Après la tempête│FB│Gormond & Minerva
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Après la tempête.
Gormond & Minerva
" Billows and breeze, highlands and seas, mountains of rain and sun. All that was good, all that was fair, all that was me is gone."
Au large d’Essos, 298
La nuit noire. Le roulis du bateau, balloté contre les vagues. Le grincement du bois, le sifflement du vent. Dans sa cabine, Minerva ne dormait plus. Vêtue d'une longue chemise de nuit blanche, elle se releva en se tenant à son lit, ses cheveux platines lui collaient dans le dos. On étouffait ici. Elle ne savait pas ce qu'il se passait. La mer semblait très grosse. On ne voyait rien dehors.
Soudain, un craquement effroyable. Et puis la débandade. Les gens qui hurlent, qui tentent de se sauver. L'eau qui s'engouffre partout. La force du courant qui entraîne tout vers le fond. Minerva avait appris à nager en eaux troubles, elle réussit à regagner l'extérieur du navire. Une planche de bois salutaire l'empêcha de disparaître. Elle lutta pendant des heures contre l'eau, le vent et le sel, avant de sombrer dans l'inconscience, alors qu'elle s'éloignait lentement du point d'impact.
Le bruit des mouettes, des gens qui parlent. La caresse du soleil sur sa peau brûlée par le sel. Un souffle. Ses yeux troublés remarquèrent une silhouette, sans vraiment la distinguer. Elle avait froid, terriblement froid. Elle sentait sa langue bouffie par l'eau de mer, pâteuse dans sa gorge.
- Suis... Minerva...
Le noir, à nouveau.
Minerva se réveilla en haletant, dans le lit d'appoint qu'on lui avait attribué, dans un coin de la cabine du capitaine. Elle rêvait souvent de cette nuit là. Elle avait failli y passer. Fébrilement, elle détailla la pièce, au décor sobre. L'homme qui dormait dans le lit, à l'opposé du sien, était parti. Elle était seule.
Fébrilement, elle passa une main dans ses cheveux. Cela faisait une semaine qu'elle avait été tirée des eaux. Une semaine qu'elle avait été lavée du sel. Mais ses cheveux... Elle avait l'impression de toujours les sentir autant poisseux, comme des anguilles prêtes à l'étrangler dans son sommeil. Elle étouffait.
Brusquement, la Valoise se releva. Elle se dirigea vers le baquet d'eau qui servait à la toilette et se rinça à l'eau glacée. Cela lui fit du bien, elle avait les idées bien plus claires. Tout en abandonnant sa chemise de nuit pour la tenue qu'on lui avait donnée, elle commença à réfléchir.
Cela faisait une semaine qu'elle avait été recueillie par un équipage Fer-Né, au large des côtes d'Essos. Son navire avait fait naufrage. Elle ne savait pas qui d'autre avait pu avoir la vie sauve. Vraisemblablement, elle était la seule survivante. Par prudence, elle avait tenu son nom de famille secret. Elle savait que sa famille avait participé à la répression de la révolte Greyjoy, elle ne tenait pas à être envoyée par le fond. L'anonymat restait sa seule option. Mais peut-être qu'elle ne reviendrai jamais sur ses terres natales.
Soudain, une idée la traversa.
Et si elle disparaissait ? Si tout le monde, sur les Trois Soeurs, la croyait morte ? Si jamais elle ne révélait son identité ? Serait-il possible que les Dieux lui aient donné une échappatoire à cette vie dont elle ne voulait pas ? En mer, il y avait tout ce qu'elle recherchait. L'aventure, l'inconnu, la découverte de nouveaux horizons. Ce navire pouvait être sa chance. Le capitaine, pour le peu qu'elle en avait aperçu, semblait être un homme juste. Il accepterai peut-être de la garder à bord si elle prouvait qu'elle pouvait se rendre utile.
Minerva regarda la vasque d'eau. Elle détailla son visage déformé par l'onde, noyé sous la longueur de ses cheveux. Elle ressemblait à une vieille femme noyée. Dans un coin, la brillance de la lame d'un couteau attira son attention. Elle s'en empara et examina la lame, impeccablement aiguisée. Bien, cela serait suffisant pour ce qu'elle avait à faire.
D'un geste sec, elle sectionna ses mèches au niveau des épaules, l'une après l'autre, jusqu'à-ce qu'elle puisse dégager sa nuque. Minerva en tressa l'avant, comme elle en avait l'habitude, puis se dirigea vers la fenêtre de la cabine. Quand elle l'ouvrit, le bruit des vagues lui parut soudain assourdissant, alors que le vent du large pénétrait ses narines. Sans aucun regret, elle laissa le vent emporter ses cheveux.
Maintenant, avec les vêtements d'homme qu'elle portait, on aurait pu la prendre pour un jeune garçon, de dos. Il fallait dire qu'elle n'était pas très grande, ne dépassant guère le mètre soixante-cinq. Cependant, la petitesse était un atout pour frapper bas et rapide. Un atout que beaucoup oubliaient.
Elle resta un instant accoudée là, à détailler l'horizon. C'était magnifique. La couleur de l'eau, le beau ciel de l'aurore, tout était sublime. Elle fixa l'orangé du ciel avec intensité, espérant pouvoir en graver à tout jamais le souvenir dans sa mémoire. Elle se rappela une balade que sa mère lui chantait, plus petite. Sans s'en rendre compte, elle s'était mis à fredonner.
Soudainement, elle entendit un bruit, proche d'elle. Quelqu'un était entré, alors qu'elle ne l'avait pas entendu. Par réflexe, la jeune femme se retourna, muscles arqués, prête à encaisser une attaque. Elle n'avait pas encore confiance sur ce navire, elle s'attendait à ce qu'un homme ne vienne lui faire la peau. Son visage se détendit un peu lorsqu'elle se rendit compte qu'il s'agissait du capitaine. Un vague sourire passa sur ses lèvres minces alors qu'elle passait nerveusement une main dans ses cheveux blonds, devenus courts.
- Capitaine... Bonjour. Je ne vous avais pas entendu entrer, vous m'avez surprise.
Elle regarda à nouveau par la fenêtre ouverte, sans vraiment savoir si elle avait fait quelque chose de mal ou pas.
- Le ciel est magnifique ce matin. Je ne sais pas si je me lasserai un jour de regarder la mer.
Elle regarda ses pieds, puis le plafond. Elle n'était quand même pas là pour faire la conversation et le Capitaine devait avoir autre chose à faire que badiner en sa compagnie. La jeune femme se racla la gorge et regarda son supérieur, dans les yeux cette fois-ci.
- Je n'aurais pas dû rester si tard dans votre cabine. Puis-je me rendre utile pour quoi que ce soit sur le navire ?
La nuit noire. Le roulis du bateau, balloté contre les vagues. Le grincement du bois, le sifflement du vent. Dans sa cabine, Minerva ne dormait plus. Vêtue d'une longue chemise de nuit blanche, elle se releva en se tenant à son lit, ses cheveux platines lui collaient dans le dos. On étouffait ici. Elle ne savait pas ce qu'il se passait. La mer semblait très grosse. On ne voyait rien dehors.
Soudain, un craquement effroyable. Et puis la débandade. Les gens qui hurlent, qui tentent de se sauver. L'eau qui s'engouffre partout. La force du courant qui entraîne tout vers le fond. Minerva avait appris à nager en eaux troubles, elle réussit à regagner l'extérieur du navire. Une planche de bois salutaire l'empêcha de disparaître. Elle lutta pendant des heures contre l'eau, le vent et le sel, avant de sombrer dans l'inconscience, alors qu'elle s'éloignait lentement du point d'impact.
Le bruit des mouettes, des gens qui parlent. La caresse du soleil sur sa peau brûlée par le sel. Un souffle. Ses yeux troublés remarquèrent une silhouette, sans vraiment la distinguer. Elle avait froid, terriblement froid. Elle sentait sa langue bouffie par l'eau de mer, pâteuse dans sa gorge.
- Suis... Minerva...
Le noir, à nouveau.
Minerva se réveilla en haletant, dans le lit d'appoint qu'on lui avait attribué, dans un coin de la cabine du capitaine. Elle rêvait souvent de cette nuit là. Elle avait failli y passer. Fébrilement, elle détailla la pièce, au décor sobre. L'homme qui dormait dans le lit, à l'opposé du sien, était parti. Elle était seule.
Fébrilement, elle passa une main dans ses cheveux. Cela faisait une semaine qu'elle avait été tirée des eaux. Une semaine qu'elle avait été lavée du sel. Mais ses cheveux... Elle avait l'impression de toujours les sentir autant poisseux, comme des anguilles prêtes à l'étrangler dans son sommeil. Elle étouffait.
Brusquement, la Valoise se releva. Elle se dirigea vers le baquet d'eau qui servait à la toilette et se rinça à l'eau glacée. Cela lui fit du bien, elle avait les idées bien plus claires. Tout en abandonnant sa chemise de nuit pour la tenue qu'on lui avait donnée, elle commença à réfléchir.
Cela faisait une semaine qu'elle avait été recueillie par un équipage Fer-Né, au large des côtes d'Essos. Son navire avait fait naufrage. Elle ne savait pas qui d'autre avait pu avoir la vie sauve. Vraisemblablement, elle était la seule survivante. Par prudence, elle avait tenu son nom de famille secret. Elle savait que sa famille avait participé à la répression de la révolte Greyjoy, elle ne tenait pas à être envoyée par le fond. L'anonymat restait sa seule option. Mais peut-être qu'elle ne reviendrai jamais sur ses terres natales.
Soudain, une idée la traversa.
Et si elle disparaissait ? Si tout le monde, sur les Trois Soeurs, la croyait morte ? Si jamais elle ne révélait son identité ? Serait-il possible que les Dieux lui aient donné une échappatoire à cette vie dont elle ne voulait pas ? En mer, il y avait tout ce qu'elle recherchait. L'aventure, l'inconnu, la découverte de nouveaux horizons. Ce navire pouvait être sa chance. Le capitaine, pour le peu qu'elle en avait aperçu, semblait être un homme juste. Il accepterai peut-être de la garder à bord si elle prouvait qu'elle pouvait se rendre utile.
Minerva regarda la vasque d'eau. Elle détailla son visage déformé par l'onde, noyé sous la longueur de ses cheveux. Elle ressemblait à une vieille femme noyée. Dans un coin, la brillance de la lame d'un couteau attira son attention. Elle s'en empara et examina la lame, impeccablement aiguisée. Bien, cela serait suffisant pour ce qu'elle avait à faire.
D'un geste sec, elle sectionna ses mèches au niveau des épaules, l'une après l'autre, jusqu'à-ce qu'elle puisse dégager sa nuque. Minerva en tressa l'avant, comme elle en avait l'habitude, puis se dirigea vers la fenêtre de la cabine. Quand elle l'ouvrit, le bruit des vagues lui parut soudain assourdissant, alors que le vent du large pénétrait ses narines. Sans aucun regret, elle laissa le vent emporter ses cheveux.
