"The Sun also rises" | pv Ynis Allyrion, Ryon Allyrion, Nymeria Sand
Invité
Informations
Personnage
Badges
"The Sun also rises"
An 297 | Lune 13 | Semaine 3
Ynis Allyrion | Ryon Allyrion | Nymeria Sand | Elia Sand
L'alezan faisait rouler ses grands yeux noirs dans leurs orbites, relevant son nez haut vers le ciel alors qu'il exhultait d'un hénissement strident. Au dessus d'eux, il n'y avait qu'un ciel des plus bleus; un ciel d'été qui, depuis quelques heures maintenant, succombait peu à peu au voile sombre d'un orage venu du désert. Ils marchaient depuis l'aube. Derrière les nuages, le soleil de Dorne courrait vers le Midi. Ouvrant grand ses naseaux frémissants, l'étalon inspira l'air chaud du désert tout en soulevant ses flancs suants de sa respiration rauque, profonde comme celle d'un taureau. Ses oreilles s'agitaient frénétiquement à mesure que la tempête approchait. Sur son dos siégeait une frêle silhouette à la peau de cuivre, fine et sèche, souveraine sur le puissant animal malgré l'enfant qu'elle apparaissait être alors avec sa taille d'insecte et ses longs cheveux, fileux et noirs. Contrairement à sa monture, la jeune fille ne craignait pas les caprices du ciel qu'elle savait brefs dans sa patrie. C'était avec un air de contentement pincé qu'elle s'était débarassée du turban qui entourait jusque là son crâne: La moiteur des berges surplombées par l'orage le lui avait vite rendu insupportable. Lorsque la brise lourde porta jusqu'à ses narines l'odeur du fleuve, son nez se froissa. Le parfum lui fit fermer un instant ses paupières. Rien n'aurait pu être plus différent de l'air de Lancehélion que cet air là. Il n'y avait rien dans l'athmosphère pour lui rappeler les plages de sable doux, et les vents brassés par les vagues de l'Océan qui se faufilaient contre les murs de pierre de la ville Ombreuse et qui retombaient, discrètement, sur les étales des marchands d'épices. Ici, tout n'était que terre, poussière brûlante, et, par quelques notes discrètes qui survivaient à l'écrasement de la chaleur omniprésente, des notes claires au relent putride nées du lit de la Sang-Vert. La rivière était le seul élément sous ses yeux qu'elle avait rouvert à être épargnée de l'ombre des nuages.
Les eaux saumâtres décochaient ainsi des flèches blanches vers leurs yeux, tours malicieux du fleuve, reflétant l'astre du jour comme un miroir éblouissant. Mais dans le mirage lumineux, bientôt des ombres apparurent. Elia porta une main paresseuse au dessus de son regard, scrutant avec attention le mouvement qui avait attiré son attention jusque là endormie par la cadence désormais régulière de leur avancée. Sur les rives rocailleuses, une jument pâle était apparue. Aussitôt rejointe par deux chevaux bais, elle menait d'un trot gracieux la marche d'un troupeau de quelques cent têtes qui fit bondir d'envie le coeur somnolant de la bâtarde.
