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[FB] "All men dream, but not equally" | Daemon

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"All men dream, but not equally"

An 284, Lune 6, Semaine 2



Daemon & Ryon

Les naseaux de la monture exhalait un souffle de buffle, alors que ses yeux bruns roulaient dans ses orbites cerclées d’encre, en en laissant voir le blanc. L’ordre du mords était venu étrangler sa course, l’obligeant à ralentir, puis à s’arrêter. L’homme qui le chevauchait jaugeait l’horizon, le visage caché par un turban noir  dont le vent faisait frémir l’étoffe. Devant lui se dessinait un paysage qui aurait semblé aussi poétique que terrifiant pour quiconque n’y était pas né. Les rayons ardents du soleil de Dorne frappaient sur le désert comme sur une enclume. La chaleur éreintante n’était pourtant pas un mal difficile à supporter, quand on avait grandit dans le sable et les roches. On ne s’y habituait jamais, mais on apprenait à vivre avec. L’impression de néant donnait une atmosphère toute particulière au désert. Et l’on disait qu’il n’y avait que les dorniens pour s’y complaire. Les dorniens et les fous. Car le désert n’était rien, et aucun homme ne désirait ce qui n’était rien. Talonnant son coursier, Ryon s’attendait à ce que ce dernier obtempère comme à l’accoutumé. Mais il n’en fut rien. Se figeant sur ses appuis, l’animal levait nerveusement sa longue tête en renaclant, son échauffement soudain aussitôt imité par le deuxième pur-sang, dépourvu de cavalier, mais dont la longe était tenue par la main du dornien. Poussant sa monture à coup de talons, cette dernière ne broncha pas. Mais si le gris que l’héritier de la Grâcedieu chevauchait préférait s’entêter dans son immobilisme, ce ne fût pas le cas du jeune entier qui n’avait aucun maître sur le dos pour le calmer. D’un bond ce dernier fit un écart, la violence et la force de l’animal tirant le dornien hors de ses étriers. Jeté à terre, le sable ne tarda pas à se glisser dans le turban de l’Allyrion, et il en avala même, le temps qu’il mit à se remettre debout, alors qu’il se retrouvait face à l’étalon bai de nouveau serein. Le museau de l’animal frôlait le sol et il semblait s’amuser à caresser la surface du sable de son souffle silencieux, comme si rien ne s’était passé. Débarrassant son visage de la poussière, Ryon alla se saisir des rênes qui étaient remontées sur la crinières grisonnante de son pur-sang, quand son regard tomba sur une forme distincte des courbes habituellement dessinées par le relief des dunes. Un squelette. Semblant surgir du sable, les os du thorax d’un animal s’ouvraient comme une gueule menaçante à quelques pas à peine. Sans attendre davantage, il se remit en selle.

La route avait été longue. Parti alors que l’aube n’était pas encore là, l’astre du jour déclinait quand il arriva enfin. Le camp installé par les marchands et les nomades accueillait plusieurs caravanes, son oeil averti n’avait pas tardé à repérer les accoutrements et les marchandises empaquetées qui auraient parues semblables à un homme qui n’avait pas connaissance de ce monde à part. Les rayons faiblissant traversaient les étoffes richement colorées des tentes, filtres brodés et peints de motifs comme on en voyait qu’à Dorne. Les feux étaient allumés, mais leurs flammes ne servaient pas encore à éclairer, au lieu de ça de nombreux plats mijotaient en vue du dîner. Les rires contagieux des hommes assis en cercle ou s’occupant de leurs bêtes résonnaient dans la quiétude du paysage figé qui les entourait. Au pied d’un abreuvoir, on avait posé un chargement encombrant sur une civière, et qu’un garçon freluquet tentait maladroitement de déplacer pour faciliter l’accès à l’eau pour les animaux de bât qui le bousculaient dans leur hâte de boire. La ligne racée des deux pur-sang contrastaient avec l’allure plus simple des chevaux à côtés desquels il passait, rendant le cavalier et ses animaux particulièrement remarquables. Mais l’arrivée de l’Héritier Allyrion ne déclencha nulle surprise. Des saluts chaleureux vinrent simplement accompagner sa progression jusqu’à une tente plus imposante que les autres. Laissant ses chevaux aux soins de deux jeunes gens, une petite fille ne tarda pas à se présenter devant les deux montures, leur tendant des poignées de paille alors que les entiers baissaient leur élégante tête vers la nourriture. Découvrant son visage du turban qui l’avait protégé du soleil toute la journée durant, Ryon entra en écartant de son bras la tenture qui faisait office de porte.
Une porte qui n’était jamais scellée, ni interdite à quiconque car ici les échelons  ne définissaient pas de barrières. “Ryon! Je croyais que tu ne reviendrai jamais!” L’homme assis au milieux de coussins avait laissé éclater un rire tonitruant avant de se lever pour s’avancer vers l’Allyrion. “Quel plaisir de te voir mon jeune ami!” Disant cela il lui offrait une accolade d’une force que son grand âge ne laissait pas soupçonner. Fort d’un vie et d’un âge dont l’exactitude s’était perdue dans le mouvement incessant du désert, l’homme au visage creusé par le temps et à la peau usée par le soleil ressemblait presque à une momie. Sur son menton autrefois fourni d’une barbe respectable ne poussait plus que quelques poils blancs et dru à la manière d’un porc-épic. “Moi aussi je suis heureux te voir, Jaccor. Comment vas-tu?” “Ha! C’est plutôt à moi de te demander cela. Tu ne sais pas l’inquiétude que s’est faite Salna en te voyant. Depuis elle ne cesse de me parler de toi et de tes cheveux blancs!” S’eloignant d’un pas de grenadier, le dornien alla se saisir de deux verres décorés qu’il remplit de thé avant d’en tendre un à son invité. “Enfin, tu as meilleure mine que la dernière fois, c’est déjà ça.” “Tout le monde ne peut pas être comme toi, mes petits-enfants se marieront que tu seras encore vautré dans ton oasis.” Un sourire discret s’était étiré sur les lèvres de l’Allyrion, alors que le vieil homme prenait un air faussement vexé. “Sans moi les routes de Dorne ne seraient pas ce qu’elles sont et personne ne saurait faire ce travail mieux que moi tu le sais bien.” “Je le sais bien Jaccor.” “Cependant. vautré oui, dans une oasis. Je n’ai pas fait la guerre moi.”Humant la vapeur qui émanait du thé, le jeune homme en apprécia le parfum avant de porter le verre à ses lèvres, et de boire. Le regard maquillé de noir du vieillard se posait d’un air plus grave sur le visage de l’Heritier Allyrion avant de soudainement redevenir jovial. “Tu veux peut-être voir ton fils?”

Arpentant le camp aux côtés du vieux dornien, Ryon posait sur la vie qui l’entourait un regard plein de la nostalgie de sa jeunesse passée. “Comment l’as-tu trouvé?” “Le garnement qui te sert de fils? Si tu veux que je réponde honnêtement, c’est un vrai démon! Quand tu m’as dis que tu voulais me le laisser quelques lunes, je te trouvais un peu dur dans l'éducation que tu lui imposais, mon épouse aussi. Elle croyait que la guerre t’avais rendu plus sévère encore qu’autrefois!” S’asseyant à la place qui lui était perpétuellement réservée, celle d’où il pouvait le mieux apprécier le paysage de l’oasis, le vieux Jaccor invita l’Allyrion à prendre place à ses côtés. Tout en saluant d’un signe de tête quelque uns des hommes déjà installés autours du feu, Ryon questionna son vieil ami : “A-t-elle changé d’avis?” “Disons que...nous avons reconsidéré ce que tu nous avais dit alors. Faites le chercher, son père le Sir Ryon est ici.” L’ordre qu’il donna était destiné à un de ses petits enfants, qui ne devait pas être beaucoup plus jeune que l’héritier de la Grâcedieu. Le petit-fils de Jaccor disparu dans l’agitation de la foule qui grouillait autours de la flambée, alors que le soleil dispensait ses tout derniers rayons.


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All men dream, but not equally

An 284, Lune 6, Semaine 2



Ryon&Daemon

Sous son regard baissé, le sable glissait le long de la dune en de petites avalanches de poussière crayeuse. Perdu dans ses pensées, endormi par la chaleur, le jeune Sand regardait ses pieds tracer leur route, un pas après l'autre. Il ne détourna pas les yeux lorsque la longe qu'il tenait claqua soudain contre son bras alors que son compagnon s'ébrouait. Au dessus de son épaule, le mufle pendant du dromadaire se suspendit paresseusement au bout de son interminable cou, soufflant régulièrement sur sa joue. Ce dernier entrouvrit la gueule pour laisser fuir un grondement plaintif tout en couvant le dornien de ses yeux noirs ourlés de longs cils pâles. D'un geste absent, la main du jeune garçon s'applatit un instant sur le muffle chaud de l'animal pour le repousser doucement et l'éloigner de son visage. L'animal était atrocement laid. Il se dégageait de lui l'odeur rance du vieux cuir, du sable froid, de la poussière propre aux bêtes; un parfum âcre qui s'était collé sur le lin blanc de son vêtement. Avec ses grandes pattes aux genoux cagneux, son pas lascif et ses gestes mesurés, Daemon ne pouvait imaginer créature plus irritante. Néanmoins, la lueur idiote de son regard sombre n'était pas dénué de douceur et, malgré tout ce qu'il pouvait juger indigne chez le grand animal, le bâtard avait fini par s'y attacher.
Il avait passé la journée avec lui, ainsi qu'avec les trois hommes qui marchaient à ses côtés et qui tenaient leurs propres bêtes en main. Le jeune brun ne leur avait accordé que quelques mots, se contentant la plupart du temps d'aquiescer d'un menton agacé lorsqu'il ne se murait tout simplement pas dans le silence entêté et patient dont il avait fait son apanage. Si la matinée avait été consacrée à lui apprendre les rudiments de l'entretien d'un dromadaire, un changement s'était opéré chez ses professeurs dès lors qu'il avait été question de commencer à lui enseigner les différentes routes et comment les emprunter pour ne pas fatiguer son compagnon. Si le mutisme du bâtard avait jusque là pu passer pour une politesse teinté de timidité, les nomades enturbannés n'avaient pas été dupes de sa bouderie désobligeante et s'en étaient ennuyés très vite, habitués qu'ils étaient désormais au caractère sauvage de leur jeune invité. Tout le long de l'après midi ils s'étaient donc contenté de le laisser bouder dans son coin, espérant sans doute que sur leur chemin l'ennui deviendrait suffisament pesant pour pousser le garçon à s'interesser à ce qu'ils tentaient de lui enseigner. Malgré ces heures déplaisantes, retrouver les rumeurs joyeuses du campement lui inspirait des sentiments contraires de soulagement et d'accablement mélés. Ce n'est pas ma maison... se désola-t-il en entendant l'un de ses maîtres s'exclamer joyeusement. C'était le nomade qui marchait à ses côtés. Il avait la peau brune et le fils de Ryon ne se souvenait pas avoir vu le visage ridé qu'il cachait sous un foulard au bleu passé. Il avait aussi une voix  railleuse, ce qui donnait l'impression que chaque phrase qu'il prononçait était une moquerie. Les vieillards avaient d'ailleurs leur propre dialecte. C'était un parlé chantant et rude, héritier de la langue que les dorniens parlaient avant d'adopter celle qu'employait tout le reste du continent. Un vestige du temps des tribus avant l'arrivée de la reine Nymeria, un baragouinage aussi désagréable que frustrant pour le jeune garçon.
Aussi, il arrivait souvent que le bâtard se perdit facilement dans ses propres pensées pour échapper à la millième conversation a laquelle il n'entendait rien. Ce fut alors, entre deux phrases aux accents gutturaux, qu'une main chaude se posa sur son épaule, le rappelant soudain à la réalité. "Daemon", prononça simplement le nomade. Ils échangèrent un regard, et la main quitta doucement son épaule après une dernière pression rassurante de ses doigts calleux.

Ils passèrent un groupe d'enfant qui se régalait déjà de quelques dattes subtilisées au repas du soir. En croisant son regard trop bleu, leurs lèvres poisseuses de sucre et de miel s'étirèrent en des sourires malicieux et ils étouffèrent leur rire complice avec les restes de leur butin, partant sans un regard pour la cible de leurs moqueries. S'ils ne pouvait le voir, Daemon, les joues rouges, fusilla leurs dos d'un regard noir. On avait essayé à l'aube de le parer ainsi que les jeunes filles nomades aimaient à voir leurs hommes. S'il avait accepté à contrecoeur les manchettes d'argent battu, le garçon s'était soudain cabré lorsque l'un des adolescents qui l'entouraient s'était mis à souligner ses yeux du trait de khol qui ourlait les yeux sombres de tous les nomades. "Je ne suis pas une fille!" avait-il farouchement protesté avant de partir en trombe. Loin de prendre ombrage de se voir ainsi crier au visage, les jeunes gens avaient ri à l'unisson, visiblement ravi de voir leur petit invité sortir du mutisme buté qu'il avait adopté en leur présence. D'un geste rageur, les cordages colorés de pourpre et de bleu dont on avait entortillé son turban avaient été arrachés et jeté à bas dans le sable encore frais, aussitôt suivis par le turban auquel ils étaient emmelés et avaient été laissés là, abandonnés derrière lui. Les bracelets brillaient encore à ses poignets, mais du maquillage ne subsistaient plus que des ombres grisées, et des estafilades de poudre qui étiraient son regard clair.

Délaissant le grand dromadaire à des mains plus expertes, le bâtard parti s'égarer dans le campement, sans autre but que de rester seul le plus longtemps possible avant l'inévitable rassemblement du diner. Presque instinctivement son chemin se dirigea vers les abreuvoirs. Les dos frémissants des chevaux et des dromadaires étaient en vue lorsqu'un détail lui fit froncer ses fins sourcils bruns. Sous ses cheveux presque noirs, son expression fermée changea, et se mua en un étonnement sincère.

"Gamil?" prononça sa voix incrédule, rendue plus fluette qu'à l'ordinaire par la surprise.