Maintenant, avec les vêtements d'homme qu'elle portait, on aurait pu la prendre pour un jeune garçon, de dos. Il fallait dire qu'elle n'était pas très grande, ne dépassant guère le mètre soixante-cinq. Cependant, la petitesse était un atout pour frapper bas et rapide. Un atout que beaucoup oubliaient.
Elle resta un instant accoudée là, à détailler l'horizon. C'était magnifique. La couleur de l'eau, le beau ciel de l'aurore, tout était sublime. Elle fixa l'orangé du ciel avec intensité, espérant pouvoir en graver à tout jamais le souvenir dans sa mémoire. Elle se rappela une balade que sa mère lui chantait, plus petite. Sans s'en rendre compte, elle s'était mis à fredonner.
Borders of salt, borders of sand
Land of the seas, green land of mine
Borders of salt, borders of sand
Green land of dreams, green land of ours
Days of misfortune and days of doubt
Are gone, gone with the tide
And days of hope, to settle down
Will come, wash out the blue
It's all, it's all up to you...
Land of the seas, green land of mine
Borders of salt, borders of sand
Green land of dreams, green land of ours
Days of misfortune and days of doubt
Are gone, gone with the tide
And days of hope, to settle down
Will come, wash out the blue
It's all, it's all up to you...
Soudainement, elle entendit un bruit, proche d'elle. Quelqu'un était entré, alors qu'elle ne l'avait pas entendu. Par réflexe, la jeune femme se retourna, muscles arqués, prête à encaisser une attaque. Elle n'avait pas encore confiance sur ce navire, elle s'attendait à ce qu'un homme ne vienne lui faire la peau. Son visage se détendit un peu lorsqu'elle se rendit compte qu'il s'agissait du capitaine. Un vague sourire passa sur ses lèvres minces alors qu'elle passait nerveusement une main dans ses cheveux blonds, devenus courts.
- Capitaine... Bonjour. Je ne vous avais pas entendu entrer, vous m'avez surprise.
Elle regarda à nouveau par la fenêtre ouverte, sans vraiment savoir si elle avait fait quelque chose de mal ou pas.
- Le ciel est magnifique ce matin. Je ne sais pas si je me lasserai un jour de regarder la mer.
Elle regarda ses pieds, puis le plafond. Elle n'était quand même pas là pour faire la conversation et le Capitaine devait avoir autre chose à faire que badiner en sa compagnie. La jeune femme se racla la gorge et regarda son supérieur, dans les yeux cette fois-ci.
- Je n'aurais pas dû rester si tard dans votre cabine. Puis-je me rendre utile pour quoi que ce soit sur le navire ?
Made by Neon Demon
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Après la tempête
Minerva & Gormond
I’m tired, tired of being enclosed here. I’m wearying to escape into that glorious world, and to be always there ; not seeing it dimly through tears, and yearning for it through the walls of an aching heart ; but really with it, and in it.
Dans le cœur névralgique et trépidant du navire, les hommes se sustentent allègrement. Un repas frugal mais suffisant pour apaiser leurs ventres. Une partie de l’équipage est réunie en ce début de soirée ; l’un servant les bols encore vaporeux, les autres attablés. Gormond et son second s’enlisent dans une quiétude imperturbable, assis côte à côte. Le jeune capitaine savoure ces instants partagés avec ses compagnons de route. Dans cet espace confiné et peu confortable, à la lueur des bougies vacillantes et des lucarnes, il prend part à cette humanité isolée ; unie par le fer et par le sang. Le Bonfrère observe à la dérobée les membres d’équipage, le nez pointé vers leurs gamelles ; ils ne sentent pas peser sur eux l’œil azuré, calculateur et perspicace. Curieux, aussi. La lueur hésitante des flammes expose les visages, qui se révèlent métamorphosés. Un masque émacié, des joues creusées, quelques rides au coin de l’œil… Des ombres qu’il aime à contempler, si remarquables à cet instant ; ils sont faits de chair et de fer. Gormond ne peut s’empêcher d’éprouver une profonde sympathie à leurs égards. Ces hommes qui écopent des pires surnoms, souvent l’objet d’insultes venimeuses et véhémentes. Le Bonfrère les connaît bien… Après ces maints périples, il tient ses frères en haute estime. Ni ivrognes, ni fainéants ; ils se battent pour obtenir satisfaction par fer prix. Ses calomnies d’apparat, égrenées d’une voix froide ou mielleuse, ne changent en rien son cœur. Il se sert de ses remarques salées et de son attitude passive agressive pour les tenir à distance, pour maintenir l’ordre hiérarchique. C’est sa manière à lui, quelque peu singulière certes. Il n’a pas à hausser le ton, encore moins à se montrer violent ; le moindre geste incisif, la plus légère inflexion de voix lui octroient le respect requis. Il peut pourtant hurler et s’esclaffer. Il sait également taquiner la gorge frémissante d’un ennemi en deux mouvements brusques et rapides. Mais il a choisi d’asseoir son autorité d’une manière différente, en ayant à l’esprit qu’elle soit pérenne ; et non pas qu’elle se brise en mille morceaux dès qu’un conflit apparaît. Gormond demande leur loyauté aveugle et en contre partie, il leur promet monts et merveilles. Du butin, du sang. L’appel du large ; offert par la Méduse, qui jamais ne se repose trop longtemps dans un port. Ils appartiennent tous à la plaine perse : une étendue miroitante et dangereuse, qui incarne l’infini et le possible. Les souffles marins s’apparentent à des voix pleines d’une séduction insidieuse et ô combien enivrante ; promesses d’un lendemain propice.
Sanguinaires et cruels le jour, éreintés à la nuit tombée. Des hommes enlisés dans le jeu de la survie ; et si on les questionnait sur leurs douces chimères… « Un bout de terre, à la pointe d’une île ; prospérer grâce à la pêche, grâce aux dons de la mer ; fendre les abysses jusqu’au couchant ; une famille ». Gormond connaît la nature de leur cœur, oui. Pas si impur que l’on aimerait le croire. Et bien qu’ils s’entourent des fastes de l’or et du vin, et qu’ils s’enivrent de l’opulence matérielle, ils possèdent une conscience aiguë de leurs caractères éphémères. Ils ne font que passer dans l’ombre, dans le creux d’une vague miroitante ; ces hommes assez fous pour dompter les flots, alourdis par le fer et excités par le picotement du sel. Gormond prend soin à toujours partager leurs repas ; il n’est pas un chef jupitérien, intouchable et supérieur. Il est leur capitaine parce qu’il a connaissance de leurs désirs ou de leurs doléances. Le Bonfrère n’abuse jamais de sa position, gagnée avec tout « l’honneur » et l’ardeur dont il était – et reste – capable. Il termine son souper dans le silence, les yeux vagabonds et pensifs. Prenant retraite, il se dirige vers le point. S’y affairent quelques Fer-Nés, ajustant les cordages, vérifiant l’état des voiles gonflées par des zéphyrs cléments. Le jeune capitaine inspire l’air nocturne, alors qu’une douce sérénité envahit son esprit ; il éprouve le sentiment d’être, à cet instant précis, à sa place. Qu’il appartient, infime être dans l’immensité de l’univers, à… quelque chose. Ses yeux se tournent vers les astéries de nacre, trônant fièrement dans le ciel. Peu nombreuses en cette soirée. Il rejoint enfin son second, toujours sur son siège ; les deux conversent de longues minutes à voix basse. « La naufragée », « une continentale », « noble ? », « cachée »… autant de vocables ondulés sur leurs langues rauques et inquisitrices. Méfiantes. Enfin, le Bonfrère se retrouve seul ; face à ses pensées et ses doutes. Le sommeil le fuit et il n’est pas assez naïf pour songer à le chercher. Il reste attablé, avant que sa tête dodeline… un peu.
Au petit matin, le jeune capitaine est réveillé par les grivoiseries d’un matelot. Redressant l’échine, il lui offre un sourcil arqué ; il maîtrise parfaitement l’attitude du juge austère et sarcastique. Sans mot dire, il déambule au travers de la Méduse pour rejoindre ses quartiers. À mesure qu’il avance dans l’étroit corridor, il entend une voix féminine. « Minerva ». Au pas de la porte, Gormond s’arrête ; il tend l’oreille, charmé par l’étrange mélopée. Il ouvre lentement la porte de sa cabine, qu’il ferme du pied. Ses yeux abscons se posent sur la figure prostrée à la fenêtre, remarquable pour sa chevelure d’argent ou d’or… Gormond ne saurait dire. À cet instant, les cheveux, coupés à la va vite, prennent des tons sélènes. Une ravissante vision, presque éthéréenne ; prompte à se dérober au moindre mouvement. Mais elle demeure face à lui, lui révélant son visage albâtre. Si ce n’est pas les cernes ornant le dessous de ses pupilles, il ne semblerait pas que le Fer-Né manque de sommeil. Il est par ailleurs habitué à ces nuits vides, consumées entre songe langoureux et froide réalité. Il s’incline légèrement, en guise de salutations ; est-il poli ou bien joueur, il n’est pas aisé de le dire. Il est parfois difficile de déchiffrer les intentions et les émotions du Bonfrère ; il excelle dans l’art de la dissimulation. « Ma dame. Je suis pleinement fautif, car j’ai omis de frapper à la porte et de faire ainsi connaître ma présence… ». Il s’approche de quelques pas, en douceur ; tel un félin aux aguets, les muscles saillants et tendus. Les traits de son visage s’adoucissent un bref instant à l’évocation de la mer et de sa beauté éternelle. « Je partage votre incertitude… Depuis longtemps déjà je la contemple et sa splendeur ne cesse de m’émouvoir », rétorque-t-il, les yeux encore rivés sur Minerva. Une pointe d’amusement brille dans le regard du capitaine suite à cet échange. À sa question, Gormond reste silencieux. Ses yeux, scrutateurs, errent sur la silhouette de son interlocutrice ; ils considèrent les mains, soyeuses… Ses courbes frêles… Et hausse à nouveau un sourcil. « Pouvez-vous, m’être utile ? Si ce n’est en réchauffant ma couche ». Un sourire amusé – et complice, en quelque sorte – éclaire le visage du Fer-Né. L’un et l’autre connaissent bien les implications d’une telle remarque. Une amante d’apparat… pour l’instant. Gormond n’écarte aucune éventualité… et avec ses cheveux courts, la jeune femme lui plaît bien plus. Mais il n’est pas encore là, par le Dieu Noyé, non… Mais cela ne l’empêche de lorgner ce trésor inattendu. Et encombrant. « Vous êtes bien une dame, n’est-ce pas ? Votre parler, votre comportement… Et puis », il s’interrompt, s’avançant vers le pied du lit où reposent quelques étoffes. Il s’abaisse, saisissant une tunique ; celle portée par Minerva lors de leur première rencontre. « Cette robe, aussi… D’un si joli bleu. Un tissu précieux également… ». Il laisse choir le vêtement sur la couche défaite, le regard tourné vers son interlocutrice. Il envahit son espace en deux enjambées : en douceur, il attrape son menton qu’il relève vers lui. Un bleu hiémal rencontre un bleu azuré. « Il faudra me révéler tôt ou tard votre identité complète, avant d’évoquer vos… talents ou aptitudes. Je veux bien vous mettre à contribution, mais avant cela, il faudra que l’on se fasse confiance l’un l’autre, hm ? ». Gormond est bien conscient qu’il est en position de force, mais il préfère instaurer un semblant… d’entente entre eux. « Et n’ayez aucune crainte envers mes intentions ; je ne rechigne pas à me répéter, vous êtes sous ma protection ». Pour l’instant.