Si les rives avaient été calmes, il n'en était plus rien désormais. Le poitrail de l'étalon, guidé par la main autoritaire de la jeune dornienne n'avait eu besoin que de quelques foulées pour dévorer la distance qui séparait la route des plages de grès léchées par le fleuve, et il bousculait désormais allègrement les animaux qui barbottaient paisiblement. le grand animal se frayait tant bien que mal un chemin parmi le labyrinthe de muscles et de crins, récoltant sur son passage nombre coups de dents et de sabots lorsque sa force dérangeait trop brusquement un congénère. Le soleil brûlait au dessus de leurs têtes. Mais la seule chaleur qui englobait alors Elia comme le ferait les bras d'un père, était celle de la harde, de tous ces corps puissants et poussiéreux du sable du désert. La touffeur qu'ils éxhalaient était telle que la brune s'était attendu en les voyant entrer dans les eaux du fleuves à voir de la vapeur caresser leurs silhouettes sveltes à la manière de braises que l'on aurait soudain plongé dans l'eau. D'un bond ponctué d'un hénissement enthousiaste, le grand étalon plongea depuis la berge dans les eaux verdâtres, rompant définitivement la sérénité du cheptel. Entre les pattes des chevaux, des dizaines de moutons braillaient comme des enfants. La cavalière serrait la bride à son ardent coursier, mais elle ne pouvait controler toute une harde. Ignorant l'agitation qu'elle causait aux douces bêtes qui se crispaient en avisant le destrier étranger se faufiler dans leur masse solidaire malgré leurs protestations irritées, Elia contourna une dizaine de juments qui s'étaient regroupées autour des plus jeunes. Son cheval, Hécate, etait puissant. Mais on disait que des chevaux Allyrion on ne comptait parmi les plus rapides, que des juments. Si Elia voulait remporter la victoire face à l'orgueuilleux écuyer Dalt qui lui avait jeté le dit-défi à la figure quelques heures avant son départ, elle devait en acquérir une. Ou du moins, vérifier les rumeurs. Sa curiosité débridée l'avait portée au milieu de animaux. Sa détermination, quant à elle, la contraignait à ne pas quitter les lieux sans être assurée de détenir le cheval qui lui apporterait la consécration. Son choix s'était porté sur une jeune pouliche à la robe sombre et aux longues jambes de gazelle pâles comme la pierre blanche de la forteresse qui projetait son reflet implacable sur les eaux ténébreuses.
Cependant, elle eut à peine le temps d'aggriper la courte crinière noire entre ses doigts caleux que le jeune animal fut saisi de panique. D'un écart il voulu échapper à la main étrangère. Mais le cheptel était immobile autour de son anxiété solitaire, et resserré comme un étau qui le ramena vers le grand Alezan et sa cavalière. Ne lui laissant guère le temps de glisser sur son dos, la jeune rétive se dégagea avant de disparaitre derrière les silhouettes blanches des juments. Son regard recherchait déjà la fuyante lorsqu'un cri appelant son nom lui fit tourner bride. D'une embardée à la violence rare, la monture cuivrée s'éloigna d'un bond galopant, dégageant par là même l'emprise de la pouliche sur l'attention de sa cavalière qui s'empressa de rejoindre le garde qui l'avait enjointe à cesser ses jeux. La Grâcedieu était devant eux, et leurs hôtes les attendaient déjà.
Ses yeux se baladèrent vaguement sur la surface polie du Palais que l'on disait austère comme un nid de Septas, et ses épaules s'affaissèrent, déjà lassées de la triste rencontre que les on-dit lui avaient promis. Une lady religieuse jusqu'à la moelle, un héritier aussi intransigeant qu'abrupt ainsi qu'une épouse au ventre malade et aux accouchements multiples et malheureux. La cadette décocha un regard dur et espiègle à sa soeur qui chevauchait devant elle. Mues par sa curiosité d'enfant, ses prunelles d'ébène parcoururent les courbes voluptueuses de l'aspic. Le voyage pourtant bref qui avait marqué sa propre mise de poussière, de sueur, et maintenant de l'eau vaseuse des rives ne semblait pas devoir avoir de prise sur la toilette de Nymeria. Elle grimaça un sourire. Lady Nym et Lady Lance, se laissa-t-elle penser non sans ironie à son propre égard. Qui en la comparant à sa gracieuse ainée aurait pensé à la baptiser elle aussi de ce titre? Pas elle, en tout cas, bien qu'elle ne détesta pas ce mince lien qui faisait écho à cette soeur qu'elle avait parfois tant de mal à comprendre malgré son admiration. Les subtilités d'esprit de la brune lui échappaient souvent, mais son instinct brutal pouvait quelques fois percevoir la vérité à travers la carapace d'étiquette et de charme de l'aspic à la longue tresse noire. Elia avait compris sur leur chemin quel profond respect vouait Nymeria au futur Lord. Pourtant, alors que les gardes drapés du Rouge de la Grâcedieu leur ouvraient les immenses portes en bois de cyprès sculpté, les seuls mots qui passèrent ses lèvres narquoises reflétèrent difficilement ce même raisonnement.