Son pas se fit plus rapide à mesure qu'il approchait, et, reconaissant parmi les silhouettes ordinaires des animaux de bat l'allure princière du destrier de son père il enfourcha l'étalon gris, déterminé à regagner la Grâcedieu sur son dos. Ce dernier gardait sa tête gracile dans l'abreuvoir et releva lentement le museau en sentant le petit corps léger se tortiller sur son dos.
Daemon avait toujours été imprévisible. Ses longues périodes de calme souverain étaient ponctuées de décisions aussi immédiates qu'elles étaient ardentes, son caractère secret aussi, tendait à le rendre particulièrement imprédictible. Mais il devait l'être moins qu'on le disait souvent puisqu'il n'eut qu'à peine le temps de tenir l'assise sur le dos du destrier pâle qu'on le faisait déjà glisser de l'autre côté pour l'en faire descendre. Deux mains fermes et robustes refermées comme un étaut autour de ses frêles épaules, et ses jambes qui s'agitèrent un instant dans le vide. Bien qu'il chercha activement à abattre son pied sur celui qui le retenait, ce fut le flanc de l'animal qu'il frappa d'un coup sec et déterminé, auquel l'étalon répondit d'un hénissment offusqué en décalant son grands corps, marquant un effet de domino qui dérangea toutes les autres bêtes qui étaient venues boire.

"Pas si vite, jeune homme!"Fit la voix calme et amusée d'Auda.  Le petit-fils du chef du clan avait la peau cuivrée, le visage carré et aimable, et les yeux les plus noirs qu'il eut jamais vu."Ton père t'attend."Acheva-t-il en le reposant à terre, ne manquant pas de le retenir près de lui et de le guider d'une main solidement refermée sur son épaule. Je sais, se retint-il de marmonner.

Tandis qu'ils slalommaient entre les tentes, les jeunes femmes au bras chargés de victuailles, Daemon se remémora le triste jour qui l'avait mené parmi ces gens. A l'heure où sa grand-mère avait finalement accepté de lui laisser apprendre à manier l'épée, ils étaient parti à l'aube à la rencontre de ces nomades qui semblaient connaître son père. Le Sand avait été heureux, bien qu'intimidé, de cette rencontre qu'il pensait éphémère, persuadé qu'elle n'était qu'une étape vers le fief où il était promis en tant que page. Secrètement, il avait prié. Les Uller, il faut que ce soit eux. Allons à Denfert. Mais ils n'avaient jamais vu la forteresse rouge du père de son ami, et trois Lunes s'étaient écoulées depuis qu'il avait été laissé aux mains de ces hommes et de ces femmes dont il ignorait tout alors. Les jours étaient passés, mais pas la rancune. Et elle ressurgissait, brillante comme une lame dans son regard, crevant son visage fermé de deux éclairs bleus qui étaient tout dévoués à foudroyer la silhouette noire de l'héritier de Delonne. Auda et lui arrivèrent bientôt à hauteur du patriarche et du père du bâtard.

"Le voici, Ser." La main le poussa devant lui. Autour d'eux les rumeurs des discussions dans l'attente du repas grondait doucement comme le ressac paisible de la mer, rythmé ici et là par les quelques notes de musiques et de chant que certains se plaisaient à esquisser, ou encore par le braiement d'un dromadaire qui baillait.  "Je l'ai trouvé près de vos montures. Il voulait vous acceuillir là bas mais j'ai du le guider jusqu'ici pour qu'il puisse vous présenter ses respects dignement, ainsi qu'il l'entendait." Auda était ainsi. C'était un homme à l'apparence aimable, discipliné et doté d'un coeur tendre qui savait qu'il n'était jamais trop tard pour donner une deuxième chance à quelqu'un ou pour lui permettre de se rattraper. Mais le bâtard n'avait que faire de sa main tendue. Son silence redoutable parla pour lui à cet instant. Autour d'eux, les hommes observaient le gamin d'un oeil circonspect. Tous respectaient profondément Ryon -bien que son fils ignora parfaitement pourquoi- et leurs mines désapprouvaient gravement le comportement du bâtard.

"Ne fais pas l'enfant Daemon, salut ton père" Résonna soudain la voix intransigeante de l'ainé de Jaccor, tandis que des murmures désapprobateurs commençaient à se faire entendre tel un nid de serpents. L'interessé ne lui accorda pas un regard, mais sa remarque enclencha aussitôt sa colère.

"L'enfant, c'est lui!" s'exclama-t-il d'une voix rauque. Non content de son insolence, son pied fouilla le sable et d'un coup sec, il envoya une giclée de poussière devant lui. Aussi vite, il se sentit tiré en arrière par les mains d'Auda qui le garda prudemment contre lui, comme de peur qu'il ne se jeta sur son père. Son irrespect ne fut pas bien accueilli par ses hôtes, et plusieurs nomades se tortillèrent sur leurs fessiers en grondant leur réprobation, leur regard voguant du père au fils au rythme des murmures qu'ils s'échangeaient entre eux. Le bâtard nota tout de même que l'un des arrière-petit-fils de Jaccor, qui devait avoir le même âge que lui, s'était même levé. Dressé de toute sa hauteur d'enfant, il serrait des poings rageurs et foudroyait du regard celui qui avait osé salir son aieul. Heureusement -si tant était qu'un tel geste puisse avoir un dénouement heureux- le garçon était suffisament loin pour que la sible ne fut qu'à peine éclaboussée. Si le sable était destiné à son père, et uniquement à lui, il atteint aussi les hommes assis à côté de lui. Plantant son regard dans l'onyx des yeux de son géniteur, il entendit derrière lui des gens ricaner: "Au moins on sait qu'il parle maintenant". Il se doutait que les rires étouffés étaient ceux de ses vieux professeurs de la journée.






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An 284, Lune 6, Semaine 2



Daemon & Ryon

Sans un mot, le fils du vieillard s'était eclipsé telle une ombre au milieu de la vie qui grouillait autours du feu. Paraissants sortir de nulle part, des dizaines d'hommes, de femmes et d'enfants peuplaient désormais le centre du camp, tous venus partager le dinner de mets modestes mais généreux en quantité qui s'apprêtait à être servi. La lumière du jour déclinait, et la chaleur viendrait dès lors du sable qui s'en était gorgé toute la journée durant. L'Allyrion leva d'un geste lent sa tasse vers le jeune garçon à qui l'on avait assigné la tâche de veiller à étancher la soif de ceux qui jouissaient du privilège de l'âge ou, comme c'était le cas de l'héritier, d'un sang noble. "Un sacré gredin ton fils, si tu veux mon avis." Le vieux Jaccor machonnait quelques fruits secs en attendant que le festin du jour soit servi, pendant que son noble ami sirotait le thé qui se boirait tout le long du repas. Dans un camps de marchands, le vin qui dormait dans les paquetages ne se consommait pas, il se vendait. "Mais je ne pense pas qu'il soit beaucoup changé par rapport à comment tu nous l'as laissé. Et je dis cela pour ne pas te faire peur en disant que cela a peut-être même empiré." Voyant que son interlocuteur restait borné dans un silence que le vieux dornien avait autrefois appris à supporter, il attendit sans le quitter des yeux que ce dernier daigne manifester d'un mot, d'un geste, ou d'un soupir le fond de ses pensées. Ses machoires émaciées mastiquant les dernières friandises que contenait un bol rougeatre, le patriarche tendit ce dernier à un garçon qui devait être un des ses nombreux petit-enfants. "Je te connais Ryon, tu avais une idée en l'amenant ..." "Ryon!"Interropant le vieil homme, un dame pas beaucoup moins âgée que Jaccor fit irruption derrière les deux hommes, s'agenouillant pour venir prendre entre ses mains le visage de l'héritier de la Grâcedieu, avant de se raviser de ce geste maternel et qu'elle jugeait sans doute trop familier. Son visage harmonieux et doux était encadré de voiles colorés, ainsi que de mèches grises qui avaient été soigneusement tressées. Son regard aux prunelles pâlies par le temps brillait d'un inquiétude sincère qui n'avait pas besoin de mots pour être exprimée. "Nous parlions." D'un ton abrupt le vieillard avait haussé ses sourcils broussailleux d'un air hautain. "Pourquoi ne m'as-tu pas dit qu'il était ici?!" "Je t'ai envoyé un des garçons." Grommela le vieux dornien. "Menteur. Menteur." Pointant sur son mari un doigt accusateur et autoritaire, Salna, que tous dans le camps appelaient "l'Ancienne", semblait poignarder son homme de ses yeux grands ouverts. Le manège du vieux couple arracha un sourire à l'Allyrion, quand les hommes autours d'eux riaient dans leurs barbes en posant sur Jaccor des yeux moqueurs. "Comment vas-tu Ryon?" "Il va bien, il va bien! Mais il a faim. Très Faim.""Laisse le donc parler vieux gredin, ou c'est toi qui ira remplacer le mouton sur la broche!""Oserais-tu affamer le fils de Delonne Allyrion, Salna? Ton futur Lord? Crois-tu qu'il sera aussi gentil avec toi lorsqu'il se souviendra de ce soir où tu l'avais laissé, lui et son vieil ami Jaccor, dépérir au milieu du désert, à attendre un dinner qui ne vint jamais?" Se relevant, la dornienne fit tinter ses bracelets en époussetant le sable de ses genoux, et droit comme une statue, elle planta sur le sommet du crâne de son mari un regard aussi noble que méprisant. "Que les Dieux se montrent cléments envers lui et lui épargnent de t'avoir alors encore pour sujet, vieille bourrique!"Quittant la lumière du feu, la silhouette de l'épouse de Jaccor disparue dans la foule qu'elle avait laissée hilare. Le patriarche lui-même ne put se retenir de rire à la tirade venimeuse de sa femme, bien qu'il baissa d'abord la tête pour cacher son sourire. Lorsque les rires se calmèrent, les discussions des petits groupes qui s'étaient formés naturellement reprirent, la rumeurs des rires et des voix qui se mélaient formant un joyeux chaos sonore tout autour du grand feu. Se penchant vers l'Allyrion pour n'être entendu que de lui, le vieux dornien parla d'un voix basse et rocailleuse. "Vraiment. Qu'espérais-tu en l'emmenant ici? Cet enfant n'est pas fait pour vivre ici. Il n'est pas toi Ryon. C'est ton fils, mais il n'est pas comme toi."

Le retour du petit-fils de Jaccor, Auda, coupa toute réponse qu'aurait pu servir Ryon à son vieil ami. Le dornien tenait fermement les épaules du garçon qui était le sujet de leur échange, et ce dernier paraissait d'humeur peu commode, comme à son habitude. Le caractère difficile de son fils bâtard s'était autant plié aux règles strictes qui guidaient le quotidien des lords de la Grâcedieu qu'il avait le talent d'user de chaque faille pour faire exploser ce que la sévérité de Delonne cherchait en vain à contenir. Le mensonge du nomade n'échappa pas à l'Allyrion, bien que ce dernier n'en laissa rien deviner. Son regard noir restait désespérément indéchiffrable pour ceux qui ne le connaissaient pas assez. Le vieux Jaccor s'était tourné vers les nouveaux arrivant, quand l'Héritier de la Grâcedieu s'était contenté de lever ses prunelles sombres vers son unique enfant, dégustant un nouvelle gorgée du thé encore fumant, en attendant des salutations qui ne viendraient jamais. Ryon n'avait plus guère besoin de connaître les détails du séjour de son rejeton pour savoir ce qu'il en était, l'attention nerveuse et globale que suscitait son arrivée suffisait amplement. A la droite de l'Allyrion, la voix de son voisin se fit entendre, mais l'ordre cogna contre le mur qu'était l'entêtement du bâtard. Pour toute réponse, le garçon offrit une insulte peu adroite, mais surtout un geste qui envoya sur le fils de Delonne et ses voisins proches une giclée de sable fort désagréable. Buvant son thé, devant la soudaineté du geste de son fils, Ryon s'étrangla, et il toussa autant pour dégager l'eau brulante de sa gorge que le sable qu'il avait aspiré. Une clameur d'énervement parcouru l'a petite assemblée qui avait ainsi été baptisée de sable, le dernier à se lever, pourtant, fût celui à qui Daemon avait dédié son geste. Laissant sur le tapis richement coloré mais à présent envahi de sable la tasse vide, l'Allyrion s'était levé, sa longue silhouette sombre se détachant des habits colorés des hommes qui l'entouraient. Au milieu des dorniens qui époussetaient leurs visages et leurs vêtements, il demeurait stoïque, son regard planté dans celui du jeune ingrat. Bien mal en avait pris au bâtard de la Grâcedieu d'oser la violence contre son propre père. Car en confondant silence et passivité, le garçon avait d'ores et déjà signé la correction qui l'attendait. D'un pas lent et mesuré, l'Heriter de Delonne s'avança vers son fils, pour ne s'arreter qu'une fois arrivé devant lui. Le dominant de toute sa taille, d'un geste à peine esquissé il demanda à Auda de s'écarter. Ce dernier s'exécuta à regret, bien qu'il demeura à quelques pas derrière le garçonnet. La nuit couvrait peu à peu le camp, et la lumière dansante des flammes carressait les profils du père et du fils. Un bruit sec se fit entendre. Certains se retournèrent pour ne seulement voir le futur lord le bras levé, sa main parée de multiples bagues s'abaissant lentement. La joue du bâtard était rougie des traces laissées par le dos de la main de son père. "Quand vas-tu cesser d'agir avec tant d'insouciance?" La voix calme du fils de Delonne Allyrion pesait d'une autorité qui pouvait aussi se lire dans ses yeux noirs. Imperturbable, il n'avait pas ciller malgré la violence de son geste. "Ne t'ais-je donc rien appris?" Son regard baissé vers le visage de son fils, il tournait à moitié le dos à l'assemblée dont l'attention était toute dirigée vers eux. "Je t'ai puni pour ton geste. Pour ton irrespect. Ton ingratitude. Ton insolence. Ta bêtise. Tu sais qu'il te reste désormais à mériter mon pardon." S'écartant vers leurs hôtes, il invita alors Daemon à s'avancer vers le patriarche et ses fils ainés. Son regard ne quittait pas les prunelles bleues du bâtard, alors qu'il attendait que ce dernier s'avança vers le vieux Jaccor. Un regard empli d'un avertissement qui n'échapperait pas au garçon, de la même façon qu'il n'échappait pas aux spectateurs de cette correction. "Viens ici, Daemon. Viens." Ayant finit de se débarrasser du sable dont il avait été généreusement arrosé, le vieux dornien à la peau brunâtre de soleil, faisait signe au jeune bâtard, tapotant le tapis sur lequel il était assis.

