoutais un :

S’il-vous-plaît.

Sans le lâcher des yeux, lui faisant ainsi comprendre que ce que j’avais à dire était très important…une vraie révélation en réalité.

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Si Lucas avait été étonné en voyant arriver Liane Vance à Corneilla, il se rendait doucement compte qu’il n’était pas au bout de ses surprises ce jour là pour tout ce qui touchait à celle qui hériterait un jour de Bel-Accueil. Les quelques mots polis et sincères échangés au début laissaient place à quelque chose de plus complexe et sombre que le chevalier ne semblait pas en mesure de deviner, il se sentait totalement l’ombre. Peut-être que Brynden ou Tytos auraient pu saisir les enjeux de sa visite immédiatement, puisque après tout, c’était eux qu’elle avait demandé à voir, ils devaient bien avoir des éléments qu’ils n’avaient pas eu le loisir de partager avec lui. Mais cela ne différait rien au résultat. C’était Lucas qui se tenait dans la grande salle avec son amie Vance et il ne parvenait pas à comprendre ses réactions. Il avait bien conscience que son voyage de plusieurs années dans le Bief avaient pu la changer, sans oublier la récente mort de sa mère, mais cela ne l’aidait guère plus à appréhender les comportements de la jolie brune. Le Nerbosc se montrait calme, particulièrement observateur pour être sûr de ne pas commettre d’impair. Il avait l’habitude d’avoir à faire à des gens au fort tempérament, son père en premier. Il paraissait même qu’il tenait de lui sur cet aspect, de la bouche même des autres Nerbosc présents à Corneilla. Il ne voulait pas avoir le malheur de dire un mot de travers qui déclencherait la colère de Liane, après quoi il serait bien trop compliqué de raisonner convenablement. Il lui semblait d’ailleurs que la Vance elle-même cherchait à se contrôler et à se tempérer. Au moins elle faisait des efforts et y mettait de la bonne volonté, la moindre des choses que Lucas pouvait faire, en ami, c’était de l’aider.

Le chevalier avait répondu assez naturellement aux questions de Liane, ne comprenant pas bien leur véritable sens, car il avait bien compris qu’il ne s’agissait pas d’un échange de banalité, mais de véritables interrogations. Que pouvait bien venir faire les fiançailles de Brynden dans tout cela ? Il n’avait jamais vu son aîné et l’héritière particulièrement proche, il n’avait jamais entendu parler de romance entre eux, Liane ne lui avait jamais confié avoir des vues sur son frère, comme ce dernier ne lui avait jamais avoué avoir eu une aventure avec la brune piquante. Mais peut-être qu’aucun des deux ne s’était véritablement montré honnête avec lui à ce propos, c’était une hypothèse qu’il n’excluait pas, alors qu’il sondait les réactions de la Vance au fur et à mesure qu’il évoquait les différents faits sur lesquels il avait été interrogé. Les sourcils du jeune homme se froncèrent franchement lorsqu’il vit Liane quitter la table pour faire se mettre à marcher nerveusement. Il s’écarta un peu de la table, comme s’il allait se lever, pourtant il demeura assis, attendant un quelconque signal de la part de son amie. Après un long silence, la brune toute de noir vêtue revint vers lui et lui intima assez fermement de faire sortir les domestiques de la pièce. “Pa… pardon ?” bégaya Lucas avec ses yeux écarquillés. Il était plus étonné par la demande qu’il ne s’offusquait de la manière dont elle s’était adressée à lui. Liane reprit la parole pour ajouter une forme de politesse, mais son ton était resté le même. Cependant, c’est dans son regard sombre que le Nerbosc y vit la véritable supplication. Il soutint un instant ce regard, ses sourcils se courbant une nouvelle fois d’une manière trahissant sa réflexion, puis se fut à son tour de quitter son fauteuil. Ce n’est qu’une fois redressé qu’il rompit le contact visuel avec la Vance pour poser ses yeux les domestiques de part et d’autre de la pièce. “Laissez-nous s’il vous plaît, nous avons tout ce qu’il nous faut. Veiller à fermer les portes derrière vous, merci.” Il leur offrit un sourire poli, sans joie, s’excusant presque de la sorte de se trouver obligé à agir de la sorte, tellement loin de ses habitudes. Puis il se racla la gorge et regarda avec insistance un instant son amie. “Cela vous convient-il ?” Il avait légèrement penché la tête pour accompagner sa question, avant de se laisser tomber sans grâce dans le fauteuil. “Maintenant il va falloir me parler honnêtement Liane. Qu’est-ce que tout cela veut dire ?” Il reprit sa coupe entre ses mains. L’envie de vin commençait à se faire sentir, pourtant il ne parvenait pas à baisser la garde le temps de porter le verre à ses lèvres. La tension qui avait remplie la salle était trop forte pour cela.
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An 299 - Lune 4 - Semaine 4



Feat. Lucas Nerbosc



Les bras croisés, je suivais du regard les domestiques qui quittaient la pièce. Certains se dépêchaient, fixant leurs pieds et évitant de croiser mon regard où celui de leur maître. D’autres jetaient un regard quelque peu surpris sur ce dernier, n’étant visiblement guère habitués à ce genre de demande venant du second fils du Suzerain du Conflans. Je me fichais bien de ce que ces domestiques pouvaient bien penser de moi, ou aller répéter dans mon dos dans leurs quartiers… Au contraire, mon regard se changea en éclair de foudre sur le dernier d’entre eux, bien trop lent à mon goût. Croisant le miens, il accéléra le pas et referma la porte derrière lui. Enfin seuls…et maintenant Liane ? Comment vas-tu annoncer à ton meilleur ami que les vues que tu avais sur son frère n’étaient que purement intéressées ?! Mes lèvres se pincèrent à cette pensée et pour la première fois de ma vie, j’étais…mal à l’aise, moi qui suis pourtant toujours si pleine d’assurance. Je hochais sèchement la tête à sa question mais restais encore muette. Mes yeux croisèrent son regard bleu. J’y lus un mélange d’amusement, d’interrogation et de tension, des sentiments loin de me faciliter la tâche…