"Lui aussi il partage ton lit?"Lacha-t-elle à son attention avec une sincérité qui, si elle n'avait rien de véritablement méprisant, ne manquait pas de malice. Nymeria était Nymeria, et qui savait quel commerce elle entretenait avec cette famille-ci?
Sereine, elle contraint son animal au pas, accompagnant l'allure que sa soeur dictait à la petite suite qui les accompagnait. Ils entrèrent dans la grande cour. La batârde déchaussa ses étriers et laissa pendre négligement ses jambes de chaque coté du ventre de son cheval. "Elle aussi?" renchérit-elle d'un ton mutin en faisant mine de corriger sa première question.
© DRACARYS
Invité
Informations
Personnage
Badges
"The Sun also rises"
An 297 | Lune 13 | Semaine 3
ynis allyrion | ryon allyrion | nymeria sand | elia sand
Dans la Cour carrée, une certaine agitation règnait. Les soldats qui s’y entrainaient étaient désormais écrasés par l’ombre des quatre hauts murs blancs qui les entouraient. Le fracas des lances et des épées qui s’entrechoquaient était amplifié par l’écho que renvoyait la pierre pâle à chaque coup porté, à chaque coup paré. Près de l’entrée des écuries qui faisaient la fierté des seigneurs des lieux, un homme à la chevelure grisonnante enseignait à quelques uns, plus jeunes, le débourrage des coursiers. C’étaient là des chevaux de guerre, bien que les pères et les mères de ceux que l’on domptait ce jour-là n’avaient jamais connu les champs de bataille. Malgré le chaos que tout cet affairement pouvait paraître, les hommes de la Grâcedieu s’étaient partagés l’espace dans une discipline militaire qui n’exigeait pas de repères pour que les limites fussent respectées de chacun. Le tout se faisait sous le regard impérieux de celui qui aurait un jour tout pouvoir sur le domaine des Allyrions. Mutique et immobile, seul son regard s’animait, observant avec attention l’entrainement de chacun. Son coeur portait encore le chagrin de la perte du nouveau-né qui aurait dû être son quatrième enfant. Elia aurait été sa première fille, elle n’avait pourtant jamais vécu. Quelques semaines trop tôt, sa jeune épouse avait été prise de contractions, donnant naissance à un enfant mort-né. Le petit corps avait été inhumé avec toutes les cérémonies d’usage. Il n’y avait pas eu de veillée à proprement parlé. Lady Delonne n’avait pas souhaité voir l’enfant. Ses yeux sombres se fermèrent l’espace d’un instant, pour mieux chasser de son esprit les souvenirs de cette nuit-là. Il ne les rouvrit que pour que son regard rencontre celui d’un soldat qui avançait vers lui. “Ser Ryon, Lady Nymeria et sa suite sont en chemin. Ils seront ici d’ici peu.” Ryon Allyrion laissa un silence répondre tout d’abord aux paroles du jeune homme. Son visage stoïque toisait le dornien avec autorité. “Bien. Vas prévenir Lady Ynis.” Le cavalier inclina respectueusement la tête avant de s’éloigner, et de disparaître dans les entrailles de la forteresse blanche. Le regard du Soleil Noir le suivit, avant de s’élever vers les hauteurs des murs, pour se poser finalement sur la terrasse de la chambre conjugale, et où il savait qu’elle se trouvait en ce moment-même. La nouvelle ne ravirait pas sa jeune épouse, et il devinait déjà l’opale de ses yeux vifs s’endurcir au souvenir de son grand-père. L’air chaud et moite de ce milieu de journée fut alors balayé par une brise dont la force ne cessa de croître, signe qu’un orage approchait. De lourds et épais nuages qui paraissaient presque noirs coulaient en direction de la Grâcedieu, leur silhouettes imposantes obscurcirent rapidement le ciel dornien. Comme cela n’arrivait que rarement dans le désert, la tempête allait bientôt faire rage. Et l’eau viendrait débarrasser la blancheur de la pierre de la poussière des dunes qui s’y était paresseusement posée. Si son aimée avait pensé se soustraire à cette invitée qu’elle tolérait à peine, le temps l’obligerait bien malgré elle à supporter sa présence.