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An 284, Lune 6, Semaine 2



Ryon&Daemon

La Grâcedieu lui manquait. Les hauts murs blancs tour à tour brûlants et froids de la cour lui manquaient. L'air tiède de sa chambre que les tours attrape-vent renouvelaient discrètement en respirant lui manquaient. La discipline infatigable et austère, l'affection mesurée de sa Grand-mère, les heures de receuillement silencieux, le parfum pierreux et humide des contreforts léchés par la Sang-Vert, le rythme régulier des prières, tout lui manquait atrocement. De ce sentiment profond d'injustice et d'abandon, il ne semblait pas y avoir dans tout ce camps de nomades la moindre âme pour s'en soucier. Le garçon était taiseux de nature lorsqu'il s'agissait de ses sentiments, mais cela ne l'empéchait pas de blâmer ses hôtes pour leur manque de compassion.
Le vieux Jaccor, Auda et tous ses frères, les petits-fils et arrière petit-fils, et enfin, son père le regardaient. Toutes leurs têtes brunes étaient dépeintes de cette même désapprobation que son coeur d'enfant trouvait risible autant qu'il la savait présage de mauvaises choses. Autour de lui, la conscience de son environnement se fit de plus en plus claire jusqu'à en être presque vertigineuse. Sous ses pieds il sentait le sable chaud, et ses poumons s'étouffaient du parfum des épices et du feu de bois tandis que ses oreilles percevaient les murmures aux accents chantants qui bourdonnait derrière lui, plus lointain que les ressacs de la mer de Dorne lui semblait-il à cet instant. Haletant de colère, il n'avait plus désormais pour ancrage que les prunelles noires de l'héritier de la Grâcedieu, son père. Daemon n'ignorait pas qu'il venait de commettre l'irréparable et que, s'il avait jamais ne serait-ce qu'envisagé d'inventer un moyen de se rattraper, ici et maintenant était le moment qu'il aurait du choisir pour s'y employer de toutes ses forces.
Lorsque les mains d'Auda quittèrent ses épaules, le Sand comprit que son destin était scellé. Il avait vu la longue silhouette ténébreuse se relever comme une ombre, tout comme il l'avait regardée s'approcher de lui sans jamais la quitter de ses yeux butés, et pourtant, lorsque la gifle lui fit tourner la tête malgré lui, il se sentit piqué du plus vif sentiment de perséccution qu'il eut jamais ressenti de sa jeune vie. Mais le coup n'était pas le plus terrible. Car ce qui serrait la gorge du bâtard de larmes d'humiliation refoulées était le calme imperturbable de son géniteur. Lisse comme l'eau au fond d'un puit, impénétrable, une surface polie d'autorité sur laquelle sa colère puérile et vivace n'avait et n'aurait sans doute jamais aucune prise. Il savait que chacun des mots qu'il dirait, qu'il fut bon ou mauvais, glisserait sur ce mur qui le séparait de lui et que cette claque n'était pas moins pour l'invité désastreux qu'il avait été auprès des amis de son père que pour l'insolence dont il venait de faire preuve. Il refusa de porter sa main à sa joue brûlante, préférant attraper entre ses doigts le lin blanc de sa tunique. Ce soucis soudain de garder pour lui ce peu de dignité lui fut d'autant plus douloureux qu'il se rendit compte qu'il renaclait à une telle marque de faiblesse pour ne pas faire honte à son bourreau. Le regard par en dessous dont il baptisa l'homme était fier, mais résigné. Rien qui ne fit trembler son père, cependant. Son intransigeance pesait si bien sur lui que le bâtard  dut lutter pour ne pas détourner les yeux pendant que la correction coulait des lèvres du soleil noir. A chaque reproche exprimé si clairement en public, sa honte grandissait et s'affichait au regard de tous sous la forme de plaques rosées sur ses joues brunies par le soleil. Puis, comme si rien ne s'était jamais passé, tout redevint calme. La tension retomba. Les dunes devinrent bleues. Et le diner fut enfin servi.

Lorsqu'il avança ainsi que le lui commandait son père, les yeux qu'il levait vers lui avaient beau être ceints de deux pupilles pâles comme le ciel, le regard dont il le confrontait était plus noir encore que la nuit qui tombait sur le campement. Ses lèvres étaient légèrement pincées, tout comme le coin de ses yeux qui se plissait de ridules contrariés, voire défiantes. Malgré toute son application à se montrer aussi revêche que possible, ce fut d'un pas calme -quoique trainant- qu'il alla s'asseoir brusquement en tailleur à la place que lui indiquait le vieux nomade. Une fois installé, ses doigts trouvèrent rapidement de quoi s'occuper des quelques fils qui dépassaient du tapis sur lequel il était assis. Il les triturait savament, tout en affectant d'ignorer son père, ou du moins, d'éviter de croiser son regard.
A peine quelques secondes plus tard, de jeunes femmes arrivèrent, les bras chargés des plateaux garnis comme un jour de fête. Leur peau brûne se fondait dans la nuit, mais leurs sourires se détachaient sous leurs voiles tandis que les flammes du grand feu soulignaient le blanc de leurs yeux luisants. Elles déposèrent leur fardeau sous les exclamations statisfaites et gourmandes des hommes. Sous le regard dubitatif du bâtard, certains, à demi allongés et accoudés sur des selles ou des coussins rugueux, les remercièrent en embrassant leur main ou de quelques mots chaleureux dans la langue oubliée qu'ils parlaient entre eux. Tandis que le jeune garçon, un peu moins rembruni par l'odeur alléchante du repas, zieutait le large plat circulaire  qui avait été posé devant le chef du camps et ses proches -un amoncellement de viande grillée et badigeonnée de miel, de pain parfumé aux épices et de fromage salé des montagnes rouges-, l'homme qui l'avait harponné un peu plus tôt s'adressa à son père.
"C'est un honneur de te revoir Ryon." Commença-t-il solennelement de sa voix rocailleuse. Un peu plus loin, de la musique se faisait entendre. Quelques tambours et clochettes, ainsi que les cris joyeux des filles auquels répondaient les chants esquissés par les voix graves des garçons, là où les plus jeunes se sustanteraient, loin, à l'abris des préoccupations de leurs ainés. Daemon espérait qu'il ne serait pas envoyé auprès d'eux. "Je n'étais pas là pour t'acceuillir quand tu as rendu visite à mon frère, mais je me réjouis de constater que la guerre ne t'a pas brisé." Cette simple allusion à la rébellion sembla raidir quelques hommes autour d'eux, mais le Sand ne le remarqua même pas, trop occupé à se servir une portion frugale du plat après que tous les adultes autour de lui se furent servi leur part."J'étais au nord, pour guider une caravane d'épices jusqu'aux Montagnes Rouges. Je pense pouvoir dire aujourd'hui que notre commerce reprend comme dans les jours anciens, même s'il nous faudra des lunes pour rattraper notre retard. Heureusement que nous ne faisons que déplacer la marchandise, nous n'avons pas les dettes, mais nous avons la colère des marchands."Le vieux barbu mastiqua sa viande pensivement, puis se pencha vers l'héritier de la Grâcedieu, sans doute dans le soucis de réserver ses confidences au seul cercle d'hommes qui l'entourait. Bien qu'il ne sut pas très bien s'il en faisait partie ou s'il avait simplement été oublié, le jeune Sand écouta malgré lui, ses yeux bleus baissés vers les couleurs du tapis scintillants du privilège involontaire  dont il été gratifié. "Deux ans, il aura fallu deux ans tu te rends compte? Et tout ça seulement pour pouvoir atteindre la frontière sans appréhender d'y être mis à l'arrêt des jours durant par les Ferboys. La guerre a fait des morts mais les déserteurs hantent encore les montagnes, quant aux brigands ils pullulent comme jamais. Nos marchandises sont fouillées comme si nous n'étions que de vulgaires contrebandiers. Il y a quelques semaines de cela, un garçon s'est fait arrêté. Un mal-né de l'Orage ou de la côte. Il aurait pu continuer sa route si sa bourse n'avait pas été brodée du dragon des Toland."

 "Sûrement un du Trident..." Supputa le jeune homme mince qui l'avait amené auprès de son père en se referrant à la bataille qui avait coûté si cher à Dorne. Dix mille âmes sacrifiées pour endiguer la rebellion initiée par le roi fou et par son fils. Daemon connaissait bien cette histoire. Mais il était jeune, et ce récit cent fois répété ne lui inspirait rien d'autre que de la lassitude. Si le Prince Oberyn avait été là bas, la guerre aurait été bien plus courte. Ruminait-il, parfaitement convaincu de ses pensées. Il aurait pu faire la leçon au Prince Rhaegar, lui montrer l'exemple. Lui montrer comment un vrai prince doit être.

" Si on ignore sur quel cadavre il l'avait ramassé, il l'a amèrement regretté. Voler un dornien mort, c'est peut etre pire que de voler un vivant! Les lords et les Ladies n'ont pas pardonné la guerre, Ryon et ils se vengent chaque jour que les dieux font, par à coups. "
Tout en machonnant timidement un morceau de pain, Daemon tourna finalement son visage vers son père. Beaucoup de héros étaient revenus de la grande guerre. On disait que le père de son meilleur ami avait soulevé ce dernier dans ses bras en rentrant chez lui. Pas Ryon.
Joccar, semblant sentir ce que son cadet allait dire et répugner à l'entendre dire, grogna un avertissement sourd dans sa barbiche blanchâtre, attirant le regard curieux du jeune garçon. S'il se tenait déjà droit et en tailleur, son dos se raidit tandis qu'un frisson inquiet coulait le long de sa colonne vertébrale. Ses yeux pâles se baladèrent sur les visages burinés qui l'entouraient, à la recherche d'indice sur ce que ces hommes qu'il avait cotoyé pendant trois lunes pouvaient bien reprocher à son père.
"Je ne suis pas un soldat, pas plus que mes fils. Aucun d'entre nous n'a vu la guerre. Les jeux des Lords nous échappe.  Je t'ai vu grandir Ryon, et je te considère comme l'un de mes fils, mais je me dois de te poser cette question. La guerre est-elle terminée? Réellement, je veux dire. Et combien de temps peux-tu, toi et tes amis de Lancehélion, me promettre que la paix durera? Je ne veux plus me rendre aux limites de l'orage en craignant de me trouver face à des soldats Baratheon insatisfaits de leur défaite et prêts à massacrer mes hommes et mes enfants seulement pour laver leur honneur. "