Sanguinaires et cruels le jour, éreintés à la nuit tombée. Des hommes enlisés dans le jeu de la survie ; et si on les questionnait sur leurs douces chimères… « Un bout de terre, à la pointe d’une île ; prospérer grâce à la pêche, grâce aux dons de la mer ; fendre les abysses jusqu’au couchant ; une famille ». Gormond connaît la nature de leur cœur, oui. Pas si impur que l’on aimerait le croire. Et bien qu’ils s’entourent des fastes de l’or et du vin, et qu’ils s’enivrent de l’opulence matérielle, ils possèdent une conscience aiguë de leurs caractères éphémères. Ils ne font que passer dans l’ombre, dans le creux d’une vague miroitante ; ces hommes assez fous pour dompter les flots, alourdis par le fer et excités par le picotement du sel. Gormond prend soin à toujours partager leurs repas ; il n’est pas un chef jupitérien, intouchable et supérieur. Il est leur capitaine parce qu’il a connaissance de leurs désirs ou de leurs doléances. Le Bonfrère n’abuse jamais de sa position, gagnée avec tout « l’honneur » et l’ardeur dont il était – et reste – capable. Il termine son souper dans le silence, les yeux vagabonds et pensifs. Prenant retraite, il se dirige vers le point. S’y affairent quelques Fer-Nés, ajustant les cordages, vérifiant l’état des voiles gonflées par des zéphyrs cléments. Le jeune capitaine inspire l’air nocturne, alors qu’une douce sérénité envahit son esprit ; il éprouve le sentiment d’être, à cet instant précis, à sa place. Qu’il appartient, infime être dans l’immensité de l’univers, à… quelque chose. Ses yeux se tournent vers les astéries de nacre, trônant fièrement dans le ciel. Peu nombreuses en cette soirée. Il rejoint enfin son second, toujours sur son siège ; les deux conversent de longues minutes à voix basse. « La naufragée », « une continentale », « noble ? », « cachée »… autant de vocables ondulés sur leurs langues rauques et inquisitrices. Méfiantes. Enfin, le Bonfrère se retrouve seul ; face à ses pensées et ses doutes. Le sommeil le fuit et il n’est pas assez naïf pour songer à le chercher. Il reste attablé, avant que sa tête dodeline… un peu.
Au petit matin, le jeune capitaine est réveillé par les grivoiseries d’un matelot. Redressant l’échine, il lui offre un sourcil arqué ; il maîtrise parfaitement l’attitude du juge austère et sarcastique. Sans mot dire, il déambule au travers de la Méduse pour rejoindre ses quartiers. À mesure qu’il avance dans l’étroit corridor, il entend une voix féminine. « Minerva ». Au pas de la porte, Gormond s’arrête ; il tend l’oreille, charmé par l’étrange mélopée. Il ouvre lentement la porte de sa cabine, qu’il ferme du pied. Ses yeux abscons se posent sur la figure prostrée à la fenêtre, remarquable pour sa chevelure d’argent ou d’or… Gormond ne saurait dire. À cet instant, les cheveux, coupés à la va vite, prennent des tons sélènes. Une ravissante vision, presque éthéréenne ; prompte à se dérober au moindre mouvement. Mais elle demeure face à lui, lui révélant son visage albâtre. Si ce n’est pas les cernes ornant le dessous de ses pupilles, il ne semblerait pas que le Fer-Né manque de sommeil. Il est par ailleurs habitué à ces nuits vides, consumées entre songe langoureux et froide réalité. Il s’incline légèrement, en guise de salutations ; est-il poli ou bien joueur, il n’est pas aisé de le dire. Il est parfois difficile de déchiffrer les intentions et les émotions du Bonfrère ; il excelle dans l’art de la dissimulation. « Ma dame. Je suis pleinement fautif, car j’ai omis de frapper à la porte et de faire ainsi connaître ma présence… ». Il s’approche de quelques pas, en douceur ; tel un félin aux aguets, les muscles saillants et tendus. Les traits de son visage s’adoucissent un bref instant à l’évocation de la mer et de sa beauté éternelle. « Je partage votre incertitude… Depuis longtemps déjà je la contemple et sa splendeur ne cesse de m’émouvoir », rétorque-t-il, les yeux encore rivés sur Minerva. Une pointe d’amusement brille dans le regard du capitaine suite à cet échange. À sa question, Gormond reste silencieux. Ses yeux, scrutateurs, errent sur la silhouette de son interlocutrice ; ils considèrent les mains, soyeuses… Ses courbes frêles… Et hausse à nouveau un sourcil. « Pouvez-vous, m’être utile ? Si ce n’est en réchauffant ma couche ». Un sourire amusé – et complice, en quelque sorte – éclaire le visage du Fer-Né. L’un et l’autre connaissent bien les implications d’une telle remarque. Une amante d’apparat… pour l’instant. Gormond n’écarte aucune éventualité… et avec ses cheveux courts, la jeune femme lui plaît bien plus. Mais il n’est pas encore là, par le Dieu Noyé, non… Mais cela ne l’empêche de lorgner ce trésor inattendu. Et encombrant. « Vous êtes bien une dame, n’est-ce pas ? Votre parler, votre comportement… Et puis », il s’interrompt, s’avançant vers le pied du lit où reposent quelques étoffes. Il s’abaisse, saisissant une tunique ; celle portée par Minerva lors de leur première rencontre. « Cette robe, aussi… D’un si joli bleu. Un tissu précieux également… ». Il laisse choir le vêtement sur la couche défaite, le regard tourné vers son interlocutrice. Il envahit son espace en deux enjambées : en douceur, il attrape son menton qu’il relève vers lui. Un bleu hiémal rencontre un bleu azuré. « Il faudra me révéler tôt ou tard votre identité complète, avant d’évoquer vos… talents ou aptitudes. Je veux bien vous mettre à contribution, mais avant cela, il faudra que l’on se fasse confiance l’un l’autre, hm ? ». Gormond est bien conscient qu’il est en position de force, mais il préfère instaurer un semblant… d’entente entre eux. « Et n’ayez aucune crainte envers mes intentions ; je ne rechigne pas à me répéter, vous êtes sous ma protection ». Pour l’instant.
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Après la tempête.
Gormond & Minerva
" Billows and breeze, highlands and seas, mountains of rain and sun. All that was good, all that was fair, all that was me is gone."
Au large d’Essos, 298
Un homme, ou plutôt un fauve. Un animal sauvage, calme en apparence mais prompt à bondir au moindre pas de travers. Un être à la fois brutal et gracieux, une seule main, capable d’être à la fois le velours et le fer. Minerva détailla le Capitaine alors qu’il s’excusait à la manière d’un grand seigneur, témoignant son respect mais sans doute un soupçon de moquerie à son égard. L’impétueuse était naïve mais pas aveugle. Elle avait noté les muscles saillants, le regard inquisiteur, la vivacité que pouvait témoigner le chef de ce petit monde flottant. En terme de force brut, sur ce terrain qu’elle ne connaissait pas, elle n’aurait jamais l’avantage. Mieux valait donc éviter toute bravade inutile et se montrer la plus docile possible.
Son masque se détendit presque à l’évocation de l’étendue changeante sur laquelle ils naviguaient et cela la rassura d’une certaine manière. Cet échange, pourtant bref, lui laissa entrevoir la possibilité de converser avec l’homme sans les barrières hiérarchiques coutumières.
Mais cette occasion lui fit peur. La jeune femme aux cheveux de nacre n’avait jamais été très émérite dans l’art de la conversation et la situation dans laquelle elle se trouvait, actuellement, n’arrangeait rien à l’affaire. Comme à chaque fois, elle préféra cacher ses troubles et faiblesses derrière le travail, mais le silence qui accueillit sa question fit vaciller sa maigre confiance. Elle se sentit scrutée, presque dépouillée du regard par le Fer-Né. Instinctivement, ses doigts se serrèrent dans sa paume et ses yeux aigue-marine se durcirent un peu. Si le capitaine souhaitait une preuve de sa valeur, ici et maintenant, elle était prête.
La question de son interlocuteur, visiblement tout sauf ce à quoi elle s’était attendue, perça la carapace qu’elle s’était construite depuis le commencement de cette entrevue.
Sa peau de porcelaine vira au carmin et ses iris laissèrent passer un flot d’émotions contradictoires, suite à cette remarque dont elle avait tout à fait saisi les enjeux. Il y avait la reconnaissance, car ce statut illusoire de compagne qui lui avait été attribué la protégeait des membres d’équipages les moins scrupuleux. La gêne également, car l’idée de réchauffer la couche du capitaine ne lui paraissait pas totalement désagréable. La Valoise trouvait d’ailleurs le Fer-Né plutôt bel homme, il avait en lui ce charme puissant, quelque chose d’indomptable qui lui rappelait l’océan. Enfin, Minerva ressentit la colère et la frustration d’être une fois de plus ramenée à un rôle de femme destinée uniquement à accueillir un homme en son sein. Pourquoi était-ce si compliqué pour ces fiers messieurs, de penser, ne serait-ce qu’un instant, qu’une femme pouvait aussi bien être utile sur un bateau que dans une couche ?
- Je…
Prise dans la vague de ses émotions, elle ne parvint pas à formuler convenablement ses pensées, laissant tout le loisir au Capitaine de continuer. Elle déglutit difficilement lorsqu’il avança sa potentielle noblesse. Cette découverte prévisible n’étonna pas tant la jeune femme qui se savait piètre menteuse. Au plus profond d’elle-même, la certitude d’être percée à jour ne l’avait jamais quittée, bien qu’elle eût apprécié de pouvoir rester plus longtemps dans l’anonymat.
Elle fixa d’un regard dur la robe en soie que l’homme laissa tomber sur son lit. Ces fioritures inutiles qu’elle devait porter la trahissaient, une fois encore. Elle l’aurait déchirée si elle avait pu. Avant qu’elle n’ait pu dire quoi que ce soit, il était déjà dans son espace personnel. Elle ne se dégagea pas lorsqu’il saisit son menton, avec une douceur qui l’étonna. Elle n’hésita pas à le regarder droit dans les yeux, faisant se heurter leurs deux iris aux bleus si semblables et pourtant si différents. Minerva était décidée à ne pas se laisser intimider. Il parlait de confiance, il lui intimait de ne pas avoir peur alors qu’il était ici comme un chef. Elle n’avait aucun autre choix que celui de se plier à ses désirs. La jeune Sunderland détestait mentir. Pourtant, elle n’avait fait que cela, depuis son repêchage. Cacher son identité, dissimuler sa haute extraction, par pur instinct de survie. Comment annoncer à celui qui l’avait sauvée, qu’elle venait d’une terre qui avait contribué à envoyer de la flotte pour contrer l’insurrection Greyjoy, il y avait neuf ans de cela ? Et pourtant… pourtant il fallait bien assumer. Un autre mensonge ne ferait qu’envenimer ses relations avec le Capitaine et c’était certainement le moyen le plus sûr de mettre un terme à son existence.