J’entrouvrais la bouche alors qu’il reprenait lourdement place dans son fauteuil, m’interrogeant sans détour sur les significations de mon comportement. Mes bras se décroisèrent et je me mis à me triturer les doigts. Pendant un instant, mon regard fit tout pour éviter celui de Lucas. Je voulais gagner du temps, essayer de trouver les mots justes sur la vérité que j’allais lui avouer…mais plus je réfléchissais, plus les mots s’embrouillaient et se mélangeaient dans mon esprit. Finalement, je décidais de dire clairement le fond de ma pensée…avec beaucoup trop de franchise :

Des années…Lucas ! Des années que je te connais, toi et ton frère aîné ! Des années que j’ai passé avec toi et avec lui, parfois uniquement avec lui et tu n’as jamais été au courant, à voir l’expression de ton visage !

Un rire mi-gêné, mi-nerveux, s’échappa de ma gorge, avant que je ne lâche :

Par les Sept et tes Anciens Dieux, ça aurait dû être MOI !!! MOI, tu entends ?! criais-je, pointant un index tremblant de colère sur ma poitrine. Et le flot de colère continua à se déverser librement à travers ma bouche :

Cette gamine aux cheveux gris qui vient à peine d’avoir ses premières lunaisons… ! Ha ! Est-ce là une femme descente pour le futur Suzerain du Conflans, NOTRE belle région, Lucas ?! Tout ce qu’elle a de plus que moi, c’est son nom…Targaryen…

Il était sorti de ma gorge tel un vulgaire crachat, mais je n’en avais pas encore terminé :

Et je me suis laissée dire qu’il n’y avait pas plus mijauré et enfantin que cette petite Princesse bien née ! Quelle belle affaire pour le Conflans et pour les Nerbosc…Brynden méritait mieux ! Il méritait une vraie femme, pas une enfant ! Il me méritait MOI ! J’ai suffisamment passé de temps avec lui uniquement dans ce but !!

Et…voilà…je l’avais dit…Pas comme je le voulais, mais je l’avais dit. Je pris soudain conscience de mes mots et, bien qu’étant encore folle de rage et de colère, les poings serrés à m’en blesser les paumes de mes mains avec mes propres ongles, j’en vins à redouter la réaction de Lucas…

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Si la journée s’était annoncée banale lorsque le soleil avait percé à travers les nuages dans la matinée et que les oiseaux s’étaient mis à chanter, Lucas se trouvait à présent dans une situation qui n’avait rien d’ordinaire pour lui. Il avait l’impression de se trouver au milieu d’une affaire dont il n’avait jamais eu vent, à devoir rattraper une histoire avec simplement quelques morceaux qu’on daigner bien lui laisser entendre. Il savait que la Vance avait un fort caractère, mais il ne comprenait pas ce qui lui valait un tel comportement, bien que cela ne semble pas directement adressé à lui, c’était bien Lucas qui en faisait les frais en cet instant. Après avoir fait évacuer la pièce à la demande de Liane, Lucas se rassit nonchalement dans son fauteuil et grimaça légèrement alors qu’il attendait que les explications de son amie conflanaise ne vienne dénouer les noeuds et éclairer l’ombre qui demeurait dans cette histoire. Néanmoins, l’émissaire commençait à se faire impatient, trait de caractère qu’il tenait tout droit de son père et qui faisait qu’ils pouvaient rarement discuter de sujets très sérieux pendant de longs moments s’ils n’étaient pas d’accord. Les voix finissaient toujours pas monter et c’était le claquement des portes qui venaient mettre fin aux discussions. Lucas ne voulait pas se montrer désagréable avec son amie, mais elle était responsable de ses propres actes et devait en assumer les conséquences. Sa coupe de métal froid toujours coincé entre ses longs doigts, le regard insistant sur la Vance, il attendait qu’elle ouvre enfin la bouche pour comprendre de quoi il en retournait. L’exercice ne semblait pas facile pour Liane et paraissait même la mettre dans un état de gêne certain, mais lorsqu’elle prit enfin la parole, elle avait retrouvé son assurance et l’intonation fière qui lui était si propre.

Elle commença par lui adresser une réflexion qui se voulait moqueuse à son égard, parce que quelque chose lui avait échappé. Son sourcil droit se courba un peu plus alors qu’il continuait d’assembler les quelques pièces de l'énigme dans sa tête, mais il ne l’interrompit pas pour autant, la laissant continuer. L’injonction suivante de la jolie brune le fit grimacer de surprise puisqu’il ne comprenait pas à quoi elle faisait référence. Ca aurait du être elle pour quoi ? Partir à Dorne pour assister au mariage du Prince ? Lucas savait qu’elle aimait voyager, mais il n’y avait pas quoi se mettre dans cet état pour cela. Cela aurait du être elle à la place de sa mère dans la crypte familiale ? Culpabilisait-elle d’avoir été loin des siens ou quelque chose dans leur relation mère-fille ? Mais qu’est ce que cela pouvait-il bien avoir à faire avec lui ? Et si ses premières réflexions concernant une liaison avec Brynden était la bonne piste ? Osait-elle parler de la Princesse Argentée de la sorte ? L’idée titillait Lucas plus que toutes les autres, c’était celle qui semblait avoir le plus de sens pour expliquer un tel comportement de sa part et une arrivée aussi cinglante à Corneilla. Pourtant le Nerbosc ne voulait pas l’accepter. Il savait Liane le genre ambitieuse et être dame de Corneilla avait de quoi plaire à certaines dames du Conflans, mais il ne lui semblait pas que Liane avait jamais exprimé ce souhait. Tout comme il ne l’imaginait pas capable de parler de la soeur du Roi de la sorte.