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An 284, Lune 6, Semaine 2



Daemon & Ryon

L’enfant n’avait jamais été facile à vivre. Il avait fait de la provocation son apanage, tant et si bien que même le moindre de ses silences en était imprégné. On avait jamais vraiment su si les remontrances de sa grand-mère et les punitions de son paternel avaient jamais éveillé chez le garçon une envie de corriger sa conduite, car il n’avait jamais été capable de faire mentir son visage. Il n’y avait pas une personne, sinon un idiot, qui eût été incapable de connaître les sentiments du bâtard de la Grâcedieu en posant seulement les yeux sur lui. Pour l’Héritier de Delonne, c’était davantage une source d’inquiétude que cette impertinence que tous lui reprochaient. Qui savait ce qu’il en coûterait à son fils d’afficher ainsi la moindre de ses pensées? La superstitieuse Lady de la Grâcedieu avait une fois affirmé qu’elle soupçonnait les Dieux de l’avoir ainsi puni pour les actes et les choix qu’il avait fait dans son dos, trahissant sa confiance. Ses prunelles aussi sombres que celles du bâtard étaient clairs posées sur le garnement, l’Allyrion ne laissait quand à lui rien paraître de ses émotions. Briser le calme militaire du fils de Delonne Allyrion n’était pas à la portée d’un enfant. La nuit tombée sur le désert, les feux du camps et tout ce que leur lumière touchait semblaient détacher la vie du campement du paysage qui l’entourait. Comme si la réalité prenait fin à l’endroit où le feu n’éclairait plus, et les dunes, masses sombres et abstraites, semblaient alors faîtes de la matière des rêves. La lune presque pleine paraissait être l’oeil d’un cyclope veillant silencieusement sur l’infinité du désert dornien. Séparée du reste du monde, l’assemblée de marchands et nomades en était rendue plus imposante, comme si l’absence de vie qui les entourait avait fait de chacun d’eux des géants entassés dans un corral trop petit. Son bras soulevant l’étoffe qui tombait de son épaule, Ryon attendait que son seul fils s’exécute. Il n’espérait, ni ne tolérerait tout autre choix que ferait ce dernier devant l’ordre qu’il lui imposait sans mot dire. Ses yeux noirs suivirent l’enfant lorsqu’il obéit finalement, ses joues empourprées d’une honte qui, il le savait, était pourtant dénuée de la moindre culpabilité. De par la sentence infligée de sa propre main, l’Allyrion n’avait guère que froissé l’orgueil puérile dont Daemon était coupable. La profondeur de cette vanité, Ryon s’était souvent questionné sur son origine. Etait-ce là les seuls fruits apportés par l’éducation prodiguée par sa mère et lui, quand la sévérité et l’austérité avait été le quotidien de l’enfant, ainsi qu’il avait été le sien autrefois, et le demeurait encore aujourd’hui?
L’odeur du repas avait eut tôt fait de replonger les hommes dans une ambiance plus propice à la fête et au plaisir de partager les mets servis tout d’abord aux aînés. Le crépitement du feu s’ajouter à la rumeur des conversations, quelques notes de musiques étaient esquissées par les plus jeunes insatisfaits de la distraction offerte par les discussions, qu’ils jugeaient trop sérieuses. Rejoignant le vieux Jaccor et ses fils les plus âgés, le fils de Delonne pris de nouveau place parmi eux, et tout en s’asseyant sur les tapis usés il ne put s’empêcher de lever les yeux vers son fils dont l’attention semblait toute tournée vers ses mains. L’enfant était buté, mais au moins il épargnerait à leurs hôtes son impertinence, du moins le temps que mettrait son orgueil à surmonter l’humiliation de s’être fait corriger en public. Une femme déposa au milieu d’eux  un large plat duquel roulèrent quelques petits oignons. La voix au timbre particulier du fils aîné de Jaccor le sortit de ses pensées. Le regard noisette de ce dernier était pâli à l’oeil droit, d’une blessure passée, Ryon l’avait toujours connu ainsi. Le petit groupe que formaient les aînés du camps et l’héritier de la Grâcedieu écoutait avec attention ce que le fils de Jaccor avait à dire.  Et en l’écoutant, l’Allyrion devina que les problématiques qu’ils posaient avaient très certainement étaient ruminées depuis qu’il était venu leur amener son jeune bâtard, il n’était alors resté que quelques heures. Ce faisant il entama le plat qui leur avait été servi, alors que le vieux patriarche en mastiquait déjà sa première bouchée. Dans une rotation que son grand âge rendit difficile, le vieillard se retourna pour se saisir d’une tasse qu’il posa sans cérémonie devant le bâtard, avant de lever à nouveau un regard grave vers son fils aîné. Dans un son qui ressemblait davantage à un coassement qu’à autre chose, Jaccor marqua son approbation quant aux propos de son fils.  “Chaque guerre a son lot de déserteurs. C’est le devoir des lords de punir ceux qui ont failli à leur voeux de loyauté. Qui que fût l’homme dont tu parles, il ne sera certainement pas le dernier à payer le prix qu’il en coûte de de fuir son devoir. Qu’il fût coupable ou non de ce dont on l’accusait. Pilleur de cadavres ou déserteur, son destin était scellé.” La guerre ne t’as pas brisé. Ces paroles avaient eut un écho particulier dans l’esprit de l’Allyrion. Il avait survécu à ses blessures, et bien que cela lui ai demandé presque un an de soins, il n’avait gardé que de moindres séquelles. Il sentait pourtant, qu’il avait changé. Il ne pouvait en être autrement, lorsqu’un homme voyait ce qu’il avait vu.. “Les marchands se plaignent de dettes mais ils ne vous disent pas tout. Nombreux sont ceux qui ont préféré ne pas risquer de faire passer leurs marchandises par les Montagnes Rouges après la rébellion. Beaucoup de ceux qui avaient leur attache à la Grâcedieu ont alors choisit pour un temps de rallonger leur route pour se rendre à Villevieille. Les dettes dont ils vous parlent, ce n’est rien d’autre que la peur de voir leur place sur la route de Dorne prise par un autre, maintenant que les temps reviennent à la normale.” Les dernières paroles du fils de Jaccor eurent pour effet de raidir l’assemblée. Le sujet évoqué était encore tabou dans les hautes sphères de Dorne, et la gène était si palpable qu’un des nomades tritura la boutonnière de son col afin d’en ouvrir le dernier bouton. Un silence pesant s’installa, mais l’héritier de la Grâcedieu ne chercha pas à dissiper la tension naissante en le brisant rapidement. A l’inverse, il prit le temps de réfléchir à ses mots, sans détourner son regard sombre de l’homme qui l’apostrophait. “Si je ne te connaissais pas depuis tant d’années, je t’aurais répondu que la guerre est terminée. Que le Roi Rhaegar a triomphé des rebelles, et que ces derniers ont juré de respecter son autorité. Que la paix est là et que le Roi Dragon saura la préserver de la même manière qu’il a réussi à l’imposer à tout Westeros. Veux-tu maintenant entendre le fond de ma pensée?” Le discours qu’il venait de lui servir était celui qu’il était admis de répéter à chacun, bien que les raccourcis avait été soigneusement pensés pour ne pas entâcher l’image de celui envers qui tous se devait d’avoir du respect, à défaut de le craindre. Cette vision de l’état du continent, c’était le montrer comme à travers un tuyau, effaçant tout ce qui était autours pour ne plus retenir que ce qui devait être retenu pour le bien de la Couronne. Mais de nombreuses questions à propos de la fin de la rebellion étaient soigneusements misent de côté. Les régions avaient eût leur lot de souffrance, la relatitivité de la paix n’était pas un sujet que les puissants cherchaient à soulever, trop occupés à panser les dégats subis par leurs fiefs. Les regards bruns et gris de Jaccor et de ses fils, et ceux plus sombres d’autres nomades, étaient tous tournés vers l’Allyrion. Pendus à ses lèvres, ils n’auraient jamais de meilleure occasion ni de meilleur interlocuteur pour savoir ce qu’il en était vraiment. “La paix est bien là. Je ne puis nier ce fait.” La voix basse de Ryon poussa quelques oreilles indiscrètes extérieures à leur cercle à s’approcher afin de mieux entendre. Son regard se posa un instant sur son fils, le jeune bâtard s’était finalement décidé à prêter attention à ce qui l’entourait, et l’héritier de la Grâcedieu espérait bien que ce qu’il allait entendre ne serait pas oublié à la première contrariété. Après avoir un temps soutenu le regard bleuté de son enfant, il se tourna de nouveau vers le fils de Jaccor. “Cette paix durera, c’est certain. Les bans ont subis trop de pertes pour que soit tenté le moindre soulèvement dans les années à venir. La guerre a mis à mal les richesses de tous, et aucune guerre ne peut être menée sans un fond suffisant. Cela aussi fera que la paix durera. Mais beaucoup de grandes Maisons ont été humiliées lors de cette rébellion, et les futures alliances détermineront si l’on peut escompter sur une paix qui durerait plusieurs générations.” Par ces paroles un certain lion lui venait à l’esprit. Quelque part dans  l’Ouest aux verts paturages, un homme pleurait un fils, et qui pourrait le blâmer d’un jour, peut-être, lui obtenir vengeance. “Votre sécurité est, et continuera d’être assurée par les soldats des fiefs que vous traversez le long de votre route jusqu’à la frontière de l’Orage. Les Ferboys n’ont pas leur pareil pour garder la voie des Os, les hommes de Lord Ferboys vous garderont de tout danger. Les brigands ont toujours peuplés les Montagnes Rouges, ils profitent simplement de la pagaille que la moindre action violente peut provoquer entre deux régions.”

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An 284, Lune 6, Semaine 2



Ryon&Daemon


Sur sa langue, le miel craquait en même temps que la peau grillée; et la viande que découvrait chaque bouchée embaumait son palais de thym ou de piment. Parfois, lorsqu'il se resservait, il occupait son esprit en effleurant pensivement les bords du plat metallique, érafflés au fil des ans par les mains qui l'avaient porté.
Tandis que son père poursuivait ses explications auquel le jeune garçon n'entendait pas toujours tout, il vit quelques hommes se faire une place au plus près du futur Lord pour entendre de leurs propres oreilles ces réponses dont dépendait leur commerce. Le brun se lécha les doigts avant de se servir un peu du pain parfumé qu'il rompit tout en passant un regard intrigué sur les adultes qui l'entouraient. S'il aurait aimé conserver l'intêret vibrant que ces confessions inédites avaient reveillé en lui un peu plus tôt, Daemon ne pouvait nier que sa volonté était en train de flancher. Ses yeux s'étaient légèrement baissés pour ne plus fixer qu'un point vague au dessus du plat qui se vidait et sa respiration se fit plus profonde alors qu'une somnolence passive le guettait. Guerre. Paix. Rhaegar. Autant de mots qu'il avait entendu mille et une fois depuis que son père leur était revenu du front.

Ce fut un souffle chaud sur sa nuque qui le sortit de sa torpeur. Aussitôt, il se raidit et, se tournant vivement, darda un regard noir sur celui qui avait osé le déranger. Des prunelles noisettes et souriantes  couronnées de paupières tombantes lui firent face nonchalament. Puis l'adolescent intrusif porta un doigt à ses lèvres pour intimer le silence au jeune garçon qui ne camouflait pas son expression offensée et d'un signe du menton lui recommanda de continuer à écouter son père. Le Sand se retourna à contre coeur. Seul son immense orgueil le tint ancré à sa place alors que l'envie de se tortiller pour échapper à la proximité lascive que lui imposait le garçon le taraudait. Le visage rembrunit, il s'efforça de conserver une façade digne bien qu'il délaissa dès lors la maigre portion qu'il s'était servie. Le jeune homme ne lui était pas inconnu. Il était le plus jeune fils de celui qui avait questionné son père. En héritier pauvre mais consciencieux, il s'était rapproché pour écouter la réponse que l'on donnait à son géniteur. Voilà comment doit être un fils, rumina le bâtard en baissant les yeux vers le morceau de pain dont les graines rugueuses et grossières lui égratignaient presque les doigts. Ses pensées vagabondèrent vite vers ses jeunes souvenirs.
A l'ombre des grandes colonnes aux pieds léchés par les eaux de la Sang-Vert, il s'asseyait souvent à côté de la Lady de la Grâcedieu. Elle sur un fauteuil de bois aussi droit, fin et sévère qu'elle l'était elle-même et lui sur un petit tabouret, il l'écoutait dans un silence religieux et attentif qu'il ne réservait qu'à elle. Elle avait parfois mentionné que son père était aux côtés du frère du Prince à Lancehélion, ou qu'il était dans tel château en sa compagnie. Ses récits étaient sobres, laconiques, mais ils avaient suffit à ancrer dans l'esprit du bâtard des merveilles de récits et de fantasmes d'enfants, où il rêvait son père parti dans de grandes aventures avec le fougueux Oberyn qu'il n'avait jamais vu. Mais à mesure que l'homme poursuivait sa réponse à son auditoire consciencieux, une amertume aux accents insoumis se réveilla dans son coeur. Qu'il avait l'air triste. Qu'il avait l'air fatigué. Cet homme, son père? Il l'avait toujours connu calme, serein comme un fauve tranquille, mais ce soldat brisé qui était rentré de la guerre, son père, vraiment? Son regard se détourna de lui. Une peur étrange et inquiète tapissa sa poitrine le temps d'un battement de coeur, il tenta de réprimer la sensation qui réussissait presque à le convaincre qu'il était assis à côté d'un étranger. Comme bien souvent, le père et le fils ne partageaient qu'un silence réciproque et défiant.

Son père avait finit de parler. Un murmure approbateur fit frissonner l'assemblée de patriarches qui s'était rassemblée autour d'eux.
"Je te remercie de ton honnêteté, Ryon. Un homme ne devrait pas se réjouir de la mort de ces soldats, mais sans main pour les manier, les armes resteront dans leurs fourreaux, et la paix prosperera." Les yeux bleus du bâtard allaient et venaient entre les deux interlocuteurs. Ses doigts poussèrent du pain entre ses lèvres, et sa gorge l'avala. Il s'interessa enfin au thé que Jaccor lui avait servit. Bien que brûlant, il le but. La voix grave du nomade roula à nouveau dans l'air."Je suis désolé pour tes amis. J'en connaissais certains pour les avoir rencontré en ta compagnie dans ce désert, et j'avais l'honneur d'en appeler quelques uns "ami" moi aussi. J'ai prié pour eux, et je continuerai."Quelque chose dans sa voix avait changé. Son ton était vibrant d'une émotion que le jeune garçon eut du mal à reconnaitre dans la bouche de cet homme si rude. "Les Ferboys n'ont pas enduré de perte si grande que celle de Lady Delonne. Leur entêtement est célèbre jusqu'au delà de la mer de Dorne, mais on peut au moins leur reconnaitre que ces hommes qu'ils ont préservé du sang de la guerre nous sont plus indispensables que jamais sur les routes."

"Lady Delonne  est fidèle aux Martell et elle ne compte pas ses hommes pour les protéger ou les servir."

Les têtes se tournèrent mollement vers lui, s'étonnant une fois encore de le voir parler. Daemon soutint leur regard. Interloqué, son plus proche voisin battit des paupières. Le Sand avait entendu le son de sa voix exprimer ses pensées à haute voix, de mots mimétiques à ceux que sa grand-mère lui avait longuement répété pendant l'absence de l'Héritier. Soudain intimidé, il regretta ses mots qui lui avaient échappé et avaient brisé le mutisme appliqué dont il avait paré sa présence. Le bourdonnement des voix diminuaient et se ravivaient à mesure que les bouches se remplissaient et se vidaient. Il aurait voulu retourner chez lui, là où les hommes ne lui paraissaient pas si oppressants, et la poussière du désert ne lui encombrait pas la gorge. Il aurait voulu s'asseoir tranquillement avec sa nourriture et respirer enfin. Les joues brûlantes, il baissa finalement les yeux, machant une olive d'un air concentré.

"Il ne parle pas beaucoup mais faut s'en méfier."Conclut nonchalament le vieux nomade tout en expliquant à Ryon comment le jeune Sand avait tenté de prendre la fuite, plusieurs fois, et ce, malgré les regards sévères que lui offraient les prunelles flamboyantes de la vieille femme de Jaccor. Daemon ne les écoutait plus.

Que faisait-il ici? Lui même n'avait pas encore neuf ans, mais déjà l'on rapportait d'au delà des frontières les récits pleins d'espoirs et d'admiration qui vantaient les talents à l'épée, ou du moins les très bonnes dispositions à cet art, de tel enfant de lord du Bief ou de l'Orage. Même les dorniens consentaient à reconnaitre les promesses qui se logeaient dans les bras des fils ainés de Mace Tyrell.  Au coeur de la Principauté aussi, la jeune garde se mettait en place. L'on envoyait le fils Dalt à Lancehélion, Ulwyck, son cher ami, serait l'écuyer de son père, et  l'on savait déjà que le jeune Prince serait confié aux Ferboys dès qu'il serait en âge. Toute la jeunesse de Dorne entamait sa mue. Pas Daemon. Lui, son père avait préféré le faire chaperonner par des dresseurs de dromadaires, des caravaniers qui n'entendaient rien au sabre sinon pour trancher la gorge des chèvres. Etait-ce là tout ce qu'il ambitionnait pour lui? Pétri de doutes, le jeune fils de Ryon se sentit déglutir difficilement.
Pourtant jamais un enfant n'avait été aussi clair que lui dans ses aspirations. Deux ans auparavant, il se souvenait avoir traversé le grand hall aux murs blancs et crayeux, et demandé solennelement à son aieule de l'aider à devenir chevalier. Le garçon était timide, mais déterminé. Lorsqu'il sortait de son silence, il ne perdait pas son temps dans l'accessoire, que ce fut dans la politesse de la formule ou dans le fond de sa pensée. Il avait promis.Ronchonna-t-il dans ses pensées. J'ai appris les textes sacrés, je connais maintenant l'Etoile à Sept branches si bien que je pourrais réciter des chapitres entiers. Sa Grand-mère avait juré qu'il serait libre de faire ce qu'il entendait sitôt qu'il connaitrait la parole des Sept. Mais Delonne n'était pas son père, et Ryon n'avait rien promis.