Lentement, elle soupira, pour se donner du courage. Puis elle regarda à nouveau le Fer-Né, alors que sa propre main se posait sur la sienne, épaisse et rugueuse, pour l’inciter à lâcher son menton. Elle détestait ce rapport de force. Elle détestait cette façon qu’il avait de toucher son visage, comme si elle était un objet.
- Vous avez raison, je suis noble. Le navire à bord duquel j’ai fait naufrage devait m’emmener à Port-Réal.
A nouveau Minerva se tourna vers la mer. Elle semblait chercher dans l’immensité céruléenne la force de venir au bout de ses révélations.
- J’ai grandi sur un petit archipel, bien au nord d’ici. Mes ancêtres étaient des naufrageurs qui vénéraient d’anciennes divinités. Certains, d’ailleurs, continuent d’y croire. J’ai passé ma vie entourée de garçons, à admirer les bateaux, à scruter la moindre variation de couleur sur l’océan. Mais parce que je suis née femme, on m’a enchaînée à la Terre.
Le regard de Minerva croisa à nouveau celui du Capitaine et sembla soudain mélancolique, avant de se durcir, sans doute animé par un certain ressentiment, une colère impuissante. En fin de compte, elle avait passé sa vie à lutter contre une injustice plus forte qu’elle.
- N’avez-vous jamais été obligé de vous accommoder d’une situation qui ne vous satisfaisait pas ? Avez-vous déjà été confronté à un adversaire que vous ne pouviez vaincre ? Je sais me battre. Je sais naviguer seule. Je sais reconnaître et soigner la plupart des blessures physiques ainsi que quelques maladies communes. Je parle couramment le Haut Valyrien. Et pourtant… Et pourtant des codes et des traditions poussiéreuses ont décrété que je serais toujours moins utile qu’un homme. Des superstitions ridicules m’interdisent de prendre la barre d’un bâtiment et me condamnent à une vie où je ne serais qu’épouse et mère !
La respiration de la jeune femme était devenue sifflante et son regard, fébrile. Au fur et à mesure que sa parole se libérait, elle exorcisait cette colère qui avait grandi en elle face à des injustices qu’elle avait toujours subies. Son poing tremblait et cette fois-ci, ce fut elle qui se rapprocha du Capitaine d’un pas souple, portée par l’adrénaline.
- Vous m’avez priée d’être honnête alors je vais honorer votre requête. Je n’ai pas voulu vous donner le nom de ma maison parce que j’ai peur que vous m’y rameniez. Ce naufrage, ce sauvetage miraculeux, c’est une chance qui m’est offerte et je ne compte pas la perdre. Ma famille va sans doute me croire morte. Je n’existerai plus à leurs yeux et je serai libre de mener l’existence que j’ai toujours voulu.
Je ne veux pas être à nouveau enfermée entre les pierres d’un château. Je ne veux pas passer ma vie à broder et tenir des conversations insipides en attendant un mari que je n’ai pas voulu. Je ne veux pas être paralysée par des grossesses qui risquent de me faire perdre la vie. Je veux vivre. Vivre et épouser corps et âme cet océan qui m’a toujours appelée.
Malgré sa taille bien inférieure à celle du grand Capitaine, elle ne recula pas et soutint son regard avec fierté. Peut-être cette bravade l’enverrait-elle par le fond. Peut-être mourrait-elle aujourd’hui. Mais la mort était encore préférable à une existence où elle ne pourrait que caresser ses rêves plutôt que de les saisir à pleine main.
Un homme, ou plutôt un fauve. Un animal sauvage, calme en apparence mais prompt à bondir au moindre pas de travers. Un être à la fois brutal et gracieux, une seule main, capable d’être à la fois le velours et le fer. Minerva détailla le Capitaine alors qu’il s’excusait à la manière d’un grand seigneur, témoignant son respect mais sans doute un soupçon de moquerie à son égard. L’impétueuse était naïve mais pas aveugle. Elle avait noté les muscles saillants, le regard inquisiteur, la vivacité que pouvait témoigner le chef de ce petit monde flottant. En terme de force brut, sur ce terrain qu’elle ne connaissait pas, elle n’aurait jamais l’avantage. Mieux valait donc éviter toute bravade inutile et se montrer la plus docile possible.
Son masque se détendit presque à l’évocation de l’étendue changeante sur laquelle ils naviguaient et cela la rassura d’une certaine manière. Cet échange, pourtant bref, lui laissa entrevoir la possibilité de converser avec l’homme sans les barrières hiérarchiques coutumières.
Mais cette occasion lui fit peur. La jeune femme aux cheveux de nacre n’avait jamais été très émérite dans l’art de la conversation et la situation dans laquelle elle se trouvait, actuellement, n’arrangeait rien à l’affaire. Comme à chaque fois, elle préféra cacher ses troubles et faiblesses derrière le travail, mais le silence qui accueillit sa question fit vaciller sa maigre confiance. Elle se sentit scrutée, presque dépouillée du regard par le Fer-Né. Instinctivement, ses doigts se serrèrent dans sa paume et ses yeux aigue-marine se durcirent un peu. Si le capitaine souhaitait une preuve de sa valeur, ici et maintenant, elle était prête.
La question de son interlocuteur, visiblement tout sauf ce à quoi elle s’était attendue, perça la carapace qu’elle s’était construite depuis le commencement de cette entrevue.
Sa peau de porcelaine vira au carmin et ses iris laissèrent passer un flot d’émotions contradictoires, suite à cette remarque dont elle avait tout à fait saisi les enjeux. Il y avait la reconnaissance, car ce statut illusoire de compagne qui lui avait été attribué la protégeait des membres d’équipages les moins scrupuleux. La gêne également, car l’idée de réchauffer la couche du capitaine ne lui paraissait pas totalement désagréable. La Valoise trouvait d’ailleurs le Fer-Né plutôt bel homme, il avait en lui ce charme puissant, quelque chose d’indomptable qui lui rappelait l’océan. Enfin, Minerva ressentit la colère et la frustration d’être une fois de plus ramenée à un rôle de femme destinée uniquement à accueillir un homme en son sein. Pourquoi était-ce si compliqué pour ces fiers messieurs, de penser, ne serait-ce qu’un instant, qu’une femme pouvait aussi bien être utile sur un bateau que dans une couche ?
- Je…
Prise dans la vague de ses émotions, elle ne parvint pas à formuler convenablement ses pensées, laissant tout le loisir au Capitaine de continuer. Elle déglutit difficilement lorsqu’il avança sa potentielle noblesse. Cette découverte prévisible n’étonna pas tant la jeune femme qui se savait piètre menteuse. Au plus profond d’elle-même, la certitude d’être percée à jour ne l’avait jamais quittée, bien qu’elle eût apprécié de pouvoir rester plus longtemps dans l’anonymat.
Elle fixa d’un regard dur la robe en soie que l’homme laissa tomber sur son lit. Ces fioritures inutiles qu’elle devait porter la trahissaient, une fois encore. Elle l’aurait déchirée si elle avait pu. Avant qu’elle n’ait pu dire quoi que ce soit, il était déjà dans son espace personnel. Elle ne se dégagea pas lorsqu’il saisit son menton, avec une douceur qui l’étonna. Elle n’hésita pas à le regarder droit dans les yeux, faisant se heurter leurs deux iris aux bleus si semblables et pourtant si différents. Minerva était décidée à ne pas se laisser intimider. Il parlait de confiance, il lui intimait de ne pas avoir peur alors qu’il était ici comme un chef. Elle n’avait aucun autre choix que celui de se plier à ses désirs. La jeune Sunderland détestait mentir. Pourtant, elle n’avait fait que cela, depuis son repêchage. Cacher son identité, dissimuler sa haute extraction, par pur instinct de survie. Comment annoncer à celui qui l’avait sauvée, qu’elle venait d’une terre qui avait contribué à envoyer de la flotte pour contrer l’insurrection Greyjoy, il y avait neuf ans de cela ? Et pourtant… pourtant il fallait bien assumer. Un autre mensonge ne ferait qu’envenimer ses relations avec le Capitaine et c’était certainement le moyen le plus sûr de mettre un terme à son existence.
Lentement, elle soupira, pour se donner du courage. Puis elle regarda à nouveau le Fer-Né, alors que sa propre main se posait sur la sienne, épaisse et rugueuse, pour l’inciter à lâcher son menton. Elle détestait ce rapport de force. Elle détestait cette façon qu’il avait de toucher son visage, comme si elle était un objet.
- Vous avez raison, je suis noble. Le navire à bord duquel j’ai fait naufrage devait m’emmener à Port-Réal.
A nouveau Minerva se tourna vers la mer. Elle semblait chercher dans l’immensité céruléenne la force de venir au bout de ses révélations.
- J’ai grandi sur un petit archipel, bien au nord d’ici. Mes ancêtres étaient des naufrageurs qui vénéraient d’anciennes divinités. Certains, d’ailleurs, continuent d’y croire. J’ai passé ma vie entourée de garçons, à admirer les bateaux, à scruter la moindre variation de couleur sur l’océan. Mais parce que je suis née femme, on m’a enchaînée à la Terre.
Le regard de Minerva croisa à nouveau celui du Capitaine et sembla soudain mélancolique, avant de se durcir, sans doute animé par un certain ressentiment, une colère impuissante. En fin de compte, elle avait passé sa vie à lutter contre une injustice plus forte qu’elle.
- N’avez-vous jamais été obligé de vous accommoder d’une situation qui ne vous satisfaisait pas ? Avez-vous déjà été confronté à un adversaire que vous ne pouviez vaincre ? Je sais me battre. Je sais naviguer seule. Je sais reconnaître et soigner la plupart des blessures physiques ainsi que quelques maladies communes. Je parle couramment le Haut Valyrien. Et pourtant… Et pourtant des codes et des traditions poussiéreuses ont décrété que je serais toujours moins utile qu’un homme. Des superstitions ridicules m’interdisent de prendre la barre d’un bâtiment et me condamnent à une vie où je ne serais qu’épouse et mère !
La respiration de la jeune femme était devenue sifflante et son regard, fébrile. Au fur et à mesure que sa parole se libérait, elle exorcisait cette colère qui avait grandi en elle face à des injustices qu’elle avait toujours subies. Son poing tremblait et cette fois-ci, ce fut elle qui se rapprocha du Capitaine d’un pas souple, portée par l’adrénaline.