Déjà les grandes portes s’ouvraient dans un grincement pénible, alors que pénétraient dans la Cour Carrée la fille du Prince et sa suite. A leur arrivée, les activités des soldats vêtus de carmin sombre et de noir cessèrent presque immédiatement, alors qu’ils s’écartaient pour laisser un large et confortable espace pour les cavaliers de Lancehélion. Le pas feutré de l’Allyrion glissait sur le sol rougeâtre de la cour, colorant ses bottes qui portaient encore sur le talon la poussière du désert. Son attention se porta tout d’abord à l’Aspic, à qui il offrit un sourire rare, bien qu’il fût à peine esquissé. “Nymeria, c’est toujours un plaisir de te recevoir ici.” Mais parmis les hommes aux uniformes ocre et rouge, la silhouette malingre de ce qu’il prit tout d’abord pour un petit garçon l’interpela. C’était pourtant bien une fille qui se tenait là, juchée sur un grand alezan. Il n’en fallut pas davantage à Ryon Allyrion pour deviner de qui il s’agissait. L’héritier ne s’adressa pas pour autant à elle, se contentant devant l’éclat sauvage du regard qu’il soutenait, d’un simple mouvement de la tête. Il arrivait à la hauteur de la première, lorsqu’il poursuivit : “Un orage se prépare. Rentrons vite, si tu le veux bien.” Deux jeunes hommes se détachèrent de la masse rouge et noire pour aller chacun se saisir de la bride des montures des soeurs. “Cela fait bien longtemps que tu nous a pas fait l’honneur d’une visite - Alran! Qu’en est-il des juments?” “J’ai envoyé quatre hommes pour les ramener, ser, ils ne devraient plus tarder.” Acquiesçant aux paroles de celui qu’il venait d’interpeller, son bras s’étendit ensuite dans un geste invitant la Sand et sa jeune soeur à entrer. Le temps que dura leur chemin à travers les dédales de couloirs immaculés, l’Allyrion demeura aux côtés de Nymeria. Il la connaissait mieux qu’il connaissait aucune autre de ses célèbres soeurs, et ses visites régulières en avait fait un membre essentiel de l’entourage des Lord de la Grâcedieu. Le salon dans lequel ils entrèrent était une pièce aux larges dimensions, mais dont la décoration -force tapis et divans, meubles précieux et tentures- habillaient aux couleurs de la Maison des maîtres des lieux la pierre blanche et lisse des murs et du sol.
© DRACARYS
Invité
Informations
Personnage
Badges
The Sun also rises
An 297, Lune 13, Semaine 3
Ryon Allyrion || Nymoucha || Elia Sand ||Ynis Allyrion
Ynis était là, sur la terrasse de sa chambre. Elle avait enseveli il n’y a pas si longtemps sa fille Elia. L’enfant née un peu trop tôt était mort-née. L’Etranger lui avait encore ravi un enfant et la mère avait du mal à s’en remettre. Ses nuits étaient encore ponctuées de pleur quand le silence se faisait. Et pourtant, face à ses enfants, elle faisait bonne figure. Ce matin, Silas lui avait demandé pourquoi il n’avait pas eu de sœur. La mère l’avait regardé en silence et n’avait su que répondre. « Viens dans mes bras mon ange » fit-elle en souriant. Elle se retint de laisser couler une larme le long de sa joue pâle. Elle le sera contre elle. Elle lui montra le soleil avant de reprendre. « Tu vois l’astre brillant ? Ta sœur est auprès de l’astre Soleil. Elle nous regard et son sourit illumine nos jours. » L’enfant sourit à sa mère, visiblement satisfait de la réponse de sa mère. Elle avait dû trouver les mots juste. Mais ce n’était pas facile, et Ynis avait été chercher au plus profond de son être les phrases qu’elle avait prononcées.