Les discussions avaient repris. Le jeune homme assis juste derrière lui, comme s'il avait lu dans ses pensées, interrogea son père sur son futur écuyer, et sur la santé de la Vipère Rouge dont personne ne doutait jamais. Les épaules tendues, il sentit ses jambes se déplier sous lui alors qu'il se relevait sans y penser vraiment. Ses mains avaient beau lui paraitre lourdes et maladroites, ses jambes étaient toujours lestes, ses pas vifs et précis. Impulsif de nature, le bâtard ne réfléchissait jamais vraiment à ses actions, et ne redoutait que trop tard les conséquences de ces dernières. La présence de son père était comme un caillou dans sa sandale, impossible à ignorer. Enjambant le genoux replié de l'adolescent qui était venu les rejoindre, il s'éloigna dans une apparente tranquilité avec l'espoir secret et dénué de honte que l'on excusa son absence en pensant qu'il allait soulager sa vessie, voire même qu'on ne la releverait même pas.
Il n'avait pas besoin de prier pour ne pas trébucher. Il entendit vaguement un garçon de son âge l'appeler pour l'inviter à rejoindre leur jeu, confondant certainement sa fuite en avant avec de l'ennui. "Non." s'entendit-il dire d'une voix plus forte qu'il ne l'aurait souhaitée. Le gamin eut l'air déçu, puis il rit aux maladresses de ses camarades plus ou moins agés au jeu d'adresse qu'ils pratiquaient. Si Daemon pensait être au dessus d'eux, se voir si vite oublié lui fit jeter un regard noir par dessus son epaule avant de s'enfoncer dans la nuit du campement, piqué au vif. Après quelques instants, il sentit enfin son dos libéré des quelques regards curieux que sa silhouette solitaire avait attiré. Instinctivement, et perclu d'habitudes, son coeur appelait les murs blancs et rassurants de sa chambre. Mais il n'était pas à la Grâcedieu, et il n'avait aucun lieu dans ses dunes éclairées par la lune et ces tentes colorées qui lui inspira la moindre envie d'y noyer sa bouderie. Sans repère, il finit par opter pour l'extrème limite du campement. Baigné de silence, l'endroit était coincé entre deux dunes bleuies par la nuit entre lesquelles se détachait la silhouette élancée d'un arbre fin et desseché. Le tronc était filandreux comme celui d'un palmier et ses doigts cherchèrent rapidement à en arracher consciencieusement quelques fils, comme pour occuper ses mains alors que son regard sombre fixait bêtement le manège de ses doigts. Laissant revenir à sa mémoire la discussion sur laquelle il avait quitté le repas, le nom de son meilleur ami lui revint. Sa mine se ferma. J'aurai voulu être votre écuyer, maugréait-il dans sa tête en s'adressant au seul homme qu'il avait tant souhaité revoir ces dernières semaines, et dont il maudissait à présent à la présence si proche. Tout en s'appliquant à dénuder le tronc de l'arbre, tirant parfois si fort sur les fibres pour les arracher qu'elles lui sciaient la peau, il sentit sa gorge se serrer de contrariété.






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An 284, Lune 6, Semaine 2



Daemon & Ryon

 
Dans sa paume réchauffée par le thé brulant et sucré, une cicatrice noircie se prolongeait jusqu’à son poignet. Cet héritage de la guerre n’était pas le seul qu’il portait, et de nombreuses traces demeurait sur tout son corps, son cou et son visage. Mais la plus impressionante restait celle qui traversait son corps de l’épaule à la hanche, et dont la guérison difficile avait laissé un stigmate qui creusait sa poitrine et ses côtes comme le lit d’un fleuve desséché creusait un paysage. Son avant bras reposait sur son genoux et sa main vide qui s’appuyait sur le sol se crispa lorsque furent évoquées les pertes subies par la Grâcedieu pendant cette guerre. Autant de vies perdues, de destins anéantis, de futurs qui n’adviendraient jamais, tout cela, pour rien. Pour rien d’autre que d’aider celui qui avait osé humilier Dorne à mater une rébellion dont la cause paraissait presque juste aux yeux de l’héritier de Delonne, avant de clore cette vaine page de l’Histoire de Westeros en posant sur la chevelure argentée du dragon une couronne qu’il ne devait guère qu’à un assassinat.

La cavalerie de la Grâcedieu, forte de milliers d’hommes et de chevaux, en était ressortie cruellement amoindrie, et ceux qui n’étaient pas tombés dans les champs de batailles verdoyants de l’Orage étaient pour beaucoup, revenus à pied. Ce n’étaient pas que de simples soldats dont il avait vu les dépouilles sanguinolentes et piétinées, étendues dans la boue de la terre retournée par les sabots des chevaux et les pas des fantassins. Des pères, des fils, des frères. Des amis aussi, beaucoup. Et bientôt leurs visages et leurs noms seraient affadis par l’ouvrage du temps, qui aura transformé leur existence en un souvenir lointain, insaisissable, le chagrin serait remplacé par la nostalgie. Il ne regrettait pas d’avoir répondu à l’appel des Martells. Jamais on ne l’entendrait dire que cette guerre avait été vaine. Car si le deuil habitait encore de nombreuses maisons à Dorne, ils étaient revenus vainqueurs, et pour la dignité de ceux qui avait donné leur vie, on ne devait retenir que cela. Pour les quelques années à venir tout du moins. Le Soleil Noir savait pertinemment que le temps aurait tôt fait de déterrer les rancunes semées tout au long de la guerre.

Le nom des Ferboys avait été évoqué, sans surprise pour l’héritier, car leur attitude n’était pas passée inaperçue, et la rumeur de leur mise en retrait par rapport à la rébellion s’était propagée dans tout Dorne. Il n’était donc pas étonnant de voir un simple nomade en venir à ce sujet, alors que les plats se vidaient progressivement. Les mains venaient tour à tour se servir à même les plateaux d’argents, saisissant délicatement, viandes, légumes et fruits. Les manches retroussées sur les bras dévoilaient des peaux sombres ou olivâtre, comme on en voyait qu’à Dorne. C’est alors que, semblant venir de nulle part, la voix encore fluette de Daemon se fit entendre. Le garçon avait parlé avec un aplomb à faire pâlir le plus loyal des sujets des Princes dorniens et ses paroles étaient emplies des leçons prodiguées par sa grand-mère. Les prunelles sombres comme l’ombre des dunes de l’héritier se posèrent silencieusement sur lui. L’enfant avait beau être dôté d’un caractère que nombreux trouvaient insupportable, il n’en était pas moins doué de qualités, et la plus appréciable d’entre elles demeurait cette loyauté sincère qui l’animait pour la famille princière de Dorne. A défaut de prendre un jour le titre de Lord de la Grâcedieu, il sera pour les Martells un sujet dévoué. Les regards qui avaient le temps d’un instant convergés vers le bâtard s’en étaient rapidement trouvés distraits par les conversations qui naissaient ici et là. Ryon lui-même s’était détourné de son fils pour discuter avec un homme qui n’était pas un nomade mais un marchand aisé venu d’Essos, ses vêtements luxueux cachés sous un manteau léger n’avaient en effet rien de dornien. Tout en mordant pensivement dans un fruit qu’il avait porté à sa bouche, il écoutait l’essossi parler de Dorne et de Westeros de son point de vue extérieur. La guerre civile qui avait déchiré le royaume des Targaryens avait laissé des traces, et nombreux étaient les marchands orientaux encore frileux de franchir la mer étroite pour aller vendre et acheter sur les terres des Sept Couronnes. “Les seigneurs font tout leur possible pour que les routes et les littoraux retrouvent une relative sécurité. Les bandits ne font que profiter d’un chaos qui n’est plus que temporaire. Bien vite les choses rentrerons dans l’ordre, je puis vous en assurer.” Rassurer et convaincre ceux qui venaient était le meilleur moyen d’encourager les marchands hésitants à revenir faire commerce. Il n’était pas Lord, mais les camps de nomades étaient un lieux privilégié pour négocier. Au milieu du désert, la confiance y venait plus vite que sur les ports où l’on était le plus souvent étouffé par la foule. Les yeux de l’Allyrion se promenèrent sur les visages des hommes et des adolescents qui étaient assis autours du grand brasier, pourtant il ne rencontrèrent pas les prunelles azuréennes qu’il cherchait. Parti. D’un signe de la tête il s’excusa simplement avant de se lever, le sable resté dans les plis de ses vêtements sombres chutant sur les tapis.

Son pas lent et mesuré le conduisit à l’extérieur de l’animation du camps, et rapidement il laissa derrière lui le bourdonnement joyeux des conversations, ainsi que le crépitement du feu et les chants. En passant près d’un groupe de femmes dont les enfants en bas âge s’endormaient auprès d’ elles, il n’eût pas besoin de dire un mot pour qu’elles lui donnent ce qu’il cherchait. Lui indiquant une direction, elles le saluèrent alors qu’il s’éloignait tout en les remerciant. Il marcha plus longtemps qu’il ne l’eût pensé. Le camps était grand, et le silence de la nuit l’entourait désormais presque entièrement, le son de ses bottes sur lesquelles le sable glissait à chaque pas était devenu plus audible que le festin quitté quelques instant plus tôt. Bientôt son regard tomba sur la silhouette d’un arbre solitaire, les voiles clairs des vêtements du garçonnet le rendait presque plus visible que la carcasse végétale qu’il s’amusait à triturer. Ryon ignorait s’il s’était déjà aperçu de sa présence, tandis qu’il continuait d’avancer vers lui, ses yeux noirs ne le quittant pas une seconde. Une inquiétude toute paternelle le gagnait alors que l’enfant semblait perdu dans ses pensées, plongée dans une réflexion loin de la joie naïve que chaque parent espère pour sa progéniture. A quoi pensait-il donc? L’héritier avait parfaitement conscience qu’il était un père distant, sans doute son fils aurait souhaité que cela fût différent. Cela était pourtant impossible. Aussi dissemblables qu’ils étaient dans leur apparences, tous deux partageaient bien plus de ressemblances qu’il n’y paraissait. Un goût pour le silence, pour la pudeur, qui avait eut pour seule conséquence d’en faire presque des étrangers l’un pour l’autre. A quelques pas de l’arbre, il s’arreta. Ses mains ornées de bagues étaient jointes, et reposaient sereinement sur la garde sculptée du poignard accroché à sa ceinture. La brise venait jeter sur son front et sa joue quelques mèches de cheveux noirs. Le temps était venu de parler.  “Daemon.” Sa voix basse et calme, si elle se fit entendre, ne perturba pas la quiétude de cette partie du camps, où nulle tente n’était présente. Longuement, ses yeux contemplèrent le visage dessiné par la lumière de la lune. Les traits fins du bâtard le rendaient chaque jour plus ressemblant à cette mère qu’il n’avait jamais connu. “Jaccor m’a raconté beaucoup de choses.” Ses sourcils épais se froncèrent à peine. “Tu as tenté plusieurs fois de t’échapper. C’est ainsi qu’il me l’a décrit. Mais je ne suis pas d’accord. Tu n’as pas voulu t’échapper, non, tu as voulu t’enfuir.” Marquant un silence il avança de quelques pas vers le garçon aux yeux pâles. Le Soleil Noir le dominait encore de presque deux têtes, et sa façon de se tenir marquée par sa carrière militaire ne le rendait que plus grand encore à côté du jeune Sand. “ Que voulais-tu fuir exactement? Crois-tu réellement, que je te t’ai amené ici pour que tu y souffre? Car c’est que tu pense, je le sais. Je le vois.” Relevant sa tête, Ryon ne cillait pas, alors qu’il sermonait le garnement. Il se demandait comment ce dernier, après tant d’années, pouvait encore penser que les choix qu’il faisait pour lui étaient gratuits, ou vicieux. “ Dis-le moi, Daemon. Repond-moi.”


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An 284, Lune 6, Semaine 2



Ryon&Daemon

Son prénom résonna soudain à son oreille. Il était doux, comme étouffé par le sommeil des dunes, et il était empreint d'une esquisse de tendresse suffisament rare pour être relevé. Pourtant, rien ne le rendait plus dur pour le Sand que de l'entendre prononcé par cette bouche à cet instant précis. Seul, il voulait être seul. Et rien d'autre que cela.Qu'il parte! ragea-t-il froidement dans la solitude de ses pensées, la tête basse. Caché par l'obscurité, l'homme s'était approché sans qu'il ne le vit, mais pas sans qu'il n'entendit ses pas s'enfoncer dans le sable. Bien que le mot qui avait froissé le silence ait été prononcé d'un ton maitrisé, au son de l'autorité paternelle qui se dégageait de cette voix, ses épaules se crispèrent doucement sous son vêtement.
Il se tourna pourtant lentement vers son père, obtempérant malgré lui à l'obéissance et au respect qu'il lui devait. Il se maudissait intérieurement pour cela. Ses lèvres se pincèrent. Parfois, le brun aurait souhaité avoir la force de caractère de son ami et pouvoir se rebeller une fois pour toutes avec cette flamboyance propre au Uller, sans plus laisser le moindre doute quant à ses pensées qu'il gardait si souvent secrètes, sans laisser non plus son carcan de discipline prendre le dessus sur ses doutes et ses angoisses. Quelque part dans son esprit, une part de lui même était convaincue qu'un jour il pourrait atteindre un tel but. Mais pas ce soir. Pas devant lui. Les doigts de sa main droite encore attachés au tronc dégarni, le menton bas, il baptisait l'héritier de la Grâcedieu d'un regard par en dessous porté par une expression fermée. Un étranger se tenait devant lui. Aussi familier et distant que la grande statue blanche qui trônait dans le septuaire frais de son foyer, la figure sévère de son père le dominait de son éclat sombre. Daemon ne savait rien de cet homme. Ses journées, sa vie même, étaient séparées des siennes, emplies de tâches auxquelles il n'avait pas lieu de prendre part. Souvent au loin au creux doré de la capitale auprès du Prince, et, quelques fois, plus loin encore lui semblait-il, entre les murs de son bureau ou aux abords de la Sang-Vert, à penser l'avenir du fief des Allyrion. Le désert était vaste, mais cette nuit, le Sand sentait que son monde étroit avait encore rétréci: réduit aux fissures dans le tronc desséché, aux spirales que ses pieds avaient dessiné dans le sable, et à cet avenir minable qu'on semblait lui réserver.