- Vous m’avez priée d’être honnête alors je vais honorer votre requête. Je n’ai pas voulu vous donner le nom de ma maison parce que j’ai peur que vous m’y rameniez. Ce naufrage, ce sauvetage miraculeux, c’est une chance qui m’est offerte et je ne compte pas la perdre. Ma famille va sans doute me croire morte. Je n’existerai plus à leurs yeux et je serai libre de mener l’existence que j’ai toujours voulu.
Je ne veux pas être à nouveau enfermée entre les pierres d’un château. Je ne veux pas passer ma vie à broder et tenir des conversations insipides en attendant un mari que je n’ai pas voulu. Je ne veux pas être paralysée par des grossesses qui risquent de me faire perdre la vie. Je veux vivre. Vivre et épouser corps et âme cet océan qui m’a toujours appelée.
Malgré sa taille bien inférieure à celle du grand Capitaine, elle ne recula pas et soutint son regard avec fierté. Peut-être cette bravade l’enverrait-elle par le fond. Peut-être mourrait-elle aujourd’hui. Mais la mort était encore préférable à une existence où elle ne pourrait que caresser ses rêves plutôt que de les saisir à pleine main.
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Après la tempête
Minerva & Gormond
I’m tired, tired of being enclosed here. I’m wearying to escape into that glorious world, and to be always there ; not seeing it dimly through tears, and yearning for it through the walls of an aching heart ; but really with it, and in it.
La présence de cette étrangère aux cheveux d’argent sur la Méduse détonne. Gormond, par nature, est extrêmement méfiant envers les étrangers ; en particulier ceux originaires de Westeros. S’il avait épargné un curieux regard à la naufragée, c’est qu’ils se trouvaient alors au large d’Essos. Il lui laissait donc le bénéfice du doute… en quelque sorte. Car le Bonfrère n’est pas né de la dernière pluie : malgré sa réticence à côtoyer les continentaux, il a pu observer leurs mœurs et leurs coutumes, dont les tendances vestimentaires. Et il s’est formé une petite idée sur les origines de « Minerva » ; ses suspicions ont par ailleurs été confirmées par son second Uron, la veille au soir. Et le jeune homme né-du-fer aurait dû ignorer le corps alangui et fiévreux ; que le triste sort s’accomplisse. Une lente et solitaire agonie. Peut-être a-t-il été attendri par son état, alors que l’étrangère peinait à garder conscience. Il avait considéré d’un œil froid ses lèvres entrouvertes et desséchées. Et un murmure, presque un râle, s’extirpant péniblement de sa gorge : « Minerva ». In extremis il recueillit son Nom ; une porte ouverte. Les prémices d’une identité sibylline et intrigante. Il fut piqué d’intérêt et cela suffit à sauver une vie. Il mit sa raison et sa misanthropie naturelle de côté… Une noble ? De quelle maison ? Recherchée ? Objet d’une rançon ? Eux-mêmes, réceptacles d’une vengeance nourrie par des calomnies ? Les pensées se bousculèrent en son esprit et comme toujours, Gormond envisagea le pire. Il vaut mieux être fin prêt à tout affronter, même des chimères fondées par sa voix intérieure : calculatrice et persifleuse, mauvaise et perspicace. Jamais, au grand jamais, n’entend-t-il mettre en danger les membres de la Méduse ; il n’hésiterait pas à rompre le cou délicat de « Minerva » de ses deux mains. Sans tergiverser, sans regret. Mais est-elle, véritablement, un danger ? Non, tant qu’elle demeure dans son champ de vision ; et que les yeux pers du Bonfrère la suivent, la guettent. Intenses, prédateurs. Il avait alors clamé haut et fort ses intentions : « Elle est mienne, à compter de ce jour. Je suis le propriétaire de son corps et j’entends jouir de mon nouveau bien, sans le partager. Voyez comme elle est frêle : si j’acceptais qu’elle passe de mains en mains, elle se briserait aussitôt. Et je connais vos manières rustres… Et surtout moi-même, je ne serai pas tendre, non. J’aimerais profiter de sa présence sur le long terme, c’est pourquoi vous garderez vos regards salaces pour vous-mêmes. Et enfin, n’êtes-vous pas rassasiés mes salopiauds ? Après avoir séjourné deux longs jours dans les lupanars de Pentos ? Je suis sûr que vos petites virilités sont porteuses de sombres maladies maintenant ». Et il s’était alors dit que les mains soyeuses de l’étrangère seront bienvenues lorsqu’il lui faudra panser des plaies ou administrer des baumes à sa peau brûlée. C’est toujours cela. Au final, si Gormond décida d’épargner sa vie, c’est peut-être parce qu’elle avait survécu aux affres de la mer et que cela méritait sa clémence.
Pour l’instant, Gormond entend se montrer sous son meilleur jour ; à savoir, il dissimule une bonne partie de son caractère. Mais son interlocutrice n’est pas idiote non plus. Il s’aperçoit rapidement qu’elle l’a bien jugé ; la jeune femme comprend qu’il masque sous ses mots et ses gestes de velours un fer intransigeant. Il n’a jamais fait preuve d’une éloquence mordante ; plus jeune, il se contentait de quelques ricanements sardoniques et de grognements inexpressifs. Mais en voyageant, sa langue s’est peu à peu déliée ; tantôt coulante, tantôt fourchue. Parfois de feu : un discours de damnation, alors qu’il exhorte ses hommes à parcourir les flots. Et dans l’accent lourd, au travers des ondulations suaves et simples, les simulacres traîtres d’une séduction. Le Fer pour assaillir, le verbe pour apprivoiser ou tourmenter. Il n’est pas un grand diplomate, mais Gormond peut causer son petit effet. Les jolis mots ont été copiés par mépris et par moquerie ; ces « grands hommes », à se pavaner, à s’esclaffer et à cacher leurs rires cristallins derrière une main gantée, n’étaient-ils pas ridicules ? Mais sur le tard, le Fer-Né réalisa qu’il était parfois nécessaire d’enjoliver ses phrases ; d’arrondir une remarque caustique d’un « ma dame » ou d’un « mon lord » mielleux, le tout formant un discours étrange, où les nobles nuances du panégyrique se mêlent à une satire salée. Depuis, quand il oublie de moduler ses mots selon son interlocuteur, le Bonfrère est à son tour visé par quelques remarques amusées de la part des siens. Mais il peut promptement revenir aux ordres aboyés. Aux injures bien senties. Quoi qu’il en soit, le capitaine de la Méduse prend un malin plaisir à échanger avec sa « protégée ». Il observe d’un œil assombri les tons carmin envahir les plaines d’albâtre que sont ses joues. Les vagues d’émotions, délectables par leur transparence opaline, s’y succèdent ; la tempête tumultueuse des sens se reconnaît aisément, et Gormond lui-même en est familier. Mais la plus dévastatrice et fracassante d’entre toutes fut levée maintes années auparavant… Alors que lui-même se trouvait en terre étrangère. Le Fer-Né remarque le regard noir de son interlocutrice jetée à la robe déchue. D’une voix badine, il commente en ces termes : « Si je peux me permettre, je trouve que vos nouveaux habits vous siéent à merveille. Certainement par rapport à votre complexion, ainsi mise en valeur ». Il termine d’un ton faussement pensif, alors qu’il détaille le cou et les épaules de la jeune femme.
Alors que Minerva repousse sa main, le visage du Fer-Né se ferme considérablement ; d’étranges arabesques viennent y danser, promesses d’un danger latent. La courbe rieuse de ses yeux disparaît. Il laisse alors tomber son bras, sans quitter des yeux la naufragée. Un peu de bravoure ? De révolte ? Que croit-elle, ravissante créature ? Il aurait pu lui infliger mille souffrances, sans s’éreinter ; et si elle vit en ce jour aussi confortablement, c’est en raison de son bon vouloir. Rien d’autre. À la fois irrité et surpris, le Bonfrère écoute sans broncher sa réponse. « Hm, Port-Réal ». Ah, n’est-elle pas fine, à essayer de l’amadouer par l’évocation du sel ; elle se présente comme une égale, née de la mer. En revanche, si elle pense émouvoir le Fer-Né en maudissant sa condition de femme, c’est bien mal le connaître. Gormond n’est pas misogyne, pas vraiment ; à ses yeux, seuls les actes définissent les individus, qu’importe leur genre. Assurément pour la majorité des femmes, cela n’est pas chose aisée ; mais qu’importe, avec hargne, avec passion, l’on peut se réaliser. De sa tirade courroucée, le capitaine retient trois informations : sa supposée habilité à manier les armes, sa maîtrise des soins – bien – et enfin, sa connaissance d’une langue étrangère. Soit. Un sourire aiguisé étire à nouveau les lèvres du Bonfrère, alors qu’il contemple les effets fascinants de la colère consumer son interlocutrice. Un si joli rouge à son visage, décidément. À son approche, causée par l’audace ou l’impudence, le capitaine redresse l’échine ; le menton levé, il toise Minerva, le sourire en coin toujours présent. Il n’a pas besoin de trop en faire pour irradier un sentiment de puissance et de contrôle ; les deux sont devenus un manteau qu’il revêt sans y penser, coulant prestement sur ses larges épaules. Gormond accueille sa réplique avec une indifférence feinte ; certains détails le laissent froid, mais d’autres lui parlent. « Je vois. Je veux bien vous offrir… l’asile, pour quelques mois. J’ai l’intention de longer les ports d’Essos… mais une fois revenus vers Westeros, je ne prendrai pas le risque qu’on vous reconnaisse. Il faudra partir. Je vous laisserai là où il vous plaira et vous pourrez… poursuivre vos… rêves. Avec un peu de chance, vous saurez vous tenir éloignée des broderies et d’un mari aliénant. Jusqu’alors, considérez l’océan comme un fiancé de passage ». Il ajoute, son sourire plus carnassier que jamais : « Et puis, n’êtes-vous pas favorisée par vos Dieux ? Vous aurez la chance de poser vos petites mains sur ma peau ; je mettrai à contribution votre savoir médicinal. Chanceuse », termine-t-il en étirant les voyelles d’un ton bas et intimiste. Il s’apprête à énoncer d’autres directives, quand il entend des pas résonner ; vif, il saisit Minerva par la taille et pose son autre main sur sa nuque en un geste possessif. Ses doigts viennent agripper la base de sa nuque découverte et tenant quelques mèches, il fait incliner la tête de la jeune femme vers l’arrière. Bras noué autour de son bassin, main aventurée vers son fessier, Gormond offre à l’imminent arrivant une parfaite image de soumission et de désir. Mais enfin, mascarade vaine, c’est Uron qui pénètre dans la cabine après avoir frappé deux coups à la porte. Le Bonfrère relâche alors son étreinte, car son second est dans la confidence. « Nous arrivons bientôt. Le contremaître te sollicite ». Le Fer-Né acquiesce de la tête : « Très bien, dis-lui que je règle une affaire ici bas et j’irai le trouver ». Uron s’éclipse rapidement. Le capitaine reporte son attention sur la jeune femme. « Je pense que nous pouvons trouver un terrain d’entente, hm ? ». Puis il se distance, levant le bras vers la fenêtre : « Ah, Myr ! Formidable cité. Avez-vous déjà entendu parler de ses charmes ? ».