Pourtant les mots qui sortirent ensuite de la bouche de la Vance vinrent confirmer son hypothèse. Lucas sentit une violente colère le submerger d’un coup. En une seconde il était debout sur ses pieds, envoyant basculer à la renverse avec un lourd fracas le fauteuil qu’il venait de quitter. “LIANE !” commença-t-il pour l’interrompre en la foudroyant du regard, pour l’empêcher de se parjurer encore plus face à lui, sans compter d’insulter son frère et sa future épouse. Mais cela ne l’arrêta pas pour autant puisqu’elle continua à déblatérer sur Daenerys, rapportant de vulgaires rumeurs qu’elle n’avait même pas pu vérifier. La machoire de Lucas s’était crispée comme rarement auparavant, son teint virait au rouge alors qu’il tentait de maîtriser l’excès de colère qui l’envahissait. Liane avait de la chance d’être une amie sans quoi il ne se serait pas donné cette peine. “Il suffit !” dit-il en lui adressant un regard noir. Penché par dessus la table, il la dépassait de presque une tête malgré ses talons. Il savait la jeune femme téméraire, mais avec ses muscles contractés de la sorte, le Nerbosc avait de quoi faire une certaine impression, même s’il ne partageait pas vraiment la carrure de son père ou de son frère. “Ne parle pas de choses que tu ne connais pas Liane.” Son ton était sec et il venait de pointer un doigt accusateur vers elle. “Si tu insultes Daenerys, tu insultes les Nerbosc aussi. Parce qu’elle est la descendante de Betha la Noire mais aussi parce que la princesse fait à présent partie de notre famille, parce que nous l’avons voulu !” Lucas se passa finalement la main sur le visage, soupirant avec force, avant de se mettre à faire les cent pas devant la table. Après quelques minutes, il finit par s’arrêter à nouveau en face d’elle, puis accompagné de grands gestes, il ne put retenir ce qu’il avait sur le coeur. “Mais qu’est ce qu’ils vous a pris bon sang ?! Si tu aimais mon frère, tu ne serais pas partie et si ça s’était avéré réciproque, vos fiançailles auraient été annoncées depuis longtemps ! Tu sais très bien quelle importance mon père attache aux mariages heureux et à la paix dans le Conflans. Les Vance sont nos amis, bien sûr que ton nom aurait été suffisant ! Mais s’il ne s’agissait que d’un jeu et d’une position pour toi Liane, à quoi pensais-tu ?! Tu pensais pouvoir séduire mon frère et puis quitter la région en espérant que le temps s’arrête pour nous dans le Conflans jusqu’à ce que tu daignes revenir ? Je ne te savais pas aussi naïve ! Nous avons une opportunité de solidifier la paix sur le continent. Et tu parles de la princesse mais tu ne la connais pas. Oui elle est jeune, plus que toi et moi, plus même que Hoster, mais cette jeunesse et sa douceur serviront à Brynden, elle lui apportera quelque chose de différent qui le rendra plus fort. Tu ne les as même pas vu ensemble !” Lucas s’arrêta une nouvelle fois pour pousser un nouveau soupir et secouer la tête de désolation, puis il tendit à nouveau son doigt vers la Vance. “Ne t’avises plus jamais de reparler de mon frère et de sa fiancée de la sorte sous notre toit Liane. Et tant que c’est ce que tu penseras de la future suzeraine du Conflans, tu ne seras plus la bienvenue à Corneilla.” Il s’était arrêté, posant son ultimatum. La colère s’était apaisée, mais la déception l’avait remplacée. Il n’avait pas envie de bannir son amie, mais il ne pouvait tolérer un tel comportement.
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Tombent les masques...

An 299 - Lune 4 - Semaine 4



Feat. Lucas Nerbosc



Je fis deux pas en arrière sur l’effet de la surprise lorsque Lucas se leva si brusquement, hurlant mon nom et faisant valser sa chaise en arrière. Je ne l’avais jamais vu ainsi mais après coup, après avoir tout avoué aussi franchement et directement sans réfléchir, je me rendis compte que j’avais provoqué sa colère toute seule. Sous ses vives remontrances, ma colère s’était évaporée et avait laissé la place à un sentiment totalement nouveau pour moi, un sentiment que je n’avais encore jamais ressenti. La honte… Au fond, j’avais honte de moi et ce sentiment ne cessait de grandir au fur et à mesure que Lucas parlait, me peignant un portrait bien négatif de ma propre personne…Une femme opportuniste, profiteuse, rouée et mauvaise… Naïve ? Oui peut-être, mais certainement égoïste et égocentrique. J’aurais voulu m’expliquer, répondre à ses mots durs à mon encontre. Mais vu tout le mal que j’avais déjà fait, mieux valait, pour une fois, m’abstenir et tenir ma langue, même si ma fierté se voyait cruellement blessée au plus profond d’elle-même.