"Si vous pensiez que je m'y plairais vous ne m'auriez pas caché vos intentions!" l'accusa-t-il d'un ton revêche et amer en plissant ses yeux clairs. Défiant, il l'avait toujours été, mais ce sentiment avait été exacerbé par les quelques bribes de conversation qu'il avait surpris entre sa grand-mère et son héritier quelques semaines auparavant. Sitôt que ce dernier était revenu de la guerre, un mot nouveau était apparu dans leurs dialogues rares et secs. Et ce mot était mariage.
Cette nouveauté était apparue en concordance parfaite avec cet étrange séjour auquel son père l'avait soumis, et ne faisait que renforcer les convictions du jeune garçon. On avait voulu se débarasser de lui, éloigner sa présence génante comme on le ferait d'un animal encombrant ou inutile.

Un voile d'ombre dessinait les contours aigus du visage de son père, soulignant son regard noir dans lequel venait se refleter un mince filet de lune semblable à la reflexion d'une lame. Le souffle chaud du vent effleurait les dunes au rythme paisible de la respiration du désert. Les grains de sable glissaient, poussés par la brise en une multitude de vagues planes et sous la douce poussière se révélaient les roches acérées, sculptées par l'aridité et par les tempêtes. Au dessus, le ciel était strié de teintes bleues  et ténébreuses tandis que le désert aspirait l'or du jour pour devenir gris comme de la cendre. Le carmin du crépuscule avait laissé  sa place aux  couleurs de la nuit, qui dévoraient de leurs ombres l'immensité aréique et brulée.  La fraîcheur venait avec l'obscurité. Salvatrice, elle imprégnait le lin blanc des vêtements du Sand d'une température plus clémente qui hérissait ses bras. Immobile et calme, sa silhouette immaculée n'était mue que par la brise qui faisaient frissonner les pans de ses habits. Soutenant le regard de son géniteur, il avait plus conscience que jamais de la chair de poule sur ses bras comme s'il eut craint que son interlocuteur ne s'en aperçut.
Le ciel était totalement dégagé, et une lune pâle et brillante éclairait les dunes d'une lueur irréelle. Le campement était silencieux, rythmé par les respirations épaisses des endormis et les ronflements réguliers des chevaux. Des éclats de braise qui éclataient au loin dans le grand feu et des verres de thé qu'on s'échangeait, le père et le fils ne percevaient qu'une rumeur lointaine et appaisée. Le garçon du prendre sur lui pour cesser  le manège nerveux de ses doigts sur le tronc de l'arbre mort. Sa main retomba mollement le long de son corps sans qu'il ne quitta des yeux les prunelles d'ébène de l'héritier. La sévérité des traits qui le dominaient menaçait de faire trembler sa voix.
Il s'en garda bien, par fierté, comme toujours. "Je voulais rentrer chez...A la maison. " se reprit-il sèchement. Chez nous, voilà ce qu'il avait manqué, durant un court instant, de dire à son père. Ce même père qui lui reprochait de n'avoir pas voulu demeurer auprès d'étrangers, comment lui exprimer son désir de manière si familière? "Nous" n'existait pas entre eux. Il y avait le père, il y avait le fils, et, entre eux, un océan d'incompréhension. Quant aux nomades...Daemon n'avait rien de personnel contre ces pauvres gens, rien si ce n'était son orgueil d'enfant qui, d'une part proportionnelle à sa colère, les accusait en partie de l'avoir retenu prisonnier. Tous coupables, se murmurait-il à lui même, fiévreusement. Que fuyait-il? Que la grande silhouette sombre de son père lui demanda ce qui lui semblait d'une évidence absurde le vexait profondément. Son visage se ferma de l'expression caractéristique à ses colères silencieuses et butées.
"C'est votre vie ça, pas la mienne." affirma-t-il avec aplomb. Son expression aurait pu laisser croire à un mépris que sa voix ne portait pourtant pas. Ryon était à sa place parmi ces hommes, et Daemon l'admirait pour cela car, de cette vie que son égo jugeait lamentable, le Sand s'en pensait incapable. D'ailleurs, ne s'était-il pas montré maladroit à la tâche? Le brun était solitaire mais il n'était pas insensible aux regards que l'on portait sur lui. Il avait vu les ombres bouger dans les yeux des nomades, et, là où s'était tapi l'espoir de voir dans le fils une continuité aux bienfaits que prodiguait le père, ne résidait plus qu'une lueur résignée devant la déception qu'il avait du etre pour eux."Je ne veux pas être caravanier, je ne veux pas vivre parmi ces gens. Je serai chevalier, pour la Grâcedieu." conclut-il farouchement.
Ulwyck, lors des quelques bottes qu'ils avaient échangé dans leurs jeux, l'avait dit doué. Avait-il menti pour que son père sembla lui refuser si fort cette carrière militaire? Ser.Le titre, enfin, qui couronnerait son nom si pauvre. Un titre, oui, mais pas uniquement pour la gloire qu'appelaient ses rêves d'enfant. Une place, sa place, voilà ce que son coeur désirait ardement. Malgré le confort de sa naissance, malgré l'aisance de sa vie entourée de soins dignes d'un fils légitime, poursuivre une existence stérile ne l'interessait pas.




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An 284, Lune 6, Semaine 2



Daemon & Ryon

 
L’enfant n’avait pas tort. Ryon savait parfaitement que l’idée lui déplairait, et le mot était faible. Les bâtards dorniens avaient la possibilité de vivre auprès de leur noble géniteur, de vivre une vie telle que la vivaient les enfants légitimes au sang bleu. C’était cette vie qu’avait connu Daemon depuis sa naissance. Une vie d’enfant de Lord, dans l’écrin de pierre blanche de la Grâcedieu. Une enfance privilégiée par rapport à d’autres, même au sein de la principauté. Sans l’interrompre il le laissa parler. La laissa dire ce qu’il avait à lui dire. Les sentiments du garçon ne surprirent pas l’Allyrion, qui les avait soupçonnés. Le plus frappant d’entre tous était cette rancune juvénile et pourtant si forte qu’il tenait déjà à son encontre. Il en était profondément blessé, mais n’en laissa rien paraître. Sa gorge s’était serrée devant cette évidence que son fils venait de lui jeter à la figure. Et ses pensées s’en étaient naturellement tournées vers le souvenir de la mère de ce dernier. Car elle n’était déjà plus qu’un souvenir. Tout comme elle, il n’avait jamais fait l’affront d’envoyer le moindre corbeau à Haut-Hermitage, ne serait-ce que pour s’enquérir de sa santé.  Ce n’était pourtant pas l’envie qui lui manquait. Chaque jour elle transparaissait un peu plus dans la personnalité du bâtard, dans cette façon presque déraisonnable de ne jamais brider ses émotions, dans la violence de ses sentiments aussi. Ecouter les reproches du garçon fût plus douloureux qu’il ne se l’était imaginé alors qu’il quittait la Grâcedieu pour s’enfoncer dans le désert. Ils étaient d’autant plus insupportables pour son coeur de père, qu’ils étaient faux. Faux. Mais quelles erreurs avaient-ils commises pour que son unique enfant en vienne à tenir de telles affirmations à son propos, là était le coeur du problème auquel il faisait face. La lueur pâle de l’astre de nuit venait découper la scène d’ombres bleutées. Malgré la proximité du camps, ils semblaient terriblement seuls, perdus au milieu des dunes. L’arbre mort paraissait le point d’ancrage qu’ils n’étaient jamais parvenu à trouver d’eux même auparavant, pour enfin se confronter.  Un soupir silencieux vint soulever sa poitrine couverte de voiles noirs, alors que ses yeux se baissaient vers le sols, presque vaincus le temps d’un battement de cils, avant que son regard ne vienne de nouveau se planter dans les prunelles bleutées de son fils. “Je vois.” Sa figure tailladée de cicatrices se détourna de celle, butée, du bâtard, pour contempler le désert endormi. “Sais-tu que, la première fois que j’ai rencontré Jaccor, je devais être à peine plus jeune que toi?” Tournant à moitié le dos au jeune garçon, le Soleil Noir joignit ses mains dans son dos. Cela était vrai. Le désert faisait partie de sa vie, plus encore que la Grâcedieu et les rivages luxuriants de la Sang-Vert. Delonne le lui avait autant reproché qu’elle avait vu les avantages qu’elle pourrait en tirer pour son fief. “Ce jour là, il m’a puni.” Il n’attendit pas que le garçonnet le questionne pour poursuivre. “J’étais avec mon jeune cousin. Nous chevauchions tous deux dans les dunes, ainsi que tu le fais parfois avec Ulwyck. Sur notre chemin nous avions rencontré des enfants de son camps. Lorsqu’il nous a surpris nous étions en train d’ennuyer ses filles avec bien trop d’audace à son goût. J’avais beau être l’héritier de la Grâcedieu, et mon cousin le frère d’un autre, cela ne l’a pas empêcher de nous infliger la correction de notre vie.” C’était la première fois qu’il dévoilait à son fils une part de son enfance, de son passé.  De nature il n’était prompt ni à la vantardise, ni à la vanité. Parler de lui-même était un exercice qu’il ne goûtait pas. Aussi, hormis ceux qui avaient vécus avec lui, peu savaient à quoi ressemblaient la petite enfance et l’adolescence du futur Lord. Sa conduite exemplaire et sévère en public n’aidait pas à percer les secrets qu’il pouvait garder sous cette apparente austérité. “Ce n’était pas ma vie Daemon, ça l’est simplement devenu. Après cet épisode, nous sommes revenus dans le camps de Jaccor, présenter nos excuses. Puis j’ai pris l’habitude d’aller le saluer lorsque je passais près de l’oasis. Ce que je veux que tu comprennes Daemon, c’est que ce n’était pas moi qui était né pour vivre parmi eux, ce sont eux qui m’ont accepté dans leur vie. Crois-tu donc qu’à ton âge ta grand-mère avait fait en sorte que je sache guider les dromadaires, aider poser les paquetages sur leur dos, ou les rassembler? Pense-tu vraiment qu’avec l’éducation qu’elle m’imposait, et qui en tous points était semblable à la tienne, j’étais destiné à passer des lunes entières avec les nomades et les marchands? Non. En t’amenant ici je savais simplement que tu apprendrais des choses, des valeurs, que jamais ta grand-mère ne pourraient t’enseigner. Jamais. Tout bonnement parce qu’elle ne connait pas cette vie.” Ses doigts se mirent à jouer d’un geste pensif avec l’une des bagues qu’il portait à ses mains. A ouvrir ainsi son passé à son fils, si soudainement, lui faisait prendre conscience du peu qu’il lui avait laissé entrevoir de lui-même depuis sa naissance. Quelle image terrible il devait donner. Lui qui n’avait presque aucun souvenirs de son père, quels étaient ceux qu’il laissait à son propre enfant? “Il est fort probable, que ta grand-mère me trouve bientôt une épouse.” La nouvelle ne l’aurait que peu préoccupé s’il n’y avait pas l’âge de la possible fiancée pour venir troubler sa nature d’ordinaire si peu sujette aux tourments. De cela il ne souhaitait pas en parler avec le jeune garçon. Trop jeune, il aurait bien du mal à concevoir que l’on puisse donner en épousailles à son père une fille du même âge que lui. Une enfant. Une Ferboys, comme sa mère se plaisait à le souligner, et à le répéter. L’héritière même de la Voie des Os, qui abandonnerait, sans doute contre son gré, son titre au profit de son frère plus jeune. “Qui donc t’as laissé entendre que tu deviendrais caravanier?” Un sourire amusé vint étirer les lèvres du dornien. “Et après tout pourquoi pas? Serait-ce une vie si terrible que tu semble l’imaginer?” Il se plut à laisser planer le doute sur ses derniers mots dans un silence qui ne dura pourtant que quelques instants. Pourtant il savait que cela suffirait amplement à faire bouillir de rage le jeune bâtard de la Grâcedieu. Il avait passé tant de temps à envoyer missives sur missives, tant de temps à cheval, entre lancehélion et le fief des Allyrion, tout cela pour mettre en place ses projets que Daemon semblait tant redouter. Aussi pour faire une leçon de cette inquiétude qui rongeait le garçon quand à son avenir, Ryon choisit d’en jouer. S’en était presque puérile, mais l’orgueil du bâtard devait être mis à mal, c’était nécessaire. “ Tu ne resteras plus très longtemps avec moi à la Grâcedieu. Ta grand-mère ne le sait pas encore, mais elle n’aura pas le choix. Je suis ton père, et tu es un bâtard, elle ne pourra que se plier à ma décision.”