Pour l’instant, Gormond entend se montrer sous son meilleur jour ; à savoir, il dissimule une bonne partie de son caractère. Mais son interlocutrice n’est pas idiote non plus. Il s’aperçoit rapidement qu’elle l’a bien jugé ; la jeune femme comprend qu’il masque sous ses mots et ses gestes de velours un fer intransigeant. Il n’a jamais fait preuve d’une éloquence mordante ; plus jeune, il se contentait de quelques ricanements sardoniques et de grognements inexpressifs. Mais en voyageant, sa langue s’est peu à peu déliée ; tantôt coulante, tantôt fourchue. Parfois de feu : un discours de damnation, alors qu’il exhorte ses hommes à parcourir les flots. Et dans l’accent lourd, au travers des ondulations suaves et simples, les simulacres traîtres d’une séduction. Le Fer pour assaillir, le verbe pour apprivoiser ou tourmenter. Il n’est pas un grand diplomate, mais Gormond peut causer son petit effet. Les jolis mots ont été copiés par mépris et par moquerie ; ces « grands hommes », à se pavaner, à s’esclaffer et à cacher leurs rires cristallins derrière une main gantée, n’étaient-ils pas ridicules ? Mais sur le tard, le Fer-Né réalisa qu’il était parfois nécessaire d’enjoliver ses phrases ; d’arrondir une remarque caustique d’un « ma dame » ou d’un « mon lord » mielleux, le tout formant un discours étrange, où les nobles nuances du panégyrique se mêlent à une satire salée. Depuis, quand il oublie de moduler ses mots selon son interlocuteur, le Bonfrère est à son tour visé par quelques remarques amusées de la part des siens. Mais il peut promptement revenir aux ordres aboyés. Aux injures bien senties. Quoi qu’il en soit, le capitaine de la Méduse prend un malin plaisir à échanger avec sa « protégée ». Il observe d’un œil assombri les tons carmin envahir les plaines d’albâtre que sont ses joues. Les vagues d’émotions, délectables par leur transparence opaline, s’y succèdent ; la tempête tumultueuse des sens se reconnaît aisément, et Gormond lui-même en est familier. Mais la plus dévastatrice et fracassante d’entre toutes fut levée maintes années auparavant… Alors que lui-même se trouvait en terre étrangère. Le Fer-Né remarque le regard noir de son interlocutrice jetée à la robe déchue. D’une voix badine, il commente en ces termes : « Si je peux me permettre, je trouve que vos nouveaux habits vous siéent à merveille. Certainement par rapport à votre complexion, ainsi mise en valeur ». Il termine d’un ton faussement pensif, alors qu’il détaille le cou et les épaules de la jeune femme.
Alors que Minerva repousse sa main, le visage du Fer-Né se ferme considérablement ; d’étranges arabesques viennent y danser, promesses d’un danger latent. La courbe rieuse de ses yeux disparaît. Il laisse alors tomber son bras, sans quitter des yeux la naufragée. Un peu de bravoure ? De révolte ? Que croit-elle, ravissante créature ? Il aurait pu lui infliger mille souffrances, sans s’éreinter ; et si elle vit en ce jour aussi confortablement, c’est en raison de son bon vouloir. Rien d’autre. À la fois irrité et surpris, le Bonfrère écoute sans broncher sa réponse. « Hm, Port-Réal ». Ah, n’est-elle pas fine, à essayer de l’amadouer par l’évocation du sel ; elle se présente comme une égale, née de la mer. En revanche, si elle pense émouvoir le Fer-Né en maudissant sa condition de femme, c’est bien mal le connaître. Gormond n’est pas misogyne, pas vraiment ; à ses yeux, seuls les actes définissent les individus, qu’importe leur genre. Assurément pour la majorité des femmes, cela n’est pas chose aisée ; mais qu’importe, avec hargne, avec passion, l’on peut se réaliser. De sa tirade courroucée, le capitaine retient trois informations : sa supposée habilité à manier les armes, sa maîtrise des soins – bien – et enfin, sa connaissance d’une langue étrangère. Soit. Un sourire aiguisé étire à nouveau les lèvres du Bonfrère, alors qu’il contemple les effets fascinants de la colère consumer son interlocutrice. Un si joli rouge à son visage, décidément. À son approche, causée par l’audace ou l’impudence, le capitaine redresse l’échine ; le menton levé, il toise Minerva, le sourire en coin toujours présent. Il n’a pas besoin de trop en faire pour irradier un sentiment de puissance et de contrôle ; les deux sont devenus un manteau qu’il revêt sans y penser, coulant prestement sur ses larges épaules. Gormond accueille sa réplique avec une indifférence feinte ; certains détails le laissent froid, mais d’autres lui parlent. « Je vois. Je veux bien vous offrir… l’asile, pour quelques mois. J’ai l’intention de longer les ports d’Essos… mais une fois revenus vers Westeros, je ne prendrai pas le risque qu’on vous reconnaisse. Il faudra partir. Je vous laisserai là où il vous plaira et vous pourrez… poursuivre vos… rêves. Avec un peu de chance, vous saurez vous tenir éloignée des broderies et d’un mari aliénant. Jusqu’alors, considérez l’océan comme un fiancé de passage ». Il ajoute, son sourire plus carnassier que jamais : « Et puis, n’êtes-vous pas favorisée par vos Dieux ? Vous aurez la chance de poser vos petites mains sur ma peau ; je mettrai à contribution votre savoir médicinal. Chanceuse », termine-t-il en étirant les voyelles d’un ton bas et intimiste. Il s’apprête à énoncer d’autres directives, quand il entend des pas résonner ; vif, il saisit Minerva par la taille et pose son autre main sur sa nuque en un geste possessif. Ses doigts viennent agripper la base de sa nuque découverte et tenant quelques mèches, il fait incliner la tête de la jeune femme vers l’arrière. Bras noué autour de son bassin, main aventurée vers son fessier, Gormond offre à l’imminent arrivant une parfaite image de soumission et de désir. Mais enfin, mascarade vaine, c’est Uron qui pénètre dans la cabine après avoir frappé deux coups à la porte. Le Bonfrère relâche alors son étreinte, car son second est dans la confidence. « Nous arrivons bientôt. Le contremaître te sollicite ». Le Fer-Né acquiesce de la tête : « Très bien, dis-lui que je règle une affaire ici bas et j’irai le trouver ». Uron s’éclipse rapidement. Le capitaine reporte son attention sur la jeune femme. « Je pense que nous pouvons trouver un terrain d’entente, hm ? ». Puis il se distance, levant le bras vers la fenêtre : « Ah, Myr ! Formidable cité. Avez-vous déjà entendu parler de ses charmes ? ».
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Après la tempête.
Gormond & Minerva
" Billows and breeze, highlands and seas, mountains of rain and sun. All that was good, all that was fair, all that was me is gone."
Au large d’Essos, 298
Minerva était en colère, elle était déstabilisée, elle avait peur. Bien qu’elle ne se l’avouait pas vraiment, le fer-né instillait en elle un sentiment de crainte, une menace sous-jacente qu’elle n’arrivait pas à identifier tant elle était cachée sous ses yeux rieurs et ses sourires. L’impétueuse jeune femme peinait à comprendre les tenants et les aboutissants de sa nouvelle condition. Elle était certes en vie, à bord d’un navire, mais cela impliquait de se plier au bon vouloir du capitaine, en bien comme en mal.
Elle aurait dû se montrer calme, distante, afin de prouver à cet homme de l’océan qu’elle ne lui causerait aucun tort et par la même occasion, qu’elle respecterait son autorité sans être intimidée par lui. Mais en rougissant, en reculant, en se dégageant, en ruant dans les brancards à la façon d’un jeune poulain, elle ne faisait que montrer au capitaine à quel point elle était touchée par ses agissements auprès d’elle.
Si elle avait eu la présence d’esprit de réaliser les erreurs qu’elle était en train de faire, sans doute aurait-elle laissé l’homme toucher son visage. Sans doute se serait-elle exprimée avec pondération. Sans doute aurait-elle décidé de répondre aux questionnements de l’homme du fer sans passer par mille détours.
Lorsqu’elle eut à affronter son regard, devenu dur, il était déjà trop tard. Elle était lancée sur la pente glissante de la colère. Son esprit à peine remis des fièvres chtoniennes qui l’avaient assailli pendant des jours ne parvenait plus à faire le tri dans ses paroles. Pourtant consciente de sa bravade, elle s’était libérée de sa colère, de tout ce qui avait toujours pesé sur elle, comme si cela allait lui permettre de repartir à neuf. Le feu de ses émotions passa dans le miroir de ses yeux. Il était tellement aisé de pouvoir lire en elle. Mauvaise menteuse, impulsive et profondément pure dans ses sentiments, Minerva n’avait jamais pu se montrer hypocrite. Elle devait encore apprendre, comprendre qu’arrondir les angles pourrait sans doute lui sauver la vie, surtout en terrain étranger. Elle poursuivit sa diatribe, portée par sa bile, jusqu’à faire le pas de trop, qui allait la stopper presque net dans son élan.
Le navigateur la toisait, le menton en avant. Son regard pers ne brillait plus de la même lueur. Un frisson parcourut soudainement la nuque de la rescapée alors qu’elle terminait sa phrase. Elle était allée trop loin. Elle s’était rendue ridicule face à cet homme qui devait facilement faire une tête et demi de plus qu’elle. Le sourire qu’il arborait lui fit rentrer la tête dans les épaules, alors qu’elle s’attendait à prendre un retour de bâton. Quelle imprudente ! Elle se serait giflée pour sa propre bêtise.
Au lieu de cela, elle recula comme elle était arrivée et se plaça même un peu plus loin de l’homme. Son indifférence l’angoissait, son sourire impitoyable lui faisait craindre le pire. Elle s’imaginait déjà, jetée et oubliée au fond d’une cale pour punir sa saute d’humeur. La réponse du capitaine l’étonna et la courbe de ses sourcils s’arqua en conséquence. La lady n’aurait certainement pas parié sur le fait qu’il la garderait à bord. Les conditions qu’il rajouta lui semblèrent tout à fait honnêtes. Le fer-né avait raison, si quelqu’un la reconnaissait à Westeros, cela ne serait pas sans conséquences pour l’équipage de la Méduse, voire même pour la paix de la Couronne. Une dame valoise retrouvée des mois après sa disparition, sur le navire d’un vassal des Greyjoy… Assurément, certains avaient déclenché des guerres pour moins que cela. En effleurant machinalement une de ses mèches de platine, elle pensa que le laps de temps que le Capitaine lui laissait serait amplement suffisant pour qu’elle puisse prévoir la suite de son voyage.