Cependant, Lucas n’en avait pas fini avec moi. Après avoir dépeint mon portrait et fait les cents pas devant la table, il s’avança vers moi et pointa un doigt menaçant devant moi. Il me surplombait d’une tête et je levais vers lui un regard surpris et apeuré de sa proximité et de ce geste, compte tenu de sa colère à mon égard. A nouveau je fis deux pas en arrière pour maintenir une certaine distance entre nous. Je m’étais fait battre à mon propre jeu mais voilà que Lucas m’assena le coup de grâce. Je ne serais plus la bienvenue à Corneilla ?! De suite, je pensais aux relations, toujours très cordiales et respectueuses, entre ma famille et la sienne. Et si ma bêtise allait mettre à mal cette entente vieille de plusieurs années ? Je retrouvais soudain mon aplomb, mais dans ma voix, il n’y avait plus de colère ou de haine. Ne restait à présent plus que la honte…et je l’implorais d’une voix remplie de pitié :

Noooon ! Lucas, je t’en prie !!!, criais-je, les yeux soudain embués de larmes, faisant un pas dans sa direction.

Je……Je……..Je suis…… bégayais-je, cherchant mes mots, le visage baissé. Alors, j’inspirais longuement et lentement, essayant de calmer mon cœur qui battait fort dans ma poitrine. Je fermais les yeux, libérant quelques larmes qui allèrent laisser des sillons humides sur mes joues. Je finis par tomber à genoux devant lui, honteuse et vaincue :

Je suis désolé… dis-je enfin d’une petite voix. Jamais ces trois mots n’étaient sortis de ma bouche. Je ne sais pas quoi dire de plus…J’ai tellement honte de moi, de ce que j’ai fait et dit… Je me sens…misérable et maintenant, j’ai peur que mon comportement ne nuise à ma famille…

J’hésitais puis finalement relevais la tête vers lui :

Sîl-te-plaît… dis-je d’une voix implorante et brisée par les larmes.

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L’émissaire du Conflans avait perdu son sa patience et son sang-froid. Ce trait de caractère qu’il avait en commun avec son paternel et que Liane n’avait jamais encore pu constater s’était dévoilé avec bruit et fracas. Si les premières années de leur amitié Lucas s’était montré plutôt impressionné, voire effrayé, par le tempérament piquant de la Vance, il avait appris à la connaître. Et surtout les années avaient passées. Notamment deux années où ils ne s’étaient pas vus, ou chacun avait évolué à sa manière, indépendamment de l’autre. Lucas n’était jamais fier quand il ne pouvait se contrôler de la sorte et laisser éclater sa colère sans retenue, mais il avait toujours été ainsi, dès qu’on touchait à un sujet qui lui tenait à coeur, le chevalier ne savait plus se montrer raisonnable. Il avait bien vu le changement soudain de comportement de Liane, la peur et la crainte dans son regard au fur et à mesure que sa voix montait et que sa gestuelle se faisait plus menaçante. Il ne l’aurait jamais touché, il ne s’en était jamais pris à autre chose qu’au mobilier, surtout aux vieilles portes de bois de Corneilla, dans ce genre de moment, Liane n’avait pas à craindre pour elle, mais le Nerbosc pouvait concevoir le choc de découvrir cet aspect de sa personnalité. Mais cela n’arrangea en rien sa colère. La tempête était partie, déchaînée, libérée. Elle ne s’arrêterait qu’une fois essoufflée.

Une fois que ce fut le cas, une fois que Lucas eut terminé de dire tout ce qu’il avait sur le coeur concernant les dernières révélations de la dame de Bel Accueil, le Nerbosc avait presque retrouvé son calme. Ils se trouvaient sonnés presque l’un autant que l’autre, le chevalier à bout de souffle, déçu et attristé. Il s’attendait à ce que Liane le contredise, à ce qu’elle cherche à parlementer, à le gagner à sa cause, certainement pas qu’elle se mette à le supplier. Lucas inclina la tête en sa direction, son visage trahissait sa surprise et son incompréhension. Il n’avait jamais vu la Vance dans cet état là. Même s’il avait conscience de sa carapace, peut-être l’avait-il trop vu pour un jour imaginer Liane se montrer si vulnérable, si larmoyante. Ses sourcils s’étaient froncés. Il se sentait soudainement mal à l’aise. Un drôle de mélange l’habitait. D’un côté la culpabilité d’avoir provoqué une telle réaction chez son amie, bien qu’il ne regrettait pas une seule seconde le discours qu’il lui avait tenu. Et de l’autre un doute. Il savait Liane maligne et habituée à parvenir à ses fins. Et la fin de la colère qui l’habitait encore lui faisait douter de la sincérité de ses propos et de son comportement. “Liane…” tenta-t-il de l’interrompre une première. “Liane ne joue pas avec moi s’il te plait, ça n’est certainement pas le moment.” ajouta-t-il, cherchant à se détourner de son regard suppliant. Il reste un moment dos à la jeune femme, une main sur le visage, perdu dans ses réflexions. Comment en étaient-ils arrivés là ? Puis Liane évoque l’importance des liens entre leurs deux familles. Sur ce point ci, précisément, Lucas avait la certitude que la Vance ne jouait pas. Il savait l’importance qu’elle accordait à son rôle d’héritière, à la gloire de sa maison. Le Nerbosc lâcha un soupir. “Il fallait y songer avant Liane…” dit-il d’une voix tout juste audible, sans se retourner. Puis ce fut sa tête qu’il tourna légèrement, acceptant de voir la brun d’un œil. “Je ne peux pas oublier ce que tu as dis.” Il finit par se tourner complètement. “Je ne doute pas que tu ne veuilles pas mettre à mal la position de ta famille Liane, mais ton coeur a parlé. Je ne peux pas t’obliger à apprécier la princesse, mais tu ne pourras pas lui témoigner le moindre irrespect. Plus jamais.” Il fit une nouvelle pause pour pousser un nouveau soupir. Il était confus et ne savait plus que dire, cela lui semblait bien la première fois. “J’aimais à te considérer comme une amie Liane, mais me voilà troublé à présent, je ne te le cache pas. Je ne sais pas ce que tu t’étais mis en tête vis à vis de Brynden, mais il serait préférable de mettre les choses à plat avec mon frère.” Il se reprit en hâte pour ajouter. “Sans l’insulter lui ou sa fiancée évidemment.” Le Nerbosc redressa la chaise pour se laisser tomber dedans, affligé. Il saisit la coupe qu’il n’avait osé toucher jusqu'alors et la descendit  d’une traite. “Qu’as-tu fait Liane… ?” finit-il par dire en secouant la tête. Une question qui n’attendait pas vraiment de réponse mais qui exprimait clairement sa tristesse et sa déception.
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Tombent les masques...
An 299 - Lune 4 - Semaine 4 ° Feat. Lucas