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An 284, Lune 6, Semaine 2



Ryon&Daemon

Au coeur des dunes éternelles, la lumière de la lune avait changé en cendres l'aura dorée de la terre. Autour d'eux, rien ne bougeait, pas même leurs ombres, pas même les pans légers de leurs vêtements. La chaleur que le Sand avait pu ressentir auparavant autour du cuir de sa botte avait maintenant disparu. Le sol était devenu si frais qu'il avait la sensation d'avoir posé son pied dans le courant d'une petite rivière, pourtant une irrépréssible nervosité raidissait son dos d'une droiture manifeste. Il avait vécu trop longtemps sous ce ciel infini et opressant pour ignorer les dangers qui dormaient à leurs côtés. La douceur du sable fin cotoyait les crocs, les dards et tous les autres pièges qui se cachaient depuis toujours dans le désert. Il suffisait d'un seul coup au minuscule scorpion pour achever dans son sommeil le plus vaillant des guerriers.D'un frémissement presque sensuel, une vipère pouvait, à tout instant, s'annoncer en se frayant un chemin vers la surface de l'immensité arride. Mais de toutes ces menaces, nulle n'égalait celle qu'il redouta l'espace d'un battement de cil lorsque l'Héritier de la Grâcedieu se mut soudain. Face à la colère d'un père, le poison et le venin lui semblaient négligeables. Mais ces mains qu'il craignait se joignirent paisiblement dans le dos du futur Lord le laissant intact et non marqué de la gifle qu'il pensait recevoir puisqu'il savait la mériter. Ses yeux pâles ourlés de défiance suivirent le manège étrangement paisible de son géniteur.
Le brun n'osa pas croiser ses bras sur sa poitrine et les garda plaqués le long de son corps. Bien qu'il tentait de lutter contre sa nervosité, il sentait que ses épaules étaient crispées, compromettant quelque peu l'attitude nonchalante qu'il s'efforçait d'afficher. Peu lui importait. Encore fébrile de sa déclaration farouche, le jeune garçon buvait les mots de son père. Il était aux aguets. Qui savait quelle leçon l'attendait à l'achèvement de cette anecdote-ci? Mais alors qu'il contenait son malaise derrière une façade fermée, sa figure ne tarda pas à dépeindre l'incrédulité que provoqua chez lui la révélation de cette part infime du passé de l'homme qui lui tournait à moitié le dos.  Le Sand n'était pas dupe. Pour avoir cotoyé plus que de raison ces derniers temps le jeune frère du futur Lord de Denfert, il ne pouvait que savoir à quelles manières intrigantes son père et son cousin avaient pu soumettre les filles des bédouins. Mais la surprise demeurait. Imaginer son père, cet homme si droit, si honnête, si digne, s'adonner à un comportement qui inspira quoique ce fut de bestial ou de vulgaire lui paraissait  invraisemblable. Son regard revint subrepticement au squelette d'écorce de l'arbre qui assistait à leur échange. Il ne put que rester silencieux. Un mélange contrasté de sentiments imprégnaient sa poitrine. Entre le ravissement de connaitre enfin une bribe de la vie de son père et la déception orgueilleuse de savoir maintenant qu'il était beaucoup moins audacieux auprès des jeunes femmes que son père avait un jour put l'être, son coeur balançait.  Dorne restait Dorne, qu'on fut élevé au coeur flamboyant de la capitale ou dans le nid austère de la forteresse des Allyrion. Tous les enfants de la Principauté se faisaient presque un devoir, tôt ou tard, d'honorer la liberté qui leur était offerte de gouter aux plaisirs de la chair à l'envie, tant que l'amour guidait leurs actes. Quelque part, pourtant, un soupçon de déception écoeurée s'esquissait sournoisement dans son âme. C'était sans doute son éducation formelle et religieuse qui ressurgissait et voilait ce conte caucasse d'un habit infamant. Mais cette félure ne suffirait pas à ébranler la figure impénétrable de l'aura paternelle. Au contraire, ces péchés prisonniers du passé paraissaient la rendre plus imposant encore à ses yeux d'enfant.

Son pied fouillait le sable distraitement, attrapant parfois son regard détaché. La conclusion éducative de cette confrontation éclair ne convenait guère à son esprit ardent et puérile. Mais vous serez Lord, se contenta-t-il de protester silencieusement.Je ne suis qu'un Sand. Un Sand qui sait s'occuper des bêtes, et qui peut trouver son chemin dans les dunes et les étoiles. Le sentiment de privilège que voulait lui inculquer Ryon ne parvenait pas à franchir la barrière de son orgueil. Des années passeraient encore avant qu'il ne trouva dans son coeur la force d'admettre la valeur de cette apprentissage humble et désintéressé, et bien des années encore seraient nécessaire pour qu'il en épouvra de la gratitude. Pour le moment, seule l'urgence de son ambition omnubilait l'esprit du bâtard.
Sa gorge se serra en entendant finalement son père admettre l'arrivée prochaine d'une femme au coeur de la Grâcedieu. Elle serait son épouse, et rien d'autre. Daemon était trop agé et buté pour qu'elle aspira à être une mère pour lui, et Delonne avait attendu trop longtemps pour que la future épousée espéra atteindre son coeur aigri par les échecs et les aspérités du temps. La lady ne souhaitait de la jeune femme que deux choses: son Nom, et son ventre, pour qu'elle dota son fils du prestige et de la descendance que leur fief méritait. Le Sand connaissait sa grand-mère. Pour que le secret soit si grand, c'est qu'elle est fière. Elle ne veut pas gâcher la surprise. Ma marâtre sera une grande dame. conclut-il amèrement. Aucune question ne franchit cependant ses lèvres. Aucune. Quand? Qui? Autant d'interrogations sur lesquelles il n'avait aucun droit de regard. La reconnaissance qu'il devait à son père et à son aieule le reléguait au rang de simple spectateur dans cette alliance. Ryon l'avait élevé avec rigueur et intransigeance, mais il n'en avait pas moins été un père pour lui. Il aurait pu le laisser à quelque pauvresse en mal d'enfant par cette bonté dont il faisait si souvent preuve envers les Orphelins de la Sang-Vert, il aurait pu aussi le confier aux bons soins des nourices et des gardiens qui protégeaient les enfants des jardins aquatiques et où le statut du sang ne signifiait plus rien. Mais il l'avait pris dans ses bras et avait veillé sur lui.  Daemon avait grandi entre les murs blancs de la forteresse baignée des eaux vertes du fleuve et le jour qu'il redoutait arrivait finalement. Il était temps pour lui de laisser l'exigence du devoir reprendre ses droits sur la Grâcedieu à défaut de renoncer à sa place dans ce qu'il considérait chèrement dans son coeur comme son seul foyer. Dans ce bref éclat de maturité qui éclaira son esprit, une ombre puérile assombrit son visage. Il avait imaginé des rires de bambins près des marches léchées par les eaux du fleuve, et d'autres enfants que lui s'amuser à faire s'envoler les ibis blancs et noirs qui somnolaient entre les roseaux. Des frères, des soeurs? Un soupir agacé lui échappa. Il faillit lever vers le ciel ténébreux des yeux exaspérés lorsqu'une révolte plus ardente s'empara de lui aux mots de son géniteur.

"Oui!" Affirma sa voix vibrante."Oui, ce serait terrible!" Fulminant, il se calma pourtant rapidement. Ses sourcils se fronçèrent légerement, et il sembla douter. "Enfin, ce n'est pas cette vie qui serait terrible, je ne les déteste pas..." Ce serait moi, renonçant à mes rêves pour mener cette vie. Voilà qui serait réellement terrible, devina-t-il, bien que ses mots ne passèrent pas sa bouche crispée. La nouvelle révélation de son père le laissa pantois."Que...?" L'étonnement ne dura qu'un instant, et le gamin ne tarda pas à reprendre ses marques. La suspicion lovée dans ses yeux, l'insubordination naissante logée au creux de sa poitrine et dans ses jambes plantées dans le sol, Daemon foudroyait son père du regard. Instinctivement, il ne put se retenir de faire un pas en arrière, comme s'il s'apprétait à devoir fuir cette nouvelle contrainte paternelle. Il lui avait déjà imposé ce séjour malheureux parmi ces gens, on ne l'y reprendrait pas deux fois. Les machoires serrées, la mine revêche, le bâtard referma ses poings, prêt à se rebuffer. "Où irai-je cette fois? Pousser les barques des orphelins et remonter leurs filets?" Accusa-t-il cyniquement le patriarche, déduisant hâtivement de part l'évocation de sa grand-mère qu'il ne pouvait s'agir que de ce peuple marginal que Delonne avait toujours traité avec une distance respectueuse qui n'était pas moins dédaigneuse. Les "Bois-la-vase", ou les "bateliers des marécages" n'étaient qu'un maigre échantillons des expressions dont elle avait pris la peine de les baptiser à l'abris des murs blancs et frais de la Grâcedieu, bien loin des oreilles de ces bohémiens des eaux qui vivaient sur ses terres mais qui ne seraient jamais ses sujets.



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An 284, Lune 6, Semaine 2



Daemon & Ryon

Le garçon était buté. Contrarié son pied botté fouillait nerveusement le sable, sous le regard de son inébranlable père. Les yeux de ce dernier étaient posé sur le profil boudeur du bâtard, alors que le garçonnet devait ruminer quelques sombres pensées que l’héritier ne pouvait que soupçonner sans réellement en connaître la nature exacte. Cet orgueil qu’il vomissait à chacune de ses paroles, était-ce donc vraiment de lui qu’il le tenait? Il se refusait en tout cas à imaginer que pareil vice puisse être l’héritage du souvenir qu’il avait gardé de celle qu’il aurait du épouser autrefois. Et devant le désarroi que nourrissait son fils par rapport à ce qu’il lui imposait, il ne savait que répondre. Trop jeune, l’enfant ne pourrait prendre réellement conscience des mots qu’il ne pouvait que garder pour lui.
Il n’aurait rien souhaité plus ardemment que de vivre une vie telle que le garçonnet refusait avec tant d’obstination, avec tant de mépris. Cette liberté et cette simplicité que les combats de la rebellion lui avait fait désiré plus encore. Et ce qu’il pensait de ce titre qu’il porterait un jour, inévitablement. De ce devoir qui l’attendait, les responsabilités, le tout couronné d’un prestige qui n’avait plus que la saveur des cendres laissées par la guerre. Un titre qui le mènerait peut-être un jour à ordonné à des hommes sans histoire de mourir pour l’Histoire. L’Histoire de Westeros, celle écrite par les mestres, et dont les plumes ne retenaient que le souvenir de ceux dont le nom ne mourra jamais. Mais de ces pensées le bâtard n’en connaîtrait aucune. Pas maintenant. Pas encore. Etait-ce le bon choix, la question n’était pas là. Au fond de son coeur le Soleil Noir espérait que le temps viendrait ôter au jeune Sand cette ambition dévorante qui ne deviendrait que plus néfaste à mesure qu’il grandirait. Un soupir silencieux, il ponctua la réaction du garnement face à la provocation sur laquelle il s’était jeté sans attendre. Un instant plus tard, pourtant, le futur lord semblait s’être défait de cette discussion comme on se débarrassait du sable qui venait parfois couvrir le pan d’un vêtement. “ Va dormir. Demain, nous nous levons aux aurores.” Esquissant un geste dans la direction du camps, il attendit que Daemon s’exécute. La conversation était terminée, quand aux détails que le bâtard attendait sans doute avec plus de colère et d’impatience encore qu’il ne le montrait déjà, ils resteraient le secret de l’Allyrion. Après tout, il n’agissait que selon son bon vouloir.

Du dos de sa longue main, il écarta le lourd tissus qui fermait l’entrée de la tente. La fraicheur laissée par la nuit vint aussitôt caresser son visage et ses vêtements, alors que le jour se levait à peine. Encore endormi, le camps semblait figé dans le temps. L’aube déposait sur le paysage une lumière au tons pastels. Les aurevoirs avaient été faits la veille. Personne ne viendrait ce matin là pour le saluer une dernière fois avant son départ. Aussi, alors qu’il progressait en direction de l’abreuvoir, ses yeux noirs se posaient déjà avec nostalgie sur les étoffes colorées des tentes, ainsi que sur le grand brasier qui n’était plus animé que par quelques braises dont l’éclat formait une constellation au milieu du bois calciné. Calmes, les deux pur-sangs avaient déjà leur longues têtes baissée dans l’écrin de pierre où l’eau ondulait. Un ronflement profond répondit à la main qu’il posa sur l’encolure du gris, sous sa paume la robe claire frissonna à peine, alors que l’animal secouait sa crinière. Il ne fallut que peu de temps à l’Allyrion pour harnacher son cheval et ajuster les sangles de cuir, des gestes dont il ne pourrait compter le nombre de fois où il les avait fait. Le son de pas qui approchait ne le fit pas abandonner sa tâche, quand il enfonçait dans un ballotin accroché à la selle la nourriture grâcieusement offerte par leurs hôtes. Il n’avait pas besoin de se retourner, il avait déjà reconnu la respiration de son fils. Tout comme il n’aurait pas besoin de lui dire de seller son cheval pour que ce dernier fasse ce qu’il devait faire de lui-même. Il dégagea la poignée de crins noirs et blancs qui couvrait le chanfrein de sa monture, laissant apparaître le médaillon qui décorait le frontal de la bride. L’objet était abimé et le temps avait malmené la feuille d’or dont on l’avait couvert autrefois, contrastant avec celui que le jeune cheval bai aurait bientôt sur son front, et qui paraissait flambant neuf. Derrière lui, Ryon Allyrion entendait le garçon s’affairer. “Tu es prêt? Nous partons.” Souplement, il enfourcha l’étalon clair, et aussitôt il s’éloigna, lançant sa monture dans un galop modéré, mais qui eût tôt fait de quitter l’oasis pour les dunes qui l’entouraient.
S’il n’entendait pas encore la présence de son fils derrière lui, il ne se souciait pas de savoir si la distance le ferait perdre sa trace. Le jeune bai saurait mieux que lui retrouver son aîné à la robe pâle. La lumière blafarde de ce matin là donnait au sable une blancheur inhabituelle, et l’impression de voir un soleil d’Hiver se lever sur Dorne créait le sentiment de ne pas s’être éveillé d’un rêve. Au loin s’étendait un océan de dunes et de roches. A perte de vue, le désert dornien paraissait un piège cauchemardesque dont seuls ceux qui y étaient nés sauraient se sortir. Le regard perçant du futur lord avait pour sa part déjà repéré la frange de rocailles derrière laquelle se cachait le lit de la Sang-Verte.



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An 284, Lune 6, Semaine 2



Ryon&Daemon

Les yeux aggrandis par une colère outrée et vaine, le visage blème et figé, Daemon regardait son père. Il ne bougeait pas, et respirait à peine. Le poids d'un sentiment profond d'injustice, d'inexcusable pesait lourd sur sa poitrine d'enfant, comprimant ses côtes et le clouant sur place comme si les deux mains fermes du nomade n'avaient jamais quitté ses épaules encore frèles. Va dormir. Un fourmillement glissa le long de ses doigts et  coula dans ses mains engourdies en remplaçant lentement le sang de ses veines par un fluide glacé, témoin invisible de son impuissance face à la sévérité paternelle. Quand exactement avait-il perdu la confiance de son père? Quelque fut ce jour dans son passé encore jeune, il le maudissait aujourd'hui. De tout son coeur. L'homme qui le faisait monter devant lui sur son pur-sang n'était jamais revenu de la guerre, et ce Lord implacable sur lequel les blessures de la bataille s'étaient refermées ne semblait pas prêt à livrer ses secrets, et sans doute ne le serait-il jamais. Il n'y avait plus aucune joie en lui. Père. Quand ai-je ri devant-vous pour la dernière fois?, demanda-t-il silencieusement en regrettant de ne pas avoir la réponse lui-même. Comprenant que l'héritier de Delonne en avait fini avec lui pour ce soir, et qu'il n'en ressortirait que perdant, le bâtard se résigna. Sa gorge s'était resserré en même temps que l'étau de la honte qui encerrait à cet instant son orgueil. Muré dans un silence hébété, le garçon restait planté devant la haute silhouette sombre sans mot dire et sans plus savoir que penser. Il était désarmé. Fermant ses poings il se retourna brusquement, empruntant à contrecoeur le chemin que lui avait indiqué son père. Ses ongles se plantèrent dans la peau de ses paumes. Il rejoindrait la tente où on entendait le faire dormir, mais le sommeil ne le trouverait pas.