Ses fils étaient encore une fois avec elle en ce jour. On lui avait appris la venue de l’Aspic des Sables, Nymeria Sand, la fille aînée d’Oberyn Martell. Oberyn, celui-là même qui avait pris la vie de son grand-père. La née-Ferboys avait soupiré longuement témoignant de son envie certaine de l’éviter. Ses yeux s’étaient assombris tout comme le ciel à l’horizon annonciateur de pluie et d’orage. Le temps, même le temps voulait qu’elle la voit alors que la mère avait autre chose en tête. Son esprit était encore endeuillé et ses pas ne souhaitaient guère rencontrer ceux de la bâtarde. Ynis cajolait ses fils lorsqu’un soldat en armure passant la porte de sa chambre accompagné d’une jeune servante. Il ‘l’informa que l’Aspic était arrivée. Ynis replaça ses cheveux dans son dos et confia à sa nourrice les deux bambins. « Aide-moi à me préparer. » fit-elle à l’attention de la jeune fille. Cette dernière s’exécuta. Ynis enfila une robe rouge et or aux couleurs des Allyrion et coiffa ses longs cheveux d’or. Elle les laissa tomber sur ses épaules et son regard se posa sur la pluie orageuse qui commençait à tomber.
Ynis se leva parée des couleurs de La Grâcedieu et prête à faire face. Elle lissa sa robe rouge et or et quitta ses appartements et se dirigea vers la pièce où Ryon devait bientôt arriver en compagnie de l’aspic. Lady Allyrion alla s’asseoir en les attendant. Son cœur manquant subitement un battement lorsqu’elle fit face à Nymeria Sand et à une jeune fille qui lui ressemblait. Sûrement une autre fille de ce maudit Oberyn. « Nymeria Sand et… ? » fit la jeune femme aussi froide que les murs blancs de la forteresse des Allyrion. Elle n’était pas d’humeur à recevoir qui que ce soit et le fit qu’il s’agisse d’au moins l’une des filles de cet assassin n’arrangeait rien. Elle ne voulait pas faire l’effort, elle ne voulait plus faire d’effort et l’Aspic devrait s’en contenter. « Je suppose que mon époux vous a déjà souhaité la bienvenue en notre domaine. Il est donc parfaitement inutile que je le fasse. » poursuivit-elle en les invitants tout de même à venir prendre place à ses côtés sur une assise des plus confortables. Elle, elle avait pris place dans un fauteuil presque souverain qu’elle affectionnait particulièrement et d’ordinaire, réquisitionné par lady Delonne Allyrion. Elle plongea son regard clair dans les ténèbres de son époux et attendit que l’un d’eux ne parle.
© DRACARYS
Invité
Informations
Personnage
Badges
"The Sun also rises"
An 297 | Lune 13 | Semaine 3
Ynis Allyrion | Ryon Allyrion | Nymeria Sand | Elia Sand
Elle aquiesçait vaguement à la réponse de sa soeur, impulsant à sa monture un trot léger puis l'arrétant soudain derrière la monture de cette dernière. L'étalon souleva sa tête en l'air et lâcha un ronflement sonore. Lorsque son sabot frappa le sol avec force et orgueil, l'onde de choc se répandit jusque dans les bras de la brune. Derrière eux, l’onde ténébreuse frissonnait en vagues régulières, au même rythme que les feuillages qui étaient balayés eux aussi par une brise brûlante. L'atmosphère était lourde d'humidité, faisant peser la chape de l'engourdissement sur les paupières de la brune. Dans les eaux maussades de la Sang-Vert, le ciel désormais sombre venait se reflétait et laissait, entre deux nuages de pluie, un rayon de soleil pâle venir caresser la rivière.
Alors qu’un nouveau nuage poussé par le vent d'orage libérait la lumière du soleil sur la verdure alentour, éclairant les murs blancs de la grande cour d'un éclat soudain et aveuglant, le destrier à la robe cuivrée fit un brusque pas de côté lorsqu’un groupe de jeune soldats se rangea contre un mur. Sa cavalière le laissa faire. Sans paraitre même prendre conscience de l'incartade, elle en avait épousé le mouvement avec un naturel qu'elle avait fait sien depuis longtemps, se contentant de fixer un regard à la curiosité dure dans les prunelles sombres de l'homme qui était venu les accueillir. Son regard ne le lacha que lorsque vint le temps pour elle de le poser à nouveau autour d'elle. Ses iris passaient sur les visages fatigués des gardes, les jaugeant chacun sans laisser le moindre mot passer ses lèvres pincées d'un sourire narquois.