Je l’avais perdu. Cette vérité se jeta à mon visage avec une fulgurance qui me vrilla le cœur et l’âme. Avais-je perdu l’une des rares personnes que je considérais comme un ami ? Si ce n’était pas déjà fait, de toute évidence, j’étais en passe de le perdre. Il ne me croit plus. Il n’a plus confiance en moi…. C’est ce qui me vint immédiatement à l’esprit en l’entendant me mettre en garde de ne pas jouer avec lui en cet instant. Mon visage se redressa et je finis par me relever alors qu’il se détournait de moi et me faisait dos. Ma bouche s’ouvrit, voulant protester, mais cette attitude venant de sa part me coupa toute envie de vouloir riposter. Il murmura ce qui semblait être un Il fallait y songer avant mais prononcé si bas que j’en vins à douter d’avoir bien entendu. Toute la bêtise et l’immaturité de mon…projet, allait se solder dans cette humiliation et dans la perte de l’amitié d’un homme que jamais je n’aurais ne serait-ce que songer vouloir blessé. Il a raison…le mal est fait… Si tu ne peux plus rien pour cette amitié, agis pour ta famille.

Et aussi soudainement qu’il était apparu, mon masque vulnérable disparut et je retrouvais l’air dur et intransigeant qui était le miens, alors qu’il s’était lentement retourné vers moi pour à nouveau me faire totalement face :

Ce que j’ai fait est impardonnable, je le conçois. commençais-je. Ma voix était assurée ; elle ne tremblait plus. Je n’effacerais ni ce que j’ai fait, ni ce que j’ai dit à l’instant…et sous ton toit, j’en conviens. Cependant, je ne suis pas aussi stupide que tu le crois, à présent qu’il me semble avoir perdu toute estime à tes yeux. J’ai parlé si honnêtement devant un homme que je considérais - et considère encore - comme un ami. Jamais n’aurais-je prononcé de tels propos devant ton père, ton frère ou sa princesse. Tu connais mon rang et l’importance que j’accorde à la grandeur de ma maison. C’est justement pour cela que je me suis aussi sentie si…si…INFERIEURE ! Je pensais Lord Tytos vouloir unir son héritier à une noble maison du Conflans. J’en étais même persuadée !

Ne te laisse pas à nouveau avoir par la jalousie, Liane… Mes mains sur mes hanches, ce fut à mon tour de lever les yeux vers le plafond et de me détourner un instant de Lucas. Lorsque j’eus repris mes esprits, je poursuivis :

Je parlerais à Brynden, mais ne t’inquiète pas. Ton frère ne s’est pas laissé prendre à mes manigances. Je le soupçonne même d’avoir vu clair dans mon jeu peu avant mon départ pour le Bief. Mais je ferais comme tu le dis ; j’aurais une discussion avec lui… Et il est clair que je n’aurais pas les mêmes propos qu’avec toi. En plus d’être mon futur Suzerain, je ne considère pas Brynden comme un ami. Toi, Lucas. dis-je en le désignant du doigt. Toi, tu l’es. Ton frère n’a de moi que mon respect et ma loyauté. Toi tu as en plus de cela mon amitié. Et si tu me connais réellement bien, tu sais que rares sont ceux à qui je l’accorde. A ce titre donc, loin de moi l’idée de lui tenir le même discours que celui que je viens d’avoir devant toi.

Nous étions loin l’un de l’autre. Il s’était lourdement laisser retomber sur sa chaise qu’il avait fait si violemment chuté sous l’effet de sa colère et bu d’un trait sa coupe de vin. Dans sa voix et son attitude, je ne décernais plus de colère ni de rancœur, mais de la déception et de la tristesse. Je m’approchais alors de lui et tirais ma propre chaise pour la mettre à ses côtés où je pris place. Délicatement, je me saisis de sa coupe de vin et la reposais sur la table derrière lui. Puis, je pris ses mains dans les miennes et de mes yeux, tentais de trouver son regard :