Au matin, on le trouva agenouillé près de son lit de fortune, l'air sombre. Ce fut la sensation d'une main fragile et forte tout à la fois passant dans ses mèches brunes qui le soutira enfin à la profonde réflexion dans laquelle il semblait être plongé. Son regard fataliste rencontra celui, doux et patient, de Salna. Si elle remarqua qu'il avait pleuré, la vieille femme aux cheveux cendrés décida de ne pas le relever. Sa peau brune et ridée portait ses yeux noirs comme deux bijoux de nuit. Pourtant, ces derniers étaient solaires comme ceux d'une jeune femme. Sa simple présence rassurante insuffla un peu d'air chaud dans cet espace laissé vacant dans le coeur du bâtard. Inconsciement, face à la sévérité paternelle, le manque de cet être qu'il n'avait jamais connu ne demandait qu'à être comblé, dut-il l'être par une vieille femme qui comptait déjà des dizaines de petits fils ayant atteint l'âge d'homme. Lorsqu'il avait passé les heures sombres de la nuit à prier les Sept, jamais il n'aurait imaginé que la compassion de la Mère lui serait apportée d'une telle manière, par le biais de cette aieule qui avait eu la sagesse de ne pas lui tenir rigueur de son comportement impardonable. Un sourire fin sur ses lèvres parcheminées accueillit la pointe de reconnaissance qu'elle semblait avoir lu dans le bleu farouche des prunelles du garçon. Son vêtement ample et ses bracelets caressèrent son épaule lorsque cette dernière se redressa, suivie par les yeux du brun. En poussant sur ses jambes malmenées par les ans, elle laissa échapper un petit rire charmant et mystérieux auquel le fils de Ryon ne prit pas la peine de répondre, ne serait-ce que d'un simple sourire. Il n'aimait pas cette femme. C'était elle qui, lorsqu'il n'était qu'un bambin, l'avait effrayé jusqu'à lui en faire perdre le sommeil pour plusieurs jours en lui racontant qu'un chien noir parcourait les dunes à la nuit tombée et qu'il attrapait entre ses crocs les poignets des garnements. Elle quitta ensuite la tente sans rien dire, son silence suffisant à faire comprendre au Sand qu'il était attendu dehors.
Rien que le silence le plus total l'embrassa une fois qu'il se fut extirpé de la tente. Son maigre baluchon jeté par dessus son épaule, Daemon retrouva instinctivement l'abreuvoir où étaient réunis les deux chevaux de son père. Il devina sans peine sous le soleil pâle leurs silhouettes gracieuses ainsi que l'ombre noir qui s'affairait près du grand gris. Ce fut dans un silence plus grand encore qu'il appréta son cheval, s'y reprenant à deux fois pour jeter correctement la selle sur le dos trop haut du destrier dornien. Ses petites mains avaient déjà l'habitude des sangles et des brides, pourtant, il se buta à prendre son temps pour préparer l'animal qu'il sentait frissonner sous la danse de ses doigts. De temps à autre, il jetait un regard biaiseux à la tête du bai. Les étalons sont pour la guerre, lui avait dit un soldat de la cavalerie de la Grâcedieu.Leur folie et leur force plongent sans hésitation dans la bataille. Mais pour le reste, choisis une jument. Car jamais tu ne trouveras un animal plus loyal. Ces mots avaient imprégné l'esprit du Sand, encouragé par le mythe fondateur du cheptel des Allyrion. Un Lord aurait un jour traversé le désert avec tous ses chevaux. Au premier puit qu'ils croisèrent, tous les animaux assoiffés se jetèrent sur le point d'eau sans un regard pour leur guide et protecteur. Lorsqu'il siffla pour les rappeler, seules cinq juments pâles comme l'aube détournèrent aussitôt leurs têtes fines. Etrangères au doute, elles renonçèrent à étancher la soif qui les brûlait pour rejoindre l'Allyrion. Aujourd'hui, les cavaliers de Delonne disaient à qui voulait l'entendre que tous leurs chevaux descendaient de ces cinq créatures dévouées. Mais en grimpant sur le dos du bai, Daemon se retrouvait à des lieues de cette légende chaleureuse puisqu'il ne devinait que l'ombre froide de son père qui s'éloignait. Enfonçant ses talons dans les flancs du pur-sang, il rejoignit la course de l'héritier. A son grand étonnement, il sentit qu'il regrettait déjà les éclats de rires envahissants des enfants des nomades.

A travers l'ombre bleue de l'aube, il lui semblait que les sabots de sa monture foulaient un sol fait du sel le plus pur.  Pendant les longues heures qu'ils passèrent à galoper flanc contre flanc, le garçon ne quitta que rarement l'horizon des yeux pour les poser pudiquement sur le profil de son père. Pendant un instant, alors qu'ils impulsaient à leurs destrier d'une même envie une allure plus soutenue sur une lande de terre desséchée, il sembla au bâtard que la vitre qui les séparait d'ordinaire s'effaçait. Et ce la le ravit. Galoper à ses côtés à travers la plaine désertique réchauffait sa poitrine d'un bonheur qui lui avait paru bien loin ces dernières années. Bercé par la rumeur profonde de la respiration des chevaux, il n'en oubliait pas moins la querelle sourde qui les opposait. La nuit de prière avait fait mûrir son jugement sur la manière dont son père menait ses affaires et qui, tout comme le Père des Sept, n'avait de compte à rendre à personne sur son jugement, et surtout pas à son propre fils. Le soleil était maintenant haut dans le ciel de la Principauté, et écraisait leurs corps de sa chaleur. La course ralenti, et l'on rejoignit l'ombre des monts escarpés qui déchiraient le sables. Ils étaient encore à quelques heures de la Grâcedieu, mais, déjà, le frémissement du vent dans les champs qui bordaient le fleuve leur parvenait de l'autre côté de la petite cordillière. Lorsqu'ils se mirent au pas pour reposer leurs montures, Daemon déglutit. Il sentait que le temps de parler était venu, et que cela serait certainement sa dernière chance de prendre le mors aux dents dans cet avenir que l'on semblait avoir déjà décidé pour lui. Son regard se butait sur le haut du crâne du bai, sur la vallée étroite de crin noirs et lustrés qui coulait entre ses deux oreilles agitées.  De part le contexte de sa naissance, le Sand était plus que familier avec les malignités de la fortune dont il s'était jusque là défait habilement, du moins le pensait-il jusqu'à présent. Mais maintenant qu'il avait reconnu la bonté dans les intentions qu'il avait d'abord jugé injustes de son père, il n'avait plus le droit de se comporter comme le petit garnement qu'il avait été envers les amis de ce dernier. Presque timide, il devait pourtant parler, il le savait. S'il était prêt à obéir dignement, il ne se laisserait plus conduire contre sa volonté sur une fausse route. Il prit soin d'étrangler son orgueil et ses craintes avant d'interpeller son père d'une voix plate.
"Si je ne peux pas être chevalier, alors, je vous prie, laissez-moi servir dans vos écuries. Je peux m'occuper de vos chevaux, je suis bon avec eux. Je pourrai rejoindre vos soldats, je n'ai pas besoin d'être chevalier pour me battre."déclara-t-il prudemment, bien qu'il ne manqua pas d'aplomb. Le Sand n'ignorait pas que l'on pouvait mériter le titre qu'il désirait en accomplissant des exploits sur le champs de bataille. Il comptait ses chances sur le nombre de champions qui l'attendaient de l'autre côté de la frontière. "Faites moi travailler nuit et jour comme les jeunes palefreniers, peu me chaut. Mais ne m'obligez pas à quitter la Grâcedieu." Ne m'obligez pas à vous quitter encore.



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An 284, Lune 6, Semaine 2



Daemon & Ryon

La chaleur pesait sur eux ainsi que sur leurs montures, dont les robes claire pour l’un et sombre pour l’autre, brillaient désormais d’une pellicule de sueur. Le pas tranquille auquel la course avait cédé la place paraissait donner corps au silence du désert. Seul le vent qui venait caresser le sable leur assurait que le temps ne s’était pas arrêté. La quiétude convenait à Ryon Allyrion, il était capable de garder ce mutisme qu’on lui reprochait souvent jusqu’à la Grâcedieu. Pourtant, bien qu’il ne le regardait pas, il percevait la nervosité latente de son fils bâtard qui chevauchait à ses côtés. Il sentait se poser sur lui le regard bleu du garçon, quand lui-même ne daignait  pas détourner le sien de l’horizon de dunes et de roches. Bien que le désert fût vaste, à l’approche des rives du fleuve, les deux cavaliers se trouvaient flanqués de deux barrières de roche, dont l’ombre venait encore les couvrir. Le désert immuable ne rappelait que d’avantage à l’Allyrion que le temps s’écoulait. Si les choses se déroulaient selon ce que désirait la lady de la Grâcedieu, il serait fiancé d’ici quelques lunes, ou peut-être n’était-ce l’affaire que de semaines, à une enfant de l’âge de son fils. Malgré le nom prestigieux de celle-ci, cette union le dégoutait déjà. Il avait, quelque jours plus tôt, accueillit la nouvelle avec le plus glacial des silences. Sa colère ne s’était pas faite entendre, pourtant sa mère l’avait sans doute anticipée, car elle ne l’avait pas mandé depuis lors. La rejoindre. Combien de fois cette idée avait-elle traversé ses pensées, comme la dernière chance de vivre ce destin qu’il s’était résigné à abandonner il y avait des années de cela? Retrouver le regard bleu de celle qu’il voyait à chaque fois qu’il croisait celui du tout jeune Sand. Goûter de nouveau à la sérénité d’une amitié si profonde qu’il ne doutait pas un seul instant qu’elle était demeurée intacte, malgré les évènements, et malgré le temps. Mais il ne la reverrait plus. La fatalité et l’orgueil des dorniens le condamnait à accepter sans rechigner ce dessein choisi par sa mère. Le Soleil Noir serait bientôt fiancé à la fille aînée du Lord Ferboys, et il se devait d’embrasser ce destin avec la dignité et l’honneur que l’on attendait de lui. La voix étrangement neutre du garnement le sortit du flot de ses pensées. Un soupir passablement énervé lui échappa et son souffle traversa l’étoffe sombre qui couvrait son visage. S’il semblait toujours resté de marbre face aux aléas de la vie, cela ne l’empêchait pas de briser de temps à autre cette image sévère et austère que l’on avait assurément forgé à sa place. Le jeu qu’il avait lui même initié à ainsi se jouer de la maigre patience de son fils avait eut raison de la sienne avant celle de ce dernier. “Tu ne seras pas palefrenier. Ni un soldat.” Sa voix tomba comme un couperet quand il lui répondit. “ Mais ce qui est certain, c’est que tu devras quitter la Grâcedieu. Pour quelques années tout du moins.” Ce qu’il s’apprêtait à révéler au garçon ferait à n’en pas douter, s’arracher les cheveux à la lady de la Grâcedieu. Adieu l’avenir sévère et studieux qu’elle lui réservait dans un septiçaire ou à la Citadelle de Villevieille. Car aussi prestigieux que ces plans de vie pouvaient être pour un simple bâtard, Ryon Allyrion se refusait à laisser encore une fois parler la vanité de sa mère. Car à ses yeux son fils ne serait jamais un bâtard. Il n’était pas l’enfant d’une catin, mais celui d’une femme issue d’une grande Maison. Il était son fils. Aussi il avait oeuvré en silence et en secret, sans que personne ne se soit douté qu’il puisse ainsi défier de nouveau la terrible Delonne Allyrion. Un jour sans doute, tous arrêteraient de faire la grossière erreur de confondre son silence avec de la passivité. “Lorsque nous arriverons à la Grâcedieu, tu te reposeras. Tes affaires ont déjà été préparées.” Il marqua une pause alors que son bras s’écartait afin de diriger sa monture vers un chemin escarpé qui descendait dans une gorge de roches. La descente pris quelques instants, car il fallait laisser aux pur-sangs le loisir d’assurer leur pas agile entre le sable mou et les pierres lisses. Une large foulée enthousiaste du cheval gris le fit définitivement plonger dans la lumière du soleil, laissant l’ombre des roches derrière eux. Ils étaient arrivés sur les rives du fleuve, et l’eau ondulante de ce dernier brillait comme un miroir, les aveuglant presque. Alors qu’il poussait son vieil étalon à entrer dans l’eau jusqu’à hauteur des genoux de l’animal, Ryon allyrion se retourna vers le bâtard qui le suivait. “Demain, je t’amènerai à Lancehélion. Tu voulais devenir chevalier n’est-ce pas? Je te donne la chance d’en devenir un."Il marqua une silence."Tu seras au service d’Oberyn Martell.” La résignation qu’il avait perçue dans les mots de son fils l’avait touché, bien qu’il n’en avait rien montré. Il n’imaginait que trop facilement son jeune esprit abandonner les espoirs nourris pendant des années pour se soumettre à la fatalité de ceux qui n’avaient pas de nom. Il ne voulait pas que l’orgueil de la lady de la Grâcedieu coûte à l’enfant d’avantage, quand sa vanité lui avait déjà coûté de ne pas porter le nom des Allyrions. Les jambes du pur-sang se levait lentement alors qu’ils progressaient dans l’eau des rives où la végétation se battait contre le désert, mais dans une moindre mesure comparé à la luxuriance des abords de la Grâcedieu. “ Pour certains hommes, Daemon, rien n’est écrit que ce qui est écrit par eux.”



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