La réflexion qui s’ensuivit fit revenir le rose sur ses joues. La situation vaudevillesque, son propre ridicule et l’espèce d’humour caustique dont était empreinte la réflexion du fer-né firent naître en elle une envie de rire, qu’elle tenta de réprimer. Néanmoins, quelques éclats cristallins, incontrôlables, franchirent ses lèvres.
A nouveau, elle le regarda. Cette fois-ci, l’azur de ses iris s’était apaisé, elle inspira longuement pour retrouver son calme, alors qu’on pouvait lire en elle de la reconnaissance, une part de honte mais également un soupçon de crainte.
- Oui, vous avez raison. Lorsque nous serons à Westeros, je poursuivrai ma route, c’est ce qu’il y a de mieux à faire. Je ne tiens pas à causer du tort à votre équipage par ma présence.
Elle n’eut pas le temps d’ajouter quoi que ce soit. Les pas qui se rapprochaient donnèrent lieu à une mascarade qui rendit la jeune femme assez fébrile. Elle ne s’était pas attendue à devoir s’adonner à un tel jeu pour défendre son statut factice de concubine et pourtant, le comportement de Gormond était d’une logique implacable. Elle frémit lorsqu’il posa ses mains sur elle. Son regard de gel se posa sur le visage décidé du fer-né, alors que celui-ci s’emparait du névé de sa gorge. Se sachant incapable d’imiter le regard d’une femme en pleine exaltation et par peur de faire voler sa couverture en éclat, elle préféra fermer les yeux. La vive jeune femme était perturbée, évidemment par cette comédie, mais également parce qu’elle ne lui était pas foncièrement désagréable, ce qu’elle avait profondément honte de s’avouer. Heureusement, leur proximité ne dura pas. Reconnaissant la voix du second, Minerva se redressa vite en tirant sur son surcot pour le réajuster alors que les deux hommes échangeaient.
Une fois ce dernier reparti, elle hocha la tête lorsqu’il lui mentionna une entente possible. Consciente de ses torts, la demoiselle passa nerveusement une main dans ses cheveux sélènes.
- Vous auriez pu me laisser mourir ce jour là. Je vous dois la vie. Tant que je serai avec vous, je me plierai à vos ordres et je ferai tout pour me rendre utile.
Elle ne savait pas comment mieux exprimer son désir de ne pas causer de tort à bord de la Méduse. Minerva n’avait jamais été une femme de paroles mais d’actes. Son père le lui avait suffisamment répété lorsqu’elle était enfant. Les mots ne définissent pas ce que nous sommes, contrairement à nos actions. Lorsqu’il lui parla de la cité de Myr, la jeune femme se hasarda à passer sa tête par la fenêtre, pour observer le spectacle du grand port qui approchait. De toute sa vie, elle n’avait jamais rien vu de semblable. Soudainement, son visage semblait s’être éclairé de l’intérieur, alors qu’un sourire exalté venait parer ses lèvres fines.
- J’ai déjà lu des choses à son sujet… Je sais qu’elle est réputée pour ses étoffes, ses tapis, sa dentelle et surtout sa maîtrise de l’art du verre. J’ai entendu dire qu’ils étaient capables de créer de formidables lentilles permettant d’observer le ciel, ou d’agrandir ce que nous ne pouvons voir. J’imagine que vous venez commercer avec eux ?
Au loin, la Cité semblait s’étaler, à perte de vue. Les couleurs chaudes des bâtiments créaient un superbe camaïeu qui contrastait avec les eaux du port. C’était si différent de l’âpreté de Sisterton ! La jeune femme observait le paysage avec l’avidité d’un enfant, désireuse de graver le souvenir de cette contrée lointaine au plus profond de son esprit.
- Capitaine… Si vous le permettez, pourrais-je vous accompagner sur Myr ? Je comprendrais, si vous souhaitez me voir rester à bord de votre navire bien sûr.
Minerva n’avait pas l’intention d’objecter sur les décisions du fer-né. Plus maintenant. Mais elle n’avait pu s’empêcher de demander cette permission, en pensant que l’homme préfèrerait la savoir auprès de lui que seule sur le navire.
Alors que le bateau commençait son approche sur le port, la jeune femme massa ses tempes afin d’éloigner un mal de tête encore latent. Elle se remettait de ses fièvres, mais elle restait encore un peu convalescente. Son esprit encore embrumé avait cédé à la colère et elle se jura de ne pas recommencer de telles stupidités. Alors qu’ils allaient remonter sur le pont, elle effleura doucement le bras de celui qui lui avait sauvé la vie, afin qu’il n’ouvre pas la porte de la cabine tout de suite. Nerveusement, elle retira presque aussitôt sa main, se tint droite et replaça une mèche de ses cheveux courts derrière son visage lunaire.
- Avec tout ça, je ne vous l’ai même pas confié. Mon nom. Elle eut un petit sourire en coin dont on ne pouvait dire s’il était nostalgique ou plutôt ironique. Sunderland. « Lady » Minerva Sunderland. Je viens des Trois Sœurs, dans la Morsure.
Elle abaissa sa tête de quelques centimètres en direction du Fer-Né, comme une sorte de révérence raide, un témoin maladroit de respect, une reconnaissance de ses torts, qui sait. Lorsqu’il s’engagea dans le couloir, elle le suivit, désireuse de se rendre utile sur le pont.
Bien plus tard, alors que les marchandises fer-nées avaient été débarquées, la jeune femme suivit son Capitaine dans les rues de la Cité Libre. Tout en gardant le pas, elle ne pouvait s’empêcher d’attarder ses yeux partout, d’emplir ses narines des odeurs du marché portuaire. Les couleurs chatoyantes des tapis la ravissaient. Les tenues portées par les habitants aussi. Tout semblait plus large et fluide. Les femmes avaient l’air libre de leurs mouvements. Cela changeait des tenues corsetées et rigides en vogue à Westeros.
Elle ne se rendait pas compte que beaucoup de passants la dévisageaient, sans doute avec des idées plus ou moins avouables en tête. Il fallait dire qu’avec sa pâleur et ses cheveux si particuliers, elle détonnait dans le paysage. Pour ces gens, sans doute représentait-elle un exotisme bienvenu, sur lequel ils auraient volontiers posé les mains.
Soudain, une rumeur attira son attention. Devant elle, un attroupement autour d’un étal assez différent des autres l’intrigua. La jeune Sunderland plissa les yeux, pour découvrir que ce qui causait autant d’émoi chez la foule n’était autre qu’un étalage d’êtres humains, aux regards vides et à l’air déjà résigné.
- Des esclaves…
Le regard assombri, la jeune femme serra les poings, essayant de concentrer son regard dans le dos du capitaine pour ne pas avoir à regarder ce spectacle. Elle avait appris, autrefois, que les Cités Libres étaient friandes de ce genre de commerce. Elle se souvint aussi qu’à Myr, un homme libre avait en moyenne trois esclaves, dont ils pouvaient disposer comme des objets.
Soudainement, elle les vit, partout. Si elle n’avait, jusqu’alors, pas fait attention à eux, trop obnubilée par les couleurs et les senteurs du marché, la scène lui avait fait prendre conscience de ce que son esprit avait occulté. Des hommes, des femmes, des enfants, des vieillards, enchaînés à une vie qu’ils n’avaient pas voulue. Sous le joug d’un être qui pouvait devenir leur bourreau n’importe quand.
Un profond sentiment de culpabilité envahit soudainement le cœur de la jeune femme, alors qu’elle réalisait à quel point son attitude était égocentrique. Certes, sa vie n’avait pas été facile jusqu’ici et elle en gardait une certaine rancœur. Mais comment pouvait-elle se targuer d’être privée de liberté alors qu’il existait, de par le monde, des personnes qui souffraient de la sorte ?
- C’est injuste… elle avait prononcé cela comme pour elle-même, entre ses dents. Peut-être que le Capitaine l’avait entendue, peut-être pas. Quelle égoïste j’ai pu faire.
Elle inspira un grand coup et regarda droit devant elle, se forçant à les observer, dans les yeux. Minerva réalisa qu’elle était encore d’une douce, trop douce naïveté. Recluse dans son château et dans sa vie malgré tout confortable, elle avait été protégée de nombreuses vicissitudes du monde, qu’elle découvrait maintenant de plein fouet. Elle se trouvait pathétique.
Tout à sa réflexion, elle ne vit pas le bras puissant s’approcher d’elle et la saisir violemment. Sans qu’elle ait pu s’en rendre compte, un homme imposant, à la peau olivâtre, attrapa son visage entre ses mains et la détailla sans douceur avant de s’esclaffer et de demander, dans un patois bâtard, dérivé du Haut Valyrien.
- Elle a l’air un peu faible mais elle est plutôt jolie ! Combien pour elle ?!
La jeune femme ouvrit grand les yeux en essayant de se dégager alors que l’homme affichait un air sérieux, tapotant sa bourse en dardant un regard brillant sur le Fer-Né. Sauvagement, la rescapée dégagea son visage de ses mains moites. La prise de l’homme sur son bras lui faisait mal, il était très fort. Mais elle ne devait pas se montrer intimidée.
- Vous faites erreur, je ne suis pas à vendre !
Minerva était en colère, elle était déstabilisée, elle avait peur. Bien qu’elle ne se l’avouait pas vraiment, le fer-né instillait en elle un sentiment de crainte, une menace sous-jacente qu’elle n’arrivait pas à identifier tant elle était cachée sous ses yeux rieurs et ses sourires. L’impétueuse jeune femme peinait à comprendre les tenants et les aboutissants de sa nouvelle condition. Elle était certes en vie, à bord d’un navire, mais cela impliquait de se plier au bon vouloir du capitaine, en bien comme en mal.
Elle aurait dû se montrer calme, distante, afin de prouver à cet homme de l’océan qu’elle ne lui causerait aucun tort et par la même occasion, qu’elle respecterait son autorité sans être intimidée par lui. Mais en rougissant, en reculant, en se dégageant, en ruant dans les brancards à la façon d’un jeune poulain, elle ne faisait que montrer au capitaine à quel point elle était touchée par ses agissements auprès d’elle.
Si elle avait eu la présence d’esprit de réaliser les erreurs qu’elle était en train de faire, sans doute aurait-elle laissé l’homme toucher son visage. Sans doute se serait-elle exprimée avec pondération. Sans doute aurait-elle décidé de répondre aux questionnements de l’homme du fer sans passer par mille détours.
Lorsqu’elle eut à affronter son regard, devenu dur, il était déjà trop tard. Elle était lancée sur la pente glissante de la colère. Son esprit à peine remis des fièvres chtoniennes qui l’avaient assailli pendant des jours ne parvenait plus à faire le tri dans ses paroles. Pourtant consciente de sa bravade, elle s’était libérée de sa colère, de tout ce qui avait toujours pesé sur elle, comme si cela allait lui permettre de repartir à neuf. Le feu de ses émotions passa dans le miroir de ses yeux. Il était tellement aisé de pouvoir lire en elle. Mauvaise menteuse, impulsive et profondément pure dans ses sentiments, Minerva n’avait jamais pu se montrer hypocrite. Elle devait encore apprendre, comprendre qu’arrondir les angles pourrait sans doute lui sauver la vie, surtout en terrain étranger. Elle poursuivit sa diatribe, portée par sa bile, jusqu’à faire le pas de trop, qui allait la stopper presque net dans son élan.