Ai-je définitivement perdu ton amitié, Lucas ?demandais-je, craignant sa réponse.
(c) sweet.lips
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Lucas avait l’impression de tout juste sortir d’un combat de lutte. Il était sonné, épuisé et cherchait ses repères. Il n’avait qu’une envie, se retrouver seul, au calme, sans le moindre bruit pour analyser tout ce qui venait de se passer, se repasser tous les moments du combat pour adopter la meilleure attitude pour la suite. Non il n’avait pas vu venir tout ce que Liane lui avait annoncé. Il avait été choqué, éberlué. Peut-être avait-elle raison et peut-être avait-il été stupide. Sa colère avait explosé comme bien souvent et à présent elle était en passe d’être apaisée. Néanmoins elle demeurait non loin, prête à ressurgir au moindre faux pas. Lucas considérait Liane comme son ami alors il ne souhaitait pas qu’un emportement ne leur en coûte trop, mais peut-être était-ce ce qu’il fallait ? Il savait qu’avec les membres de sa famille il n’avait pas besoin de se mettre de limites. Ca n’était pas parce qu’ils s’étaient hurlés dessus avec Tytos la veille, qu’ils ne s’adressaient pas la parole comme si de rien n'était quelques jours plus tard… Leurs colères ne brisaient jamais leur confiance mutuelle. Il lui semblait qu’avec la Vance, les choses étaient bien plus compliquées, que leur amitié était bien plus fragile. Il avait vu un autre aspect de la jolie brune en ce matin et il ne l’avait pas apprécié, même s’il avait encore un peu de mal à se l’avouer. Voulait-il vraiment s'entourer de gens calculateurs comme Liane l’avait été ? Il n’en était pas certain. Ce qu’il savait pour sûr cependant, c’est qu’il ne voulait pas prendre de décision en hâte, pas de décision qu’il pourrait regretter ensuite. Elle n’avait peut-être pas été l’amie qu’il pensait jusque là, mais il n’était pas le genre à tourner le dos à ceux à qui il avait accordé sa confiance et son affection. Alors le chevalier Nerbosc faisait de son mieux pour maîtriser sa colère et ne pas endommager les choses plus encore.

Il écouta ce que la jeune femme avait à lui dire, les yeux baissés vers la table sur laquelle il avait pris appui. Il secouait doucement la tête alors qu’elle continuait de s’expliquer. Il n’en revenait toujours pas. Il se sentait pris au piège, idiot aussi. Il comprenait que Liane tentait tant bien que mal de ramasser les morceaux et il était reconnaissant pour l’effort qu’elle y mettait, mais il lui semblait qu’ils venaient de prendre une route où tout demi-tour était inenvisageable. Quel genre de route était-ce cela ? Et quels genres d’amis vous poussez sur ces espèces de routes ? Lucas soupira une nouvelle fois avant de relever le visage vers son amie. Le visage du Nerbosc exprimait clairement sa peine. Elle avait dit des choses qu’il ne pouvait oublier, des choses qui blessait sa fierté de Nerbosc, des choses qui allaient à l’encontre de ses combats. Et pourtant il y avait aussi dans la balance toute l’affection qu’il avait pour elle, les années communes qui étaient gravées dans leur histoire. “Liane…” commença-t-il doucement. “J’entends ce que tu me dis et tu sais l’importance que j’attache à notre amitié… Mais tu n’es pas sans savoir non plus tout l’amour que j’ai pour ma famille, pour ma région, pour ma mission…” Il s’était fait suppliant. “A quel moment t’es-tu dit que tu pouvais me dire ce genre de chose et que ça ne me ferait rien ? Que ça ne me mettrait pas en colère d’apprendre que tu as voulu te servir de mon frère ? Que tu ne respectes pas les choix de mon père pour l’avenir de notre région ? Nous ne sommes pas deux amis anodins qui pouvons discuter de tout et de rien comme si nous n’avions ni nom, ni statut, ni fonction… Je…” Il s’arrêta une nouvelle fois pour soupirer, se passant la main sur le visage, quittant son regard des yeux. “Tu ne peux pas tenir un discours à mon frère et un autre à moi. Il est mon meilleur ami, il a toute ma confiance, toute ma loyauté et je ne souhaite pas que ça change. Tu connais nos mots Liane et tu n’aurais jamais dû me mettre dans cette position entre vous deux parce que je choisirais toujours Brynden... et j’ai cru que tu le savais…”

Il s’était assit, cherchant à faire passer l’amertume dans sa bouche par une rasade de vin. Ils restèrent un instant silencieux alors que Liane s’approchait de lui, s’accroupissant pour être à sa hauteur. Elle lui prit les mains et le regardant droit dans les yeux, lui demanda si elle avait perdu son amitié. Elle avait à nouveau laissé tomber le masque et se montrait plus vulnérable. “Je croyais te connaître justement Liane et je viens de voir un visage qu’il ne me semblait pas avoir vu jusque là. Crois-moi, j’aimerais vraiment conserver notre amitié intacte. Mais l’amitié implique la confiance et aujourd’hui je ne sais plus où j’en suis. Comment pourrais-je être sûr de ce qu’il y a dans ton coeur à présent ? Que ta loyauté ne s’arrête pas à ta famille ?” Il avait parlé calmement une fois de plus. Il ne cherchait pas à l’accuser plus encore, il voulait simplement qu’elle comprenne la situation de son point de vue. Si elle était capable de tenir un discours différent à tout le monde, qu’elle ne lui disait plus jamais rien qui pourrait le contrarier, comment pourrait-il savoir ce qu’elle aurait vraiment sur le coeur ? Quelles seraient ses réelles intentions envers les Nerbosc ?
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An 299 - Lune 4 - Semaine 4 ° Feat. Lucas