L'alezan trépignait sous elle. Ses jambes fines, en prolongations parfaites de son impertinence, continuaient de se balancer nonchalament contre les flancs couverts de sueurs de l'animal, comme elles l'eurent fait si elle s'était trouvée assise au bord d'une chaise trop haute pour elle.
"Tu m'étonnes. "Marmonna-t-elle dans son turban lorsque le Maître des lieux exprima le plaisir qu'il avait de revoir son ainée. Toujours convaincue qu'elle était dans sa jeune science qu'elle connaissait la nature véritable de la relation qui se cachait sous cette froide courtoisie, la voix de l'héritier avait rattrapé son attention volatile, inconstante. Enfin, elle rejeta sa jambe droite derrière elle, puis se laissa glisser vers le sol jusqu'à mettre pied à terre. En dehors du vacarme des palefreniers et des montures dans la cour, le château semblait calme.
Précédés de l'Allyrion, ils entrèrent dans la salle où le hôtes entendaient les recevoir. Ecartant un pan de son turban, la Sand s'en débarassa d'un geste sec tandis que ses yeux à la lueur ombrageuse jugeait d'un regard soupçonneux l'endroit. A la voix qui-elle le devina- l'interpella alors, ses prunelles se posèrent sur la silhouette féminine qui occupait déjà la pièce. Elle s'avança vers elle d'un pas félin. Sa main allait sur son corps, épousseter sur ses cuisses, sur ses épaules, la poussière qui s'était déposée en paillettes ocres sur l'orange passé de son vêtement.
"Lady Lance." Lui sourit-elle, une lueur malicieuse allongée au fond de ses grands yeux noirs. La fierté avait donné un timbre vibrant à sa voix, presque trop grave pour son âge et sa silhouette d'insecte. "Pour vous je serais Elia Sand, ma Dame." lachâ-t-elle en prenant place sur le tapis, appuyant son dos et posant son bras gauche sur l’un des coussins rigides qui faisaient office de dossier et qui entouraient les grands plateaux sur lesquels les mets seraient servis.
Elia inspira une grande bouffée des parfums épicés de l'encens, mais aussi celui des plats qui seraient bientôt disposés sur les plateaux de fer, sur un tapis à même le sol. Des plats aussi bien qu’un décorum bien plus rustique et adapté à la tente des hommes du désert qu’à la table d’un Lord, mais la jeune fille savait l’apprécier et reconnaitre son mérite, par delà même tous les divans de Lancehélion. Passer l'après midi sous la pluie dans la cour carrée ne l'aurait pas dérangée.
Affalée nonchalamment parmi les pans des riches étoffes usées de ses vêtements, observant devant elle la lumière du soleil mourant jouer dans les sculptures du moucharabieh, elle attendit. Sous peu, sa soeur prendrait certainement la parole, tuerait dans l'oeuf la verve venimeuse de la née-Ferboys, ou l'éclipserait d'un sujet de conversation comme elle seule savait en proposer pour apprivoiser les tensions qui pesaient au dessus de leurs têtes. Elle attendait, et quelques secondes à peine suffirent à lui imposer le désoeuvrement propre à la langueur. Son corps d'enfant étiré comme celui d'un chat parmi les coussins, à moitié allongée, elle rejeta sa tête en arrière. Sa fine tresse, hirsute et noire, coula contre son cou puis son épaule, tandis qu'elle fermait les yeux. Elle pensa tout d'abord à sa mère, imaginant ce qu'elle devait faire à cette heure de la journée. Ses pensées vagabondèrent ensuite vers son père, et elle se plut à construire dans un éclat d'esprit la rencontre entre le Prince cadet et la femme de Ryon. Un petit rire sorti de nulle part roula dans sa gorge, puis mourrut dans un soupir à peine bridé alors qu'elle pensait à ses petites soeurs. Excédée par le calme et l'immobilité, elle s'impatienta:
"Je croyais que vous aviez des enfants. Ou sont-ils?" Son ton brusque lui fit ouvrir ses yeux qui rencontrèrent aussitôt, au dessus d'elle, le plafond de pierre sculpté d'arabesques géométriques.
© DRACARYS