Le navigateur la toisait, le menton en avant. Son regard pers ne brillait plus de la même lueur. Un frisson parcourut soudainement la nuque de la rescapée alors qu’elle terminait sa phrase. Elle était allée trop loin. Elle s’était rendue ridicule face à cet homme qui devait facilement faire une tête et demi de plus qu’elle. Le sourire qu’il arborait lui fit rentrer la tête dans les épaules, alors qu’elle s’attendait à prendre un retour de bâton. Quelle imprudente ! Elle se serait giflée pour sa propre bêtise.
Au lieu de cela, elle recula comme elle était arrivée et se plaça même un peu plus loin de l’homme. Son indifférence l’angoissait, son sourire impitoyable lui faisait craindre le pire. Elle s’imaginait déjà, jetée et oubliée au fond d’une cale pour punir sa saute d’humeur. La réponse du capitaine l’étonna et la courbe de ses sourcils s’arqua en conséquence. La lady n’aurait certainement pas parié sur le fait qu’il la garderait à bord. Les conditions qu’il rajouta lui semblèrent tout à fait honnêtes. Le fer-né avait raison, si quelqu’un la reconnaissait à Westeros, cela ne serait pas sans conséquences pour l’équipage de la Méduse, voire même pour la paix de la Couronne. Une dame valoise retrouvée des mois après sa disparition, sur le navire d’un vassal des Greyjoy… Assurément, certains avaient déclenché des guerres pour moins que cela. En effleurant machinalement une de ses mèches de platine, elle pensa que le laps de temps que le Capitaine lui laissait serait amplement suffisant pour qu’elle puisse prévoir la suite de son voyage.
La réflexion qui s’ensuivit fit revenir le rose sur ses joues. La situation vaudevillesque, son propre ridicule et l’espèce d’humour caustique dont était empreinte la réflexion du fer-né firent naître en elle une envie de rire, qu’elle tenta de réprimer. Néanmoins, quelques éclats cristallins, incontrôlables, franchirent ses lèvres.
A nouveau, elle le regarda. Cette fois-ci, l’azur de ses iris s’était apaisé, elle inspira longuement pour retrouver son calme, alors qu’on pouvait lire en elle de la reconnaissance, une part de honte mais également un soupçon de crainte.
- Oui, vous avez raison. Lorsque nous serons à Westeros, je poursuivrai ma route, c’est ce qu’il y a de mieux à faire. Je ne tiens pas à causer du tort à votre équipage par ma présence.
Elle n’eut pas le temps d’ajouter quoi que ce soit. Les pas qui se rapprochaient donnèrent lieu à une mascarade qui rendit la jeune femme assez fébrile. Elle ne s’était pas attendue à devoir s’adonner à un tel jeu pour défendre son statut factice de concubine et pourtant, le comportement de Gormond était d’une logique implacable. Elle frémit lorsqu’il posa ses mains sur elle. Son regard de gel se posa sur le visage décidé du fer-né, alors que celui-ci s’emparait du névé de sa gorge. Se sachant incapable d’imiter le regard d’une femme en pleine exaltation et par peur de faire voler sa couverture en éclat, elle préféra fermer les yeux. La vive jeune femme était perturbée, évidemment par cette comédie, mais également parce qu’elle ne lui était pas foncièrement désagréable, ce qu’elle avait profondément honte de s’avouer. Heureusement, leur proximité ne dura pas. Reconnaissant la voix du second, Minerva se redressa vite en tirant sur son surcot pour le réajuster alors que les deux hommes échangeaient.
Une fois ce dernier reparti, elle hocha la tête lorsqu’il lui mentionna une entente possible. Consciente de ses torts, la demoiselle passa nerveusement une main dans ses cheveux sélènes.
- Vous auriez pu me laisser mourir ce jour là. Je vous dois la vie. Tant que je serai avec vous, je me plierai à vos ordres et je ferai tout pour me rendre utile.
Elle ne savait pas comment mieux exprimer son désir de ne pas causer de tort à bord de la Méduse. Minerva n’avait jamais été une femme de paroles mais d’actes. Son père le lui avait suffisamment répété lorsqu’elle était enfant. Les mots ne définissent pas ce que nous sommes, contrairement à nos actions. Lorsqu’il lui parla de la cité de Myr, la jeune femme se hasarda à passer sa tête par la fenêtre, pour observer le spectacle du grand port qui approchait. De toute sa vie, elle n’avait jamais rien vu de semblable. Soudainement, son visage semblait s’être éclairé de l’intérieur, alors qu’un sourire exalté venait parer ses lèvres fines.
- J’ai déjà lu des choses à son sujet… Je sais qu’elle est réputée pour ses étoffes, ses tapis, sa dentelle et surtout sa maîtrise de l’art du verre. J’ai entendu dire qu’ils étaient capables de créer de formidables lentilles permettant d’observer le ciel, ou d’agrandir ce que nous ne pouvons voir. J’imagine que vous venez commercer avec eux ?
Au loin, la Cité semblait s’étaler, à perte de vue. Les couleurs chaudes des bâtiments créaient un superbe camaïeu qui contrastait avec les eaux du port. C’était si différent de l’âpreté de Sisterton ! La jeune femme observait le paysage avec l’avidité d’un enfant, désireuse de graver le souvenir de cette contrée lointaine au plus profond de son esprit.
- Capitaine… Si vous le permettez, pourrais-je vous accompagner sur Myr ? Je comprendrais, si vous souhaitez me voir rester à bord de votre navire bien sûr.
Minerva n’avait pas l’intention d’objecter sur les décisions du fer-né. Plus maintenant. Mais elle n’avait pu s’empêcher de demander cette permission, en pensant que l’homme préfèrerait la savoir auprès de lui que seule sur le navire.
Alors que le bateau commençait son approche sur le port, la jeune femme massa ses tempes afin d’éloigner un mal de tête encore latent. Elle se remettait de ses fièvres, mais elle restait encore un peu convalescente. Son esprit encore embrumé avait cédé à la colère et elle se jura de ne pas recommencer de telles stupidités. Alors qu’ils allaient remonter sur le pont, elle effleura doucement le bras de celui qui lui avait sauvé la vie, afin qu’il n’ouvre pas la porte de la cabine tout de suite. Nerveusement, elle retira presque aussitôt sa main, se tint droite et replaça une mèche de ses cheveux courts derrière son visage lunaire.
- Avec tout ça, je ne vous l’ai même pas confié. Mon nom. Elle eut un petit sourire en coin dont on ne pouvait dire s’il était nostalgique ou plutôt ironique. Sunderland. « Lady » Minerva Sunderland. Je viens des Trois Sœurs, dans la Morsure.
Elle abaissa sa tête de quelques centimètres en direction du Fer-Né, comme une sorte de révérence raide, un témoin maladroit de respect, une reconnaissance de ses torts, qui sait. Lorsqu’il s’engagea dans le couloir, elle le suivit, désireuse de se rendre utile sur le pont.
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Bien plus tard, alors que les marchandises fer-nées avaient été débarquées, la jeune femme suivit son Capitaine dans les rues de la Cité Libre. Tout en gardant le pas, elle ne pouvait s’empêcher d’attarder ses yeux partout, d’emplir ses narines des odeurs du marché portuaire. Les couleurs chatoyantes des tapis la ravissaient. Les tenues portées par les habitants aussi. Tout semblait plus large et fluide. Les femmes avaient l’air libre de leurs mouvements. Cela changeait des tenues corsetées et rigides en vogue à Westeros.
Elle ne se rendait pas compte que beaucoup de passants la dévisageaient, sans doute avec des idées plus ou moins avouables en tête. Il fallait dire qu’avec sa pâleur et ses cheveux si particuliers, elle détonnait dans le paysage. Pour ces gens, sans doute représentait-elle un exotisme bienvenu, sur lequel ils auraient volontiers posé les mains.
Soudain, une rumeur attira son attention. Devant elle, un attroupement autour d’un étal assez différent des autres l’intrigua. La jeune Sunderland plissa les yeux, pour découvrir que ce qui causait autant d’émoi chez la foule n’était autre qu’un étalage d’êtres humains, aux regards vides et à l’air déjà résigné.
- Des esclaves…
Le regard assombri, la jeune femme serra les poings, essayant de concentrer son regard dans le dos du capitaine pour ne pas avoir à regarder ce spectacle. Elle avait appris, autrefois, que les Cités Libres étaient friandes de ce genre de commerce. Elle se souvint aussi qu’à Myr, un homme libre avait en moyenne trois esclaves, dont ils pouvaient disposer comme des objets.
Soudainement, elle les vit, partout. Si elle n’avait, jusqu’alors, pas fait attention à eux, trop obnubilée par les couleurs et les senteurs du marché, la scène lui avait fait prendre conscience de ce que son esprit avait occulté. Des hommes, des femmes, des enfants, des vieillards, enchaînés à une vie qu’ils n’avaient pas voulue. Sous le joug d’un être qui pouvait devenir leur bourreau n’importe quand.
Un profond sentiment de culpabilité envahit soudainement le cœur de la jeune femme, alors qu’elle réalisait à quel point son attitude était égocentrique. Certes, sa vie n’avait pas été facile jusqu’ici et elle en gardait une certaine rancœur. Mais comment pouvait-elle se targuer d’être privée de liberté alors qu’il existait, de par le monde, des personnes qui souffraient de la sorte ?
- C’est injuste… elle avait prononcé cela comme pour elle-même, entre ses dents. Peut-être que le Capitaine l’avait entendue, peut-être pas. Quelle égoïste j’ai pu faire.
Elle inspira un grand coup et regarda droit devant elle, se forçant à les observer, dans les yeux. Minerva réalisa qu’elle était encore d’une douce, trop douce naïveté. Recluse dans son château et dans sa vie malgré tout confortable, elle avait été protégée de nombreuses vicissitudes du monde, qu’elle découvrait maintenant de plein fouet. Elle se trouvait pathétique.
Tout à sa réflexion, elle ne vit pas le bras puissant s’approcher d’elle et la saisir violemment. Sans qu’elle ait pu s’en rendre compte, un homme imposant, à la peau olivâtre, attrapa son visage entre ses mains et la détailla sans douceur avant de s’esclaffer et de demander, dans un patois bâtard, dérivé du Haut Valyrien.
- Elle a l’air un peu faible mais elle est plutôt jolie ! Combien pour elle ?!
La jeune femme ouvrit grand les yeux en essayant de se dégager alors que l’homme affichait un air sérieux, tapotant sa bourse en dardant un regard brillant sur le Fer-Né. Sauvagement, la rescapée dégagea son visage de ses mains moites. La prise de l’homme sur son bras lui faisait mal, il était très fort. Mais elle ne devait pas se montrer intimidée.
- Vous faites erreur, je ne suis pas à vendre !
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