Qu’avais-je donc à l’esprit lorsque j’eus cette idée saugrenue ? En cet instant, je n’aurais su le dire. Ses mains dans les miennes, je n’avais d’autres choix que d’écouter le discours rempli de vérité que me tenait Lucas. La honte était sur moi et si je ne faisais pas attention à ce que j’allais lui répondre, elle serait bientôt sur toute ma famille. Que dirait grand-père, lui qui a toujours agit dans les intérêts des Vance, malgré la douleur de la perte des Tully et de son ami et Seigneur, Lord Hoster ? Et père ? Si l’un comme l’autre apprenait ce que j’avais fait, qu’adviendrait-il de moi ? Père me défendrait mais cela suffirait-il à me protéger de grand-père, qui lui serait capable de m’envoyer chez les sœurs du silence pour cela ? Je gardais la tête baissée, les yeux rivés sur les dalles du sol, écoutant Lucas en silence. Mais lorsqu’il m’assura vouloir conserver notre amitié, c’est un regard brillant d’espoir que je relevais vers lui. Je déglutis difficilement tant j’avais la gorge sèche. Cependant, avant de lui répondre quoi que ce soit, je devais m’excuser pour ce que j’avais fait et dit :

Pardonnes-moi…Tu as entièrement raison…J’ai agi en pure égoïste, ne voyant que mon potentiel profit personnel. Pas même n’ai-je pensé un seul instant aux retombées que mon comportement puéril pourrait avoir sur ma famille…sur leurs relations envers la tienne… J’ai honte de moi, de ce que j’ai fait…de ce que j’ai dit…

Jamais n’avais-je parlé aussi sincèrement et j’espérais de tout mon cœur que cela, Lucas le verrait dans mes yeux ou l’entendrait dans ma voix. Mes doigts se serrèrent sur ses mains et je peinais à garder ma voix stable et assurée tant j’étais assaillie par une vive émotion :

Bien entendu que ma loyauté va à ma famille. Mon grand-père et mon père ont été parmi les premiers à ployer le genou devant ton père, quand bien même tous deux avaient perdu une amitié vieille de plusieurs siècles entre les maisons Vance et Tully. Où va leur loyauté, va la mienne. Et leur loyauté est toute acquise à nos Suzerains. Comment pourrait-il donc en être autrement pour moi, d’autant plus que parmi nos Suzerains se trouve un homme que j’estime au plus haut point…et que j’ai affreusement déçu…

Je tentais un faible sourire avant de poursuivre : Je sais qu’il ne sera pas aisé de garder notre amitié et nos relations comme ils l’étaient autrefois. Tu as vu une partie peu glorieuse de moi et je suis consciente que tu pourras difficilement oublier les mots que nous eûmes aujourd’hui.

Je me relevais, abandonnant ses mains par la même occasion. Machinalement, je me mis à lisser les pans de ma robe et posais une main sur mon estomac, noué et rendu douloureux par cette altercation et ces brutaux aléas émotionnels.

Bien que je le soupçonne d’avoir vu clair dans mon jeu, je te promets d’en parler à ton frère, dès son retour. Et si je puis te demander cette faveur, en souvenir de notre amitié, pourras-tu taire ma bêtise à ton père ? Je t’en demande sûrement beaucoup, mais je préfère que l’opprobre soit sur moi. Ma famille vous a toujours été loyale…C’est moi…Mon ambition m’a poussé à désirer une place qui ne pouvait en aucun cas être la mienne…Je le regrette sincèrement.

Mon regard se posa une dernière fois sur l’ami que, selon toute vraisemblance, j’avais perdu à moins d’un énième bouleversant retournement de situation et demandais, formulant mes propos plus dignes d’un sujet face à son suzerain plutôt que d’une amie à un autre :

Puis-je abuser de votre hospitalité pour ce soir, Ser Lucas ? Je partirai demain à l’aube, avec mes accompagnateurs.
(c) sweet.lips
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Assis sur son fauteuil, les épaules courbées, Lucas cherchait à prendre la bonne décision. Lui qui comme son père avait cette facilité à agir sur un coup de tête, à laisser les émotions le dominer, avait bien conscience qu’il ne pouvait pas agir de la sorte avec Liane. En vertue de l’amitié qu’ils échangeaient, il ne voulait pas lui faire cela, craignant de rendre certaines choses bien trop définitives. Pour une fois il voulait dominer sa colère, son impatience pour être cet ami loyal qu’il espérait être sincèrement, lorsqu’il avait la tête froide. Droit et juste. Un noble Nerbosc. Il soupira une nouvelle fois, dépité, alors que toujours ses mains jointes à celle de la jolie brune, il la regardait droit dans les yeux s’excuser avec vigueur une nouvelle fois. Il ne répondit rien, il était trop tôt pour accepter ses excuses en tout sincérité. Il se mit d’abord à secouer son visage de gauche à droite, avant de finir par se mettre à hocher la tête. C’était regrettable ce qu’elle avait fait. Mais il entendait ses regrets et ses excuses, à défaut de pouvoir les accepter à cet instant. Et lorsqu’il sentit les doigts de la Vance se serrer un peu plus autour des siens, il les serra en retour sans dire un mot, le visage incliné mais la regardant toujours.

Puis Liane fit un commentaire un peu particulier à Lucas, expliquant l’attachement qu’elle lui portait à lui et à leur amitié. Les lèvres du chevalier se pincèrent et il eut du mal à déglutir. La jeune femme ne cherchait pas à l’amadouer, il n’y songeait même pas, pas avec autant de sincérité dans la voix et les yeux brillants de la sorte. Il comprenait sa douleur, même si elles étaient quelque peu différentes. “Liane…” parvint-il à prononcer doucement d’une voix peu assurée. Mais il ne savait plus quoi dire et cette dernière repris la parole avant que ses pensées ne soient mieux organisées. Elle ne se cachait pas de ses défauts et les assumait au grand jour, non sans évoquer qu’elle n’en était pas fière. Mais comme Lucas ne répondait toujours rien, finalement, la Vance lâcha ses mains et se redressa, le dominant alors. Le chevalier pris du recul dans son fauteuil et s’y adossa un instant, contemplant son interlocutrice. En une heure seulement le regard qu’il posait sur elle s’en trouvait changé. Et il n’y avait rien qui lui aurait permit de prédire cela en se levant ce matin. Les Dieux leur réservaient toujours des tours inattendus, cela était certain.

Liane reprit la parole, plus digne, moins prompte à l’émotion de la confession et Lucas écouta une nouvelle fois avec beaucoup d’attention. Elle proposait une solution. Il cessa de la regarder un instant, appuyant sa tête contre sa main, perdant son regard dans l’immensité de la pièce. Il lui semblait qu’avec quelques heurs de calme supplémentaires, c’était un accord qu’il aurait pu lui même proposer, en vertue de leur amitié. Lucas réfléchit encore un instant puis se releva pour à nouveau dépasser la jeune femme. Il racla sa gorge et tenta de lui offrir un léger sourire mais celui-ci ressembla plus à un rictus qu’autre chose. Il hocha doucement la tête avant de répondre. “Dès que Brynden nous aura informé de son départ de Lancehélion pour revenir parmi nous, je t’enverrais un corbeau pour que tu puisses prendre tes dispositions vis à vis de lui. Peut-être comme tu le dis, avait-il vu clair dans ton jeu, je n’en sais strictement rien, mais au moins les choses seront dites entre vous et je m’en porterais mieux. Quant à ton écart de toute à l’heure, j’entends bien que tu essayais de me le dire à moi, ton ami, sans parler pour autant au nom de ta famille... Pour cette fois-ci, je te le promets, mon père ne saura rien de ton coeur et de ton égo blessés par sa décision. Mais si un jour j’entends quoi que ce soit qui s’apparenterait à une insulte pour mon frère ou son épouse de ta part, il saura toute la vérité, je n’aurais pas le choix. J’espère simplement que ça n’arrivera plus jamais.” Il tendit la main pour la poser sur son bras, parvenant cette fois-ci à sourire doucement. “Pour ce soir, mon invitation à dîner avec mon père et à profiter des chambres de Corneilla tient toujours. Je suis peut-être en colère contre toi maintenant, mais cela n’efface pas tous mes sentiments à ton égard pour autant Liane, tu es sensée être une amie de la famille…” Il retira sa main, la regardant avec des yeux plissés pour sonder sa réaction, puis finalement haussa les épaules, vaincu. Il claqua ensuite des deux mains et une porte s’ouvrit de l’autre côté. “A présent, j’ai besoin de calme et de solitude, tu m’excuseras ? Pauline te conduira à tes appartements. On se revoit ce soir ?” demanda-t-il doucement en haussant un sourcil curieux.
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Tombent les masques...
An 299 - Lune 4 - Semaine 4 ° Feat. Lucas

J'attendais le verdict final, ne me faisant guère d'illusion et étant d'ores et déjà prête à devoir, par ma sottise, rayer l'un des seuls véritables amis que j'avais. Ne me restait plus que la ravisssante Desmera Redwyne, dont la présence en cet instant me manquait cruellement. Vu la catastrophe qui venait de se produire par ma faute, que n'aurais-je donné pour quitter Corneilla et voir La Treille au loin? Mais l'île des Redwyne était loin d'ici... Les mains jointes devant moi, je n'attendais plus que la permission du fils de mon Suzerain pour quitter la pièce et aller pleurer librement toutes les larmes que je retenais devant lui. Quand il reprit la parole, je relevais la tête et l'écoutais attentivement pour finalement hocher la tête sans un mot de plus, préférant garder le silence après toute la cruauté qui avait pu sortir de ma bouche un peu plus tôt, mettant en danger notre amitié et même les relations de ma famille avec les Nerbosc...

Debout devant moi, il avait prononcé la sentence et surtout la mise en garde à mon encontre.

Vous n'aurez plus à vous plaindre de moi, ni toi et encore moins le Seigneur ton père. Par les Anciens Dieux et les Nouveaux, je le jure. fut tout ce que je parvins à articuler, rajoutant la mention des Anciens Dieux, ceux de Lucas.

Je sursautais légèrement à son contact sur mon bras et lorsque mon regard tomba sur son visage, je le vis sourire, un sourire que je reconnaissais enfin; celui de mon meilleur ami. Je me permis d'espérer et mes espoirs furent récompensés par ses paroles. Je ne pus retenir un soupir de soulagement, un sourire empli de gratitude et mes yeux durent lâcher quelques larmes...Pas de tristesse, mais de joie! Jamais n'avais-je ressenti une telle délivrance, comme si tout mon corps était soudain délivré d'un fardeau bien trop lourd à porter pour une seule personne. Ma main alla trouver celle posée sur mon bras et c'est la voix tremblante d'émotion que je lui répondis:

Merci Lucas...Merci du fond du coeur. Je ne te décevrais plus, je te le promets. Je tiens bien trop à notre amitié. Si je la perdais, je perdrais une partie de moi.

Je lâchais sa main tandis qu'il frappait dans les siennes et qu'une porte s'ouvrit dans mon dos et qu'une jeune servante répondant au nom de Pauline ne fit quelque pas vers nous. Je me retournais vers lui, épongea du bout des doigts les traces que mes larmes avaient laissé sur mes joues et lui répondis sur le même air taquin avant de suivre la servante:

Mais certainement, Ser.

Je lui offris une petite révérence et le quittais, le coeur soulagé et le sourire aux lèvres.
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